Correction 01/11/22.


Chapitre 0 : Prologue


Il avait échoué.

Mais il n'était pas vraiment surpris quand il y pensait. Toute sa vie n'avait jamais rien été d'autre qu'une succession d'échecs en tous genres, de toute façon. Mais il n'avait pas cessé d'y croire pour autant. Croire en cette victoire, en sa capacité à sauver les autres. En ce fameux destin de merde qui l'avait placé en première ligne d'une guerre alors qu'il n'était qu'un enfant.

Mais une fois de plus, il avait échoué. Et l'échec était total.

Voldemort avait gagné.

Non… finalement, ce n'était même pas ça. Quelque part, Harry s'en fichait de la victoire du mégalomane chauve qui lui servait d'ennemi mortel. Non, l'échec total concernait sa propre vie.

Il s'attendait à mourir.

Lui, un adolescent de dix-sept ans, pas vraiment attentif en cours, contre un puissant sorcier noir qui avait trois ou quatre fois son âge. Le monde des sorciers était peut-être complètement stupide, mais pas lui. Enfin… pas à ce point. Il savait qu'il ne survivrait pas.

Pas deux fois...

Ou plutôt trois puisque l'Avada Kedevra qu'il avait reçu il y a deux heures ne l'avait pas tué… une fois de plus. Si l'immonde Horcruxe logé dans son crâne n'avait pas été détruit par le sort, Harry aurait sans doute pensé que l'impardonnable n'avait aucun effet sur lui pour une raison quelconque.

En repensant à tout ce qui l'avait amené dans une telle situation, il retint un soupir. Il n'était pas un héros, il le savait depuis le début. Mais il pensait sincèrement pouvoir entraîner Voldemort dans sa chute. Une bonne fois pour toutes. Pour les autres qui lui survivraient. Pour le plus grand bien.

Le Gryffondor eut un ricanement moqueur, mais le regretta assez vite lorsqu'une toux sanglante le prit. Une douleur vibrante le fit grimacer et il souffla de soulagement lorsqu'elle se calma de nouveau. Ses oreilles bourdonnaient encore un peu, mais il parvenait à entendre les combats autour de lui bien qu'il n'y fasse plus vraiment attention.

Il semblerait qu'ils aient étrangement repris de plus belle. Comme si quelque chose d'extraordinaire s'était passé. Des renforts, peut-être ? Bah… peu importe finalement. Il doutait qu'il survive assez longtemps pour voir la fin des combats.

Où en était-il dans ses pensées morbides ? Ah oui. L'échec, le vrai.

Cet échec, aussi grand soit-il, se résumait en un seul nom finalement. Le sien. Harry James Potter.

Son existence tout entière était un échec.

Sa naissance était plus ou moins responsable de la mort de ses parents, de l'emprisonnement -injustifié- de son parrain et de la fuite du second.

À onze ans, son syndrome du héros avait manqué d'offrir la pierre philosophale à son professeur possédé par l'esprit démoniaque d'un mage noir à moitié mort.

À douze ans, il n'avait pas pris la peine de prévenir les professeurs qu'il avait, peut-être, trouvé le responsable des attaques d'étudiant et était parti à la chasse au basilic avec deux autres enfants de douze ans dont une qui, si elle n'avait pas eu de miroir, serait morte aujourd'hui.

Quoique… De toute façon, les professeurs ne le croyaient jamais, à quoi bon les prévenir ? Surtout que l'un d'eux avait manqué de le transformer en légume en voulant lui effacer la mémoire la même année. Et l'année précédente, il avait été sèchement renvoyé dans son dortoir par sa directrice de maison lorsqu'il avait tenté d'expliquer qu'un artefact extrêmement puissant -dont il aurait dû ignorer l'existence- était sur le point d'être volé. Son professeur n'avait même pas daigné vérifier.

Peut-être que si elle l'avait fait, Voldemort aurait un peu plus de mal à passer. Peut-être qu'Harry n'aurait pas été seul pour affronter le seigneur des ténèbres, ou ce qu'il en restait. Peut-être qu'il n'aurait pas eu à tuer un homme en le brûlant vif. Peut-être qu'il ne serait pas traumatisé, encore aujourd'hui, par ses hurlements d'agonie ou la vision de son visage, dont la chaire était gravement brûlée, qui le fixait avec des yeux morts.

Peut-être qu'il n'aurait pas eu à vivre tout cela à seulement onze ans.

Parce que si le professeur McGonagall lui avait répondu qu'elle allait vérifier et augmenter les protections au lieu de refuser l'histoire d'Harry, il lui aurait fait confiance et serait retourné dans son lit. Persuader que la femme aurait eu plus de chance de survie que lui. Parce qu'à l'époque, il avait encore confiance en ses professeurs. Du moins, en sa directrice de maison. Snape n'avait jamais fait partie de la liste de personnes de confiance qu'il avait établie.

Au lieu de ça, il avait tué un homme adulte de ses propres mains cette nuit-là. Et personne n'en avait reparlé depuis. Pour les autres, il avait combattu un mangemort. Pour lui, il était devenu un meurtrier.

Quelle vie, n'est-ce pas ? Et bien qu'il soit mort jeune, elle était loin d'être finie…

À treize ans, il se moquait complètement qu'un potentiel tueur en série dégénéré le pourchasse. Il continuait de prendre des risques inconsidérés sans vraiment de raisons. Sans vraiment chercher à en savoir plus. Sans poser de vraies questions.

À quatorze ans, il était, ni plus ni moins, responsable de la renaissance de Voldemort lui-même et par extension de la mort de Cédric.

À quinze ans, il ne s'était même pas penché sur la question de la légalité ou non des tortures sur mineur et continuait de faire aveuglément confiance à Dumbledore. Semblant complètement ignorer le fait que le monde sorcier aussi possédait un département de justice. Sa témérité -stupidité- avait également fait assassiner son parrain. La dernière famille qui lui restait, la dernière personne qu'il n'avait pas encore tuée.

À seize ans, il n'avait toujours pas décidé d'arrêter d'être stupide.

À dix-sept ans, il était mort.

Un. Echec. Total.

Il n'avait pas su s'entourer correctement, réfléchir un peu plus, penser par lui-même tout simplement. Non, à la place, il s'était laissé porter. Il avait laissé Hermione travailler pour lui, laissé Ron l'entraîner dans des aventures stupides et dangereuses, laissé le monde sorcier l'acclamer comme un héros pour le traîner dans la boue le jour suivant, laissé Dumbledore le manipuler comme une minable petite marionnette.

Et maintenant, la victoire revenait à ce vieux fou de Dumbledore qui, non-content d'avoir fait croire à sa propre mort pour une raison obscure, venait de tuer Voldemort, bien affaibli par le précédent combat contre le survivant -qui n'avait d'ailleurs pas survécu cette fois-.

Oh, il aurait été si heureux de voir le vieil homme revenir d'entre les morts. Il aurait été admiratif devant sa force et son combat contre Voldemort. Il se serait senti sauvé par sa simple présence qui apportait la lumière au monde. Totalement soulagé, que le plus grand sorcier de lumière soit parvenu à vaincre le seigneur des ténèbres…

Mais rien. Il ne ressentit aucun de ses sentiments… Aucun soulagement, aucune admiration. Juste un ressentiment intense. Parce qu'il savait. Il savait que quelque chose n'allait pas. Il le sentait. Maintenant, qu'il mourrait lentement, il avait l'étrange impression que son esprit n'avait jamais été plus clair.

Harry n'eut pas le moindre sentiment de soulagement en voyant le corps de son ennemi se désintégrer lentement en petites particules de poussière. Pas la moindre étincelle de joie en sachant que le monde sorcier était maintenant libéré d'un puissant mage noir. Parce qu'il savait. Il savait que celui que les sorciers allaient bientôt acclamer comme un héros était pire que le monstre qui venait de mourir sous ses yeux.

Dumbledore.

Le directeur de Poudlard s'était alors tourné vers lui après avoir récupéré la baguette de Sureau. Il s'abaissa à la hauteur de l'adolescent, le visage impassible.

- Tu devais mourir, Harry. Commença-t-il platement. Tom, en voulant te tuer lorsque tu n'étais qu'un enfant, à créer un Horcruxe dans ton crâne. Le seul moyen de voir Voldemort mourir était que tu meurs le premier.

- Vous le saviez…

- Bien sûr.

- Mais… je ne… suis pas encore mort… Bafouilla Harry manquant de s'étouffer avec le sang qui s'accumulait dans sa bouche.

- C'est vrai… c'est vrai. L'Horcruxe est mort le premier. Il est, peut-être, encore possible de te sauver… Murmura le directeur avant de sourire calmement derrière ses lunettes en demi-lune. Mais tu ne me serviras plus maintenant. Et malgré mon grand âge, je n'aime pas partager la gloire. De plus, j'ai encore de nombreux plans à mettre en route. Pour le plus grand bien. Et malheureusement, mon garçon, tous nécessitent que tu périsses aujourd'hui. Mais ne t'en fais pas. Ta mort servira à de grandes choses.

- Qu'est-ce que… vous m'avez fait ?

Harry voulait savoir. Pourquoi il avait l'impression que son esprit était si clair ? Pourquoi voyait-il seulement maintenant toutes les erreurs qu'il avait faites ? Pourquoi était-il si persuadé que tout était la faute du directeur ?

Mais il cracha juste un peu plus de sang et grimaça de douleur.

- Oh, mais j'ai simplement fait de toi un héros, mon garçon. Répondit le vieil homme, comprenant parfaitement ce que demandait son ancien étudiant.

Harry n'eut pas la force de lui répondre. Le vieil homme lui lança un regard dénué de tout intérêt avant de partir vers d'autres lieux plus accueillants, le laissant pour mort.

Ce qui ne devrait plus tarder maintenant.

Le Gryffondor n'était pas aussi étonné qu'il aurait dû l'être, Voldemort n'étant plus qu'un tas de poussières voltigeant dans les airs, Harry ne faisait que de l'ombre au Grand Lord Albus Perceval Wilfrid Dumbledore, premier héros ayant vaincu deux mages noirs en une vie et l'adolescent le savait.

Pff… C'était vraiment risible.

Il tenta de s'asseoir, mais décida que, finalement, mieux valait attendre la mort, appuyé sur l'un des innombrables gravats qui constituaient autrefois Poudlard… sa maison. La douleur, qui irradiait de chaque parcelle de son corps, lui avait vite fait comprendre que l'attente serait plus douce s'il ne bougeait pas.

La perte de sang commençait à lui faire perdre la tête. Tout tournait autour de lui et il se sentait incroyablement fatigué. Alors qu'il fermait les yeux, un long soupir à fendre l'âme résonna près de lui. Avec un grand effort, il leva un peu ses paupières pour pouvoir constater la présence d'une jeune femme à l'allure presque fantomatique.

Elle portait l'uniforme de Poudlard, mais semblait avoir une vingtaine d'années, trop vieille pour être encore étudiante. Ses longs cheveux blancs descendaient en cascade dans son dos et ses yeux gris transperçaient le survivant. Une étrange aura blanche l'entourait tel un halo et clignotait plus brillamment de temps à autre.

Allons bon, quoi encore ?

Le survivant voulut lui demander qui elle était, mais il ne réussit qu'à cracher un peu plus de sang. Cependant, comme si elle avait compris, la femme répondit :

- Je suis Poudlard, bien sûr.

Ah oui, bien sûr, c'était pourtant évident. Pourquoi n'y avait-il pas pensé plus tôt ?

- Je me le demande... Répondit la jeune femme en s'accroupissant près de lui.

Elle lisait dans les pensées ?

- Bien vu, l'aveugle.

Harry soupira intérieurement. Qu'est-ce que Poudlard lui voulait ? Et comment se faisait-il que Poudlard soit une femme ?

- Je suis l'âme de l'école. Tu ne t'attendais quand même pas à ce qu'une école de magie, vieille de plus de mille ans, avec des escaliers qui bougent, une salle sur demande et tout un tas d'autres trucs magiquement obscurs ne soit pas commandée par une conscience ?

Qu'est-ce qu'il en savait, sérieusement ? Avait-il l'air d'être l'un des fondateurs ? Pourquoi ne pouvait-il pas mourir en paix ?

- Eh bien, maintenant, tu sais. Et cette conscience, c'est moi.

Il ne voulait pas être désagréable -bien que, maintenant, il s'en moquait royalement- mais il avait grandement envie de lui répondre que ça lui faisait une belle jambe. Surtout que ça ne répondait pas à sa question sur la présence de la conscience de Poudlard à ses côtés.

- Je t'aime bien.

"Ô, merveilleux."

- Et comme je t'aime bien, je vais t'aider.

"À enfin mourir en paix ?"

- Non, Celui-qui-est-dépressif, à réparer tes erreurs. Tu viens de nous faire un long monologue sur l'échec qu'était ta vie. Eh bien, il est possible de réparer ça.

"Comment ?"

- En te renvoyant dans ton corps d'enfant de 11 ans. Sourit-elle d'un air un peu inquiétant.

Harry avait perdu beaucoup trop de sang pour réfléchir, mais cela lui paraissait être une mauvaise idée. Et surtout, qu'est-ce que Poudlard pouvait y gagner ?

- Regarde autour de toi. Je suis détruite. Il ne reste que deux tours encore debout et elles menacent de s'effondrer sous peu. Je suis en train de mourir moi aussi. Je veux ma vengeance.

"Sur qui ?"

- Dumbledore bien sûr ! C'est lui qui a échoué en tant que directeur d'école. Il a mené au massacre des centaines d'enfants qu'il aurait dû protéger et il a fait de moi un champ de bataille. Et, au cas où tu en douterais, une école ne devrait pas être un champ de bataille. Et les étudiants qui la composent ne devraient pas remplacer les véritables soldats…

Harry, trop fatigué, ferma les yeux une fois de plus, n'écoutant même plus le monologue de l'esprit en colère qui commençait à faire de grands gestes pour tenter d'expliquer par A + B pourquoi Dumbledore était -et de loin- le pire directeur qu'elle n'a jamais connu.

Ses pensées devenaient floues et il se sentait partir. Il mourrait vraiment et aussi étonnant que cela puisse paraître, il n'avait pas peur. Snape avait raison finalement. Il n'avait aucun instinct de survie.

- Bon, je considère que tu es d'accord avec mon idée.