Une Affaire de Famille
AN : Voilà le dernier chapitre, et le plus long. En espérant que la fin de cette histoire vous plaise. Je vous remercie de m'avoir suivi dans cette aventure et je remercie à nouveau ma chère amie Avelyan de m'avoir amené à publier et de me suivre dans mes projets d'écriture !
Chapitre 12 :
Elle déambulait dans les rues fraîches de Saint-Louis serrant un bout de papier plié contre sa poitrine. Sam Winchester n'avait plus donné signe de vie depuis quelque temps et ne répondait plus au téléphone. Elle redoutait l'état dans lequel elle le retrouverait. Son instinct lui criait qu'elle perdait son temps à fouiller et interroger tous les bars de la ville mais elle persistait, luttant contre la voix dans sa tête. Elle poussa cette énième porte et scruta chaque humain présent. Elle ne s'attendait même plus à le trouver ainsi et la déception de ne pas reconnaître son visage avait disparue après les trois premiers établissements de beuverie. Elle s'approcha d'un pas déterminé vers le barman et déplia sa feuille.
-Excusez-moi de vous déranger mais je recherche un homme du nom de Sam Winchester. Vous ne l'auriez pas vu dans les parages ?
-Désolé M'dame, jamais vu d'ma vie.
Soupirant et manquant d'entrain, elle préféra sortir et continuer sa route. Ses talons claquèrent sur les planches de bois martelant violemment le sol décrépit sous ses pas rapides. Le son de ses foulées en symbiose avec les battements frénétiques de son organe apeuré, elle laissa la porte battante s'écraser contre le chambranle. Elle passa ses mains sur son délicat visage, écartant les mèches sauvages que l'homme de sa vie aimait tant, et essaya de se calmer. Elle savait que ce geste était parfaitement futile et qu'elle ne cesserait de s'agiter avant de le retrouver. Jour après jour, et sans s'en rendre compte, elle s'était retrouvée seule. Ses parents, sa sœur et maintenant Sam.
Percutée de plein fouet, sa vision s'obscurcit et elle sentit son corps transporté vers l'inconnu. Son dos se colla, malgré elle, contre un mur froid et elle y apposa les mains cherchant quelque chose de tangible sur lequel s'accrocher. Après quelques secondes elle remarqua une brûlure dans sa poitrine et ce noir pesant qui l'aveuglait. Elle comprit enfin qu'elle s'était tétanisée. L'air de ses poumons expulsé n'avait jamais regagné sa cage thoracique et dans ce mouvement qui l'avait poussée elle avait d'instinct fermé les yeux. Elle inspira une grande bouffée d'air frais et ouvrit lentement les paupières. Elle discerna une ruelle sombre et une silhouette imposante et masculine devant elle.
-Jessica.
Sans hésitation elle sauta au cou de l'homme à la voix suave si familière et embrassa fougueusement ses lèvres qui s'imbriquaient si bien sur les siennes.
-Sam !
-On dirait que je t'ai trouvé.
Un bruit mat assourdissant la fit sursauter. Une porte de service s'ouvrit et elle vit enfin le visage de son chéri : Il arborait un sourire machiavélique qui lui glaça le sang.
Dean débrancha toutes ses entraves médicales et son esprit vagabonda vers son petit frère. Il n'avait jamais cessé de veiller sur lui. Leur père reprochait à Dean de laisser tomber l'affaire de famille pour des foutaises : Sam avait voulu quitter la famille et arracher les ponts qui pouvaient les relier, ce n'était pas pour courir dans ses jupons à la moindre occasion. Pour le chasseur, voir son cadet heureux comme il n'avait jamais pu le faire, remplissait son cœur d'un amour pur. Tout ce qu'il pouvait souhaiter et rêver à chaque instant de sa vie se tenait sous ses yeux. La vie parfaite et heureuse de son Sammy se faisait, sans lui. Il crevait d'envie de se montrer devant lui à chaque fois qu'il passait à Stanford, d'être égoïste et de s'accorder des moments de bonheur également pour lui.
Puis, John le laissa tomber et il se retrouva seul. Il avait conduit des heures et des heures durant sans s'arrêter jusqu'au campus de son frère, décidé à le prendre dans ses bras fermes et ne plus le lâcher. Il se souvenait de cette fameuse visite, la dernière qu'il avait menée. Il vacillait à bouts de souffle à la recherche de l'être qui le faisait respirer. Etourdi par le manque d'oxygène et de ses coups de tête frénétique, il était tombé au sol embrassant l'impact douloureux de ses genoux qui avait vibré en lui. Comme un coup du destin ses yeux tombèrent sur la tignasse tant recherchée. Il avait retrouvé vie pour le suivre. Pas après pas, Sam l'avait mené devant une belle maisonnette bleue et blanche et une magnifique femme se tenait sur le porche. Il avait regardé son cadet la prendre dans ses bras et l'embrasser. Toutes les raisons qui l'accablaient de s'inquiéter pour son petit frère fragile disparurent à cet instant et il s'éloigna à contre-cœur. Depuis ce jour Dean ne voulait plus voir son frère. Il était heureux et construisait sa vie parfaite et l'aîné s'exécrait de gâcher l'idylle.
Il supplia à présent la Terre entière que Sammy rejoigne sa compagne et vive heureux jusqu'à la fin de leurs vieux jours. Il se haïssait d'avoir blessé son cadet et l'air meurtri de son visage le hantera jusqu'à la fin des siens. C'est à cause de cette enflure que Sam est là : il était venu défendre son frère et en a subi les conséquences. Dean a détruit Sammy. Le jeune Winchester ne savait pas mentir et surtout pas à son aîné qui le connaissait de tout son cœur. Il ne savait pas ce que ce pourri a osé faire endurer à son sang mais il allait lui faire sa fête.
Déterminé et assoiffé de sang, il sorti de l'hôpital et, à l'abri des regards indiscrets vola une voiture. Il arracha l'écharpe qui lui bandait l'épaule et saisit du mieux qu'il put le levier de vitesse avec sa main droite toujours piégée de cette putain d'attelle. Il grogna mais réussi à connecter les fils pour démarrer la voiture. Il allait retrouver sa voiture et s'armer. Cette douce pensée calmait ses douleurs et fit crier chacune de ses fibres d'une vengeance divine. Il savait où il se terrait.
Il éteignit ses phares et laissa la voiture dériver sur le sentier boisé, se rapprochant de sa cible tel un prédateur aguerri et discret. Il connaissait si bien chaque rouage de son bébé bruyant qu'il pouvait la transformer à sa guise en lionne férocement silencieuse, transportant son chasseur endurci mortellement armé. Il abandonna son fidèle destrier près de l'entrée principale de l'entrepôt désaffecté et colla son oreille sur la tôle de la porte. Des cliquetis régulier et lointain lui parvenaient, il décida donc d'entrer discrètement, son arme chargée au poing.
-Ah, Dean. Te voilà ! J'espérais avoir fini de ranger ma demeure avant ton arrivée.
-Si c'est ça ton palace de secours, je comprends mieux que ton domaine soit les égouts !
Leurs voix résonnaient beaucoup trop et Dean ne savait pas encore où se trouvait l'enflure. Il déambulait donc précautionneusement l'arme pointée devant lui, balayant du regard chaque recoin. Un rire du tréfonds des entrailles du polymorphe dansait tout autour de lui. Il avait obtenu une réaction de la créature et tout son qui s'échappait de cette béante de monstruosité était un indice pour le Winchester. Il sentit quelque chose proche de lui et se tourna d'un bond faisant face à l'entité qui lui avait pris sa peau, blessé son petit frère. Il se jeta sur lui hurlant de rage.
-Tu ne vas pas t'en sortir.
-ça n'a pas la moindre importance.
Dean le pensait sincèrement, son sort ne lui importait pas. Du moment qu'il emportait ce polymorphe avec lui.
Sam se laissa glisser en dehors de sa voiture et traîna des pieds, abattu, jusqu'à sa porte. En glissant sa carte dans le lecteur son œil fut attiré par une feuille pliée scotchée à la porte de sa chambre. Du bout des doigts, il décolla le papier rêche et l'ouvrit mécaniquement. Il mit du temps à reconnaître ce jeune homme souriant imprimé délicatement : Lui. Une version de lui tellement différente, si lointaine, heureux et si jeune. Comment ses traits peuvent-ils s'être durcis et vieillis en si peu de temps ? Le contraste de l'homme plein de vie figé sur le papier et de l'homme inanimé qui tenait au creux de ses mains son bonheur passé. Il détailla chaque parcelle de la feuille et fut des plus surprit de tomber sur la belle écriture de Jess qui a inscrit Sam Winchester juste sous la photo.
Il arracha la porte dans un regain de vie appelant sa Jess à pleins poumons. Elle se trouvait dans sa chambre : l'effluve de son parfum planait dans l'air pesant. Sam se précipita sur l'interrupteur pour allumer la pièce. Aucune trace de Jessica. Une enveloppe marron épaisse trônait sur le bord de son lit. Son nom figurait d'une écriture dure qu'il ne reconnut pas. Il tira sur la languette fortement et des mèches de cheveux long et blonds lui glissèrent entre les doigts avant de lui échapper des mains. Tétanisé devant ce défilé de boucles dansantes qui vinrent s'écraser à ses pieds, son cœur cessa de battre. Ses poings se serrèrent violemment et un bruissement le fit sortir de sa torpeur : l'enveloppe. Il attrapa le reste du contenu de manière frénétique. Une photo de Jessica attachée à une chaise, un regard affreusement suppliant, des larmes brillant sur son doux visage ensanglanté. Une main d'homme posée sur sa cuisse. Il hurla sa douleur et son désespoir et retourna la photo, ne supportant plus une telle vision. Il rêvait, ce n'était pas possible ! Dean et Jessica…
Des lettres attirèrent son attention. Au feutre rouge sang, était inscrit une adresse et ces quelques mots : « Tu sais où la chercher. Viens Sammy, on va s'amuser. »
Bouillonnant d'une rage inouïe qui explosait en lui, il serra son flingue et son couteau dans les paumes de ses mains et se dirigea vers sa fidèle voiture pour le trajet final de son aventure avec ce monstre. Ses instincts de chasseurs prirent le dessus sur ses ardeurs et il fit le tour de l'entrepôt, prêt à éviter un piège. Il poussa une porte arrière du bâtiment avec la pointe de son couteau.
Jessica l'accueillie en enfer. La photographie l'avait préparé à ce moment, et pourtant, de la voir ainsi Sam fut pris de spasmes biliaires. Une mare de sang gisait à ses pieds et sa tête tombait sur son torse. Il traîna sa carcasse auprès d'elle et s'accroupit devant une peau livide.
-Jess ? Jess, c'est moi : Sam. Je t'en prie, ne me fais pas ça…
De la pulpe de ses doigts tremblant il chercha un pouls. Le monde abyssal dans lequel il se trouvait depuis beaucoup trop longtemps, bascula quand il ne toucha qu'une peau froide ornée d'une carnation cadavérique.
-Non, Seigneur : NON ! Pitié rendez-la moi…Jessica !
Il agrippa de ses mains la tête de sa bien-aimée. Son visage était figé dans un cri sourd et des yeux terrifiés si affreux que Sam senti son palpitant s'arracher de ses entrailles. Il glissa dans le sang encore frais de Jessica. Il voulut hurler mais aucun son ne sorti de ses lèvres. Ses mains trésaillaient d'horreur, de ce sang couvrant encore et toujours ses paumes. Il sanglota affreusement quémandant d'être achevé. Il crut halluciner en voyant de multitudes marques de mains et traînées de doigts parcourant le sang de son amour. Sam se détourna de la vision espérant vainement qu'elle ne s'efface. Mais l'horreur continuait son ascension. Au mur, siégeait une inscription de sang : la porte des enfers abyssales de Sam Winchester.
Sam W est la cause de ma mort
Signé : Celle qui aurait pu être sa femme Jess M
Le jeune chasseur se laissa tomber fracassant les derniers morceaux qui le composait s'effondrer contre le bêton inébranlable.
L'entrepôt partait en poussière autour de lui. Il venait d'être pulvérisé, il n'existait plus. Le monde ne méritait plus de tourner. Un fracas assourdissant résonna près de lui et il ferma un instant les yeux exhalant toute sa jouissance de ce monde décadent qui implosait. Il se tenait dans les profondeurs infernales de la merde de cet Univers et il venait de jurer embrasser toute cette noirceur et éradiquer toutes les pourritures que l'Enfer mettrait sur son chemin. Si ces enflures voulaient jouer avec les flammes abyssales, Sam serait celui qui leur ferait vivre pire : à lui de jouer. Une agitation tumultueuse vint ponctuer la justesse de ses mots, le faisant afficher un rictus oblique satisfait.
Cette allégresse minime s'effaça à la seconde où des grognements résonnèrent autour de lui. La voix de Dean lui semblait proche et pourtant inatteignable. Il avait tout donné, tout abandonné pour retrouver une once d'espoir sur la survie des Winchester, mais, la force de son aîné et de son amour était cet espoir qui germait dans ses tripes, seul : il en était incapable. Contre vents et marrées, dans une obscurité douloureuse il avait éclos. Cette pourriture l'a détruit, réduit à néant mais Dean respirait encore. Il devait se relever et gravir une à une les ténèbres qui s'étaient refermées sur lui l'enfonçant un peu plus dans les limbes, loin de son frère, plus proche de sa Jess.
Se reprendre lui paraissait impossible, bien au-delà de ses forces. Pourtant, ses jambes s'entrechoquaient dans un vacarme honteux mais supportaient son poids.
Un pas après l'autre, il percevait la douleur de son frère qui s'amplifiait dans sa boîte crânienne. Il ne pouvait pas perdre son frère après tout ce chemin parcouru et tout ce qui avait pu être détruit à jamais pour en arriver là. Il posa fermement la main sur la poignée de porte et s'affaissa dessus pour l'ouvrir. Il ne pouvait faire confiance à son corps pour tourner la poignée à cet instant : sa vision était sanglante d'un corps qu'il a tant aimé et son ouïe ne captait que les grognements de son aîné le rendant aveugle et sourd à ce qui l'entoure.
Miraculeusement il retrouva la vue alors que la porte claquait contre le mur, l'emportant presque dans une chute aussi disgracieuse que lui. Les deux Dean se battaient en face de lui. La violence de leur affrontement pleinement imprimé sur les rétines du jeune chasseur : des machines déformées, de la tôle froissée, de la ferraille brisée. L'entièreté de cette partie d'entrepôt recouverte d'éclats de verre qui jonchaient le sol, son frère gisant parmi la tôle et le verre gémissait de douleur à chaque coup que lui portait le polymorphe.
Un râle effroyable empli l'air pesant et le jeune Winchester sentit ses poils se dresser devant ce cri inhumain. Sa gorge serrée le brûlait à présent et il comprit qu'il était l'origine de ces hurlements de haine qu'il poussait d'agonie. Il expectorait toute sa fureur contre l'enfoiré qui maîtrisait son frère et qui avait torturé et assassiner dans d'atroces souffrances la femme de sa vie. Il laissa des larmes de rage s'éclater dans les sillons creusés de son visage et se jeta de toutes ses forces sur le métamorphe, sans réfléchir.
Ils valdinguèrent ensemble accrochés par les ongles qui s'enfonçaient dans leur chair à vif, s'écorchant sur le verre qui dansait autour d'eux. Une pluie de poings s'abattit sur la face et le torse du changeur de peau et Sam lui fractura allègrement ce qui lui tombait sous la dent. Il se releva sans difficulté et dans son élan, amena la tête de l'enflure à se fracasser contre le béton parsemé de verre délicieusement coupant pour un plaisir décupler.
Son regard se posa sur son frère qui peinait à se relever, se rabattant sur son flingue qu'il fit glisser aux pieds de Sam. Ses yeux s'agrandirent en reconnaissant l'arme : la préférée de son aîné, chargée uniquement de balles en argent. Ses doigts caressèrent l'ivoire de ce Colt M1911A1 en se remémorant tous ses cauchemars affreux qui l'assaillait et Dean qui venait se coucher près de lui cette arme au poing, laissant son cadet s'endormir la main sur la douce crosse.
Il pointa sans vergogne la bout du canon sur le polymorphe à peau de Dean et esquissa un sourire. Chaque balle quittait le chargeur de l'arme dans une mélodie fabuleuse chantant aux oreilles des Winchester. Le jeune chasseur venait de vider le chargeur complet sur ce corps abominable qui gémissait baignant dans son sang, toujours en vie. Un sourire sardonique déformait agréablement le visage de Sam. Il avait bien calculé ses tirs : que des coups non mortels, dans l'immédiat. Merci John pour l'entraînement digne des hommes les plus dangereux de la planète.
Sans détourner le regard de ce corps saignant à souhait et sa main tenant agréablement l'arme, le canon encore fumant, pointé directement sur sa tête il tendit son autre main à son aîné.
Dean se releva dans un grognement étouffé et s'appuya sur le jeune chasseur inspectant sous toutes les coutures l'homme qu'il protégeait depuis toujours.
Une quinte de toux faiblarde le coupa dans son inspection et le plus âgé se tourna vers son homonyme à terre.
-Je…Je t'ai sous-estimé, Sam.
La voix rocailleuse du polymorphe ponctuée de crachat sanguins emplissait agréablement l'air autour des Winchester satisfaits. Dean ne retint pas son sourire franc de s'afficher sur ses lèvres, fier de son petit frère. D'un coup d'œil rapide il se met en quête de la machine parfaite, une haute structure de métal rouge s'impose à lui. Satisfait, il exhala un fin rire en tapotant l'épaule de son cadet. Ils empoignèrent l'affreux et le traînèrent sur le sol, raclant tous les bouts coupants de verre qui entraient dans sa chair et laissant place à une longue trace de sang des plus jouissive derrière eux. Les gémissements de la raclure leur donnaient des frissons de plaisir. L'apothéose de leur délectation s'atteignit quand sa respiration devint saccadée : il commençait à se noyer dans son propre sang. Vainement, il crachait le surplus comme l'ultime espoir de rester en vie.
Ils le lâchèrent comme la merde qu'il était appréciant le dernier gémissement de douleur qui émanerait de cet être difforme.
Dean agrippa de sa main valide sa guillotine de fortune, souriant à la vue de la lame immense et rouillée qu'il tenait à présent fermement. En d'autres circonstances il aurait été le premier à rechigner devant une lame si usée, mais pas ce soir. Avec la taille et le poids de cette machine monstrueuse et les deux hommes si déterminés à l'abattre sur le bout de viande à leur pied, ils n'allaient pas rencontrer de résistance. Chacun de part et d'autre, Ils attrapèrent une extrémité du bras métallique de l'appareil et abattirent avec toutes leurs forces dans une furie rare, la lame sur le cou du métamorphe qui leur avait tant prit. Même dans un moment pareil ils pouvaient se raccrocher l'un à l'autre, décapitant ensemble le fléau qui les avait mis à terre.
La tension dans le corps du plus âgé s'échappa dans un soupir de plaisir en regardant l'œuvre que son petit frère et lui venait de créer et de cette flaque de sang sombre se répandre autour d'eux comme ces ténèbres qu'ils venaient de déchaîner pour arracher douloureusement l'existence à cette atroce créature. Dean ne pouvait nier qu'il était tout aussi monstrueux que le polymorphe qu'il venait d'abattre.
Sam s'écroula au sol dans un bruit mat murmurant un nom : Jessica. L'aîné mit une seconde à comprendre qu'il s'agissait de cette femme qui faisait le bonheur de son cadet. Il releva son frère avec poigne et le serra contre lui ressentant la fraicheur du corps pressé contre le sien, la moiteur de son être empli de sang et chaque tremblement qui venait parcourir ses fibres. Des sanglots submergèrent le jeune chasseur et Dean sentit son col trempé se coller contre sa peau. Il aimerait tant pouvoir serrer plus son petit Sammy et lui prendre ce fardeau, ce poids titanesque de malheur qui s'appuyait sur ses épaules de jeune homme, trop jeune pour vivre toute cette horreur.
Sans lâcher sa prise sur le torse de Sam, il l'accompagna à la pièce arrière où il devina qu'il y trouvera la bien-aimée de son frère. Saisi d'effroi devant la violence de la scène, il s'arrêta net sur le pas de la porte. Le jeune chasseur enfoui son visage dans le creux du cou du plus âgé qui ressenti un frisson lui courir l'échine. Son corps bouillonnait de confusion émotionnelle. Il crèverait pour soulager Sammy, ressentant déjà une tristesse profonde mais ce feu noir le dévorait d'une délicieuse colère divine le poussant à vendre son âme pour un voyage aux enfers pour faire payer encore et encore ce fumier, et ce, pour l'éternité. Prenant une grande inspiration dans l'espoir vain de se calmer, il traversa la pièce et déposa sa charge vulnérable près de la sortie.
D'un pas délicat il s'approcha de la dernière victime que le changeur Winchester avait commise et pria le ciel qu'elle puisse trouver la paix. Il ne croyait absolument pas en un Dieu qui les regarderait d'en-haut à se tourner les pouces devant l'humanité agonisante, mais espérait un peu de paix et de lumière pour la femme qui avait veillé et rendu heureux l'être qui comptait le plus dans sa misérable vie de chasseur.
Il la détacha doucement, passa dans un geste tendre, ses bras sous ses genoux et son dos, et l'apporta religieusement à son petit frère. Sam agrippa le corps contre lui explosant d'une insupportable tristesse et se laissa guider jusqu'à l'Impala de son aîné. Il refusa de lâcher le corps de Jessica et s'installa avec elle sur la banquette arrière.
Dean ne lui adressa pas un mot et referma précautionneusement la portière. Le jeune dévasté se laissait envahir de sensations familières réconfortantes qui l'entourait : l'odeur du cuir et le parfum naturel de son aîné qui venait planer sous ses narines qui lui avaient tant manqué.
Le grincement du coffre qui s'ouvrit le plongea dans des souvenirs lointains avec l'éternelle protection de Dean toujours présente, qui déposa un baume sur son cœur émietté, piétiné, arraché, brûlé et vaporisé.
-Je m'occupe de tout.
Les mots du plus âgé flottaient dans l'air entourant Sam d'une légère étreinte.
Dean tenait fermement la poignée du bidon rouge dans sa paume à en faire pâlir ses articulations. Déterminé, il retourna dans l'entrepôt. A l'embrasure de la porte, son regard fut happé par une inscription de sang qui lui retourna l'estomac. Laissant exprimer sa rage pulsante il s'approcha de ces mots durement écrits pour infliger l'effroi et la destruction.
Un autel surmonté de multiples bougies se dressait à un mètre de l'inscription murale. Un vieux livre de reliure cuir et couverts de symboles incompréhensible trônait en son milieu. Le chasseur s'approcha, aspirant trouvé son dû. D'un geste suspect il ouvrit la couverture et un seul mot fut découvert : Trophées.
Laissant tomber le bidon plein à ses pieds il empoigna ce livre des horreurs et le parcourut. Des photos plus sanglantes les unes que les autres, chacune dénommées « Vermine n° ». Ne supportant plus de s'infliger tant d'humains réduit à des chairs numérotées, il sauta à la dernière page. Son amulette perçait le papier, fière et intouchable. Sans une once d'hésitation il arracha sa chaîne et se la replaça autour de son cou, à sa place unique. Du coin de l'œil il remarque que l'enfoiré à plus écrit le concernant, la dénomination de Vermine ne s'appliquait pas apparemment. « Spécimen à ma trempe : à craindre. Enfin un challenge, le grand Dean. »
D'un geste ravageur il envoya valser l'autel, une cacophonie de bois se brisant mêler à la percussion d'ustensiles en cuivre et en bronze vint s'éclater au sol, dansants parmi les flammes de bougies. Un spectacle entre ombre et lumière venant à présent joncher le sol. Les bougies les plus affreuses venaient lécher le sang séché de cette maudite inscription. Il se tourna, d'une main experte récupéra le bidon d'essence et se dirigea vers la salle principale de l'entrepôt. Il se mit à asperger méthodiquement certains points stratégiques du liquide inflammable, prenant grand soin de ne pas laisser couler une goutte près du corps.
D'un pas lourdement rageux, il rebroussa chemin et se mit à déverser allégrement de l'essence sur toutes les preuves de la petite salle. L'autel détruit, la chaise sur laquelle reposait Jessica et la tâche de sang comprenant les empreintes de mains répétitives des différents Sam. Il se concentra ensuite sur l'inscription au mur. Chacun de ses gestes pour s'assurer que toutes les évidences brûleraient bien. Le chasseur laissa une fine coulée relier les deux salles avant de sortir, craqua une allumette et avec une maitrise absolue à en faire pâlir n'importe qui, finit en jetant le batônnet inflammé sans un regard en arrière.
Ses yeux se fixèrent sur sa voiture et son frère pleurant à chaudes larmes tenant Jessica dans ses bras. Le cœur lourd, il s'approcha de Sam, laissant échapper une larme sur ses joues froides. C'est une larme d'injustice et de tristesse profonde de voir ce seul bonheur, toute cette vie retirée à son petit frère. Qu'adviendra-t-il d'eux, à présent ? Il ne pouvait décemment pas être responsable de plus de malheur s'abattant sur les épaules de ce jeune avocat détruit. Il empoigna son amulette dans son poing et ferma un instant les yeux. Il ne survivrait pas sans son petit frère, mais il savait que trop qu'il signerait l'arrêt de mort de Sam s'ils restaient ensemble.
Il soupira silencieusement avant de s'installer derrière le volant.
-Je prends les choses en mains Sammy, on va la ramener chez vous.
Il prit son téléphone se jurant de jouer de ses contacts pour la ramener en Californie et l'enterrer dignement. Sam enlaçait si fort ce corps sans vie et sanglotait tellement qu'il ne put rien répondre à l'aîné.
Moins d'une semaine plus tard avait lieu l'enterrement de Jessica Moore.
Dean se senti coupable et resta en retrait se recueillant silencieusement. Il avait une mission : garder Sammy loin de tout cette violence, ce sang et cette mort constante qu'est le métier de chasseur. Il avait tout essayé pour que son petit frère puisse avoir un semblant d'enfance, le protéger de devenir comme lui, un soldat dès ses quatre ans. Il avait échoué misérablement mais Sam avait pu avoir cette vie que Dean avait espéré de tout son être.
Le jeune homme était quelques pas devant lui, se refusant de s'approcher plus de la cérémonie.
Plus aucune larme ne coulait désormais, il avait asséché ses canaux. Une ravissante blonde passa dans l'allée et Sam crut voir son cœur se déchirer au simple espoir que cela pouvait être sa belle. La tignasse dorée s'écroula devant la tombe : Amber.
Sam sentit le sol se dérober sous ses pieds. Jessica a quitté ce monde sans avoir pu revoir sa sœur. Son seul souhait était de pouvoir la revoir et il lui a été violemment arraché. Son frère aurait pu mourir loin de lui, seul, aussi désespéré de revoir Sam que Jess l'était pour sa sœur. Amber vit ce que Sam aurait pu vivre : tout perdre. Voir la jeune femme si mal, s'accrochant aux poignées du cercueil priant, hurlant qu'on lui rende sa grande sœur.
Détruit et dépouillé, il ravala son sanglot éternel et la bile qui montait agressivement dans sa gorge et laissa un œil lorgner sur son aîné. Submergé parce qu'il a perdu et des visions de ce qu'il aurait pu perdre.
Il laissa ses pas le traîner jusqu'à la portière passagère de l'Impala et tomber sur le siège. Après quelques instants Dean se glissa à ses côtés, silencieux. Sam était épris de beaucoup trop de chagrin pour espérer parler.
Dean ne savait pas ce qu'il pouvait faire pour apaiser son cadet, il se sentait trop coupable. Ils sont brisés. Dean avait tout perdu. Sa fin parfaite, sa vie, son frère aussi vide que lui. Quand deux personnes sautent dans le vide sans parachutes comment peuvent-elles espérer se sauver ?
Entendant un cri plaintif provenant d'Amber, Sam baissa les yeux et attendit dans une lente agonie d'être amené au loin, porté par ce cocon protecteur mécanique et la présence addictive de son aîné. Il essuya ses larmes du revers de sa manche et se décida de naviguer sur les informations de Saint-Louis, il parcourut les différentes nouvelles avant de se tourner vers Dean pour partager ses trouvailles avec son frère.
-Un entrepôt réduit en cendre, des ossements trouvés qui correspondent à l'ADN de John Doe : Affaire close. Zack mis en prison en attendant son procès qui devrait se dérouler dans 3 mois et jouer en sa faveur avec les circonstances, si j'en crois les nouvelles locales.
Le jeune meurtri observa avec attention le conducteur et les muscles de ses bras tendus et crispés sur le volant qui hocha lentement la tête sans décrocher son regard de la route. Sam sentait la culpabilité qui émanait de la peau vibrante de Dean. Chaque mot réconfortant qu'il pouvait prononcer se perdrait dans ce brouillard qui l'entourait et ne l'atteindrait aucunement et le jeune chasseur ne le savait que trop bien, connaissant son model par cœur jusqu'à la plus fine fibre électrique qui se fraie un chemin entre les cellules de ce palpitant. Il se laissa donc glisser jusqu'à ressentir la caresse glaciale de la vitre contre sa tempe et ferma les yeux. Il dû se perdre dans le calme qu'il voulait offrir à son frère et se retrouva plonger dans un monde sombre sans rêves.
Un grincement familier le fit planer dans un espace étriqué, dansant entre la réalité et le rêve molletonneux. Un claquement de portière de voiture le poussa subitement du côté frais et douloureux de son corps éreinté sur le cuir pourtant agréable de l'Impala. Il entrouvrit lentement ses yeux, feignant au monde réel qu'il dormait encore. Il se trouvait devant une petite maisonnée de bois au milieu d'arbres. Son frère passa dans son champ de vision et rejoignit un homme qu'il étiqueta de chasseur de par son allure. En les entendant se saluer, il comprit la source de froid qui embrassait ses os : les fenêtres étaient ouvertes.
-Je te remercie d'avoir répondu à mon appel.
-Pas de soucis, tu m'as bien dit Saint-Louis ?
-Reprendre l'affaire Warren là-bas. Sam…Sam a laissé échapper son nom dans son sommeil à l'hôpital et je…Je suis sûr qu'ils se connaissent.
-Tu n'as pas besoin de te justifier Deannot. C'est un innocent, un que nous pouvons sauver. Tu devrais plutôt t'inquiéter de voir un médecin.
-Je vais bien. Je ne m'inquiète pas pour moi, je m'en contrefous. C'est juste, ce qui pourrait arriver à mon frère, rien n'a jamais compté plus que lui.
Ses yeux s'embuèrent sous l'émotion, de ses doigts il accrocha les bords de sa veste et s'emmitoufla dedans. Le jeune Winchester savait que son éloignement avait affecté son frère, qu'il représentait beaucoup aux yeux de son grand frère. Dean avait tout autant une place importante pour lui. Un râlement de moteur se fit entendre et Sam referma les yeux, attendant le retour de son frère.
Sam avait dû s'endormir entre temps et sentit une douceur chaude pesante passer sur ses épaules . Il ouvrit soudainement les yeux, Dean lui passait une large couverture autour de son corps.
-Je ne voulais pas te réveiller.
-Merci.
Le parfum de sa maison et un mélange délicieux de deux odeurs qu'il chérissait : la sienne et celle de Jessica. Il bondit d'étonnement et de surprise laissant libre court à ses larmes, impuissant il leva le regard de son frère suppliant de comprendre.
-Je suis passé chez…vous. Je voulais t'éloigner de tous ces souvenirs douloureux au plus vite, mais je ne pouvais pas te laisser sans quelque chose d'elle. Je…
Sam ne le laissa pas finir sa phrase et se jeta au cou de son aîné. Il réalisa enfin que Dean savait donc où il habitait avec Jess.
-ça veut dire que…
-Je suis désolé Sammy…C'est de ma faute si le polymorphe l'a su pour elle…Si tu savais comme je m'en veux !
Dean s'expulsa de l'emprise de son cadet, se maudissant de l'horreur dans laquelle il avait embarqué son jeune frère. Il sortit de la voiture à bouts de souffle suivit de près par Sam.
-Dean…L'inscription…Jessica ne t'aurait jamais suivi, il…il avait ma peau quand…il l'a piégée à cause de moi et de ma tête. Quand je l'ai…inciter à me finir, il m'a clairement dit ne pas vouloir me tuer : moi. Tu n'y es pour rien, je t'en prie crois-moi.
Dean ne chercha pas à effacer ses larmes et se dirigea devant la seule partie de sa voiture, son bébé, qui pouvait le réconforter. Les Winchester survivraient par la douleur. Cette sensation d'espoir à laquelle il s'accrocha de chaque fibre qui le composait. Dean faisait planer sa paume sur leurs initiales gravées dans la voiture terrifié de les toucher mais quémandant de pouvoir s'accrocher à elles, s'accrocher à la seule chose qui pourrait le faire vivre : son frère. Ensemble ils se tiendraient en vie. Au fond du trou le plus sombre que la planète pouvait abriter mais ensemble. Sam écrasa sa main dans celle de son frère et leurs doigts rencontrèrent les entailles irrégulières gravées des années auparavant comme une promesse. Un espoir que Dean ne pouvait qu'effleurer et que Sam venait de dévoiler entièrement, atteignable d'une douce caresse. Ils sont le parachute de l'autre. Accrochés l'un à l'autre ils étaient prêts. Prêt à reprendre l'Affaire de famille : Parcourir les routes, chasser ces créatures et sauver les gens.
THE END.
