- Miss Granger ! Doby est si heureux de vous revoir !
L'elfe accouru à ses côtés, dans sa petite robe de jute misérable, un grand sourire illuminant son visage.
- Vous avez donc reçu ma lettre ?! exulta Hermione
Les deux amis se mirent à échanger joyeusement sous le regard dur et froid de Draco.
Bien sûr, il était heureux que la situation s'arrange; et il était difficile de rester de marbre devant l'expression de joie qui saisissait le visage de la jeune gryffondor. Cette situation avait assez duré. Il allait pouvoir rentrer chez lui, aider sa mère. Faire ce qu'il devait faire, sans l'angoisse d'être découvert. Il ne serait plus un danger pour sa famille. Il serait débarrassé d'Hermione et de son sale caractère pour de bon. Il ne culpabiliserait plus et dormirait la nuit. Il allait pouvoir récupérer sa maison.
Et pourtant, une part de lui se sentait pas si soulagée que cela. Il y avait quelque chose d'agréablement tranquille à être dans ce grenier. Comme une bulle hors de temps, un espace protégé du monde extérieur. Même s'il avait vécu cette expérience comme une sorte de captivité forcée, une punition pour avoir fait le geste de trop, il avait fini par s'y sentir bien. En tout cas, mieux qu'il ne se sentait chez lui. Maintenant, il n'aurait plus cette échappatoire. Il serait obligé de faire face, tous les jours, et d'assumer son rôle. Il était en colère, aussi. Le serpentard n'avait pas eu le temps de répondre à Hermione après qu'elle se soit confiée. Qu'avait il voulu lui dire déjà ? Il ne s'en souvenait plus. En fait, est-ce qu'il avait seulement prévu de lui dire quelque chose ? Il avait voulu, pourtant. Peut-être lui dire qu'elle n'était pas la seule à souffrir. Ou encore qu'il comprenait. Non, venant d'une personne de son statut, cela aurait surement été déplacé. Alors qu'il était désolé ? Pourquoi avait-il eu besoin, en cet instant, de lui dire quelque chose ? Il ne se comprenait pas lui même.
Hermione s'était agenouillée, un large sourire étirant ses lèvres et faisant ressortir ses pommettes constellées de tâches de rousseurs. Doby n'avait pas encore remarqué le mangemort, étonnement. Dans l'euphorie du moment, toute son attention s'était tournée vers Hermione. Maintenant, il avait les yeux larmoyants et reniflait du nez. Ses amis avaient dû réellement s'inquiéter. Une part de Draco avait pensé à la possibilité que personne ne vienne chercher Hermione, ou tout du moins que personne ne la trouve ou prenne de risque pour venir à son secours. Manifestement, Potter et Weasley n'avaient pas abandonnés. Est-ce que Crabbe, Goyle ou Pansy auraient fait de même pour lui ? Draco en doutait.
Soudain, l'elfe se tourna vers lui, son expression passant de la joie à la méfiance. Il se mit entre lui et Hermione et releva le menton.
- Que fait le jeune Malfoy ici ? demanda t-il fièrement.
Draco serra les dents et se redressa, la baguette à la main. Son ancien elfe de maison avait bien changé. Même s'il n'avait jamais pris le temps de se soucier de son sort, le serpentard n'avait jamais aimé la manière avec laquelle son père le traitait, lorsqu'il était au manoir. Sans être forcement agréable ou prévenant, Draco ne l'avait jamais humilié ou frappé. Un soir, alors qu'il était encore jeune, bien avant Poudlard, il lui avait même offert un biscuit après que l'elfe se soit fait corriger par son père. Bien sûr, Doby avait refusé, et Lucius n'avait pas perdu de temps pour reprendre Draco sur son comportement, qu'il avait jugé "indigne d'un sang pur".
Hermione sembla gênée. Elle se releva vivement et s'éloigna dans un coin de la pièce avec l'elfe, lui murmurant des choses que Draco ne pouvait pas entendre. Doby le jaugea de ses immenses yeux verts, puis la gryffondor vint vers lui.
Elle s'arrêta à quelques mètres de lui lorsqu'elle vit la baguette qu'il tenait d'une main ferme, derrière sa cuisse. Elle sembla soudainement gênée, hésitante, le regard fuyant. Draco, lui, la fixait froidement.
- Je ... Je lui ai dis que tu n'étais pas une menace.
- Il est hors de question que Potter sache ce que j'ai fais, tu m'entends ? répondit Draco plus sèchement et durement qu'il ne l'aurait voulu. Personne ne doit savoir.
- Que veux tu que je leur raconte ? s'étonna Hermione.
- J'en ai rien à faire, trancha Draco. Tu n'as qu'à leur dire que j'ai transplané avec toi pour t'enfermer, t'empêcher de t'échapper, et que tu t'es débrouillée pour me filer entre les doigts. Tu ne leur diras rien, tu m'entends ?
Hermione fronça les sourcils. Pourquoi était-il si agressif ?
- Oui, d'accord, souffla t-elle.
Soudain, il réduisit la distance qui les séparaient d'un seul mouvement et lui attrapa le poignet avant de la tirer vers elle sans ménagement.
- Jure le, Granger exigea t-il d'une voix rauque.
Hermione se figea. La main du serpentard lui serrait le poignet si fermement qu'elle eu presque mal. Leurs visages étaient si proches que l'un pouvait sentir le souffle de l'autre contre sa peau. Il s'accrochait à elle comme s'il risquait d'être emporté par les eaux d'un torrent. Les traits de son visage étaient durs, sa mâchoire contractée, faisant ressortir cette veine contre sa tempe, la même qu'elle avait vue lorsqu'il l'avait amenée ici le premier jour. Pourtant, quelque chose d'autre se terrait au fond de son regard, mais Hermione n'arrivait pas à l'identifier. Ses doigts étaient froids contre sa peau.
- Jure le, répéta-il.
- Je le jure, s'empressa t'elle de murmurer d'une voix éteinte.
Les grands yeux gris du mangemort sondèrent les ceux de la gryffondor, s'arrêtant sur chaque pupilles tour à tour.
Alors, il relâcha son emprise avec une douceur presque troublante et recula légèrement. Hermione sentit le bout de ses doigts glisser doucement contre sa peau. Même libre, son poignet ressentait encore la pression que le mangemort avait exercée contre lui, comme une sensation fantôme. Ils étaient encore proche, si proche qu'elle pouvait voir le tissu de sa veste s'étirer contre son torse au rythme de sa respiration, qu'il avait irrégulière.
Quelques secondes passèrent durant lesquelles ils ne parvinrent pas à se regarder en face. C'est Hermione qui, la première, releva ses yeux vers ceux de Draco. Elle aurait aimé lui dire que tout irait bien, mais elle s'y refusa car de toute évidence, rien n'irait bien une fois que chacun reprendrait le cours "normal" de sa vie. Non, tout ce qu'elle pouvait lui dire, c'était "merci". Son cœur se serra si fort qu'elle cru manquer d'air.
- Miss Granger ! appela Doby.
Hermione sursauta. L'elfe se tenait juste derrière elle, une main tendue dans sa direction.
- Il faut se dépêcher. Nous devons partir, pressa t'il.
Elle se retourna vers Draco. Le mangemort avait les traits tirés en un rictus amer. Il se renfrogna et se recula de plusieurs pas, les poings serrés et le regard fuyant.
- Au revoir, Draco, réussi t'elle à articuler.
Le serpentard releva les yeux vers les siens et soudain, elle disparu.
Il relâcha un souffle qu'il avait retenu depuis longtemps sans même s'en rendre compte. Doby avait coupé court à la conversation. Il n'avait pas eu le temps de lui dire aurevoir, et maintenant il était seul. Debout dans le grenier, le silence devint lourd et épais, presque palpable, si bien qu'il eu du mal à bouger. Quelle sensation étrange c'était pour lui, de se tenir là, dans les restes de ce qui avait été leurs refuge. Les livres étaient encore éparpillés ça et là. Les draps, qu'Hermione avait soigneusement pliés, étaient empilés sur la commode, le sac de cuir posé à côté. Et sa cape était toujours sur le dossier du sofa.
Il s'en approcha et l'attrapa du bout des doigts, puis releva timidement le tissu vers lui. Il sentait le jasmin.
Les retrouvailles avaient été intenses. Embrassades, larmoiements en tout genre... Hermione cru imploser sous les émotions qui s'imposaient à elle.
Doby avait transplané dans la cuisine. Hermione eu à peine le temps de se remettre du transplanage qu'Harry lui sauta au cou. Ron déboula dans la cuisine et l'enlaça si fort qu'elle en eu mal aux côtes. Tout le monde vint la saluer chaudement. Il y avait même Dean Thomas, qui n'avait pu retourner à Poudlard suite à l'expulsion des nés moldus ou de ceux qui ne pouvaient prouver qu'ils étaient de sang mêlés ou de sang pur.
Hermione était heureuse aussi, bien sûr, mais ce déferlement d'attention lui donna le tournis.
C'est Ron qui dû calmer les autres, qui ne cessaient de lui demander ce qu'il s'était passé et comment elle s'en était sortie. Elle raconta la version de Draco, comme elle lui avait promis, sans s'épancher en détails. L'émotion qui lui saisit le cœur lorsqu'elle se remémora ce moment sembla convaincre tout le monde. Lorsqu'Harry lui demanda plus de précisions, elle prétexta ne pas vouloir en reparler. Tout le monde l'avait entendue hurler lorsque Bellatrix l'avait torturée, alors personne n'osa insister et c'est Fleur qui changea de sujet la première et lui proposa un bain.
Ils étaient chez elle et Bill, dans leur cottage recouvert de petits coquillages à Tinworth, sur la côte. Le couple avait emménagé ici après leur mariage, la maison appartenant auparavant à l'une des tantes Weasley. C'était un endroit protégé par le sortilège de fidelitas, dont Bill était le gardien du secret. Il n'y avait donc aucune chance pour qu'une horde de mangemorts ne débarque sans crier gare, ce qui rassura la jeune gryffondor. Hermione apprit que c'était l'une des dernières cachettes sûre de l'Ordre, aussi s'y tenait-il des réunions de temps à autres. Gripsec et Ollivander étaient aussi dans la maison, mais elle ne les vit pas. Elle accepta tout de suite la proposition de Fleur et s'enferma dans la salle de bain.
Elle resta dans l'eau pendant deux heures. Les sortilèges d'hygiène étaient une invention merveilleuse, mais rien ne pouvait remplacer un bain rempli d'eau chaude et du savon.
Après s'être lavée, elle contempla la fenêtre, par delà laquelle elle pouvait apercevoir la plage et l'océan. Les vagues se transformaient en écume sur le sable en un mouvement presque hypnotique. Elle resta pensive durant de longues minutes, ressassant les derniers jours chez Barjow et Beurk. Tout cela avait été si ... étrange. Hermione ne sentit pas son esprit glisser dans le sommeil, détendue par les vapeurs qui s'échappaient paresseusement de l'eau du bain.
Mais à peine fût elle endormie qu'elle se réveilla en sursautant, éclaboussant les dalles de pierres qui constituaient le sol. Elle ne voulait pas s'endormir. Elle ne voulait pas revivre les évènements du manoir, comme la nuit dernière. Elle devait laisser cela derrière elle et trouver un moyen de se reposer sans se retrouver de nouveau là-bas. Ils n'en avaient pas encore parlé, mais elle et les garçons allaient devoir trouver une solution pour avancer dans leur quête. Etre torturée par des souvenirs douloureux ou devenir insomniaque n'aidera en rien.
Peut-être qu'une potion pourra faire l'affaire.
Le patronus d'Hermione s'évanoui gracieusement dans les airs. Elle ramassa sa baguette et se releva, se retournant vers lui d'un mouvement souple. Ses cheveux dansaient sur son profil en miles boucles brunes avant de cascader dans son dos. Avait-elle déjà été si belle ou avait-il été aveugle, toutes ces années durant ?
La silhouette élancée, son jean épousait les courbes de son corps. Son t-shirt était légèrement remonté au niveau de sa ceinture, laissant apparaître quelques centimètres de peau au niveau de son abdomen. Le tissu remontait alors pour se tendre au niveau de sa poitrine avant de disparaître et de laisser place à ses clavicules. Puis à son cou, où il pouvait presque apercevoir son cœur palpiter, juste sous son oreille.
Elle souriait. Elle s'approcha d'un pas presque félin vers lui jusqu'à n'être qu'à quelques centimètres. Puis, elle releva la tête et plongea son regard dans le sien. Ses lèvres étaient légèrement entre ouvertes, ses joues légèrement rosies et ses yeux noisettes brillaient sous la lumière de la lune. Il rabattit une mèche de ses cheveux derrière son oreille dans une lenteur calculée. Ils étaient si doux. Draco cru voir ses pupilles se dilater alors qu'il glissait sa main dans sa nuque. Il sentit son propre souffle s'accélérer, le parfum de jasmin embrumant ses sens un peu plus à chaque respiration. Il pouvait voir sa poitrine se soulever souffle après souffle alors que, de son autre main, il agrippait sa hanche. Sa peau était douce, il y enfonça ses doigts. Hermione ouvrit un peu plus la bouche, le regard plus sombre que jamais et elle posa ses mains contre son torse avant d'attraper les bords de sa veste.
Son corps vint se coller au sien, leurs souffles se mélangèrent et il resserra son emprise alors qu'il baissait la tête vers elle. Il pouvait sentir son corps se tendre contre lui. Il inclina sa tête et sentit la caresse de ses lèvres effleurer les siennes. Hermione releva ses yeux devenus presque noirs pour les plonger dans les siens.
- Sang de bourbe, dit-elle avec sa propre voix.
Il tressailli dans un hoquet et se redressa d'un bond. Le satin des draps de son lit glissait sur son corps couverts de sueurs froides alors qu'il reprenait son souffle, le visage enfoui dans ses mains. Les muscles tétanisés, il attendit que les battements de son cœur cessent de cogner contre ses tempes avant de se laisser retomber dans son lit en soupirant.
Il se releva alors d'un bond et se dirigea vers sa salle de bain, décidé à effacer le parfum qui persistait dans l'air.
