- Appelle-le !
Bellatrix enfonça un peu plus le bout de sa baguette contre la gorge d'Hermione, mais cette dernière le sentait à peine. La mangemort avait empoigné ses cheveux, qu'elle tirait férocement en arrière pour la tenir en place. Mais cela non plus elle ne le sentait pas. Son corps était toujours engourdi par les effets du sortilège de Doloris. Jamais elle n'avait ressenti une telle douleur, comme autant de couteaux lui transperçant chacun de ses nerfs.
Lorsqu'Harry et Ron firent irruption dans le grand salon du manoir, Hermione sentit l'espoir renaître l'espace de quelques secondes. Ses deux amis avaient réussi à s'échapper des cachots et se tenaient devant elle, alors peut-être leur restait-il une chance de s'enfuir. Mais à peine avait-elle eu le temps de poser les yeux sur eux que Bellatrix la tenait de nouveau entre ses griffes, la prenant pour otage. De sa position, Hermione ne voyait pas grand-chose. Mais elle le voyait, lui.
Draco. C'était à lui que Bellatrix s'était adressée et, en bonne nouvelle recrue, il obéirait. Il avait eu l'occasion de les dénoncer, un peu plus tôt. Lorsque les trois gryffondor avaient été capturé et amenés devant les Malfoy par un groupe de raffleurs, Lucius avait sommé son fils de confirmer leur identité. Celle de Harry, tout particulièrement. Mais il n'avait rien dit. Hermione ne savait pas pourquoi, d'ailleurs. Elle n'avait pas vraiment eu le loisir d'y réfléchir de toute manière. Elle s'était dit, sur le moment, qu'il devait avoir peur. De quoi exactement, elle n'en était pas certaine. Peut-être avait-il craint de se tromper, de faire une erreur. Et seul un idiot n'aurait pas peur des conséquences qui pourraient découler d'une telle affaire.
Mais Hermione ne le connaissait que trop bien. Draco restait Draco, et après toutes ces années, il tenait enfin sa revanche sur Harry Potter. La gloire lui tendait les bras, à lui et à sa famille. S'il n'avait pas osé s'affirmer quelques heures plus tôt, il le ferait maintenant. Il n'avait qu'un geste à faire et le blason des Malfoy serait redoré pour plusieurs générations. " Ceux qui ont capturé l'élu Harry Potter, le traître à son sang Ron Weasley, et la sang de bourbe Hermione Granger ".
Mais lorsqu'elle croisa le regard de son ennemi, Hermione se senti défaillir encore un peu plus. Draco se tenait devant elle, aux côtés de son père et de sa mère. Mais quelque chose clochait. Le jeune mangemort hésitait. Son regard était fuyant, incertain et lorsqu'il croisa le sien, une fraction de seconde tout au plus, Hermione en eu la confirmation : il était terrifié.
- Appelle-le ! Hurla Bellatrix tout en resserrant sa poigne dans la chevelure de son otage.
Son cri n'eut pour effet que de faire reculer son neveu, qui fut rapidement mis à l'écart par son père. Lucius afficha une moue agacée puis, déterminé, s'avança. Le Lucius Malfoy qu'elle avait connu six ans auparavant était bien loin.
Les joues creusées, la barbe mal entretenue, les cheveux ternes... les beaux jours des Malfoy s'étaient envolés en même temps que la prestance de leur chef de famille. Mais Lucius avait l'occasion de réparer ses erreurs d'un seul geste, ici et maintenant. Un mélange de colère et d'appréhension parcouru ses traits alors qu'il relevait la manche de sa veste d'un main tremblante. La tête haute, il mit à jour la marque des ténèbres qui lui ornait l'avant bras et leva son autre main, prêt à appeler son maître.
Alors que le silence se faisait plus pesant que jamais, Hermione sentit la mort approcher, inévitable. Comme quelque chose qui lui tordait les boyaux et lui glaçait le cœur. C'est ici qu'ils allaient mourir. Elle ne pourrait plus caresser le dos de ses livres. Elle ne pesterait plus pendant les cours de divination. Elle n'acclamerait plus Harry lors d'un match de Quidditch. Elle ne ferait plus semblant d'être agacée par l'humour douteux de Ron. Eux aussi semblaient ressentir tout cela. Harry n'avait jamais eu l'air aussi désemparé qu'à cet instant, et Ron, paralysé, la regardait comme si c'était la dernière fois qu'il posait les yeux sur elle.
Hermione détourna son regard de ses amis et, de nouveau, croisa celui du jeune serpentard qui se tenait dans l'ombre de sa mère. Ses grands yeux de glace plongèrent dans les siens avant de se lever vers quelque chose au dessus d'eux, dans une expression qu'Hermione n'arriva pas à identifier.
Crric crrrric crrrrric
Lucius se figea, la main toujours tendue au dessus de sa marque. Tout le monde leva la tête vers l'origine du bruit de froissement métallique qui emplissait la pièce. Hermione sentit même la poigne de Bellatrix se défaire un peu. Perché à plusieurs mètres d'eux, à califourchon sur l'imposant lustre de cristal, se trouvait Dobby. Et c'était lui qui était à l'origine de ce bruit improbable, car il était entrain de dévisser le lustre l'air guilleret.
L'objet se décrocha et entama sa chute. La vision d'Hermione se troubla alors qu'il se dirigeait droit sur elle. Elle était détenue par Bellatrix Lestrange et allait mourir écrasée par un lustre. D'un coup, la mangemort la relâcha avant de se jeter sur le côté pour esquiver l'objet. Mais la gryffondor eu beau hurler à ses jambes de courir à la seconde où elle se sentit libre, son corps ne l'écouta pas. Elle allait tomber et se faire empaler.
Tout alla alors très vite. Des cris retentirent. Juste avant l'impact, quelque chose la percuta, la projetant au sol avec force. Il y eût un brouhaha assourdissant. Hermione voulu se relever, mais quelqu'un, qui se tenait juste au dessus d'elle, l'en empêcha.
- Attends, murmura une voix.
Elle releva la tête. C'était Draco. Alors, prise de panique, Hermione chercha ses amis des yeux. Des éclairs de sortilèges fusaient au dessus d'eux, faisant valser des débris de cristal provenant du lustre qui gisait en morceau au milieu de la pièce. Elle les aperçu alors de l'autre côté. Ils étaient entrain de se défendre contre le groupe de mangemort.
Soudain, Dobby apparu à leurs côtés. Hermione croisa le regard alarmé de Harry, suivi de celui de Ron. Ils allaient disparaître.
- Harry ! hurla t-elle.
Trop tard. Il y eu un bruit sourd, puis plus rien. Ils s'étaient volatilisés. L'elfe de maison les avait emmené. Ils étaient partis sans elle. La sensation de vide que ressenti Hermione fut alors plus vive et saisissante que la douleur qui lui sciait toujours le corps.
Tout à coup, Draco se retourna vers elle et lui attrapa la main. Avant qu'elle n'eu le temps de s'écarter, elle se sentit disparaître à son tour.
Le monde tourna à une vitesse folle autour d'elle. Enfin, d'eux. Malfoy la tenait toujours, il avait transplané. Hermione sentit la panique monter au creux de son ventre. Pourquoi avait-il transplané ? Sentant le vent tourner, il avait peut-être décidé d'aller lui même à la rencontre de son maître et d'assumer son statut tout récemment acquis. Si c'était le cas, Hermione le savait, elle ne ferait pas long feu.
Lorsque le monde redevint stable et droit, elle tomba à genoux, prise de nausées. Transplaner dans son état aurait pu la tuer. Un bras essaya de la relever, mais elle le repoussa avec violence avant de se mettre debout d'elle-même, à bout de forces.
Elle observa la pièce dans laquelle ils venaient d'apparaître. C'était un grenier ; un vieux grenier. Il était presque vide, à l'exception de deux grosses armoires en bois sculpté, un fauteuil miteux, un vieux sofa et de quelques meubles recouverts de draps blancs et poussiéreux. Il y avait une grande fenêtre sur l'un des pans du toit, laissant apparaître les tuiles et ardoises des bâtiments alentours et le ciel étoilé. Elle ne reconnaissait pas ce lieu. Alors, elle se retourna vers Draco. Il se tenait à l'autre bout de la pièce, un peu essoufflé.
- Où sommes nous ?! exigea t-elle.
Une expression indéchiffrable passa sur le visage du serpentard, mais il ne répondit rien. En vérité, il ne l'avait pas entendue. Et de toute manière, il était trop concentré à contrôler ses propres tremblements pour former une phrase cohérente. Il se contenta donc se fourrer l'une de ses mains dans la poche de sa veste noire avant d'avancer vers elle.
- Ne m'approche pas, menaça t-elle en reculant le plus possible.
Draco l'observa d'un air incrédule alors qu'il essayait toujours de reprendre son souffle. Puis, à la grande surprise d'Hermione, il leva son autre main devant lui comme pour montrer patte blanche. Se voulait-il rassurant ? Après tout ce qu'il venait de faire ? Son comportement ne faisait aucun sens, si bien qu'elle se trouva décontenancée.
La jeune femme recula jusqu'à être dos au mur, et lui avança jusqu'à ce que moins d'un mètre ne les sépare. Elle et lui n'avaient jamais été aussi proches, si on ne comptait pas la fois où elle lui avait envoyé son poing dans le figure, en troisième année. Elle se rendit compte comme il avait grandi, comme il était grand comparé à elle. Le jeune mangemort la dépassait d'une bonne tête. Il se redressa presque imperceptiblement. Il ne la regardait pas dans les yeux et ses mâchoires se contractaient. Puis, après un court instant, il releva le regard vers elle. Etrangement, elle ne lisait aucune animosité sur son visage, si bien qu'elle eu l'impression de ne pas le reconnaître.
Puis, avec une lenteur calculée, Draco leva la main qui n'était pas dans sa poche pour saisir l'avant bras gauche d'Hermione. Il l'avait bougé si lentement qu'elle aurait eu le temps de réagir. Elle aurait pu le gifler, lui cracher au visage, ou même partir en courant. Mais elle n'en fit rien, trop sidérée pour articuler le moindre geste, terrifiée par le contact des doigts de son ennemi sur sa peau. Délicatement, il prit son bras et le releva entre eux.
« Sang de bourbe »
Hermione avait presque oublié. Des larmes traîtresses menaçaient de jaillir de ses yeux lorsqu'ils se posèrent sur ce que Bellatrix avait gravé dans sa chair, quelques instant plus tôt. Elle voulu retirer son bras, mais Draco ne le lâcha pas. Elle le questionna du regard, mais de nouveau, il ne dit rien. Le mangemort reporta alors son attention sur la blessure. Puis, d'un geste lent, il sortit quelque chose de la poche de sa veste. Sa baguette à elle. A nouveau, elle eût un mouvement de recul, mais il agrippa plus fermement son bras. Alors, il plaça le bout de la baguette au dessus de la plaie, et ouvrit légèrement la bouche. Sa voix résonna alors doucement dans la pièce.
- Vulnera Sanentur.
Il esquissa un geste fluide et lent au dessus de la blessure d'Hermione, qui cicatrisa presque instantanément. La plaie s'effaça comme se propagerait une tâche d'encre sur un parchemin et toute douleur quitta son corps. Draco relâcha le bras de la gryffondor avant de relever les yeux vers son visage, hésitant. Comme s'il cherchait à en déchiffrer les moindres émotions. Perplexe, Hermione l'observa. Le peu de pensées sensées et logiques qu'elle s'évertuait à tricoter dans son esprit depuis plusieurs minutes se volatilisèrent en un instant.
Sans la quitter des yeux, il lui tendit la baguette. Elle s'empressa de l'attraper. Décidément, son comportement ne faisait aucun sens. Puis, hésitant, Draco sortit un morceau de parchemin de l'intérieur de sa veste. Il lui tendit d'une main tremblante, attendant qu'elle ne s'en saisisse. Hermione resta interdite et déboussolée quelques seconde avant de s'en emparer. Le serpentard recula de quelques pas, alors qu'elle relevait ses mains contre son cœur, comme si elle voulait essayer d'en calmer les battements.
Etrangement, elle avait beau être la née moldue face au mangemort, c'était lui qui semblait être le plus vulnérable d'eux en cet instant. Il semblait complètement paniqué, comme s'il venait de prendre la mesure de ce qu'il venait de faire et que son corps tout entier était en état de choc. Il venait de la sauver. Hermione le dévisagea et croisa de nouveau son regard. Aussitôt, Draco sembla se rappeler à l'ordre et se renfrogna. Ses traits se durcirent instantanément.
- Ne bouges pas d'ici, dit-il froidement.
L'air hagard, il quitta précipitamment la pièce par la porte qui se trouvait contre le mur du fond, laissant Hermione seule au beau milieu du grenier.
Plusieurs minutes passèrent, pendant lesquelles Hermione ne bougea pas. Elle resta plantée là, reconnaissante d'avoir un mur contre lequel s'appuyer afin de l'aider à tenir debout. Le silence qui avait suivi le départ du serpentard était assourdissant.
L'adrénaline qui lui avait permis de tenir debout jusqu'ici se dissipa, réveillant la douleur du sortilège qu'elle avait subit quelques minutes plus tôt, au manoir. Tout était allé si vite qu'elle avait du mal à réaliser l'enchaînement de situation improbables qui venaient de se produire. Où étaient Harry et Ron ? Etaient-ils en sécurité ? Et elle, où se trouvait-elle ? Hermione ravala un sanglot. Ce n'était pas le moment de céder à la panique. Elle devait garder la tête froide.
Alors, elle baissa les yeux sur la note que Draco lui avait donné. Elle caressa machinalement le bois de sa baguette, rassurée par la douce chaleur familière qui s'en dégageait. Le papier était fin et élégant et semblait l'observer en retour. Hermione se laissa glisser au sol jusqu'à s'asseoir, les genoux repliés contre sa poitrine. D'une main tremblante, elle le déplia. Des mots griffonnés à la plume d'une main mal assurée étaient tracés sur le papier.
« Je reviens bientôt. Attends moi. D. »
