36. Visions Spectrales
J'étais de ces personnes qui se réveillent rapidement et, une fois réveillée, j'aimais être active. Je n'ai jamais été de ceux qui se prélassent paresseusement au lit, pas même lorsque je me sentais malade. Ce dimanche matin, pour la première fois depuis la naissance d'Annie, je voulais me retourner et me rendormir. Je ne le pus pas.
Je ne pouvais prétendre souffrir de la gueule de bois qui mettrait fin à toutes les gueules de bois, car selon mon expérience limitée, elles le sont toutes. Ma bouche était asséchée, ma tête pulsait douloureusement et ma vessie était sur le point d'exploser. L'urgence désespérée de ce dernier mal surpassa tout le reste. Bien que je ne veuille pas bouger, je n'eus pas le choix.
Forçant mes yeux à s'ouvrir, j'essayais de faire le point sur mon environnement. Les murs semblaient vaciller. M'asseoir dans le lit fut une épreuve et la douleur dans ma tête fut exacerbée par la rencontre avec un rayon laser de lumière du jour brûlant à travers un interstice dans les rideaux. Tandis que le rai de soleil passait sur mon visage, il activa un détonateur. Des feux d'artifice explosèrent derrière mes yeux et les explosions résonnèrent dans mon crâne. Malgré ma désorientation, je me forçais à me mettre debout et titubais en direction de notre salle de bain privative.
Afin d'apaiser les effets pyrotechniques dans ma tête, je fermais les yeux et espérais que la familiarité de mon environnement serait suffisante pour m'amener à ma destination. Cela fonctionna presque.
Alors que je titubais aveuglément vers la salle de bain, je trébuchais sur mes chaussons et perdis l'équilibre. Forcée d'ouvrir les yeux, je parvins à rester debout. Trois pas résonnant bruyamment et une main m'équilibrant sur le chambranle de la porte suffirent à me garder à l'état vertical. Bien que je ne sois pas tombée, l'afflux soudain de lumière s'associa aux chocs de mes pas lourds pour me rétablir pour exacerber ma douleur. Les deux premiers pas furent sur la moquette de la chambre, le dernier sur les carreaux froids de la salle de bain. Je pris un moment pour récupérer, puis fit trois pas supplémentaires vers ma destination.
En m'asseyant, je fermais les yeux et essayais de me remémorer les événements de la veille au soir. Mon cerveau ne fonctionnait pas correctement. Des souvenirs confus d'un fantôme, de flashs de lumière bleue, d'enfants bruyants, d'amis inquiets et de Harry sprintant vers les bois ne fit qu'empirer les choses. Je ne pouvais tout simplement pas me souvenir.
L'éblouissante représentation qui se déroulait à l'intérieur de mon crâne semblait avoir passé son apogée et mon corps commençait à redevenir capable de différencier la verticale de l'horizontale. Malheureusement, réorganiser les pièces du puzzle de souvenirs en une image cohérente semblait impossible. Une vague sensation de danger me rendit désespérée de savoir si tout le monde allait bien. Je décidais d'un plan simple. Tirer la chasse d'eau, me laver les mains, descendre au rez-de-chaussée, demander à Mike.
Je parvins à faire les deux premières choses.
Quand j'ouvris la porte de la salle de bain, quelqu'un était assis sur le lit et m'attendait. Je regardais en direction de la tâche informe de la taille de Mike sur le lit et forçait mes yeux à peine entrouverts à faire le point. Le demi-sourire de mon mari était, à mon avis, un de sympathie.
"Je t'ai apporté le petit-déjeuner au lit," dit-il.
Je pensais qu'il essayait d'être discret, mais ma gueule de bois me disait le contraire. Me concentrant soigneusement, je parvins avec succès à identifier les éléments sur le petit plateau qu'il me présentait. Un verre pétillant d'un liquide blanchâtre, probablement du sel de foie Andrews, et deux aspirines.
"La bouilloire est en route, si tu veux un thé," ajouta-t-il doucement. "J'ai mis des toasts à griller pour toi, si tu te sens de manger. Ça fait très longtemps que je ne t'avais pas offert le traitement toast et pâte à tartiner Marmite. Ça a toujours bien marché pour toi."
"C'est…" je m'arrêtais. Le coassement rauque qui était sorti de ma bouche appartenait à quelqu'un d'autre.
Mike me tendit silencieusement le verre. J'avalais la moitié du liquide et tendit la main pour prendre les comprimés. Mike souleva le plateau. Prenant l'aspirine, j'utilisais le reste du liquide pour les faire descendre.
"Mieux ?" demanda-t-il.
Je secouais la tête. Ce fut une nouvelle erreur. Tout en rebondissant dans mon crâne, mon cerveau m'indiqua en termes très spécifiques qu'il ne voulait pas être secoué, ni remué. Je grognais.
"Apparemment pas," me dit joyeusement Mike.
L'agacement bondit au premier plan. Tout ceci était entièrement de sa faute. Il m'avait laissé boire une bouteille entière de vin. Il avait conduit, il avait été sobre, il aurait dû m'en empêcher ! L'envie pressante de l'engueuler était forte, mais le bon sens prévalu. Je savais que lever la voix – si j'avais encore effectivement une voix à lever – me ferait plus de mal à moi qu'à lui. Lui tendant le verre, je me frottais le visage dans les mains et réalisais que je ne m'étais pas démaquillée avant de me coucher. Cela n'aurait pas dû me surprendre, car je ne me souvenais pas m'être mise au lit. Je ne me souvenais pas de grand-chose après notre arrivée à Drakeshaugh.
"Les enfants !" coassais-je. C'était ma question la plus urgente.
"Ils vont bien," dit-il. "Ils sont assis devant la télé. Tout le monde va bien, même si ce pauvre randonneur perdu a apparemment fait une sacrée chute."
Incapable de donner le moindre sens à la dernière phrase de Mike, je décidais de ne pas insister. J'avais besoin de quelques minutes de plus pour me réveiller correctement. "Douche," lui dis-je. "Et après, thé et toasts."
"Dacodac, Jack," me dit-il. Sa réponse joviale engendra un regard noir de ma part. Son absence d'effet spectaculaire sur lui fut une preuve de plus que j'avais définitivement besoin de temps supplémentaire pour me remettre.
"Indigestion ?" Sa question me montra à quel point mon regard noir avait été pathétique.
"Agacement," lui dis-je.
"Oui, d'accord. Tu n'as pas eu de lendemain difficile depuis notre voyage à Kos, et c'était il y a six ans. C'était ton 'plus jamais, jamais', tu te rappelles ?"
"Mmh, hmm," soupirais-je en approbation. Hocher la tête était trop risqué.
"Ça m'a pris des plombes pour trouver les sels de foie," poursuivit-il joyeusement. "Je n'arrive pas à me rappeler de la dernière fois qu'on les avait utilisés. Ils ne périment pas, j'espère ?"
"Mmh-mmh." Presque le même son, mais sens opposé. Il comprit. Tout est dans la hauteur des sons.
"Au moins je sais où est le thé, le pain et la pâte Marmite. Tartines de pain complet, ça je sais, mais pour le thé, English breakfast, Assam ou Darjeeling ?"
"Breakfast," lui ordonnais-je, le chassant d'un geste.
~~~oooOOOooo~~~
Il s'était presque écoulé une demi-heure quand j'arrivais enfin en bas. Henry et Annie étaient dans le jardin, jouant sur la balançoire.
Quand j'entrais dans la cuisine, Mike me versait une tasse de thé. Il y avait trois tranches épaisses de pain complet sur la table, et elles étaient méticuleusement couvertes d'une fine couche de pâte Marmite. Il avait coupé les toasts diagonalement et les avait arrangés délicatement en forme de fleur sur l'assiette. Les voir me fit sourire. Il avait pris beaucoup de peine, et pas uniquement pour la présentation. Mike avait la solide opinion que les coupures diagonales étaient prétentieuses. De son point de vue, les miches étaient cuites rectangulaires et ne devaient jamais être coupées en triangle. C'était l'une de nos disputes les plus idiotes.
"Je t'aime tellement que j'ai même été prêt à couper les tartines de la mauvaise façon. Juste pour cette fois, et seulement parce que tu es assez fragile," dit-il. "Ils sont peut-être un peu froids, désolé. Je les ai mis à griller quand je t'ai entendu éteindre la douche. Tu as mis plus de temps que je pensais à descendre."
"Merci," marmonnais-je. Prenant une tranche, je pris une grande bouchée. La tartine était à peine tiède, mais la pâte Marmite fit sa magie. "Ça ira," dis-je alors que mes papilles s'animèrent et remirent en service mon corps et mon cerveau.
"Tu as l'air mieux," me dit Mike pendant que je mâchais. "Toujours pas génial, mais quelques crans au-dessus de salement atroce." Il m'offrit un sourire insolent.
"Merci beaucoup," grommelais-je, prenant une grande gorgée de thé. "Dis-moi ce que j'ai manqué hier soir."
"Quelle est la dernière chose dont tu te souviens ?" demanda-t-il.
"J'ai vu…" Je le regardais droit dans les yeux, essayant de l'avertir qu'il ne devait pas se moquer de moi. "J'ai vu le fantôme de Polly Protheroe. Elle a dit 'Il est ici !' J'ai entendu ses paroles aussi claires que le jour. Ensuite j'ai entendu un coup de feu. Enfin, je crois que c'était un coup de feu. Est-ce que c'était un coup de feu ? Ça aurait pu n'être rien de plus que l'un des enfants –Al, je pense– qui criait pan."
"C'était bien Al, qui a crié," me dit Mike. "Ça a sonné très bizarrement, presque réel. Ça a dû être à cause de la façon dont ça a résonné dans les arbres. Tu ne te souviens de rien d'autre ? Tu ne te souviens absolument pas d'avoir été dans Drakeshaugh ?"
Je fermais les yeux. "Tu m'as aidé à sortir pour rejoindre la voiture," me souvins-je. "Donc, logiquement, j'ai dû être à l'intérieur."
"Je t'ai portée à l'intérieur," dit Mike. "Après que Al a crié, Harry, Ron et Hermione ont détalé comme des lièvres pour aller voir ce qui se passait avec les enfants. Ginny voulait les accompagner, mais Harry lui a dit qu'elle était trop saoule. Elle l'a écouté. Ce n'était pas plus mal, parce qu'elle n'était clairement pas en état d'aller avec eux. Je voulais y aller aussi, mais je te tenais et tu étais un poids mort, et les autres étaient partis comme des sprinteurs."
Mike s'interrompit et baissa la tête. Les enfants avaient eu besoin de lui et il avait été bloqué, tenant sa femme ivre-morte. Je savais qu'il était perdu dans les 'et si'.
"Est-ce que tu l'as vue ?" demandais-je.
"Ouais." Mike hocha la tête. "Une fois que les alarmes ont été arrêtées, elle est arrivée à la maison avec Harry, Ron, Hermione et les enfants."
Voyant la surprise sur mon visage, il secoua la tête. "Omelette sudiste", dit-il. "Tu me demandais pour le fantôme de Polly Protheroe, c'est ça ? Je parlais de Camelia l'Ado Vampire. Je n'ai vu aucun fantôme."
Il y avait un certain écart pour passer d'embrouillamini à omelette sudiste, mais j'avais l'habitude des jeux de mot débiles de Mike et c'était l'un de ceux qu'il utilisait dès que possible. C'est la seule personne qui trouve ça amusant, bien que je suspecte que Ron serait aussi amusé.
"Camelia est un peu étrange," marmonnais-je, entamant ma troisième tartine. "Mais des mains froides ne font pas d'elle un vampire."
"Dit la femme qui pense avoir vu un fantôme !" Mike m'offrit un regard d'excuse presque avant même d'avoir terminé cette phrase. "Désolé, Jacqui," poursuivit-il doucement. "Je sais que tu es certaine de ce que tu as vu et entendu, je peux le voir sur ton visage. Mais j'étais juste à côté de toi et je n'ai rien vu du tout. Tout ce que j'ai entendu c'est alarme et les enfants. Je ne pense pas que qui que ce soit d'autre l'ait vue non plus. Je ne leur ai pas demandé, mais je suis certain qu'ils auraient réagi face à un fantôme."
"Tu m'as porté dans Drakeshaugh," dis-je alors que les souvenirs commençaient à remonter. "Et tu m'as allongée sur un canapé. Est-ce que tu sais ce qui se passait dehors ? C'était quoi ces lumières et ces alarmes ? Qu'est-ce qui est arrivé aux enfants ? Il y a eu un compte à rebours, c'était quoi ?"
Mike se pencha au-dessus de la table et pressa mes mains. "La pâte Marmite fait son effet magique. Tu te souviens de trucs et tu poses les questions que j'attendais que tu poses. Assieds-toi, mange tes tartines et je vais te raconter tout ce que je sais."
Je pris une autre gorgée de thé et remplis ma tasse presque à moitié vide avec la théière.
"Il était une fois," commença Mike.
"Correctement," ordonnais-je.
"Très bien." Il avança la lèvre inférieure. "Tu étais assise sur le gravier, quasiment inconsciente, quand tout est parti en vrille. Comme tu l'as dit, le téléphone de Harry faisait un décompte et quand il est arrivé à zéro, des tas de lumières bleues ont clignoté entre les arbres. C'était apparemment une des fonctions de son système de sécurité. Harry et les autres sont partis en courant et je t'ai soulevé pour t'emporter dans Drakeshaugh. Ginny a tenu la porte pour moi. On est allé dans cette autre pièce dans le vestibule, le bureau de Ginny, parce qu'il y a un canapé dedans. Je t'ai allongée sur le canapé, tu t'es mise en boule et…"
Un autre souvenir revint avec une précision embarrassante. Je me pris la tête dans les mains. "Oh mon Dieu, non," marmonnais-je. "Je t'en supplie, ne me dis pas que j'ai vomi…"
"J'aimerais pouvoir," dit-il. "Presque tout est parti par terre !"
"Presque !" Je baissais la tête, honteuse.
"Ginny s'est précipité dans la cuisine je suis resté avec toi. Le bureau est une pièce bizarre. Il y a plusieurs vieilles peintures à l'huile là-dedans. L'une représente apparemment les grands-parents de Harry, une autre seulement un fauteuil vide. Le bureau est ancien. Il y avait même un encrier dessus. Pendant que je m'occupais de toi, il y a eu une autre annonce. La femme du décompte a dit : 'Suspect interpellé, situation normale, retrait des troupes." Tu as ouvert les yeux pendant une seconde, et ensuite tu les as refermés."
"Hmm," dis-je. J'avais aussi un vague souvenir de cette annonce.
"Tu gémissais et tu étais quasiment inconsciente. Ginny est revenue avec un seau et une serpillère. La situation d'urgence et l'annonce avaient eu l'air de la faire décuver et de la calmer. Je me demande pourquoi on dit cuver pour faire passer l'alcool lentement et décuver quand c'est rapide. Enfin bref, Ginny a pris les choses en main. Elle m'a dit que tout le monde allait bien et revenait vers la maison, et ensuite elle m'a poussé hors du bureau pendant qu'elle nettoyait le sol et toi."
"Oh mon Dieu," grognais-je à nouveau.
Mike me serra la main avec sympathie et poursuivit son récit. "Elle est un peu comme toi, tu sais. 'Laisse-moi faire, Mike. La bouilloire est en route. Si tu veux te rendre utile, va préparer du thé.' On ne dirait pas comme ça, mais je ne suis pas idiot, je sais quand obéir aux ordres d'une femme. Je mettais les sachets de thé dans la théière Camelia l'Ado…" Je lui lançais un regard mauvais, et cette fois cela fonctionna. "Quand Camelia est entrée. Je lui ai demandé si elle voulait du thé, elle a dit : 'Che feux poire ton sang'… désolé, je ne peux tout simplement pas m'en empêcher des fois."
"Arrête tes imbécilités !" ordonnais-je.
"Ça va pas être facile," répondit-il, prenant une voix pompeuse et sérieuse. "Camelia a refusé mon offre de rafraîchissement et alors tout le monde est arrivé. Les enfants sont entrés en trombe et ils m'ont raconté qu'ils avaient capturé le méchant. Ils ont dit qu'Al lui avait 'tiraillé' dessus." Mike s'interrompit.
"C'est là que les choses se compliquent. Reste avec moi. Si c'était un film – est-ce qu'on vit vraiment dans un film, ces temps-ci ? Désolé. Je continue. Il est temps de faire un flashback. Scène : les enfants dans l'aire de jeu intérieure d'un restaurant-bar local. Sept enfants serrés dans un cube en plastique. Ils ne planifient pas la domination du monde, mais l'un d'eux, notre fils, distribue des armes."
"Quoi ?" couinais-je.
"Ton père a donné à Henry sept douilles usagées, tu te souviens ?"
Je hochais la tête, sachant immédiatement vers où Mike allait. Après quatre tartines à la Marmite, mon cerveau accepta le mouvement sans protestation.
"Il n'en a désormais qu'une seule. Tout comme chacun des autres enfants."
"Même Annie ?" demandais-je.
"Même Annie," confirma Mike. "Ça doit être une première. D'habitude il lui prend ses affaires, il ne lui donne rien sans qu'on ait à lui demander. Je pense qu'on peut couper la scène interposée ici, et faire un retour en avant rapide jusqu'à la bataille finale. Ceci, tel que je le comprends, est la version des enfants des événements." Il marqua une pause dramatique et je l'observais rassembler ses idées.
"Sept braves aventuriers courent dans les Bois de Drakeshaugh ils font une partie nocturne de loup-chat-trappe-trappe – ils semblent avoir renommé le jeu. S'étant dispersé, ils se cachent de Rosie, qui 'y est', quand une femme dit quelque chose à propos d'un co-bleu et d'Anne Trunoni dans tes fiés – du moins c'est ce que Henry et James l'ont entendu dire. Anne est une grande fille à l'école de Henry et James, et ils ne l'aiment pas. Ce n'est probablement pas important. Ensuite la dame a commencé à compter – à l'envers – ce qui particulièrement impressionné Rosie. C'est apparemment à cet instant que le 'méchant monsieur' a attrapé Rosie. Elle a crié et les autres sont arrivés vers elle très rapidement. D'après Henry, le 'méchant monsieur' tenait Rosie fortement et il allait la taper avec un bâton. D'après James, c'était une baguette magique et il allait lancer un sort sur eux tous. Ce gamin a une sacrée imagination ! Quoi qu'il en soit ils ont tous entendu le décompte et le 'méchant monsieur' leur criait dessus, alors Al a sorti sa douille usagée de sa poche." Mike s'interrompit comme s'il attendait une réaction.
"Et ?" demandais-je.
"C'est la partie bizarre. Ils étaient tous remarquablement cohérents dans ce qui s'est passé ensuite. Al a pointé la douille usagée vers l'homme et a crié 'Pan !', parce que c'est le bruit que font les pistolets. L'homme a volé en arrière, percuté un arbre et est tombé. Puis Al a commencé à pleurer, parce qu'il pensait avoir tué le 'méchant monsieur' et Rosie et Annie l'ont serré contre elles, et James et Henry sont allés voir si le méchant avait été 'mortisé', et les adultes sont arrivés, et c'est tout, sauf que…" Il s'interrompit à nouveau.
"Dis-moi," exigeais-je.
"J'avais oublié…" dit Mike pensivement. "J'ai repris l'histoire avec les enfants dans la voiture, quand je vous ramenais tous à la maison. Tu ronflais et Annie était presque endormie, mais elle a dit que 'cette femme flottante qu'on voyait à travers' était arrivé avant tous les autres adultes. Henry a dit qu'elle était maboul, que les premières personnes arrivées étaient Camion et Clou – il voulait dire Camelia et un type appelé McLeod – que je n'ai jamais vu. Apparemment, ce McLeod a conduit le randonneur à l'hôpital. Mais je m'avance. Le fond de l'histoire c'est que, pour les enfants, un méchant homme s'est faufilé dans Drakeshaugh et a agrippé Rosie, mais Al lui a tiré dessus et a été le héros de l'histoire. Comme tu peux t'y attendre, la version des événements par Camelia est assez différente. Est-ce que tu veux entendre la version des adultes tout de suite ? Je dois te prévenir, elle n'est absolument pas aussi excitante."
Après ma douche, j'avais enfilé mon collier en jaspe rouge, le bijou de famille que Maman m'avait donné quand j'ai eu treize ans. Je le portais si souvent que j'oubliais souvent qu'il était là, mais ce matin il semblait plus lourd que d'habitude. Je levais la main.
Avant que Mike ne continue, je voulais prendre le temps de contempler la possibilité que, comme moi, Annie avait vu le fantôme de Polly Protheroe. Quand elle m'avait remis le collier, Maman m'avait dit qu'il y avait du sang de sorcière dans la famille et que, si jamais j'avais des prémonitions ou que je voyais des fantômes ou d'autres choses étranges du coin de l'œil, je ne devais pas m'inquiéter. Elle m'avait également averti que partager cette information serait une mauvaise idée. Cela ne pouvait qu'apporter des problèmes. Il me semblait qu'Annie était trop jeune pour se soucier des fantômes, je décidais donc de ne rien dire. Cette discussion pourrait attendre qu'elle soit plus âgée, jusqu'à ce qu'il soit temps pour moi de faire passer le collier à ma fille.
"Continue," dis-je en baissant la main et attrapant le dernier toast.
"Est-ce que ça va ? Tu veux d'autres tartines ?" demanda Mike.
"Ça va et non, merci." Je secouais la tête.
"Donc, la version des adultes," annonça Mike. "Harry était inquiet parce que, c'est quoi son nom – le petit chaperon rouge – avait découvert son adresse."
"Frances Sidebotham," interjetais-je.
Elle avait brandi un bâton, elle aussi, me souvins-je. Tout en caressant la pierre de sang entre mon pouce, mon index et mon majeur, j'enregistrais tout cela dans un coin de ma tête. Quelque chose me disait que spéculer sur des baguettes magiques était aller un peu trop loin.
"Juste. À cause de Frances, il a mis en place un système d'alarme et s'est arrangé pour que quelques-uns de ses emloyés gardent un œil sur la maison – Camelia et ce type McLeod étaient de garde hier soir. Ça me paraît raisonnable. Si je travaillais avec les flics pour trouver un tueur et qu'il y avait la plus infime chance que le tueur sache où j'habite, je voudrais m'assurer que ma famille est en sécurité."
"Oh !" Mike interrompit son histoire. "Ça me fait penser. La police a arrêté le vrai tueur, ce type, Pelias Hume, qui avait sa photo partout dans les journaux. Au moment où on s'apprêtait à quitter Drakeshaugh, Harry a reçu un message de Sheffield confirmant l'arrestation. La police a reçu un tuyau anonyme et ils l'ont cueilli un peu avant neuf heures. C'est vrai j'ai regardé la BBC ce matin, 'Le Loup-Garou Tueur Arrêté' était leur grand titre. On dirait que ça s'est passé peu de temps après que les enfants aient rencontré le randonneur. Je parie qu'ils vont croire que c'est eux qui l'ont réellement capturé." Il s'arrêta pour reprendre son souffle.
"Où en étais-je ? Ah, oui, la version des adultes ! Harry a placé des alarmes, des lumières, des hauts-parleurs et quelques-uns de ses employés pour la sécurité. Je suis pas sûr de ce que pourrait faire Camelia dans une bagarre, elle a l'air de pouvoir être emporter par une grosse rafale, mais…"
Il soupira. "Je me distrais encore tout seul, désolé. Euh… Ah, oui. Il semble qu'un jeune randonneur ait réussi à se perdre sur le chemin de Cold Law. Ça me paraît improbable, et pourtant il a marché jusque dans le bois de Drakeshaugh et a déclenché les alarmes de Harry. Ça l'a fait paniquer. Il a cherché à s'enfuir mais, dans le noir, il est rentré dans Rosie. Camelia suppose qu'il venait juste de relever Rosie quand le reste des enfants est arrivé. Ils ont pensé qu'il l'attaquait, donc Al a sorti sa douille et a crié pan. Camelia pense que, quand il a vu tous les enfants, le randonneur a fait un pas en arrière, trébuché sur une racine et s'est fendu le crâne sur un arbre.
Camelia nous a dit que Henry et James surveillaient le gars quand elle et McLeod sont arrivés. Il était inconscient, il saignait d'une blessure à la tête et était effondré au pied d'un arbre. Ils craignaient qu'il n'y ait un traumatisme crânien, donc Camelia a surveillé les enfants pendant que Harry et Ron aidaient McLeod à porter le type jusque dans Drakeshaugh. Harry m'a dit qu'il n'avait pas l'air bien, donc McLeod l'a emmené aux urgences. Camelia et Hermione ont calmé Al, épousseté Rosie et rassuré les autres. Une série d'incidents malheureux et un pauvre type hospitalisé, mais rien d'aussi excitant que la version des enfants."
"C'est tout aussi bien," observais-je. "Les enfants ont eu une aventure et je préfère qu'ils croient avoir capturé un méchant que d'avoir causé un traumatisme crânien à un innocent." Je souris à mon mari. "Je consultais mes vieux livres d'enfant quand je me séchais tout à l'heure. Je pense que je pourrais commencer à lire un des vieux livres 'Lone Pine' de Maman à Henry, mais je ne voudrais pas lui donner des idées."
"Qu'est-ce qu'il pourrait faire, monter un club secret avec les autres ?" demanda Mike. "Même s'il le faisait, où est le mal ? Les enfants ont besoin de jouer, de s'exprimer."
"Tu as probablement raison," admis-je. Remplissant mon mug pour la seconde fois, j'engloutissais le liquide très infusé tiède et fixait mon mari.
"Où j'étais quand Camelia et Harry te racontaient ce conte marginalement plus plausible ?"
"C'est un peu une histoire abracadabrante, n'est-ce pas ? La vie avec les Potter est vraiment plus excitante," observa Mike. "Tu as raté ça parce que tu étais à demi-consciente sur le canapé du bureau. Hermione gardait un œil sur toi," sourit-il. "J'avais oublié à quel point tu avais l'alcool discret. Certaines personnes deviennent bruyante, certains deviennent mielleux et d'autres deviennent violent toi, tu te mets en boule et tu dors."
"Après avoir vomi sur les meubles et le sol de Ginny !" Je me pris la tête dans les mains.
"Surtout sur le sol, et Ginny n'avait pas de problème avec ça. N'en sois pas embarrassée," me dit-il. "Si tu te saoules, alors devenir silencieuse risque largement moins de t'embarrasser. Je sais que j'ai dit et fait des choses très stupides en étant bourré."
"Comme 'Tu es la plus belle fille du monde et je t'épouserai !'," suggérais-je.
Il rit, se leva, fit le tour de la table et embrassa mon front. "Ça c'était pas stupide ! Ma ravissante Jacqui se sent mieux, son sarcasme est de retour." Il passa ses bras autour de mes épaules et m'étreignit. "J'ai dit des choses très honnête en étant ivre, et parfois il n'y a rien de plus embarrassant que la franchise. Surtout quand tu es convaincu que la fille en question est largement trop bien pour toi."
"Des fois, tu es trop gentil avec moi," dis-je doucement, glissant mon bras autour de sa taille.
"Merci, j'essaie," dit-il sérieusement. Je levais les yeux vers lui, mais il regardait par la fenêtre. "Annie m'a vu. Allons dehors jouer avec les enfants ça leur fera plaisir de te voir. Quand je conduisais en revenant hier soir, tu as été la première à t'endormir dans la voiture. Ils étaient tous les deux inquiets pour toi.'
'Je devrais appeler Ginny pour m'excuser."
"Oui, tu devrais," approuva Mike. "Mais tu n'as pas à le faire tout de suite."
~~~oooOOOooo~~~
Jouer dans le jardin avec les enfants fit des miracles sur moi. L'air frais fit un travail excellent en chassant les derniers vestiges de l'alcool de ma tête. J'étais assise sur la balançoire, me reposant après une partie exténuante de loup et Annie essayait de me pousser. Mike était assis dans l'herbe, un peu étourdi, ayant fait tournoyer chacun des enfants par les bras. Henry avait décidé qu'il n'était pas assez étourdi, il tournait donc sur lui-même.
Au milieu de tout ça, Mike et moi essayions de discuter de ce que nous aurions pour le repas. À peu près sûre que j'avais des médaillons de porc au congélateur et certain que nous avions quelques pommes Bramley dans le tiroir à légumes, je travaillais Mike. Il y avait une recette de porc et pommes caramélisées qu'il fait à merveille. Pendant que nous parlions, Annie commença à imiter la sonnerie du téléphone. Ce fut alors que je réalisais que le téléphone sonnait. Je me précipitais à l'intérieur.
"Allo," dis-je.
"Salut Jacqui, comment te sens-tu ?" me demanda Ginny.
"Très gênée," admis-je. "J'ai vomi sur ton sol ! Je suis tellement, tellement désolée."
"Ne t'inquiète pas pour ça," m'assura Ginny. "J'avais presque oublié ça. Probablement parce que je ne me souviens pas de grand-chose d'hier soir non plus. Je pense que j'ai dû fonctionner en pilote automatique."
"Bien joué de ta part, je ne fonctionnais plus du tout," dis-je.
Je pouvais la sentir sourire. "Comment vas-tu ?" demanda Ginny. "Les gueules des bois peuvent être vraiment pénible, tu ne trouves pas ?"
"Elles le peuvent, mais je me sens bien mieux que quand je me suis réveillée ce matin," lui assurais-je. "Et toi ?"
"Pas trop mal maintenant, merci. On s'est laissé emporter par un excellent après-midi et un imbécile. J'ai dit à Ron que la prochaine fois qu'il nous achetait une deuxième bouteille de vin sans qu'on l'ait demandée, je la lui collerai tellement profond dans le… Salut Al. Maman parle avec Tante Jacqui, pourquoi est-ce que tu n'irais pas sauter sur Oncle Ron ? Il ronfle sur le canapé, mais ça ne le dérangera pas. Il adore quand tu fais ça. Désolée Jacqui, comme je disais…"
"J'ai compris," lui dis-je en riant. "Des nouvelles de notre dangereux intrus ?"
"Dangereux ?" demanda Ginny. "Qui a dit qu'il était dangereux ?"
"Mike m'a raconté la version des événements des enfants, et Henry et Annie ont confirmé. Ils sont persuadés qu'ils ont aidé à capturé le méchant, bénis soient-ils."
"Oh, oui, pardon," rit Ginny. "Ce serait un peu gros qu'Al ait réellement capturé un tueur en série, n'est-ce pas ? Est-ce que Mike t'a dit que la police à Sheffield a capturé Hume ? Tant pis pour les congés de Harry ! Il est en route pour Sheffield à cette heure-ci. On dirait que Hume est prêt à accepter un plaider-coupable."
"C'est inhabituel dans une affaire de meurtre," observais-je. "Et pour le randonneur ?"
"Le randonneur ?"
"Le type que les enfants ont vu ?"
"Ah, lui ! Autant que je sache, il va bien. Une bonne frayeur et une vilaine bosse sur la tête, c'est tout. Je pense que Harry en a trop fait avec la sécurité. Ces lumières bleues et ces avertissements sonores étaient un peu surdimensionnés, tu ne penses pas ?"
"Carrément," approuvais-je. "Est-ce que Harry est certain d'avoir le bon coupable ?"
"Positif," m'assura Ginny. "Comme je l'ai dit, il est parti pour régler tout ça, mais il m'a promis que ce serait son dernier dimanche au travail – je sais qu'il veut dire le dernier jusqu'à la prochaine urgence. Mais la bonne nouvelle c'est qu'avec Hume incarcéré, il pourra prendre sa journée de demain. C'est l'autre raison de mon appel. Est-ce que ça te dirait de sortir déjeuner avec moi demain ? Harry pourra garder Annie et nos deux."
"Un déjeuner serait super, si tu es sûre que Harry pourra gérer," dis-je. "J'invite, et pas de discussion. Je dois me rattraper pour hier."
"Très bien," dit avec réticence Ginny.
"Où veux-tu aller ?" demandais-je.
"Surprends-moi," suggéra Ginny. "Tu connais le coin bien mieux que moi. Je ne connais que la route d'ici à la piscine. Oh, et c'est moi qui conduis."
"Tu as passé ton permis ?" demandais-je, surprise.
"Tu sais que je l'ai, mais pas pour la voiture," dis-je. "Est-ce que tu as un casque ?"
Je couinais.
"Je prends ça pour un oui," me dit-elle. "Rendez-vous à la grille de l'école demain. Tu pourras laisser ta voiture à Drakeshaugh et ensuite on pourra décoller."
