Le lendemain matin, il était clair que Sirius avait passé une très mauvaise nuit. Il était grognon et avait le visage blême, tiré. Remus en oublia sa rancœur et fut même pris de pitié envers lui. Il en vint même à regretter ce qu'il lui avait dit la veille, il avait eu des mots un peu durs.

Les hiboux envahirent la pièce et l'un deux déposa un message devant Remus. Celui-ci l'ouvrit avec hâte. Il resta un moment sans voix. Il regarda Sirius un peu durement, mais devant la pâleur de celui-ci se contenta de dire :

- Voulais-tu une confirmation de ce que je disais ? Alors lis ça ! et il lui tendit la lettre, faite de deux feuillets.

Sirius hésita puis les prit. Il lut le premier :

« Remus.

Je ne sais pas si tu te rappelle de moi, nous nous sommes vus l'année dernière alors que je venais chez vous pour passer quelques jours. Mais il me semble que tu partais chez un de tes amis. Je suis Catherine, l'amie de Véra. Et sa compagne de chambre ici, à Beauxbâtons. Depuis la nouvelle de la disparition de Sirius, elle n'allait pas bien du tout. Je sais qu'elle t'avait parlé de ses sentiments pour lui. Je n'ai pas réussi à la consoler. Je n'ai pas réussi non plus à la surveiller… Je suis arrivée après qu'elle ait essayé. Je suis désolée. J'ai trouvé une lettre pour toi sur son bureau. Je te l'envoie.
J'espère qu'elle s'en sortira.
Dis-lui que je pense à elle,
Catherine. »

Sirius s'arrêta pour respirer. Il ne leva pas la tête. Il lui semblait qu'elle pesait une tonne. Remus avait raison. Il était responsable de ce qui arrivait à Véra. Lui tout seul. Lui et sa suffisance. Il n'osait pas lire le second feuillet. Il avait peur de voir l'écriture de Véra. Et de voir à quel point Remus et elle étaient proches l'un de l'autre, mais pas comme il le pensait. Il se maudit. Pourquoi était-il toujours aussi sûr de lui ? Et pourquoi n'avait-il pas suivi les conseils de James ?

James et Remus se regardèrent. D'un commun accord, ils quittèrent la table pour laisser Sirius tranquille.

Sirius était seul maintenant dans la grande salle. Mais il ne s'en rendit pas compte. Il poussa le premier feuillet de la main et regarda le second un moment avant de se décider à le lire.

« Mon petit loup,

Si tu lis ceci, c'est que je n'aurais pas eu le courage d'aller plus loin. Celle qui écrit ces mots est bien loin de celle que tu prenais pour ta sœur. Ou est passée cette soif de vie, cet optimisme que tu appréciais chez moi ? Je me suis perdue en lisant ce journal. Il m'a fallu du temps pour comprendre ce qui était écrit. J'ai du recommencer vingt fois la lecture. Et tout est devenu soudain très sombre. J'ai essayé de faire comme si ce n'était pas vrai. Mais je n'ai pas réussi. Partout je ne vois que son image. Tellement vivant, tellement gai. J'ai une grosse douleur à l'intérieur. Il me semblait que rien ne pouvait m'atteindre depuis la mort de mes parents. Que rien ne pouvait être pire…J'avais tort. Cette douleur est bien plus intense. Je n'ai pas de larmes. Rien d'autre qu'une grande souffrance à l'intérieur. Je déteste le soleil qui trouve encore la force de briller. Il me brûle et me fait trop mal, lui aussi. Je ne veux que le silence. Que du repos. Je veux ne plus être. Je ne veux pas mourir, je veux simplement ne plus être.
Je voulais te dire que tu as été le meilleur de ce qui m'est arrivé sur cette terre. Hormis ma rencontre avec Sirius, mais tu peux me pardonner de lui laisser la première place, n'est-ce pas ?
Je ne te souhaite que du bonheur, Remus. Fais bien attention à toi. Je t'aime beaucoup.
Véra. »

Sirius passa sa manche sur ses yeux. Il avait eu du mal à lire les dernières phrases. Il avait mal à la tête. Il ne pouvait pas penser. Sa main serra les lettres. Tout lui faisait mal. Il se leva, vacilla, se retint à la table. Il respira longuement. Puis il réussit à quitter la salle. Il mit du temps à rejoindre sa chambre et se laissa tomber sur son lit, sa main toujours serrée sur les deux feuillets.

James le retrouva ainsi le midi. « Sirius, ça va ?

Il secoua son ami.

« Sirius, réponds !

Sirius ouvrit les yeux :

« Je crois que je me suis endormi… dit-il, étouffant un bâillement.

- Tu devais être fatigué, il est plus de midi ! Viens-tu manger ?

- Laisse moi le temps de me réveiller, répondit Sirius, en se redressant. Son regard tomba sur sa main qui tenait toujours les deux lettres. Sirius plissa les yeux, serra les lèvres et les lâcha brutalement. Il se tourna vers James, qui le regardait toujours, un soupçon d'inquiétude dans les yeux..

- Hé, tu vas me lâcher ! dit-il un peu brusquement. Je vais bien, j'arrive…Tu n'as qu'à aller m'attendre dans la salle. »

James écarta les bras : « OK, OK, ne m'agresse pas ! Tu as loupé tous les cours de ce matin, j'ai le droit de m'inquiéter quand même ! Je t'attends en bas… »

James sorti, Sirius soupira. Il regarda les deux lettres qui avaient roulé par terre. Avec réticence, il les ramassa, les jeta sur le lit et quitta la chambre précipitamment pour rejoindre James.

A table, il s'obligea à discuter comme si rien ne s'était passé. A cette exception qu'il n'osait pas regarder Remus. Celui-ci s'en aperçut mais ne dit rien, jusqu'à la fin du repas. Il rattrapa Sirius dans le couloir qui les menait à leur salle de cours de potion :

« Sirius !

Celui-ci répondit sans le regarder

« Oui…

- Sirius, arrête de me faire la tête, je n'y suis pour rien !

- Je ne te fais pas la tête…

- Ah bon ? Pourquoi tu m'évites alors ?

Sirius s'arrêta, puis se tourna vers Remus, gardant les yeux baissés :

- je me sens tellement idiot…et tellement coupable…

- Tu n'as pas à te sentir coupable ! Ce n 'est pas de ta faute !

- Un peu quand même…

- Allons, bien sûr que non…Moi aussi je me sens coupable…

- Toi ?

- Bien sûr…Si je n'étais pas allé dans sa chambre, tu ne serais pas parti…Peut-être t'aurait-elle parlé ?!

- Et si je ne m'étais pas fâché avec mes parents…

Les deux amis se regardèrent. Puis sourirent. L'un comme l'autre se sentait responsable de Véra. L'un comme l'autre était très affecté par ce lui arrivait.

-J'ai hâte de la voir…dit Remus. Il faudra tout expliquer…

-Ce ne sera pas facile…ajouta Sirius.

Remus sourit :

-Tu as l'après midi pour y penser…

Et effectivement, Sirius n'écouta pas beaucoup les cours de ce jour-là.