Gabrielle
par Chayenne
Non ! Non, non, non, non ! Enfin si ! La garce ! Elle était là, sous mon nez et moi, j'étais bloquée. Elle me fit un salut ironique, tandis que je me débarrassais du bras collant du pot de glu qui s'agrippait à moi comme le mazout aux mouettes, et partis à sa poursuite.
" Shanee ! Shanee ! Ramène ton cul ici tout de suite ! beuglai-je en français. Shanee ! Ne me fais pas courir, ou tu vas le regretter ! Shaneeeeeeeeeee !!! "
Évidemment, à part avoir réveillé le quartier, ça n'avait servi à rien, et ma charmante sœur s'était évaporée. Elle courait bien plus vite que moi, d'autant que mes talons n'étaient pas des plus adaptés.
Furieuse, je fis demi-tour et sans adresser un regard au capitaine interloqué, je rentrai en trombe dans le bâtiment militaire. Un jeune soldat voulut s'interposer, mais la lueur de mon regard l'en dissuada dans l'instant et je pus tranquillement continuer à bousculer tout le monde sur mon passage, jusqu'à arriver en vue du bureau voulu.
Sans faire davantage de cérémonie, ni ralentir un seul instant, je poussai la porte et pénétrai dans l'antre d'un Hugo surpris la tête dans ses dossiers.
" Ça ne va pas ? marmonna-t-il. "
" Hugo, elle était là ! "
" Qui ça ? soupira-t-il. "
" Ma sœur !!! Tu m'écoutes quand je te parle !? "
Hugo eut un sourire en coin et maugréa un " Nan ! " avant de se lever, m'attraper le poignet pour me forcer à m'asseoir et fermer la porte derrière moi. Revenant à son bureau, il s'y appuya.
" D'un, tu te calmes, deux, as-tu ne serait-ce que l'ombre d'une photo de ta frangine, si oui, ô miracle ! "
" ………… laisse-moi réfléchir !....... Euh… oui, j'en ai une ! Elle a 3 ans dessus mais elle n'a guère changé ! "
Je captai son regard narquois mais résigné. Il me connaissait un petit peu quand même. Combien de temps avait duré ma liaison avec Edern ?.. Réflexion intensive… 2 ans, 3 mois et 11 jours ! Dans ce court laps de temps, Hugo avait eu largement le temps de goûter à ma compagnie.
" Génial ! Et je suppose que tu te dis que, physionomiste comme je suis, je percuterai immédiatement le jour où je tomberai sur.. comment tu l'appelles déjà ? "
" Shanee ! "
" Pourquoi Seigneur, pourquoi dois-je encore me farcir non pas une mais deux Nova ? "
" Oooh mon poussin, tu dissimules fort mal ta joie ! Tu m'invites à manger, j'ai faim ! "
" Gabrielle ! Tu n'es pas la bienvenue ! Tu n'as pas à te comporter comme si tout t'était du ! "
Je pris une mine penaude, me forçant presque à avoir les yeux aux larmes. 3..2..1.. Un soupir puis :
" Allez c'est bon… Viens, je t'emmène, mais évite d'affoler mes troupes ! "
Ravie, je lui collai une grosse bise sonore sur la joue qui le prit au dépourvu. L'ombre d'un instant, il écarquilla les yeux, se figea et rougit imperceptiblement. Une fille, qui passait dans le couloir, suffoqua et me darda un regard assassin. Je souris de plus belle et m'agrippai au bras d'Hugo que j'entraînai dehors. Au passage, j'adressai un clin d'œil à la blonde dont les yeux me fusillaient toujours.
Hugo avait repris une contenance, et je n'aurais pas juré que ma présence à son bras lui déplaisait. Je l'aurais moins connu et je ne saurais pas que c'était impossible, j'aurais cru discerner en lui une fierté toute masculine de se pavaner au bras d'une jolie fille. Il avançait d'un pas décidé et me conduisait dans une autre aile du bâtiment. Arrivé devant la porte du mess des officiers, il parut hésiter.
" Peut-être qu'on ferait mieux de manger ailleurs, non pas que la nourriture soit mauvaise, au contraire, mais… "
" Comme tu veux, fis-je conciliante. Moi, ce que je veux, c'est juste manger. "
" Très bien, fit-il, soulagé, et il m'entraîna dehors. "
À quelques rues de là, il s'arrêta dans un petit restaurant dont la devanture ne payait pas de mine, mais l'accueil chaleureux et l'ambiance qui y régnait valaient assurément le détour. Le patron salua Hugo avec la déférence réservée aux habitués et nous installa à une jolie table près de la fenêtre. La carte n'était pas très fournie, mais Hugo m'assura qu'on y mangeait très bien. Par contre, du côté des vins, c'était le néant absolu. Tant pis, je ne roulerais pas sous la table.
Je me concentrai alors sur mon vis-à-vis, l'observant minutieusement, détaillant chaque trait de son visage. Il n'y avait pas à dire, il était devenu drôlement mignon le petit.
" Qu'est-ce que tu regardes, demanda-t-il, mal à l'aise. "
" Toi… Ça fait combien de temps que l'on ne s'est pas vu ? "
" 6 ans. Depuis ce fameux week-end où tu as torpillé le cœur d'Edern. "
La critique était vive, le ton cassant, l'histoire ne devait toujours pas être digérée. Ce qui était " drôle ", c'était que ce soit lui qui me le reproche avec autant de vigueur. Pourtant ça avait bien dû l'arranger que je débarrasse le plancher. Fallait dire que je n'étais pas la belle-sœur idéale. Quelques souvenirs me revinrent et je me retins difficilement de rire.
" Qu'est-ce que ça a de drôle ? marmonna-t-il. "
" Rien, juste des images qui reviennent. J'étais pas toujours sympa avec toi, non ? "
Il soupira.
" Tu étais une sacrée peste, oui, et encore je ne suis pas sûr que l'imparfait soit approprié. "
Merci, ça fait plaisir. J'affectai de nouveau une moue boudeuse, et il soupira de plus belle.
" Je te rappelle quand même que tu m'avais attribué de charmants noms d'oiseaux tels que Têtard, Pustules, Nonos ou ton préféré, " Morbac ". "
" Et toi, tu m'avais bien rebaptisée " Hot pant "… "
" Oui, mais au moins, c'était justifié… "
" Peut-être, mais je te rappelle que tu avais le physique de tes surnoms, toi… "
Réalisant que nous étions en train de nous chamailler comme avant, je stoppais net et ris de bon cœur.
" Il y a une chose qui n'a pas changé, on est toujours des gamins. "
Il acquiesça et se permit un sourire, qui, sur son visage grognon, illumina l'instant. L'espace de quelques secondes, je plongeai en apnée. Je me repris bien vite, passée experte dans l'art de dissimuler mon trouble. Il ne s'était heureusement aperçu de rien.
" Il y a une question que je me pose depuis longtemps, continuai-je d'un ton badin. Te souviens-tu de ce week-end où tu dormais dans la même chambre que nous ? "
" Dans le lit pour nain… "
" Oui, c'est ça. Tu étais bien endormi quand nous avions rejoint notre lit, ton frère et moi ? "
Une grimace joviale apparut sur son visage et mon front partit se cacher dans mes mains.
" Non, non ! railla-t-il. Et d'ailleurs, j'avais bien fait, ce fut plus intéressant qu'un film crypté. "
Je rougis de plus belle, et lui donnai un coup sur le bras. Il éclata de rire.
" T'inquiète, j'ai vu mieux depuis… "
" Enfoiré ! Sale petit gosse vicieux ! "
Mon courroux redoubla son rire, que bientôt j'imitai. C'était un moment inattendu et plein de charme.
Matt
par Kina
Cela faisait un bon quarante minutes que j'explorais ma " chambre " à la recherche d'un bon sac à dos pour ma course de l'après-midi. Évidemment, il n'y avait pas assez de bordel ici. Voilà ce ça donnait quand une pièce servait de débarras officiel du coin, et qu'est-ce qui arrive dans ce temps là ? Tout le monde s'empresse d'empiler les trucs un peu n'importe comment… pourvu que ça tienne. Résultat, ce que je voulais se trouvait à présent quelque part au fond, et sans doute plus là où je l'avais laissé, connaissant la délicatesse de certains.
Je venais à peine de déplacer un matelas de fortune au milieu de mon chemin qu'une énorme poche de hockey dévalait vers moi suivit de tout ce qui devait y prendre appui.
- Y'en a marre ! m'exclamai-je à demi enterré.
- Tu t'amuses bien à ce que je vois, fit soudain une voix familière.
- Et si tu venais plutôt m'aider au lieu de rester planter là, répondis-je.
- Mouais, fit-il a demi-convaincu, et qu'est-ce que j'aurai en échange ? ajouta-t-il en commençant à libérer le chemin de son côté.
- Hmmm, laisse-moi réfléchir… Le privilège d'avoir encore la capacité de t'asseoir d'ici la fin de la journée ?
- Tu n'oserais quand même pas me botter le derrière ? demanda-t-il choqué.
- Je vais me gêner tiens ! répondis-je tout en prenant un tuyau de plomberie qui me barrait la jambe afin de lancer un peu plus loin.
- Mais que diras-tu à toutes ces femmes qui n'attendent que mes faveurs.
- Oh ! Mais simplement que le grand Kyle a eut le coup de foudre et vit maintenant le grand amour avec un sac de glace. fis-je le plus sérieusement possible.
- Traître ! siffla-t-il entre les dents avant d'ajouter: Espèce de sans cœur.
- Ou bien alors je leur dis que tu es privé de sortie tant que tu n'as pas fini de ranger ta chambre, mais j'avoue préférer la première version.
- Mais comment t'as fait pour te retrouver comme ça ?
- J'ai eut la bonne idée de déplacer un truc…
- Là je dois rêver, d'abord une fille qui t'envoie promener, puis la salle qui te tombe dessus et tu as besoin de mon aide. Tout ça dans la même journée et ce n'est que le début. Dis, on n'aurait pas échangé de place par hasard ? Parce que tu sais, je crois que je commence à apprécier.
- Profites-en, c'est sûrement ton jour de chance annuel. Ronchonnai-je. C'est le foutoir ici, faudra sérieusement songer à mettre de l'ordre.
- Une vraie chambre de mec, fit Kyle en imitant la voix et la mimique d'une fille qui avait passé ce commentaire plus tôt durant la semaine en venant y porter du matériel.
" D'accord, je ne sais trop pourquoi, les gars n'ont pas la meilleure des réputations quant à ce qui a trait aux travaux ménagers, mais il y a quand même une limite ! Notre appart est très bien comparé aux chambres de certaines filles que je ne nommerai pas. Quoique parfois je reste dans l'idée que Kyle ramasse plus de peur qu'une invitée ne laisse traîner des objets compromettants d'où le danger qu'une autre puisse éventuellement mettre le grappin dessus."
Je souris d'ailleurs au souvenir d'un soir où je rentrais de mission. J'étais tellement crevé que je ne pensais qu'à mon lit. Je n'avais alors pas fait d'histoire quand Kyle profita justement de mon arrivée pour me lancer un soutien-gorge noir en dentelle me disant qu'elle m'avait laissé un souvenir. Tsst ! D'ailleurs qu'est-ce que j'en avais fait après ?
- Eh ! Qu'est-ce que t'as a sourire tout seul dans ton coin ?
- Uh ? Oh rien, répondis-je en sortant de ma rêverie. Je repensais à un truc c'est tout. Ajoutai-je, innocent.
- Oh, tu ne devineras jamais qui j'ai rencontré dans le vestiaire tout à l'heure.
- Une ancienne flamme venue se rincer l'œil dans les douches des hommes ?
- Ha ha très drôle. Nan, plutôt dans le genre un fantôme dans ton casier.
- Ah bon ! Et qu'est-ce qu'il trouvait d'intéressant dans mon casier ?
- Euh… savon et serviette je dirais. Hésita-t-il.
- Iiiii, ça ça fait peur !
- Bon d'accord, alors disons quelqu'un qui connaît la combinaison de ta case et dont on est sans nouvelles depuis que tu l'as envoyé balader à San Francisco il y a quatre ans.
- Alex ? fis-je intrigué.
- Bingo !
- Il est ici ? Déjà ? demandai-je incrédule.
- Euh… non… il disait être en retard et qu'il n'était pas censé être là.
- Ah, fis-je quand même légèrement déçu de ne pas l'avoir vu moi aussi, et il avait l'air en forme ?
- Ça, il a grandit le petit ! J'ai même eut un doute en le voyant… Et puis, comment ça déjà ?
- Qu'est-ce que tu crois, que je suis sans nouvelles depuis quatre ans ? Il a beau avoir une mission un peu spéciale, j'ai au moins une lettre de temps en temps.
- Et la dernière disait ?
- Qu'il avait bientôt terminé à San Francisco, mais devait ensuite séjourner quelque part au Nord mettre la main sur des documents de l'Ordre avant de songer à revenir pour de bon.
- Des documents de l'Ordre…
- Quelque chose sur le détournement des fonds de l'aide internationale dans le système de santé publique.
- Mais bien sûr ! Et ça mange quoi en hiver ? Je suppose qu'il ne t'envoie pas seulement une jolie lettre à la poste.
- Oh mais si ! Juste que ça prend une bonne heure à déchiffrer.
- Dis, ça ne te dérange pas de savoir qu'il était tout près et n'en a même pas profité pour te trouver ? Après tout, vous étiez assez proches non…
- Il doit avoir ses raisons. Je suis sûr qu'il l'aurait fait normalement, mais s'il a jugé qu'il ne pouvait pas alors je dois lui faire confiance et attendre qu'il revienne. Expliquai-je, malgré que sur un point, il avait raison. Il me tardait de le revoir.
- Mouais fit-il a demi-convaincu tout en déplaçant le dernier morceau tombé sur le plancher.
L'éboulis fut rapidement nettoyé en étant deux et il m'avait entre autre permis de trouver ce que je cherchais depuis le début. Cependant, une vraie séance de rangement urgeait dans les prochains jours et comble de surprise, Kyle offrit d'emblée de s'en occuper cette semaine y voyant une bonne occasion de faire travailler les autres. Je sens d'avance que les recrues vont apprécier ce petit exercice sur l'entraide et la patience lança-t-il tout sourire.
Je remercia Kyle pour le coup de main, car j'y serais encore sinon. Je pris mon sac et me dirigeai vers l'atelier de réparation. Là j'y trouvai Charles qui me donna les appareils dont j'avais de besoin. Une pause casse-croûte plus tard, je quittai finalement la centrale.
"Rien de tel qu'une petite mission solo pour vous remettre en forme !" songeais-je.
J'arrivais près de la frontière marquant le début de la zone ville de Seattle quand je vis non loin une silhouette s'approcher également du grillage. Je venais à peine de reconnaître alors miss aller-vous-faire-voir que déjà elle sautait par dessus la clôture de 3 mètres.
Voilà qui était intéressant ! Ainsi la miss avait également quelques capacités hors du commun. Intéressant, mais dangereux, car si l'Ordre l'avait engagé dans l'espoir qu'elle puisse mieux s'infiltrer alors là elle aurait affaire à moi. Voyons voir un peu qui tu es, pensai-je avant de me lancer à sa poursuite, empruntant le même chemin afin de la suivre à distance.
Elle n'était apparemment pas du coin, car elle se mit à examiner les lieux, ses pas hésitants, cherchant sans doute un moyen discret de franchir le poste de contrôle sectoriel. Enfin, elle décida finalement de s'engouffrer dans un immeuble. Ne voulant pas perdre sa trace trop rapidement, j'empruntai l'un de mes petits passages à moi dans l'immeuble voisin et attendit de l'autre côté qu'elle repointe le bout de son nez, ce qui ne fut pas très long.
Curieusement, elle pénétra dans le bâtiment d'une compagnie d'Import-Export, mais je n'étais pas dupe, car je voyais bien qu'elle se déplaçait de façon à se trouver en dehors du champs des caméras du hall d'entrée.
« Mais c'est qu'elle se débrouille bien la petite, on dirait qu'elle a fait ça toute sa vie. »
J'attendis quelques minutes à l'extérieur en surveillant l'immeuble question de voir si elle allait bientôt ressortir. Entrer à sa suite était trop risqué, car si jamais elle me voyait, j'étais cuit et je n'en saurais jamais plus quant à son but réel parmis nous.
Le sac que j'avais sur le dos commençant à se faire sentir sur mes épaules, je m'étirais les muscles, relevant en même temps la tête vers le ciel juste à temps pour voir une petite souris sortir par une fenêtre au dernier étage et sauter sur le toit de l'immeuble voisin.
" Eh bien, j'ai failli la perdre moi " marmonnais-je tout bas.
Voyant qu'elle semblait bien vouloir s'éterniser dans ce dernier immeuble, j'attendis quelques temps encore question de voir si elle s'était fait prendre et si la police allait bientôt rappliquer, mais non, tout était très calme. Soit elle avait trouvé une autre sortie, soit elle se cachait ou bien elle avait véritablement rendez-vous là, quoique je doute fortement de la dernière option étant donné la façon dont elle y était entrée…
Entretemps, je regardais ce qui se passait du côté du régiment français. L'apparition d'une fille semblait provoquer la panique. Et puis quoi encore ! C'est bizarre, mais dans un sens, son attitude charmeuse me faisait penser à quelqu'un que je connaissais bien… Mon imagination peut-être. M'enfin, c'est vrai qu'elle était jolie. Un peu dans le style garce, mais faut reconnaître qu'elle était bien foutue et savait mettre ses attributs en valeur.
Je flânai un peu dans les environs question d'évaluer s'il y avait eut des changements dans la sécurité du secteur, mais tout me sembla conforme à mes souvenirs. Il est rare que j'avais le temps de me promener ainsi comme un touriste, mais j'étais en avance pour mon rendez-vous alors autant s'occuper un peu.
En repassant près du régiment français, je vis la visiteuse de tout à l'heure sortir du bâtiment, puis se figer en regardant un point devant elle avant de crier je ne sais quoi en français: "Shanee, Shanee…" Bref, le rythme était si rapide que je n'eut pas le temps de capter le reste de sa phrase, mais la miss concernée la comprit elle et réagit rapidement en détalant à toute vitesse.
" Décidément, cette fille n'est pas comme les autres… Française ? Je n'ai pourtant pas noté d'accent. Enfin, rien de marquant comme les français et leur manie à transformer tous les "th" en "z". Ils sont marrants ceux-là ! Une chose est sûre, elle n'est pas de Seattle, se cache de la Française, semble éviter l'Ordre et cherche visiblement quelque chose dans la zone de non-droit. "
" Le spectacle était terminé, elle était loin maintenant, quoique quelque chose me disait que j'allais quand même la revoir à la centrale prochainement. Quelle insulte allait-elle me balancer cette fois ? On verra bien, pour le moment, j'avais une commission à accomplir moi…"
Shawn
par Kina
Je venais de soulever la camionnette sur le treuil hydraulique question d'aller replacer l'une des attaches du silencieux qui allait bientôt rendre l'âme lorsqu'un détail attira mon attention sur la roue avant droite. Quelque chose clochait avec le système de freinage. M'approchant un peu plus, je vis non seulement que quelqu'un avait posé les étriers à l'envers comme je l'imaginais, ce qui n'est pas si grave sans être l'idéal, mais que les disques semblaient avoir un sérieux problème de rouille.
J'enlevai donc la roue question d'avoir un meilleur aperçu de la situation et le regrettai presque aussitôt.
« Mais c'est pas vrai, marmonnai-je, qui c'est le conard qui a changé les plaquette de frein sans réusiner les disques ! Voilà ce qui arrive avec les incompétents du coin parfois. C'est bien joli de mettre des plaquettes neuves, mais sur des disques rouillés qu'est-ce que ça fait tu crois ? Un boulot de débutant, voilà ce que c'était, songeais-je. »
Je démontai le coup et constatai effectivement que la rouille en expansion s'attaquait à présent aux plaques diminuant ainsi grandement la surface de freinage. J'avais beau détester l'Ordre, je ne souhaitais quand même pas d'accident à personne. Surtout que les victimes se trouvaient toujours parmis les gens de la population civile. Super, voilà que je me retrouvais avec un entretient des freins et un réusinage complet à faire. Ça manquait vraiment à mon bonheur quotidien.
« Non mais, et c'est quoi cette façon de raccorder l'alimentation de gaz. On manque de pièce, je veux bien, mais de là à faire une bifurcation de la sorte ! C'est quoi ces nœuds ? »
« Inspire, expire, inspire… une chose à la fois. Plus je regardais ailleurs et plus j'avais envie d'étrangler l'idiot de service qui avait inspecté ce véhicule la dernière fois. »
J'étais tellement pris par ma triste constatation que je n'entendis pas que quelqu'un s'approchait derrière moi et failli bien lui rentrer dedans en me retournant brusquement pour dégager les disques que je venais de défaire. L'apercevant au dernier moment, je freinai mon élan et par chance, le type avait également de bons réflexes pour éviter l'impact car, qu'on le veuille ou non, ces machins pèsent parfois une tonne et il n'est pas conseillé d'essayer de les lancer sur les gens autrement qu'en cas de moyen de défense. « Ouff » soufflai-je en les posant sur ma table de travail avant de revenir sur mon visiteur qui me dévisageait l'ai mi-choqué, mi-amusé.
- Matt ! Mais qu'est-ce que tu fais là ? Et… comment t'es entré ? Il y a des gardes partout. » lui demandais-je n'en revenant toujours pas de le voir.
- Bonjour toi aussi ! Moi aussi je suis content de te revoir. Dis, tu essayes toujours assommer tes invités pour les accueillir, fit-il en indiquant les bouts de ferrailles qu'il avait esquivé de peu.
- C'est quoi l'idée aussi de s'approcher en douce ? demandais-je.
- C'est plutôt toi qui était dans ton monde en train de marmonner. Franchement tu n'as pas changé, une fois dans tes machines, on ne t'en sors plus. Lança-t-il en souriant.
Dans un sens il n'avait pas tord, je suis souvent si concentré sur ce que je fais qu'une bombe pourrait presque éclater dans la rue, que je ne le saurais même pas. Il était inutile d'argumenter contre lui à ce sujet, c'était peine perdue d'avance, il me connaissait trop. Je me contentai donc de le fixer du regard en attendant qu'il veuille bien m'expliquer les raisons de sa présence dans le secteur le plus dangereux et le mieux gardé de Seattle, à quelques centaines de mètres du quartier général de l'Ordre dans leur propre garage/entrepôt de véhicules.
- Dis donc, c'est pas mal ici, fit-il en regardant les installations et les équipements dont je disposais. Le paradis pour toi quoi. Je comprends mieux maintenant pourquoi tu boudes la centrale.
- Bah, ça a son bon et son mauvais. Ici au moins j'ai accès au matériel et à des machines que je ne verrai sans doute jamais chez nous, mais au fond… ça me manque un peu de bidouiller ici et là. Les défis ne sont pas les mêmes. Ici je passe plus mon temps à passer par dessus une bande d'incompétents sans cervelles. Lâchai-je encore sur le coup de la frustration en repensant à mes trouvailles avant son arrivée. Dire que je n'ai même pas commencé à chercher les pépins… des heures de plaisirs garanties !
- Je t'ai amené les détecteurs dont je t'ai parlé la dernière fois fit-il en m'indiquant son sac à dos. J'espère seulement que tu arriveras à en faire quelque chose.
- Je peux te les bricoler sur n'importe quel véhicule si c'est ça la question. Je suppose que je vise les hauts-gradés.
- Nan, je veux connaître tous les faits et gestes du boulanger. Les qualités de sa femme et les cris de ses gamins qui viennent lui casser les oreilles quand il rentre le soir. Répondit-il du tac au tac.
- Ça ne me dit toujours pas comment tu es entré ici…
- Par la porte principale comme tout le monde, fit-il en haussant les épaules.
- De quoi la porte principale, mais tu n'as aucun papier militaire, ni carte d'identité. Tu as su éviter les gardes ?
- Mais non, je suis même venu ici avec leur bénédiction ! dit-il tout sourire, visiblement content de son exploit.
- Là je suis larguée !
- C'est simple, tu as les deux gardes les plus fainéants que j'ai jamais vu. C'est à peine s'ils osaient bouger pour aider un pauvre soldat qui avait renversé une caisse de je ne sais quoi. Il te suffit d'aller les voir en leur demandant un petit service en disant que tu le ferais bien à leur place, mais que tu sais très bien que tu n'en as pas le droit et que tu veux bien attendre à l'entrée pour faire ta commission s'ils vont chercher la personne que tu leur décris. Résultat, ils en ont tellement marre de t'entendre insister comme quoi c'est urgent qu'ils te disent d'y aller toi-même et leur ficher la paix.
- Non ! aussi simple que ça. Fis-je incrédule.
- Plus c'est simple et moins ils ont de soupçons.
- Et c'était quoi cette urgence ? Ils n'ont pas fouiller ton sac ?
- Si si, mais juste le dessus comme prévu répliqua-t-il en ouvrant son ce dernier sur la table pour me montrer des sandwichs, des légumes ainsi qu'une bouteille de jus.
- Je leur ai dit que mon frère était parti de la maison sans son souper et qu'il devait absolument l'avoir avant ce soir, car l'estomac vide, il devenait très irritable et que ça c'est la dernière chose qu'ils souhaitaient. J'ai fait mine de vouloir leur laisser le sac, j'ai commencé à te décrire en disant que tu me ressemblais, même couleur de cheveux, même yeux, etc. J'étais juste content qu'ils ne me demandent pas ton nom de famille parce que là, ça m'aurait embêté… je ne savais plus lequel tu avais trouvé cette fois.
- Matthew.
- Uh ? Ah non, ça fait Matt Matthew. Quand même fallait te forcer un peu, tu n'as pas pu trouver mieux sérieusement ?
- Comme si je choisissais en fonction de toi ! Tu peux toujours être mon demi-frère si tu préfères.
- Snif, et voilà déjà qu'on me renie. Mais qu'est-ce que je t'ai fait pour mériter ça moi ?
- Eh bien pour commencer, tu m'as traité d'irritable. fis-je en m'étirant pour lui piquer le sac des mains.
- On s'en fou ce qu'ils gobent.
- Merci quand même pour le lunch, je commençais justement à avoir faim.
- C'est à moi ça !
- Ah tut tut tut, tu as dis que tu m'amenais à manger, tu l'as fait et je le garde ! Et puis tu l'as dit toi-même, ça cache bien le contenu en attendant que je trouve un endroit où le planquer. « Super, moi qui n'avais pas songé à m'apporter quelque chose aujourd'hui, il tombait vraiment à pic. » pensai-je.
- Pffff ne compte pas sur moi pour venir te nourrir jusqu'ici tous les jours. Fit-il d'un faux air boudeur.
- Nan, je compte bien aller faire un petit tour à la centrale bientôt. On discutera de ça sur le terrain. Je me sens un peu rouillé au basket et ce n'est pas ici que j'arriverai à trouver un adversaire digne d'intérêt. Proposais-je.
- Ça marche ! Ça me changera de Kyle et de ses fameuses règles, acquiesça-t-il.
- Comment ça va sinon ? Vous vous en sortez ?
- Comme d'habitude ! Lentement, mais sûrement. Il y a Kyle qui a croisé Alex.
- Il est revenu ? fis-je sur le coup de la surprise. Il me semble que ça fait une éternité qu'on avait fait les quatre cents coups avec lui. Je me demande ce qu'il est devenu depuis son départ. Il ne semblait pas s'intéresser à autre chose que ses bouquins d'anatomies. Enfin… chacun son truc.
- Non… il est apparemment sur une affaire. Bientôt j'espère.
- C'est Cassy qui va être contente ! fis-je sarcastique. La pauvre ce qu'il avait pu lui en faire voir.
Matt eut un petit rictus face à ce souvenir. Ces deux là agissaient vraiment comme chat et chien. L'un toujours à tendre un piège à l'autre. C'est beau la jeunesse !
Hugo
par La Chimère
Regarder Gabrielle - rougissante qui plus est - éclater de rire fit remonter de troublants souvenirs la concernant, entre autres des scènes du fameux «film non crypté ».
Plongeant momentanément le regard dans le contenu de mon assiette - autant pour me calmer que pour penser à autre chose de moins euh… moins quoi ! - je songeai à tout ce qui m'attendait jusqu'à la garde de cette nuit et sincèrement ce que ça pouvait me gonfler ! Gabrielle continuait de babiller sur nos souvenirs communs et sur ses projets concernant son installation temporaire dans son trou à rats. Elle était singulièrement furieuse contre sa sœur tout en étant ravie d'avoir été désignée pour la retrouver. Curieux phénomène.
Nous en étions à discuter les yeux dans les yeux lorsqu'une ombre menaçante apparut sur ma droite. Une voix polaire avec un petit accent anglo-saxon me rappela à mes devoirs :
«Mon Lieutenant ! Je me permets de vous déranger pendant votre pause déjeuner, mais le colonel Marboeuf souhaiterait vous voir revenir dans vos quartiers… maintenant !»
Gros soupir.
Levant les yeux, je croisai le regard furibond du jeune sous-officier féminin fixé sur la chevelure de feu de ma compagne. D'origine écossaise, Katharene avait son franc-parler, heureusement tempéré par une patience angélique sauf dans certains cas. Avec un sourire propre à la désarmer, je lui répondis :
«Merci Sergent ! Je vous suis. Oh, permettez-moi de vous présenter Gabrielle Nova, une amie française, Gab', voici Katharene McHoot, chargée des comm' pour mon détachement.»
À ma vive surprise, les deux femmes se saluèrent le plus sèchement possible. Tandis que mon sous-officier effectuait un demi-tour impeccable pour m'attendre près de la sortie, Gabrielle faisait la grimace, visiblement contrariée.
« Elle ne pouvait pas attendre que le dessert soit servi, non ?! »
« Gaby, je suis un militaire en service et elle ne fait que son devoir ! Et sincèrement je préfère que ce soit elle qui se déplace plutôt que mon supérieur ! … Écoute, oublie tous les propos malheureux que je t'ai dit tout à l'heure, je suis vraiment ravi que tu sois là. Appelle-moi si tu as besoin de quoique ce soit mais... pas ce soir ! Je suis de corvée de surveillance.»
Elle accentua sa moue boudeuse, mais ses yeux se mirent à pétiller de malice. Se redressant à son tour, elle se mit sur la pointe des pieds et me planta un baiser sur la joue en me soufflant à l'oreille :
«Excuses acceptées, mais tu ne t'en tireras pas à si bon compte la prochaine fois ! J'ai besoin de toi pour retrouver ma sœur !»
Je la gratifiai d'un sourire éblouissant et lui rétorquai sur le même ton : «Compte là-dessus ! Je ne me mêle pas des histoires de famille ! En un mot, démerde-toi !»
«Hugo, tu sais à quel point je peux être pénible ! Curieusement je me sens une irrésistible envie de te pourrir la vie !»
Tout sourire, nous nous défiâmes du regard avant que je ne brise l'échange en constatant que Katharene était au bord de l'explosion près de la porte. Me reculant, je saluai Gabrielle et rejoignis mon jeune sergent.
« Allons-y Kat' ! Qu'est-ce qu'il veut exactement ? »
« Donner les consignes… »
Tout en marchant vers notre campement, je ne l'écoutais déjà plus, plongé dans mes pensées tournées exclusivement sur le déroulement du déjeuner et sur sa principale convive. Reparler français et avec une femme m'avait mis du baume au cœur. Qu'il pleuve et que tous affichent une mine des plus sombres m'indifférait royalement. Parvenus non loin du poste d'entrée, je sentis la main de Katharene se poser sur mon avant-bras pour me faire ralentir. Me tournant vers elle, je la dévisageai rapidement.
Katharene n'était pas bien grande, mais d'avis général (masculin exclusivement), elle avait un corps à damner un saint même si ce dernier n'était guère mis en valeur par le treillis unisexe que nous portions tous. Ses cheveux clairs étaient rigoureusement tirés en arrière en un chignon strict et son regard franc était fermement planté dans le mien. Elle était très attirante et j'en connaissais plus d'un prêt à affronter le conseil de discipline pour pouvoir traîner du côté de sa chambre soigneusement éloignée du quartier pour hommes.
Seulement, un écriteau clignotait au-dessus de sa jolie tête : « PAS TOUCHER ». Je n'ignorais rien du dossier la concernant et ayant fait grand bruit au sein de St Cyr. Du coup, même je reconnaissais qu'elle ne me laissait guère indifférent, je m'interdisais toute relation autre que professionnelle et c'était valable pour la majorité d'entre nous. Se faire accuser d'harcèlement sexuel vous plombait une carrière de façon irrémédiable.
Katharene ouvrit la bouche puis la referma aussitôt, semblant hésiter brièvement. Croisant mon regard surpris, elle se renfrogna et siffla :
«Avant d'aller voir le colonel, veillez à enlever la trace de rouge à lèvres qu'elle vous a collé sur la joue ! Ça fait désordre !»
Me plantant au milieu du carrefour, elle s'en fut d'un pas rapide tandis que je frottai énergiquement ma joue pour ôter toute trace suspecte tout en maudissant l'infernale peste responsable de cet état.
À Suivre...
