HISTOIRE DE POUDLARD - United colors of Hogwarts -
Chapitre trois : Rencontre
"Je vous donne rendez-vous dans mon prochain rêve. Dites, vous viendrez ?"
Le lendemain - Janvier- Ayr
Bruce Campbell réprima un sourire de satisfaction à la vue de la fumée noirâtre et charbonneuse qui se dissipait enfin. Les cheveux blond presque blancs, Bruce avait un air aristocratique des plus seyant pour le châtelain des Terres Campbell. Ses frères et sœurs lui ressemblaient mais il était seul et unique maître dans sa résidence. Il avait dû gouverner si jeune qu'il ne se souvenait même plus de sa vie d'avant.
Il n'aimait pas les banquiers et encore moins les banquiers puissants. Ils constituaient une menace à son pouvoir qu'il voulait intégral. Cet incendie était béni des Dieux. Seul hic, la fille avait survécu. Ce n'était pas ce qui avait été prévu.
« La fille messire Campbell. » fit une voix servile.
Le seigneur et suzerain des lieux daigna pivoter au quart son visage à la mâchoire en pointe.
Rowena portait toujours sa mince robe blanche couverte de suie. Le visage opalescent semblait impassible et le vide béant sur lequel s'ouvraient ses deux prunelles grises laissait douter de la raison de la jeune fille.
« Tes parents sont morts. » commença-t-il sans ambages.
Rowena ne bougea pas totalement indifférente.
« Comment as-tu fait pour sortir de là ? »
Bruce Campbell tourna, tel un vautour, autour de la frêle silhouette de Rowena. Aucun mot ne franchissant le seuil églantine de ses lèvres virginales. Des murmures comme « sorcellerie » ou « c'est elle qui a mis le feu » résonnaient partout sur le lieu du crime depuis qu'on l'avait retrouvée sur le sol tandis que les flammes léchaient avidement les murs de la demeure.
« Je t'ai posée une question. »
L'homme qui portait une livrée sembla contrit et fit un signe désespéré à Rowena pour qu'elle parle mais cette dernière semblait s'être totalement emmurée dans un silence sépulcral.
Campbell s'approcha d'elle, prit son fin visage dans ses paumes rugueuses et contempla pendant un long moment le gris perlé totalement flou de son regard, partagé entre l'envie de la gifler pour mettre fin à son silence et celle de considérer qu'elle était à présent l'unique héritière d'une colossale fortune.
« Maître… elle est sûrement en état de choc. Perdre ses parents, sa demeure et ses repères le même jour. » fit craintivement le page.
Bruce émit un faible ricanement tout en continuant à fixer la jeune Rowena.
« Agnosto adeo estes. » (1)
La pupille de Rowena frémit tandis que le seigneur Campbell reculait un peu.
« Une dame du sud du continent a dû franchir le territoire Campbell hier soir. Pour traiter affaires… Une femme… J'ai reçu une missive fort amusante ce matin à son propos. Vous me seriez si obligeante Rowena Serd si vous vouliez bien lui servir de guide. »
La voix de Bruce semblait signaler un sarcasme serein. Sa main quitta le visage de Rowena pour glisser jusqu'à la fibule d'argent qui tenait la robe de neige à présent bistrée. Les ailes étaient parfaitement dessinés, la forme aérienne et la fierté de l'animal transparaissaient à travers le métal.
« Ne vous souciez de rien Damoiselle Rowena. » continua t'il d'une voix plus veloutée tandis qu'elle le fixait sans réaction. « Mes hommes ne laisseront pas le noble commerce de votre défunt père sans surveillance. J'en contrôlerais moi-même l'état. »
Bruce Campbell tendit son bras et anticipant l'absence de gestes de la jeune fille, il posa lui même la main de Rowena sur son avant-bras.
« Nous allons prendre grand soin de vous. » promit fielleusement le châtelain tandis que le page suivait, inquiet.
Quelques heures plus tard, Rowena goûtait au froid glacial de la demeure Campbell où les gardes vêtus de hallebardes avaient des allures de bourreaux.
« Maître Campbell ne reçoit personne pour l'instant. »
Helga arqua le sourcil, le visage commençant lentement à passer du sourire au mécontentement. Elle ne comprenait pas ce qu'il disait mais elle parvenait très bien à saisir son rictus amusé et charmeur. Helga avait en horreur toute morgue, toute vanité. Se moquer d'autrui, quelque en soit la raison, était un pêché sans nom à ses yeux. Elle percevait une ouverture possible néanmoins grâce à son sang de vélani mais elle se refusait pour l'instant à l'utiliser. Pour une fois dans sa vie, ne pas à avoir à compter sur sa simple beauté serait un réconfort.
« Je viens du Cheshire, de la Cité de Poufsouffle jusqu'ici. Votre suzerain me recevra ! »
Mais le garde imposant se contenta de sourire amoureusement et la blonde jeune femme comprit qu'elle n'y arriverait pas de toute manière tant qu'elle n'apprendrait pas la langue du pays. Ses années d'apprentissage patient ne lui servaient plus à rien : le latin, le grec ou le franc n'étaient pas de mise dans ses régions isolées. Seul le gaélique avait de la valeur.
Prête à abandonner pour cette fois-ci, Helga se retourna pour se trouver nez à nez avec un homme blond et un visage pointu. Un sourire siégeant sur son visage, l'inconnu la regarda avec une feinte bonhomie.
« Maître Campbell. » fit le garde en se penchant avec servilité.
Le cobalt se dilua dans les yeux d'Helga au nom prononcé. Par réflexe, elle amorça une révérence polie pour se souvenir qu'elle était invitée et que c'était donc à lui de saluer en premier lieu et non le contraire. Maudissant son geste, Helga tacha de retrouver contenance. Bruce semblait satisfait et salua à son tour selon la coutume la jeune femme et les portes de la Grande salle s'ouvrire.
De lourdes tentures bleutées aux curieux symboles pictes tapissaient les murs. De grandes fenêtres laissaient filtrer une lumière aveuglante. Des tables de bois épais et rêche étaient disposées en forme de U telle que le voulait la tradition châtelaine. Helga ne fit pas immédiatement attention, mais Bruce était suivi de nombre de personnes. Elle avait espéré une entrevue mais elle sut que le maître des Terres Campbell s'était joué d'elle. Des troubadours, des dames, notaires et autres nobles investirent la salle de manière étrange et silencieuse. C'est uniquement lorsque Bruce Campbell et elle-même s'installèrent que la musique, les rires et conversations démarrèrent.
Il l'avait prise par surprise. Helga n'avait guère envisagé un tel scénario. Une mèche de ses cheveux blonds qui s'était échappée de sa coiffure byzantine caressa sa tempe tandis que la chaleur d'un sanglier rôtissant non loin d'elle l'étouffait presque.
Un plat fut présenté devant elle dont elle ne parvint pas à connaître l'origine mais sachant les regards braqués sur elle, Helga tourna son plus joli sourire vers le châtelain.
« C'est une entrée ? » demanda t'elle en latin en faisant mine de boire le vin âpre que sa fidèle servante Andrés lui servait.
Le sourire de Bruce s'étira.
« Si vous en prenez plusieurs parts, ça fera un plat complet. » répondit-il à haute voix et en gaélique.
Les convives se mirent à rire sous le regard stupéfait mais digne d'Helga. Elle pensait qu'étant d'engeance noble, il savait lui au moins, parler latin.
« Notre invitée semble décontenancée messire. Peut-être devrions-nous l'informer que nous la comprenons? » tenta un vieux monsieur au collier de pierres précieuses.
« Non. » répliqua sèchement Bruce. « Elle est une envoyée du pouvoir du Sud. Si ces beaux gentilshommes pensent qu'il suffit d'asservir les Pictes ou les Scots ils se trompent lourdement. Puisque nous sommes des sauvages à leurs yeux, nous resterons comme tel. Je n'ai pas de compte à rendre à Llyn-Duin. » (2)
Le vieil homme n'osa répliquer. Helga jeta un coup d'œil en biais sur son voisin. Elle savait que Llyn-Duin était la forme celtique pour parler de Londinium. La jeune femme ne fit pas attention aux ordres suivants que baragouinait Bruce Campbell, trop occupée à se demander si elle devait faire part dès ce soir ou pas de l'échec cuisant de sa venue en terres scots.
Bruce quant à lui était surpris même s'il n'en disait mot. Il se serait attendu à bien plus de réactions violentes de la part de la jeune et bien trop belle diplomate. Il avait prévu une scène de reproches sur le fait qu'il avait ajourné l'entretien puis pour la rudesse de l'accueil et surtout il avait attendu du dédain de sa part. Décidément, rien ne se passait comme prévu aujourd'hui.
« Comtesse de Lenton? »
Helga releva son regard vers le suzerain. Au moins, il connaissait son titre. Quelques ménestrels comptaient champs de batailles et amours tragiques à la galerie tandis qu'Helga remarqua enfin la silhouette sibylline d'une jeune fille juste derrière eux.
« Damoiselle Rowena. » présenta Bruce le visage secrètement confiant.
Andrés qui se tenait avec les autres serfs se pencha vers sa maîtresse tandis qu'elle remplissait de nouveau son verre.
« J'en ai entendu parler aux cuisines Dame Helga. L'une des lingères est normande. Damoiselle Rowena est...était la fille d'un puissant banquier. Malheureusement, ce dernier a péri dans un incendie en compagnie de sa mie. Hier soir. C'est pour cette raison qu'il n'était pas là»
Andrés fit un geste discret en direction du voisin de sa maitresse et recula polimment. Le lourd regard de Bruce pesait toujours sur Helga. Faisant mine d'avoir saisi le fait qu'elle savait à présent, il haussa les épaules dans un mouvement fataliste.
« Requiescat in pace. » fit Bruce en direction de son invitée.
Helga sentit une intense vague de pitié vers la jeune fille qui gardait les yeux obstinément baissés. Dans un geste de solidarité, elle prit la main de l'orpheline dans la sienne et la serra.
Sans un sourire, Rowena laissa l'argent de son regard couler jusqu'à la comtesse. Mobiles, les yeux de Rowena avait cette capacité translucide d'exprimer tout ce qu'elle ne pouvait, tout ce qu'elle n'osait pas dire.
« Car l'Éternel connaît la voie des justes. » fit Helga d'une voix réconfortante. (3)
« Et la voie des pécheurs mène à la ruine. » continua Rowena d'une voix mal assurée.
Helga ouvrit la bouche puis la referma. Elle avait parlé anglais. Bruce parla de nouveau tandis qu'une ombre passa sur le visage fantomatique de Rowena qui hésita puis acquiesça.
« Notre suzerain souhaite que je vous enseigne le gaélique Dame de… »
« Helga. Dame Helga suffira. Dites à mon hôte que lui suis gré de cette attention. J'accepte avec joie évidemment et qu'il sache que je suis prête à fournir de nombreux efforts dans votre langue afin de pouvoir discuter pleinement avec lui.»
En un battement de cil Rowena croisa le regard acier de Bruce et continua :
« Ne désirez-vous rien lui dire d'autre Dame Helga? »
« Je n'aime guère les conflits. » répondit dans un sourire mutin Helga.
Un bruit de cuivre se fit entendre et l'un des pages vint précipitamment vers Bruce pour lui murmurer quelques mots. Ce dernier eut un geste agacé.
« Votre garde personnel est arrivé Dame Helga. »
Helga tâcha de contenir sa joie. Aussi lentement que possible, elle fit signe à Rowena de s'installer auprès d'elle et envoya un rire enchanteur vers son voisin qui l'ignora.
Vêtu encore d'un poitrail d'acier, le soldat aux épaules carrées et aux boucles couleur de feu s'avança en premier jusqu'à hauteur des suzerains. Quelques pas en arrière, le regard émeraude mobile, la haute silhouette osseuse d'un homme aux cheveux noirs luminescents se découpait de manière presque violente dans la pièce.
« Comtesse de Lenton. Lair Bruce Campbell. Je me présente humblement pour assurer mon service. Le Duc de Cornouailles vous envoie ses plus sincères prières Lair Campbell et vous remercie d'accepter ses hommes en votre Terre. » commença-t-il dans un gaélique hésitant (4)
« Failté. » répondit traditionnellement l'héritier des Campbell.
Toute la salle en fit de même sous le visage fermé et curieux du second homme.
« Soyez bienvenue en mes Terres soldats. Que l'étranger soit toujours accepté tant que la paix est en son cœur. »
« Gente Dame, Capitaine Godric Gryffondor pour vous servir. »
Rowena traduisit sous le visage étonné et que ne cherchait pas à cacher Godric. Un coup d'œil à son camarade lui fit comprendre que tout deux avaient pensé la même chose.
« Vous vous êtes fait désirer Capitaine. » assura coquettement Helga, heureuse de se voir enfin entourée de personnes pouvant la comprendre. « Votre intendant et vous-même… »
« Pardonnez-moi Dame de Lenton. » coupa le faux intendant. « Mais je ne dois ma présence ici qu'au Capitaine Godric. Je suis d'Irlande. Salazar Serpentard. »
Ni Helga, ni Godric ne surent si c'était le nom de l'île d'émeraude ou si c'était le nom de l'homme qui provoqua une telle réaction mais un murmure parfaitement audible traversa l'assemblée et une lueur d'intérêt mêlé à du défi traversa le visage de Bruce.
« Maître des Serpents en ma demeure ? Les Prêtres envoyés par le Pape pourraient te condamner pour moins que cela. »
Godric fronça les sourcils, sa main glissant imperceptiblement vers le pommeau de son épée tandis que Salazar jetait un regard plein de morgue vers le châtelain. Ce dernier éclata d'un rire sonore et la musique repartit, la tension se relâchant douloureusement. Bruce convia les deux hommes près de lui et les installa à sa droite. Godric se montra prudent mais jovial, quant à Salazar, tout comme Rowena près d'Helga, il s'était enfermé dans un silence obstiné face aux chuchotements qu'il engendrait.
D'aussi loin que la légende le dit, cette soirée se passa sans autre encombre. Car comment Campbell aurait-il pu savoir qu'il signait là la perte de sa lignée pour des générations et des générations ? Comment pouvait-il prévoir la malédiction qui tôt ou tard finirait par tomber sur lui ?
Les jongleurs donnaient plaisant spectacle lorsqu'une voix murmura à chacun des quatre sorciers qui se connaissaient encore si peu quelques mots : « Brevis tuus temps est. » (5)
Sans le savoir, les quatre fondateurs venaient de sceller leurs destinées.
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(1) Je sais ce que tu es. En latin.
(2) Llyn-Duin est le nom antique celte de la ville de Londres. Helga est en fait originaire de Normandie qui sera ensuite le fief de l'État encore naissant d'Angleterre. Mais je vous raconterai l'histoire d'Helga plus tard .
(3) C'est un des Psaumes de la Bible mais ne me demandez pas lequel, je ne m'en rappelle plus.
(4) Lair est un titre Noble chez les Scots. Il revient à Duc.
(5) Il ne reste plus beaucoup de Temps. En latin.
Disclaimer : Les personnages ne m'appartiennent évidemment pas puisqu'ils sont propriétés de JkRowling qu'on remercie pour la date de sortie du prochain tome .
Anywhere- Ashton : Merci pour votre soutien qui ne faiblit jamais. Avoir un bon copain lala la .
Atalante de Tebas : Je te remercie pour ta fidélité. Et suis contente de voir que Godric et Salazar te plaisent. Dans ce chapitre-ci on les voit un peu moins mais c'est tout simplement parce que ce sont les derniers à arriver. Dans le prochain ils seront nettement plus présents. Pour Rowena les choses iront lentement mais la lumière est au bout du chemin ;).
Lorelaï Huy : Merci pour ces gentilles paroles. C'est vraiment sympa. Je n'avais pas vraiment réfléchi au fait qu'en effet, j'écris un peu sans support. Mais du coup j'ai aussi plus de liberté. En ce qui concerne Salazar, rassure-toi ça va faire partie de son évolution. Disons que j'avais envie de mettre en lumière le tout début de ce qui va être finalement un renfermement total sur lui-même. C'est un long chemin jusqu'à ce qu'il devienne ce que l'on sait. Il sera bien ce que l'on sait de lui par rapport aux bouquins HP.
Contente de voir que Godric te plaît en tout cas . Pour l'instant je ne sais pas trop ce que vous pensez de Rowena. C'est vrai qu'elle est encore nébuleuse mais ça viendra aussi. Sinon j'ai plaisir à écrire Helga à vrai dire.
Pour Bruce Campbell c'est un ancêtre des Campbell dont l'histoire au XIIIème siècle sera si « sanglantement » connu. Ca c'est presque du spoiler .
Vous connaissez la chanson. Une petite review pliz. J'espère que ce chapitre vous plaira en tout cas.
