Chapitre 5 : Le porteur de mauvaises nouvelles

« Je sais que tu n'as rien d'urgent à faire, Potter, mais tu pourrais au moins, prétendre. »Lui conseilla Drago sarcastiquement en entrant dans la pièce, « Au lieu de passer tes journées assis à rêvasser. »

« Vas-t'en. »

« Peut-être ai-je raté la note sur la porte m'avisant que cette pièce appartient à Harry Potter. »

Harry soupira, détourna son regard de la fenêtre pour fixer Drago d'un air vide. « Je ne suis pas vraiment d'humeur pour ça en ce moment, Drago. Si tu veux te disputer avec quelqu'un, vas ennuyer Hermione. Je suis sûr qu'elle sera ravie de s'engager dans une joute verbale avec toi avant de finalement te dire d'aller te faire voir. J'ai pensé nous épargner les ennuis, sauter toutes les étapes inutiles et te dire immédiatement d'aller te faire voir. »

Drago leva les yeux au ciel. « Très bien. Quel est ton problème ? »

« Excuse-moi ? »

« Tu te morfonds depuis trois jours. »

Harry le regarda avec des yeux noirs. « Tu ne m'as pas vu ces trois derniers jours. »

« Et que fait-on quand on joue à l'ermite, hein ? On broie du noir. »

« Est-ce que j'ai raté le passage dans lequel nous 'sommes devenus amis' ? Est-ce pour cela que je dois te parler de ce que je ressens ? »

Drago rit. « Si je me souviens bien, c'est toi qui as passé je ne sais trop combien de temps à me baratiner sur le fait que nous devrions au moins essayer de nous 'entendre'. Tu me l'as répété jusqu'à ce que j'en ai la nausée. »

Drago avait raison, mais Harry était bien décidé à l'ignorer. « Vas-t-en. »

« Ne m'oblige pas à te frapper. Ce n'est pas que je n'apprécierai pas, mais, » Drago haussa les épaules négligemment, « je dois au moins faire le geste symbolique que je ne veux pas faire. »

« Drago… » Harry commença en l'avertissant.

« Ecoute, Harry » Commença Drago. Il approcha une chaise pour s'asseoir à côté de lui et s'affala dedans. « T'appesantir sur ce qui te tracasse ne va pas t'aider, ni même le faire disparaître. »

« Et en parler jusqu'à ce que mort s'ensuive, est peut-être mieux ? »

« J'ai l'impression qu'on a renversé nos rôles. Je suis censé être l'indifférent, celui qui ne se soucie de personne, le Serpentard inhumain. Toi, tu es censé être le soucieux et très familier Gryffondor, agaçant avec ton optimisme chaleureux. » Lui signala Drago pour l'aider.

« Ecoute, je suis simplement…Des choses sont arrivées. C'est comme si tout avait soudainement changé…Oublie ça. Tu ne comprendrais pas. »

Drago haussa un sourcil, « Ne le pourrais-je pas, Harry ? » Demanda t'il calmement, « Ne comprendrais-je pas ? »

Harry leva la tête et rencontra les yeux de Drago, « Je ne sais pas. »

« Alors, explique-moi. »

Je suis surpris Drago, je le suis vraiment. Je t'ai sous-estimé. « Je ne sais pas vraiment où commencer. » Harry se protégea en le faisant patienter quelques instants. Ce n'était pas qu'il ne voulait pas en parler, c'était même le contraire en fait. En vérité, Harry ne voulait rien de plus qu'allait voir Ron ou Hermione, comme quand il était enfant, et déverser son cœur, tout leur dire pour voir s'ils pouvaient répandre un peu de lumière, lui donner une petite idée de ce qu'il se passe et le conseiller sur la meilleure façon de gérer la situation. Mais il ne pouvait pas. Il savait, même s'il aurait souhaité le contraire, que ni Hermione, ni Ron ne comprendraient. Ils ne connaissaient Severus Snape que comme un salaud sans cœur.

« En général, les gens commencent par le début. » Lui conseilla Drago de façon autoritaire. Il fit un geste de la main pour insister sur ses paroles. « Il y a une progression graduelle entre le milieu et la fin. »

Harry le regarda par-dessus ses lunettes. « Tes étudiants ne doivent pas t'avoir dans leur cœur, si ? »

« Tu me blesses. » Drago agrippa sa poitrine et tomba contre sa chaise. « Cependant dois-je continuer en sachant que tu n'as pas confiance en mon habileté à enseigner ? »

« Plus de suffisance et de vertus que jamais ; je vois » Répondit Harry avec désinvolture.

« Où la bonne nature et l'inquiétude d'un ami échouent, les insultes font le travail sans même le vouloir. »

Drago sourit, « Sérieusement Harry, quel est le problème ? J'ai l'impression que quel qu'il soit, tu ne peux pas en parler à Granger. »

Harry le regarda avec suspicion.

« Bon sang, Potter, donne-moi un peu de crédit. » S'exclama Drago en le regardant avec incrédulité, « Je ne suis pas un complet balourd. Je peux lire entre les lignes. »

Peut-être serions-nous tous content que tu ne puisses pas lire trop loin entre les lignes, pensa Harry en dévisageant Drago d'un air incertain. Il essayait de trouver les mots qui lui feraient comprendre ses sentiments sans révéler toute l'histoire. Parce qu'à la fin, Harry devait admettre, qu'il valait mieux ce nouveau et presque amical Drago que personne. « C'est juste que- »

« En toute franchise, je me demande si tu le connais vraiment ? » L'interrompit Drago calmement.

« Quoi ? » Harry était bouche bée.

« Remets les choses à leur place. J'ai des yeux Harry, regarde. » Drago lui pointa du doigt ses yeux, « Des yeux. »

Harry grimaça. « Oui, merci Drago. Je ne suis pas un idiot non plus. »

« Parfois tu agis vraiment comme tel. » Marmonna Drago. Il secoua la tête comme pour éclaircir les idées. « De toute façon, que s'est-t-il passé ? »

« Franchement, je ne sais pas. » Lui répondit Harry en toute franchise. Il soupira et regarda ses pieds. « Nous sommes restés debout la nuit, il commençait à s'ouvrir et à simplement être et puis, le jour suivant il m'a dit que tout n'était qu'un acte, qu'il n'avait fait que suivre les ordres de Dumbledore, de se lier d'amitié avec moi et gagner ma confiance ; qu'en réalité il me détestait et était content de revenir à Poudlard et de ne jamais me revoir. » Il jeta un coup d'œil à Drago pour voir sa réaction. Un bref instant, Harry vit une lueur de compréhension dans les yeux gris du jeune homme comme si le Serpentard était doté d'une connaissance qu'Harry ne savait même pas exister. Aussi rapidement qu'elle était apparue, la lueur disparue, si bien qu'Harry se demanda s'il ne devenait pas un peu paranoïaque, à voir des conspirations là où il n'y en avait pas.

«Donc, en gros, tu me dis que Snape est soudain redevenu lui-même ? » Demanda Drago à Harry en feignant l'incrédulité.

Harry soupira, « C'est justement ça Drago. Ce n'était pas Severus étant lui-même. C'est Severus étant quelqu'un d'autre. »

« Et tu sais ça comment, Harry ? » Lui demanda Drago avec scepticisme, « Tu as passé deux ans avec cet homme. Deux ans n'est pas suffisant pour vraiment connaître quelqu'un, surtout quelqu'un d'aussi complexe et privé que Snape. »

Harry secoua la tête. « Tu as tort, Drago. Je le connais. »

« Il a été un mangemort, Harry. Est-ce qu'il ne t'est jamais venu à l'esprit que l'homme que tu as appris à connaître était une autre personnalité construite par Snape pour l'aider à gérer la situation ? Les gens mentent Harry. Ils mentent tout le temps. »

« Et cela vient du fils de l'un d'eux. » Répondit Harry d'un air renfrogné.

« C'est mesquin Potter et nier la vérité ne t'aidera pas. »

« Ce n'était pas un mensonge. » Insista Harry avec ferveur. Il s'arrêta et organisa ses pensées. J'avais tort sur beaucoup de choses dans ma vie Drago, mais pas ça. Je le sais. Ca n'a peut-être aucun sens, mais je sais que j'ai raison. « Est-ce qu'il ne t'est jamais arrivé de savoir quelque chose intuitivement Drago ? Que tu le saches profondément comme une part de toi-même dont tu ne connaissais même pas l'existence jusqu'au jour où tu en as pris conscience. »

Drago le dévisagea un moment puis soupira profondément. « Harry, je déteste être le porteur de mauvaise nouvelle, mais la vie n'est pas un conte de fées. Les choses ne sont pas aussi tranchées et sèches qu'un sentiment. Les gens ne sont pas aussi simplistes que ça. »

« Quand la vie est-elle devenue un conte de fées pour toi, Drago ? Quand la magie s'est-elle retirée ?

« M'as-tu seulement vaguement écouté ? »

Harry passa une main dans ses cheveux. Il se sentait plus que frustré. Il aurait dû savoir que Drago Malfoy ne le comprendrait pas. « Laisse tomber Drago. Oublie ce que j'ai dit. »

« Tu n'as pas le monopole de la douleur, Potter. Contrairement à ce que tu peux penser, nous sommes nombreux à être blessés par les gens auxquels nous tenons. »

Harry le regarda curieusement, déchiré entre l'envi de lui demander ce qui l'a fait souffrir et le désir d'être tranquille.

« Arrête de me regarder comme ça, Potter. » Marmonna Drago en levant les yeux au ciel. « Pour l'instant, c'est toi qui es confiné dans ta douleur, pas moi. Il ne sert à rien de rouvrir de vieilles blessures. »

Drago avait à nouveau raison. Cette fois Harry allait le reconnaître, « Ca fait mal, Drago. Ca fait très mal. Je lui faisais confiance, je lui faisais confiance avec ma vie et je l'ai cru quand il m'a dit que lui aussi me faisait confiance. J'ai cru que toutes les absurdités que nous avons surmontées ces années-là étaient terminées. Je croyais que mon instinct avait raison. »Il se tut. La douleur du désespoir le submergea à nouveau. Je te faisais tant confiance, Severus. Je te croyais mon ami. Je croyais que tu t'intéressais à moi. Aussi fou que cela paraisse maintenant, j'ai honnêtement cru que je représentais quelque chose pour toi. Pourquoi prétendais-tu le contraire ? Pourquoi as-tu continué cet acte une fois que j'ai retrouvé la mémoire ? J'aurais quand même travaillé avec toi. Tu n'avais pas besoin de jouer la comédie. « Ca fait d'autant plus mal que non seulement tu ne peux pas te fier aux personnes en qui tu faisais le plus confiance, mais qu'en plus tu ne peux pas te fier à toi-même. Tu ne peux pas te fier à tes propres instincts pour te protéger. »

« Il y a plus que ce que tu as vu dans ses yeux, hein Harry ? » Lui demanda Drago avec perspicacité.

« Que- »

« Je ne suis ni granger ni Weasley. » L'interrompit-il en prévoyant le déni perplexe qu'Harry s'apprêtait à formuler. « Il est évident que je ne partage pas leur point de vue sur bien des sujets. Ecoute, je peux dire en te regardant que tu as besoin de parler. Je n'utiliserai pas cela pour te juger. Il y a d'autres choses que je pourrai utiliser, si je le veux. »

Harry chercha dans les yeux de Drago pour essayer de déterminer si oui ou non, le Serpentard lui disait la vérité. Le fait que Drago lui retourne son regard inébranlablement le convainquit qu'il était sincère. A ce stade, qu'est-ce que j'ai à perdre ?

« Je dois te prévenir que c'est une longue histoire. »

« Je n'ai plus de cours aujourd'hui. »

Harry acquiesça, il valait mieux Drago que personne, surtout ce Drago à presque amical. A ce stade, Harry se sentait suffisamment mal pour prendre le petit espoir d'aide, quel qu'il soit, qu'il pourrait obtenir. Il se prépara, prit une profonde inspiration et commença à parler.


A quel jeu jouez-vous Snape ? pensa Drago en regardant le feu crépiter dans la cheminée à quelques mètres de l'endroit où il était assis. Après avoir écouté l'histoire de ce qui s'était passée entre lui et Snape ces deux dernières années, et Harry avait dit la vérité, c'était vraiment une longue histoire, Drago était retourné dans ses quartiers pour s'asseoir devant le feu et réfléchir à ce qu'il venait d'apprendre.

Ca n'amène à rien, Snape. Son regard dévia vers une petite table près de lui sur laquelle était posé un gros livre de cuir noir, une bande en satin noir pendait entre les pages. Les circonstances ne sont pas les mêmes. Si elles l'étaient j'aurais compris ce que vous faites. Mais elles ne le sont pas. Et vos actions n'ont aucun sens.

Dans un sens Drago trouvait cela très frustrant. Tout ce qu'il voulait était un endroit qu'il pourrait appeler « chez lui », où il pourrait vivre sans les stigmates liés au fait d'être le fils d'un mangemort. Or, au final même si les stigmates n'étaient pas proéminents, il serait toujours lié à son père, qu'il le veuille ou non. Il n'avait pas prévu d'être entraîné par la détresse d'Harry Potter quand il était venu à Poudlard, à la recherche d'un lieu de séjour.

Pourquoi moi, père ? Tu avais assez de magie à ta disposition pour l'avoir vu sans mon aide. Drago regarda le livre avec des yeux noir, tout en sachant que ça ne changerait rien. Il retourna son attention vers le feu. Donc maintenant je suis ici, pris dans un nouveau chapitre d'une vieille histoire. J'ai mes propres problèmes, mes propres inquiétudes. Depuis quand est-ce que je m'occupe de qui que ce soit d'autre ?


Ca l'avait aidé. Même s'il ne voulait pas vraiment l'admettre, parler avec Drago l'avait aidé. Ca n'adoucissait pas le rejet de Severus et ça ne lui permettait pas non plus d'avancer dans sa vie. Mais il avait maintenant un nouvel ami. C'était un essai, et de cela, il n'en doutait pas. Harry ne pouvait pas prétendre, même par un effort d'imagination, que Drago allait devenir son nouveau meilleur ami. Mais ils n'étaient certainement plus adversaire. Même s'il pouvait n'être concerné que par lui-même, en général déplaisant et mesquin, Harry savait qu'à un certain degré que Drago avait nourri une ou deux fois au moins des sentiments neutres à son égard.

Il se soucie suffisamment de moi pour venir me chercher et me demander ce qui ne va pas, pensa Harry en regardant l'obscurité englobant son lit. C'est ce qui s'était passé, réalisa Harry pendant qu'il discutait avec Drago. Indépendamment de ce qu'il avait dit, ce n'était pas par accident que Drago était entré dans la pièce où il se cachait. Le sorcier l'avait cherché. Peut-être se sent-il seul, lui aussi.

Allongé dans son lit à y réfléchir, il avait ce sentiment. Drago n'avait jamais eu beaucoup d'amis et maintenant que le monde le regardait avec suspicion et haine, il était encore plus seul que lui. Qui aurait pu penser qu'un jour, je m'identifierai à Drago Malfoy ? Harry secoua la tête. Pour beaucoup de choses.

J'ai été fou de croire à quelque chose d'aussi éphémère qu'un sentiment. J'ai complètement ignoré tout ce que j'avais appris sur la nature humaine, à cause d'un sentiment. Partir d'Angleterre n'a pas fait de moi un adulte, même si je voulais le croire. J'étais encore un enfant. Je parie qu'on l'est jusqu'à ce que la douleur nous donne un aperçu de ce qu'est être adulte. Je me souciais de plus en plus de cet homme que j'ai pourtant passé mon adolescence à détester. Mais quelque part, je pense que j'ai été un peu confus et j'ai assumé que si la magie était réelle, le reste des contes de fées aussi. C'était drôle et pourtant triste et pathétique. C'était stupide de ma part de penser que si je l'aimais suffisamment, il m'aimerait en retour. C'était arrogant de penser que je pouvais le guérir, que je pouvais le rendre heureux, que je pouvais être suffisant.

Ce n'est pas dans ma nature d'arrêter de me soucier de quelqu'un, Severus. Quelles que soient mes fautes, quelles que soit mes stupides erreurs, je t'aime. Je t'aimerai toujours. Mais je t'aime suffisamment pour vouloir que tu sois heureux. Donc, j'espère que ça ne te dérange pas si je continue à t'aimer, de loin, là où tu ne me verras jamais. Je reconnais que j'étais un enfant. Et maintenant, je serai l'adulte que j'ai clamé être ces dernières années. Parce que Severus, je t'aime suffisamment pour te laisser partir.