Chapitre 2 : conversations tardives

« Comment puis-je vous aider Severus ? »

Severus lança un regard noir à Albus. Il était sur le pas de la porte de son bureau. Il entra et ferma la porte derrière lui. « Vous pouvez commencer par me dire ce qui se passe vraiment » Répondit-il brièvement en s'arrêtant devant le bureau d'Albus. Son regard confus lui tapa sur les nerfs. « Se passe ? Que voulez vous dire ? »

« Ne jouez pas l'idiot avec moi, Albus » Grogna Severus. Il perdit tout semblant de patience et frappa du poing le bureau. Trop longtemps. J'attends depuis trop longtemps vos réponses pour vous permettre de jouer vos petits jeux avec moi. « Me croyez-vous si obtus que je sois incapable de voir à travers toutes vos excuses ? »

« Peut être-devriez-vous vous asseoir et commencer depuis le début. » Suggéra Albus doucement, presque tristement.

Severus exécuta la suggestion sans même réaliser ce qu'il faisait. Il était presque assis quand il le remarqua. Comme vous m'avez bien entraîné, pensa-t-il amèrement. Il regardait toujours le vieil homme devant lui avec des yeux noirs. « Par quel début souhaitez-vous m'entendre commencer ? Le vrai début ? Ou celui que vous avez manigancé pour moi ? »

« Vous devez tout me dire, mon vieil ami, pour que je puisse vous aider. »

« Vous saviez, » Cracha Severus. « Vous saviez où était Harry tout ce temps alors que vous prétendiez le contraire. » Il rit jaune. « Mais ce n'est pas tout, je préférerais, tout serait beaucoup plus simple alors. J'ai fait un rêve une nuit et bien que je ne puisse pas me rappeler les détails en me réveillant, je sais que vous avez modifié ma mémoire. Vous avez effacé quelque chose. »

Albus soupira, « Severus… »

« Qu'est-ce qui vous en donne le droit Albus ? » Severus explosa de colère, ses poings étaient serrés si forts que ses ongles lui déchiraient la peau. « Après tout ce qui m'est arrivé, je pensais pouvoir vous faire confiance. Je croyais en vous. Mais vous avez violé mon esprit comme Voldemort l'a fait. Vous m'avez utilisé de la même façon que lui. Et le pire est que je vous ai laissé faire. » Sa tirade pleine de colère prit fin, il était las, « Je veux juste savoir pourquoi. »

« Je ne peux pas vous dire pourquoi. »

Severus cligna des paupières, ses yeux, baissés pour fixer ses mains, se relevèrent brusquement et se posèrent sur le visage d'Albus. Il ne s'attendait pas à ce qu'il lui mente directement mais il ne s'était pas préparé à une admission aussi facile. « Que voulez-vous dire, vous ne pouvez pas me le dire ? Je mérite de savoir. C'est mon esprit, Albus. » Severus s'arrêta et reprit plus calmement, « Avez-vous perdu foi en ma loyauté ? Après tout ce temps, est-ce ainsi ? J'ai cru que vous aviez compris que lorsque j'ai abandonné ma vie et ma liberté entre vos mains, je vous ai donné ma loyauté à vous et à votre cause seulement. »

Albus secoua la tête, « Vous avez tort. Je n'ai pas douté de vous ou de votre loyauté depuis ce jour où vous êtes venu me voir ici, il y a plus de vingt ans. Je n'ai pas perdu foi en vous. En vérité, je ne peux pas vous faire davantage confiance, que je ne le fais maintenant. »

« Alors, pourquoi ? » Severus l'implora « Qu'est-ce que je savais que vous m'avez enlevé ? »

« Avec le temps, vous le saurez, vous trouverez toutes les réponses que vous cherchez. » Lui répondit Albus. Ses yeux bleus perforaient ceux noirs de Severus.

Severus prit un air renfrogné, « Vous allez devoir faire un peu mieux que ça, Albus. Une véritable réponse et non celles que vous donnez d'habitude. »

« J'ai peur de ne pas pouvoir faire mieux. » Fut sa seule réponse. Etait-ce son imagination ou Albus semblait-il presque amusé ?

« Alors, je ne peux pas l'accepter. » Répondit Severus durement.

« Vous devrez, » L'amusement avait disparu voix. « Je ne peux pas vous donner le genre de réponse que vous désirez. Il y a des règles que même moi je ne peux pas briser. J'ai travaillé trop durement à pousser les évènements à prendre le chemin qu'ils doivent suivre, pour vous le dire maintenant. Ne vous inquiétez pas, » Le ton d'Albus s'assombrit, « Le temps viendra, plut tôt que je ne le souhaiterais, où vous comprendrez tout. Vous devez me faire confiance là-dessus. »

Severus sourit froidement. « Je ne fais confiance à personne d'autre qu'à moi-même. »

Qu'Albus ait l'audace de sourire rendit Severus furieux. « C'est ce que vous devriez faire alors, vieil ami. » Lui proposa Albus.

Severus le dévisagea avec suspicion, il plissa les yeux. Quelque chose n'allait pas dans cette conversation, Severus en était certain. Rien n'avait été dans le sens où il l'avait espéré quand il avait monté les escaliers qui mènent au bureau d'Albus ce matin. Quelle surprenante habilité vous avez là Albus, vous refusez de répondre à mes questions, et vous me laissez avec encore plus de questions que je n'en avais en arrivant. Severus le regarda encore quelques instants avec un mélange de colère et de suspicion puis Albus s'éclaircit la gorge et se pencha en avant.

« S'il vous plait, ne soyez pas en colère contre moi, Severus. Je ne peux pas vous expliquer ce que je fais mais je peux vous assurer que c'est pour le bien de notre monde. » Lui dit le directeur avec sincérité. « Je sais comment tout cela doit vous paraître, mais je n'ai jamais eu l'intention de vous utiliser sans discernement pour atteindre mes objectifs. Je ne vous dévalorise pas à cause des choix que vous avez faits dans le passé. Nous avons tous fait des choix qui n'ont pas tourné comme nous l'avions espéré. Ce n'est pas grave d'être humain. Tout ce que je vous demande est de patienter un peu plus longtemps. Croyez en moi, comme j'ai cru en vous tout ce temps. »

Severus ne put s'empêcher de rire sarcastiquement « Vous avez cru en moi ? Epargnez-moi cette honteuse tentative, destinée à m'apaiser. »

Albus haussa un sourcil, « Je pensais que placer le destin du monde entre vos mains était une belle et valide démonstration de cette croyance. » Dit-il légèrement.

Severus plissa le front. Oh oui. Rendez-moi responsable du bien être de Potter. Comment ai-je pu être aussi stupide pour ne pas avoir vu ce merveilleux et généreux geste de confiance ? N'importe quel idiot pourrait se tenir autour de Potter quand il court à travers ses exubérantes et intelligentes aventures. Vous ne m'avez accordé aucune faveur, Albus. « Je retrouverai un jour mes souvenirs? » Lui demanda finalement Severus après un moment de réflexion. Des expériences antérieures lui avaient appris qu'il n'était pas possible de faire changer Albus d'avis quand il était accroché à quelque chose, même si vous vous battiez et que vous le harceliez. Je découvrirai le fin mot de cette histoire sans votre aide, Albus. J'observerai chacun de vos mouvements et j'attendrai. Tôt ou tard, vous ferez une erreur et je découvrirai la vérité.

Severus avait vu la lueur qui brillait dans le regard d'Albus. Ce dernier n'était pas trompé par l'acquiescement de Severus. « Ca, je peux vous le promettre. » Répondit-il un peu triste. Severus se dit qu'il allait profiter de sa présence dans le bureau du directeur, pour poser la question qui avait éveillé sa curiosité depuis qu'Harry et lui étaient arrivés la veille. « Pourquoi Drago Malfoy est-il ici ? »

C'était au moins une question qu'Albus ne pouvait pas écarter. Le pouvait-il ? Dites-moi que vous ne pouvez pas répondre à cette question et je vous promets de partir loin de vous, loin de cet endroit et de ne jamais revenir. Severus était capable de s'astreindre à la patience quand il le devait, mais un autre faux-fuyant serait trop pour sa confiance déjà vacillante.

« Il est ici parce qu'il n'a pas d'autre endroit où aller. » Répondit Albus facilement.

« Que voulez-vous dire ? »

« Il est le fils d'un mangemort, le fils d'un homme qui a essayé de prendre la place de Voldemort. A cause de cela, le monde sorcier ne lui fait plus confiance. »

« Et vous lui faites confiance ? » Lui demanda Severus incrédule.

« Y'a-t-il une raison pour laquelle je ne devrais pas lui accorder ma confiance ? »

« Comment savez-vous qu'il n'en veut pas à Harry pour la mort de Lucius ? Comment savez-vous qu'Harry est en sécurité ici ? »

Albus secoua la tête. « Drago n'est pas venu ici pour tuer Harry. Non, » Il leva une main quand Severus ouvrit la bouche pour marquer son opposition, « Je n'ai pas oublié l'hostilité qui existait entre eux quand ils étaient ici. Cependant ils ont grandi et ni Drago ni Harry ne sont plus les garçons qu'ils étaient pendant les sept années qu'ils ont passé ici. »

Ne diriez-vous pas, Albus, qu'hostilité est un peu en dessous la vérité ? « En êtes-vous sûr? Il n'a pas la moindre intention de faire du mal à Harry ? »

Albus sourit d'un air entendu, ce qui l'énerva grandement, « Oui, j'en suis sûr. »

« Ca n'explique pas pourquoi il est ici. Je sais que vous avez l'habitude de ramasser les égarés. » Severus sourit avec modestie, « Mais vous leur trouvez une utilité. Ils ne restent pas à se tourner les pouces. Après tout, c'est une école, pas une crèche. »

« Drago ne se tourne pas les pouces. Vous n'étiez pas présent au petit déjeuner ce matin, sinon je vous l'aurais dit. » Albus sourit. « Drago sera notre professeur de Défense Contre les Forces du Mal. »

Severus le dévisagea, momentanément muet. Puis il dit, « Vous devez plaisanter. »

« Je vous assure que je suis parfaitement sérieux. »Albus lui souriait toujours.

« Je ne peux pas croire que vous y ayez réfléchi correctement, Albus. » Dit Severus lentement comme s'il parlait à un enfant particulièrement lent d'esprit. « Vous venez de me dire qu'il est ici parce que personne d'autre au monde ne lui fait confiance. Comment à votre avis les parents des étudiants vont réagir en découvrant que Drago Malfoy enseigne à leurs enfants ? »

« J'ai encore de l'influence dans ce monde, Severus. » Reprit Albus d'un air narquois. « Pendant que Drago est là, je peux le surveiller. La plupart des gens préfèrent savoir où il est et savoir qu'il est surveillé plutôt que de penser qu'il est quelque part dehors, dans le grand monde. D'autre part, » Il regarda attentivement Severus dans les yeux. « Il n'est pas la première personne que j'ai accueillie ici, venue avec le poids de son passé. S'ils peuvent faire confiance à un ancien mangemort pour enseigner à leurs enfants, ils peuvent faire confiance à un homme qui n'était que son fils. »

Il a perdu l'esprit. C'est la seule explication. Severus le dévisagea sans mot, agacé par les paroles d'Albus, pourtant vraies. Peut-on me dire pourquoi je suis revenu. Parce que là, je ne sais vraiment plus.


« Je vois ce que c'est. Vous ne m'aimez plus. »

« Quoi ? Non, Harry, ce n'est pas vrai ! »

« Nous voulions venir te voir, honnêtement, nous le voulions. On ne nous l'a pas permis ! »

Harry rit et abandonna le ton d'une personne blessée, pour sourire à ses deux amis. Ils marchaient dans le couloir. « Je plaisantais, geez. Je sais que vous êtes toujours…Attendez. » Harry se retourna vers Ron, d'un air interrogateur. « Que veux-tu dire ? Vous n'avez pas été autorisés à venir me voir ? »

« Nous allions venir, Hermione et moi, pendant l'été. Nous venions de recevoir ta première lettre, celle où tu nous racontais ce qui s'était passé avec Lucius et nous avions prévu de venir te voir. »

« Nous pensions que le mieux serait de venir pendant les vacances d'été. Je n'avais alors pas de classe à enseigner, » Expliqua Hermione. « Et tu n'aurais pas été obligé de te concentrer sur tes études. » Dans son regard, il voyait qu'elle ne croyait pas qu'il ait réellement pu se concentrer sur ses études, mais elle acceptait de lui laisser le bénéfice du doute, seulement s'il acceptait de lui avouer facilement plus tard qu'il n'avait pas vraiment étudié sérieusement.

« Quand nous sommes allés voir le directeur pour lui parler de nos projets, nous pensions qu'il serait content. Mais au lieu de cela il nous a demandés de ne te déranger sous aucune circonstance jusqu'à ce que tu aies terminé tes études à l'université et que tu sois revenu à Poudlard. » Ron semblait encore en colère.

Quand elle vit l'expression de surprise sur le visage d'Harry, Hermione se dépêcha d'élaborer. « Albus savait que tu étais avec tes amis moldus et notre apparition t'aurait placé dans une situation délicate avec eux. Il nous a dits que tu serais avec nous dans un an et que si nous voulions faire ce qui est bien pour toi, nous devions attendre que tu reviennes par toi-même. »

« Tout ce que je sais avec certitude est qu'Albus est sur quelque chose. » Les mots de Severus lui revinrent en mémoire alors qu'il écoutait Hermione et Ron essayaient de lui expliquer que bien qu'ils aient pu lui écrire, on leur avait interdit de venir le voir. Il y a sûrement une raison, pensa Harry en ressassant ce qu'ils venaient de lui dire. Albus ne ferait jamais rien pour faire de mal quelqu'un. Harry ne put s'empêcher de rire de lui-même quand il réalisa soudain quelque chose.

« Hé, qu'y a t-il de si drôle ? »

Harry secoua la tête. « C'est drôle. Il déteint vraiment sur moi. » Attends que je te raconte la conversation que j'ai eue avec Hermione et Ron aujourd'hui, Severus. Tu ne le croiras pas : je deviens aussi paranoïaque que toi, à voir des complots à chaque coin de rue. Quand il y réfléchit, il trouva la raison d'Albus tout à fait logique. Empêcher les moldus de connaître l'existence du monde sorcier a toujours été une priorité. Que deux sorciers qu'il n'avait pas vus depuis des années viennent lui rendre visite et se mêlent à des moldus auraient pu créer beaucoup de problèmes. Surtout que Severus était là. Il ne pensait pas que lui et Ron se soient rapprochés depuis l'époque où ils étaient étudiants à Poudlard.

Hermione le regarda avec curiosité et Ron plissa les sourcils. « Tu veux dire Snape, non ? » Lui demanda Ron avec réticence un instant après. Harry n'avait pas élaboré.

« J'ai passé un an et demi avec lui. Il était mon colocataire. » Répliqua Harry sur la défensive. Pas encore Ron. Ne recommence pas.

« Je ne sais pas comme tu as pu le supporter. »

« Ce n'était pas si mal, une fois que nous nous y sommes habitués. Nous nous disputions assez souvent et nous le faisons encore. Ca ne changera probablement jamais. Mais ce n'était vraiment pas si mal. »

« As-tu oublié qu'il nous a rendus la vie misérable ? Il a passé sept années à nous tourmenter et maintenant tu es ami avec ce bâtard ? » Lui demanda Ron, incrédule.

Harry soupira et regarda Hermione du coin de l'œil. Elle avait sur le visage une expression désolée. Elle secoua la tête comme pour dire que de ce point de vue, Ron ne changerait probablement jamais, même si elle le souhaitait.

« Pouvons-nous éviter cela Ron ? Je suis très heureux d'être de retour ici, de pouvoir passer du temps avec vous deux après presque sept ans de séparation. Pouvons-nous ne pas détruire cela en nous disputant pour savoir s'il est approprié que Severus et moi soyons ami ? »

Ron renifla de dégoût. « Oh oui, j'avais oublié, Severus. »

Harry baissa les bras. « Très bien Ron. Je vais chercher mon balai et faire un tour. Ca fait longtemps que je n'ai pas volé. Je vous verrai ce soit à la cérémonie de répartition. »

« Harry, attend- »

Mais Harry n'attendit pas. Il leur fit un signe de la main et partit rapidement en direction de la chambre qu'Albus avait eue la bonté de lui donner. Il ignora la voix d'Hermione. Elle fit la morale à Ron parce qu'il avait gâché leur après-midi avec Harry. Je ne veux pas me battre avec toi Ron, mais je ne peux pas rester là et t'écouter dire du mal de Severus. Il était peut-être un salaud quand nous étions élèves, mais tu ne le connais pas, tu ne sais pas pourquoi il a fait ce qu'il a fait, tu ne sais pas que profondément, ce n'est pas lui. Harry secoua la tête. Il n'y a aucune chance que je lui dise ce qui s'est passé entre nous pendant cette année et demie. Je ne sais pas s'il le prendrait bien, s'il ne supporte déjà pas l'idée que nous puissions être amis.

Il passa le reste du chemin perdu dans ses pensées : il était très probable que Ron oblige Harry à choisir entre eux. Et ce ne fut que lorsqu'il fut sur le terrain de Quidditch, monté sur son balai et prêt à décoller qu'il se rendit compte qu'il n'était pas seul. A quinze mètres au-dessus de lui, se trouvait Drago Malfoy. Le jeune homme observait l'horizon. L'avertissement de Severus lui revint en mémoire alors qu'il observait Drago Malfoy et il se demanda s'il devait retourner à l'intérieur et revenir plus tard : « Sois sur tes gardes si tu dois avoir affaire à lui. » Une part de lui refusait d'oublier la manière dont Drago avait agi quand ils étaient enfant et elle lui ordonnait de rester là et de ne jamais s'enfuir devant Drago. L'autre part, qui avait appris de Severus qu'il n'était pas aussi facile de juger les gens d'après ce qu'ils semblent être, lui disait d'ignorer sa fierté et de simplement revenir plus tard. Il resta là à se demander quelle option choisir quand une voix coupa court à ses songes et prit la décision pour lui.

« Si tu es venu ici pour voler Potter, alors vole. Je ne vais t'attaquer dès que tu auras le dos tourner. »

Harry le regarda avec surprise. L'autre homme observait toujours l'horizon et ne donnait aucune indication qu'il l'avait effectivement vu. Et bien, il ne pouvait dorénavant plus partir. Il soupira intérieurement, comme si Severus risquait d'apparaître à tout moment et de hurler qu'il est un idiot irréfléchi. Harry frappa le sol du pied et vola jusqu'à Drago qui ne se retourna pas pour lui faire face quand Harry s'arrêta à ses côtés.

« Pourquoi as-tu dit ça ? » Lui demanda Harry, curieux.

Drago rit dans sa barbe. « Parce que c'est ce que tu étais en train de penser. Dehors, tout seul, avec le fils d'un mangemort. Un jeune homme mauvais et assoiffé de sang dont le père a essayé de te tuer, il y a un an à peine. Il veut sûrement venger son père. » Drago tourna finalement la tête et la pencha pour regarder Harry de ses yeux gris argent. « Ai-je raison ? »

Harry n'avait jamais aimé la dissimulation, il ne put donc que répondre,« Quelque chose comme ça, ouais. »

Le coin des lèvres de Drago se tira d'un coup sec, « Je déteste détruire ton ego Potter, mais je n'ai pas l'intention de venger la mort de mon père. »

La même part qui lui avait ordonné de ne pas fuir devant Drago voulait aussi le détester. Ron en serait ravi. Harry imagina la dispute qui s'ensuivrait s'il acceptait Severus et Drago. Ron ne lui parlerait probablement plus jamais. Mais voilà, la manière dont Drago était assis, là, songeur et un peu triste le poussa à lui donner une chance avant de le rejeter comme s'il était une forme plus âgée de l'enfant qu'il avait détesté. Harry se demandait s'il devait remercier Severus pour cette nouvelle maturité.

« Je sais. » Répondit Harry

Cette réponse lui valut un peu plus de réaction. Il tourna la tête pour regarder Harry dans les yeux. « Tu sais ? »

Harry sourit timidement. « Le professeur Dumbledore ne t'aurait pas invité à rester si tu voulais me tuer. » En prononçant ces mots, Harry savait qu'il disait la vérité. Si Albus Dumbledore avait proposé à Drago de rester et d'enseigner à l'école parce qu'il avait vu en lui quelque chose d'amendable, Harry le croyait aussi, même si la nouvelle l'avait énormément surpris quand il l'avait entendu lors du petit déjeuner.

Drago le dévisagea, incrédule, « Tu accordes tant de confiance en ce vieil homme ? Est-il réellement si infaillible ? »

Harry haussa les épaules, « Personne n'est infaillible. Mais oui, je fais confiance à Albus Dumbledore. »

Drago secoua la tête. « Y-a vraiment du travail Potter. Je ne sais pas si c'est de la stupidité ou un réel optimisme qui te fait penser de cette manière. »

Harry rit, « Peut-être les deux. Ou peut-être que l'optimisme est une autre forme de stupidité. Je ne sais vraiment pas. »

Ils se regardèrent encore un moment, Drago cherchait quelque chose dans les yeux d'Harry puis fit un geste d'impatience. « Très bien, j'abandonne. Que se passe-t-il ? »

Harry cligna des yeux. « Quoi ? Que veux-tu dire ? »

« Cela » Drago les désigna tous les deux. « Je ne possède pas ta marque personnelle de stupidité Potter. Mais la dernière fois que nous nous sommes vus, nous essayions au moins, de nous faire mutuellement renvoyer de Poudlard, et au mieux, de nous entretuer. Alors pourquoi maintenant, après tout ce temps, cette petite discussion cœur à cœur ? »

Il ressemble davantage au Drago avec lequel j'ai grandi, mais ce n'est pas suffisant pour raviver ma haine envers lui. « Pourquoi pas maintenant ? Nous allons nous voir beaucoup cette année, en tout cas, jusqu'à ce que je trouve quoi faire de ma vie. Et je me disais qu'il serait plus facile pour tous les deux si au lieu de nous battre et de nous insulter, nous essayons de nous parler civilement. »

Drago le regarda avec suspicion.

Harry grimaça « Bon, je fais un essai. Bien entendu, si tu veux revenir à la haine et aux disputes, je suis sûr que je peux retrouver des résidus de la répugnance que j'éprouvais pour toi. »

« Tu as changé. »

« Toi aussi. » Contra Harry. « Autrefois tu aurais probablement déjà essayé de me faire tomber de balai. »

« Ou je t'aurais jeté un sort pendant que tu étais en bas, inconscient du fait que je te savais là. » Lui accorda Drago.

« Donc, qu'est-ce qui a changé ? »

Drago haussa les épaules négligemment, « Peut-être ai-je simplement grandi. »

« Moi aussi. »

Il y eut un autre moment de silence.

« Nous ne sommes pas obligés d'être amis, nous n'avons même pas besoin de nous apprécier. Mais j'ai eu assez de haine pour cette vie. » Lui dit finalement Harry.

« Je ne te ferai pas de promesses, Potter. »Répondit Drago, « Je ne vais pas commencer à te couvrir de compliments ou ce genre d'absurdité. »

Harry ne put s'empêcher de sourire. « Je ne suis pas inquiet pour les insultes. Si ça ne m'a rien apporté d'autre, vivre presque deux ans avec Severus, m'a appris à avoir la peau dure pour ce genre de chose. »

Drago haussa un pale sourcil quant il entendit les paroles d'Harry, « Je suis surpris qu'il n'ait pas essayé de te tuer pendant ce temps. »

« Je ne sais pas, est-ce que me balancer une chaussure en plein visage compte ? »

« Severus Snape a jeté une chaussure sur toi ? »

Regarde Severus, j'avais raison après tout. Quelque fois, il suffit de donner aux gens le bénéfice du doute.


Et ainsi commence une autre année, pensa Severus, d'un air maussade en contemplant, à travers le verre qu'il était en train de boire, le feu qui crépitait dans la cheminée. Pourquoi ai-je le sentiment que cette année ne sera pas mieux que la dernière ? Il avait assisté à la cérémonie de répartition et à la fête mais n'avait parlé à personne, et ne voulait rien de plus que de quitter la grande salle. Il avait eu conscience des regards inquiets que lui avait lancés fréquemment Harry de l'autre côté de la table, mais l'avait ignoré et s'était échappé à la première opportunité pour retourner dans ses appartements. La conversation qu'il avait eue avec Dumbledore le travaillait encore et le rendait irascible. Il ne détestait rien de plus que de savoir qu'il se passait quelque chose, mais d'être incapable de savoir ce dont il s'agissait. Le fait qu'il était impliqué, quoique involontaire, le mettait encore plus en colère.

Je saurais ce dont il s'agit, Albus. Severus termina le vin qu'il était en train de boire, prit la bouteille posée sur la table à côté de sa chaise et remplit son verre. Quelqu'un frappa à la porte. Il la regarda avec agacement mais décida de l'ignorer et se retourna. Il entendit la porte s'ouvrir quand même. Il plissa dangereusement les yeux. Qui ose me déranger ? La question se résolut d'elle-même assez facilement quand Harry passa devant lui, tira l'autre chaise et s'assit à côté de Severus.

« Que buvons-nous ? » Lui demanda Harry. Il prit la bouteille des mains de Severus.

Severus grogna et éloigna la bouteille de manière à ce qu'il ne puisse pas l'atteindre. « Je bois du vin, toi, exécrable gamin, tu, ne bois rien qui contienne le moindre gramme d'alcool. »

« D'humeur un peu grincheuse, non ? »

« Tu le serais si on s'invitait chez toi à une heure aussi tardive. »

Harry leva les yeux au ciel, « Oh, s'il te plait, Severus, tu t'en fiches que je sois là et tu le sais bien. Donnes-moi ça. »

Severus lui jeta un regard noir. « Absolument pas. »

Harry le regarda fixement un instant puis grogna, « Oh, allez, es-tu toujours sur ça ? C'était il y a des semaines ! Et tu avais bu aussi, tu sais. »

« Qu'y a-t-il Monsieur Potter ? Refusez-vous de comprendre que ce qui est placé sous l'étiquette 'Ne Pas En Parler', signifie que nous ne devons jamais en reparler. »

« As-tu remarqué que la liste des sujets dont nous ne devons pas parler est de plus en plus longue ? » Rétorqua Harry sèchement.

« Tu ne bois pas, point final. »

« Pourquoi, as-tu peur que nous finissions »

« Je n'ai peur de rien. » L'interrompit Severus.

« Ah ouais ? Alors pourquoi rechignes-tu tant à en parler ? Pourquoi t'est-il si difficile d'admettre ce qu'il s'est passé ? » Le défia Harry.

« Si tout ce que tu as à faire est de me harceler sur des choses qui feraient mieux d'être laissées tranquille, tu devrais simplement partir maintenant, parce que je ne discuterai pas de ça. » Déclara Severus avec une note de finalité dans la voix. Il se détourna d'Harry et retourna son attention sur le feu. Laisse tomber Harry. Laisse simplement tomber. Il n'y a rien à dire la-dessus. Quelles que soient les erreurs que nous avons commises et bien que nous les ayons souvent répétées, il vaut mieux les oublier. Parce que si tu as des illusions sur ce que cela signifie, je n'ai pas les mêmes, ça ne pourrait que se terminer dans le malheur. La meilleure chose à faire pour les gérer et de ne pas nous attarder dessus.

Il s'attendait à ce qu'Harry se lève et s'en aille. Il fut donc surpris quand il soupira légèrement. « Très bien. Tu as gagné, encore une fois. Je ne suis pas venu ici pour me battre avec toi de toute façon. »

« Pourquoi es-tu venu ici ? » Lui demanda Severus, curieux, en le regardant du coin de l'œil.

« J'ai eu une conversation intéressante avec Drago aujourd'hui. »

Espèce de maudit fou, pensa Severus en se tournant pour le regarder, « As-tu perdu la tête ? »

« Il n'est pas ici pour me tuer, Severus. » Lui dit Harry de manière rassurante.

« Et je suppose que tu lui as simplement posé la question ? » Siffla Severus sarcastiquement.

« En effet, oui. » Répondit Harry allégrement, en ignorant le regard incrédule de Severus, « Toutefois, il semblait savoir que je le soupçonnais déjà. C'est la première chose qu'il m'ait dite, qu'il savait ce que je pensais et qu'il n'était pas là ici à cause de ce qui est arrivé à son père. »

« Et tu crois ça ? » Au nom de tous les dieux, comment peut-il être si incroyablement stupide ?

« Nous avons discuté assez longuement sur ce sujet, en effet. » Ses yeux se ternirent et il se focalisa sur le feu, comme s'il se perdait dans les souvenirs de ce qui s'était passé un peu plus tôt dans la journée. « Il n'est pas si méchant quand il n'est pas un idiot. »

« Et maintenant, tu lui fais confiance ? »

« Pourquoi ne le devrais-je pas ? »

« As-tu oublié toutes les choses qu'il t'a faites quand tu étais plus jeune ? » Claqua Severus. Espèce d'idiot. Tu pourrais foncer droit dans son piège et tu ne t'en apercevrais même pas.

Les yeux d'Harry s'illuminèrent de colère. « Je n'ai pas oublié les choses que tu m'as faites quand j'étais plus jeune. Et je t'ai donné une autre chance. J'avais pensé que toi, tu aurais compris qu'on ne peut pas juger une personne uniquement sur ses actions passées. »

Severus regarda Harry froidement quelques instants puis retourna son attention sur le feu. Les paroles d'Harry résonnaient dans sa tête. Le passé n'est jamais oublié, Harry Potter. On ne le permet pas. Et tu ne me permettras jamais d'oublier à quel point je suis inférieur à toi. « Il est encore un Malfoy. Et la vie d'un Malfoy est bâtie sur le mensonge et la déception. » Murmura Severus sans le regarder. « Il te trahira. Croire autre chose n'est qu'une douce folie. »

« Albus lui fait confiance. »

« Ca te suffit peut-être, mais pas à moi. » Severus se tut, posa son verre sur la table, se leva et se dirigea vers sa chambre. La conversation est terminée, Harry. C'était plus facile, Severus le savait, de partir. Il n'avait pas l'énergie nécessaire pour continuer le combat. Si Harry voulait faire quelque chose de téméraire, alors, il n'avait pas de raisons de se mêler de ses affaires. Il est adulte, maintenant. Il est grand temps qu'il apprenne à s'occuper de lui-même.

Il n'avait atteint que le pas de la porte quand Harry l'interpella, « Severus, attends. »

Il s'arrêta pour lui laisser une chance de dire ce qu'il voulait dire, mais ne se retourna pas pour lui faire face. Derrière lui, il entendit Harry se mettre sur ses pieds et venir vers lui.

« Severus, je…Vas-tu me regarder ou vas-tu continuer à m'ignorer ? »

Severus soupira et se tourna à moitié, pour regarder Harry dans les yeux. « Je suis fatigué. Bonne nuit, Monsieur Potter. »

« Je t'ai blessé. Je suis désolé. »

« Tu ne m'as pas 'blessé'. » Marmonna Severus avec l'intention de sortir de la pièce. Harry le rejoignit, l'attrapa par le bras et le forcer à s'arrêter. « Monsieur Potter… »

« Pourquoi essayes-tu de me mentir quand je peux voir à travers toi ? » Lui demanda Harry. Il donna une saccade sur son bras pour l'obliger à lui faire face. « Tu ne brandis ces foutaises de 'Monsieur Potter' que lorsque tu te sens mal à l'aise. Et si on prend en considération les dernières minutes, je sais que c'est un sentiment de douleur. » Harry lui sourit avec espoir, « Je pense que j'ai appris à te connaître assez bien, non ? »

Que te faut-il pour comprendre ? Severus le regarda fixement un instant de plus puis inspira profondément. Il sut ce qu'il allait dire et se prépara mentalement à le faire, « Dis-moi, qu'est ça fait d'être aimé par toutes les personnes que tu côtoies. »

Harry sursauta mais ne relâcha pas sa prise sur son bras, ce qui énerva Severus. « Quoi ? »

« Qu'est ce que ça fait d'être aimé par toutes les personnes que tu côtoies ? »

« Je ne sais…Toutes les personnes que je côtoie, ne m'aiment pas. » Répondit-il en secouant la tête. « Je pense à au moins- »

« Ces idiots de Dursley ne comptent pas, ni Voldemort, ni aucun de ses sbires. » L'interrompit Severus en sachant que ce serait la première objection de Harry.

« D'accord, mais tout le monde ne m'aime quand même pas. » Harry sourit tristement, « Il n'y a que quelques personnes en fait, qui m'aiment. Le reste aime Celui Qui a Survécu. Et ce n'est pas mieux. Parce que je sais que s'ils venaient à me connaître, ils seraient terriblement déçus par ce que je suis vraiment. Donc tu vois tout le monde ne m'aime pas, même si tu enlèves les Dursley et Voldemort de l'équation. »

Severus acquiesça. Il comprenait ce qu'Harry avait dit, mais reprit, « Sans compter tes amis moldus, je vois au moins une demi-douzaine de personnes dans cette école qui risqueraient leur vie pour toi sans hésitation s'ils en avaient l'occasion. Pas parce que tu es une légende, mais parce que tu es toi. » Severus sourit légèrement, il pouvait voir Harry faire la liste mentalement des personnes dont il parlait.

« Mais, je ne vois pas où tu veux en venir. » Dit finalement Harry.

« Je ne te surprendrai probablement pas en te disant qu'il n'y a pas une demi-douzaine de personnes qui m'aiment dans ce monde, pas même mes parents. » Severus eut un sourire en coin, et il pensa à ses parents avec mépris. « Mais je suppose que ce n'est pas une mauvaise chose. Je ne m'intéressais pas à eux non plus. En fait, j'étais plutôt content de venir ici quand j'étais enfant, et de partir loin d'eux. Je t'accorde que ce n'était pas le grand amour entre moi et les gens que j'ai rencontrés ici, mais c'était préférable à être à la maison. »

Severus s'arrêta. Il savait que maintenant qu'il avait abordé le sujet, il n'avait pas d'autre choix que de continuer. Il aurait préféré n'avoir rien dit. Ce n'était pas un sujet dont il avait voulu parler. Harry cependant n'avait pas dit un mot. Severus n'avait que très peu parlé de son passé à Harry et il supposait que le jeune sorcier hésitait à l'interrompre de peur qu'il ne pipe plus mots et s'arrête de parler.

« Je pense que tous les enfants, même ceux qui veulent être seuls, peut-être particulièrement ces enfants là, ont le désir secret de trouver une personne capable de les sortir de leur isolement. Peut-être est-ce juste être humain, avoir peur d'être seul. Malheureusement pour moi, j'ai eu la malchance d'être humain, je n'ai donc pas dérogé à ce désir. Pour dire la vérité, j'ai eu l'occasion de voir à quel point j'avais été stupide de ne pas accepter ce que la vie me réservait » Plus il parlait, moins sa voix était personnelle. Il créait une distance avec les sentiments qui remontaient à la surface en même temps que les mots.

« Les dix années suivantes, j'avais un ami. Je croyais être aimé et pour ça, j'ai fait de très mauvais choix. Je me souviens avec une étonnante clarté du jour où mes petites illusions se sont brisé face à la réalité. C'était il y a vingt ans et je n'ai pas oublié un seul détail.

« On nous avait confié une mission, au premier abord, ça nous semblait une mission de routine. Et pourtant, nous avons échoué. Quelque chose a mal tourné ce jour là et je ne sais pas ce que c'était. Nous sommes donc rentrés, seuls, fatigués et un peu effrayés de voir Voldemort. On n'échouait pas quand Voldemort nous avait assigné une mission. Nous savions que nous pourrions être tués, nous n'en étions pas effrayés. Voldemort n'a jamais tué de mangemorts, sauf si celui-ci avait commis un acte de trahison. Nous savions que nous serions punis, Voldemort adorait nous punir et c'était cette douleur qui nous faisait peur. Parce que si une personne avait le talent de te faire souffrir et de te briser, c'était Voldemort. » Severus s'arrêta à nouveau. Il s'arracha à ses souvenirs pour se focaliser sur Harry, qui le regardait avec horreur. Est-ce l'horreur de ce que j'étais, Monsieur Potter ? Ou êtes-vous horrifié parce que je peux parler de telles choses sans un battement de cil ?

« Jamais de toute ma vie, je ne me suis attendu à ce qu'une autre personne ne gâche sa vie pour mon bien. En vérité, je ne m'attendais pas à un mot pour ma défense. Il n'y avait personne à blâmer. Imagine donc, ma surprise quand nous nous présentés devant Voldemort et qu'avant même que je ne puisse ouvrir la bouche, mon partenaire lui raconta que tout était de ma faute, que j'avais hésité. Je me souviens parfaitement des détails de cette mission et alors que j'étais là et que je l'écoutais, je ne parvenais pas à croire ce que j'entendais. Très peu de ce qu'il avait dit n'était la vérité. » Severus regarda à peine Harry. « Seul un maître du mensonge pouvait mentir à Voldemort sans qu'il le sache. Il n'y avait qu'un seul mangemort qualifié pour ce titre particulier et il se tenait à côté de moi et racontait une incroyable fable. Et Voldemort l'a cru, lui.

« Je ne t'ennuierai pas avec les détails de la punition que j'ai reçue de la main de Voldemort ce jour-là. Si tu es curieux, tu peux aller demander à Albus à quoi je ressemblais quand je suis parvenu à me guérir suffisamment pour revenir ici à Poudlard, » Un sourire crispé agita les lèvres de Severus. « Je suis sûr qu'il peut te faire une peinture beaucoup plus intéressante que je ne le peux. Je ne sais pas combien de temps ça a duré. Je pense que j'ai refoulé beaucoup de choses. Je me souviens être revenu à moi dans une mer de sang. La pièce était sombre, Voldemort était parti et j'étais en état de choc. J'ai d'abord cru que j'étais seul, mais je me trompais, mon ami était encore là. Je me souviens de l'effort qu'il m'a fallu fournir pour ouvrir suffisamment les yeux et tourner la tête pour le regarder. J'avais dû crier parce que ma gorge était à vif et je ne pouvais pas verbaliser la question que je voulais si désespérément lui poser. Mais il comprit tout de même. Ses yeux, semblable à de la glace, ne reflétaient rien d'autre que du mépris et de la haine.

« Pensais-tu réellement que tu représentais tant pour moi que je risquerais ma place de favoris auprès de Voldemort, Severus ? Tu as toujours été un imbécile, qui croit si facilement aux rêves éphémères alors qu'en réalité je t'ai utilisé toi et ton pouvoir pour obtenir les faveurs de Voldemort. Ne le savez-tu pas, Severus ? Je sacrifierai n'importe quoi pour être sûr d'obtenir ce que je désire. Rien d'autre ne compte à mes yeux. Et surtout pas toi. »

Severus secoua la tête, bannissant les mots qui l'avaient hanté les années qui avaient suivi sa trahison. « Il m'a dit qu'il m'avait utilisé tout ce temps pour obtenir les faveurs de Voldemort, en me forçant à utiliser mes pouvoirs quand il le voulait. Et quand il a eu peur de perdre ces faveurs, il a agi de la seule manière qu'il le pouvait pour conserver sa place. »

« Le reste de cette triste affaire ne concerne nullement cette discussion et je ne gaspillerai pas notre temps à en parler. Ce jour-là, j'ai appris la valeur de la confiance de ceux qui proclament se soucier de toi. J'ai appris que ces gens ne s'intéressent en fait qu'à eux et qu'ils utilisent toutes les personnes dont ils ont besoin pour atteindre leurs objectifs. Vois-tu pourquoi je ne peux pas avoir confiance en Albus Dumbledore quand il me dit que Drago est parfaitement digne de confiance ? » Demanda Severus en regardant attentivement dans les yeux de Harry. « Comprends-tu pourquoi je ne peux pas lui faire confiance quand il m'utilise pour atteindre ses propres fins mêmes si elles sont bénéfiques pour chacun d'entre nous ? » Il secoua la tête, « Les gens mentent, Harry. Ils le font tout le temps : aux autres, à eux-mêmes. Le fils du plus grand menteur jamais connu te dit que tu es en sécurité avec lui. Tu devras pardonner mon incapacité à croire les paroles de Drago Malfoy. »

Le silence s'étira entre eux. Severus regardait Harry dans les yeux, sans expression. Ce dernier lui renvoyait son regard avec un mélange d'émotions que Severus ne parvenait pas à démêler. Est-ce assez ? Comprends-tu maintenant ? Vas-tu m'écouter maintenant ? Les minutes s'écoulèrent et Severus décida qu'il pourrait peut-être maintenant prendre congés d'Harry sans que celui-ci ne proteste. Quand il tira pour libérer son bras de la prise, l'autre homme s'arracha de ses pensées et rétablit sa grippe, avant que Severus ne puisse s'échapper. Les ongles d'Harry égratignèrent la paume déchirée de la main de son compagnon. Ce dernier grimaça inconsciemment. Harry le vit et agrippa son poignet pour l'arrêter.

« Qu'est-il arrivé à ta main ? » Lui demanda Harry en retournant la main de Severus pour observer la chair mutilée.

« J'ai eu une conversation avec Albus aujourd'hui. » Répondit Severus sèchement.

« Et quoi, il t'a attaqué ? » Lui demanda Harry sarcastiquement.

« Son refus de répondre à mes questions concernant la modification de ma mémoire et le fait qu'il connaisse tout ce qui s'est passé avant notre arrivée ici hier, m'a mis en colère. »

« Tu étais frustré alors tu t'es mutilé, c'est ça ? » Harry le regarda avec des yeux noirs.

Severus leva les yeux au ciel et soupira. J'étais censé être libre d'aller me coucher. « Si tu ne me laisses pas partir, je vais me défouler sur toi. » Marmonna Severus dans sa barbe.

« Vas-tu arrêter de fuir ? » Demanda Harry calmement. Il surpris Severus en lui lâchant le poignet.

« Je- »

« Vas, tu peux partir maintenant. » Harry fit un geste en direction de la porte. « Je te laisse tranquille. » Maintenant qu'il était libre de partir, il se trouva enraciner dans le sol, à regarder Harry partir. « Que veux-tu que je fasse ? » Il avait prononcé les mots sans s'en rendre compte.

Harry se tourna vers lui, « Je veux que tu fasses la moitié du chemin. »

Severus haussa un sourcil interrogateur.

« Je pense avoir finalement tout compris maintenant. »

Ca paraissait à Severus de mauvais augure et inconsciemment il se prépara.

« Je ferai attention et je serai prudent avec Drago. Je ne ferai rien de stupide et je ne le proclamerai pas mon nouveau meilleur ami. Je ne lui proposerai pas de partir seul avec moi pour une autre de mes 'stupides aventures' comme je t'ai entendu le dire d'innombrables fois. »

Harry lui sourit et il fut surpris de sentir l'appréhension et la tension qu'il ressentait jusqu'à présent le quitter. « Tout ce que je te demande est que tu te détendes un peu et que tu me donnes une chance de voir s'il est vraiment digne de confiance. J'ai le sentiment que si je lui donne une chance, nous serons peut-être capables de réparer les dommages que nous nous sommes faits enfants. »

Peux-tu lui faire confiance pour qu'il ne se fasse pas tuer, Severus ? As-tu vraiment le choix ?

Il soupira et acquiesça. « Très bien. Tu as gagné. » Répondit-il finalement en imitant le ton qu'Harry avait employé un peu plus tôt.

« Puis-je te raconter le reste de ma journée maintenant ? » Lui demanda Harry en désignant le coin près de la cheminée.

Severus jeta un œil sur l'horloge posée sur la cheminée. « Depuis quand mes objections te dissuadent-elles de faire quelque chose ? Il est déjà plus de minuit de toute façon. » Severus sourit d'un air satisfait en rejoignant Harry devant la cheminée. « J'espère que tu sais que si les étudiants se plaignent de ma mauvaise humeur, leur premier jour, ce sera de ta faute, parce que tu m'auras tenu éveillé toute la nuit. »

« Tu aurais été éveillé toute la nuit à broyer du noir de toute façon. Au moins, tu n'as pas à le faire seul. » Harry sourit d'un air gêné comme si ce n'était pas du tout ce qu'il avait voulu dire.

« Allez, vas-y. » Lui dit Severus, « Qu'est-ce que c'est ? »

« Je voulais juste te dire que je suis désolé de m'être disputé avec toi et de t'avoir fait remonter tous ces souvenirs douloureux. » Harry le fit taire d'un geste quand Severus ouvrit la bouche pour objecter.

« Je sais que tu souffres quand tu en parles, même si tu prétends le contraire. »

« Vivre fait souffrir Harry. S'attarder dessus ne change rien. »

« Je sais. » Harry le regarda sérieusement. « Merci de me faire suffisamment confiance pour me le dire, pour me permettre de partager une partie de ta vie. »

Severus lui retourna son regard puis haussa les épaules. « De rien. Et si ça peut aider… »

« Oh oui, ça aide, ça aide même beaucoup. »