Chapitre 11 : N'y va pas dans la dentelle.

Il n'essaya même pas de prétendre manger. Il n'avait absolument pas faim. En fait, il n'était venu dîner ce soir là que pour une seule raison : Albus lui avait dit de ne surtout pas manqué le dîner. La principale raison, il la connaissait, le directeur était inquiet pour lui, et de cette façon, Albus pouvait l'avoir à l'œil. Ils étaient assis côte à côte et Albus pouvait vérifier qu'il allait bien et qu'il ne faisait rien de stupide. Si on Considérait le fait qu'il avait déjà concocté une demi-douzaine de plans pour secourir Severus. Attaquer Azkaban, provoquer une révolte de détraqueurs, et une grande utilisation de sa baguette, le directeur avait eu raison de parier sur ses prévisions.

Harry ne savait pas depuis combien de temps il était assis là, à regarder son assiette, sans la voir et à écouter, sans vraiment les entendre, les murmures lointains des étudiants spéculant sur le sort de Severus. La seule chose dont il était effectivement conscience était son intense besoin de voir Severus, de savoir qu'il allait bien.

Et s'il n'avait pas de procès ? L'angoisse l'avait harcelé toute la soirée. Et si Fudge décidait de ne pas lui faire de procès et de lui administrer le Baiser du détraqueur sans l'accord du Ministère ? Plus il y pensait, et il y pensait depuis un certain temps déjà, plus il était convaincu qu'il était arrivé quelque chose à Severus qu'Albus n'avait pas prévu. Même maintenant, alors qu'il était assis à regarder son assiette, les détraqueurs pouvaient être en train de réduire Severus à une reproduction sans esprit de l'homme qu'il était autrefois.

Je ne peux pas rester assis là sans rien faire, ragea Harry. J'ai besoin de le voir. J'ai besoin de savoir s'il va bien !

Sans avertissement, l'assiette et la grande salle disparurent.


Severus était assis par terre dans un coin de sa minable cellule, ses cheveux noirs et sa robe se mélangeaient à l'obscurité et il était presque impossible de les séparer des ombres. Un grondement résonna dans la petite cellule quand il bougea. C'était le langage des chaînes qui lui encerclaient encore les poignets. Il posa la tête contre le mur et ferma les yeux. Le visage pâle du maître des potions, déjà blême était en train de devenir hagard depuis qu'il avait été emprisonné, il n'y avait de cela que quelques heures, témoignage de ce qu'infligeait Azkaban aux malheureux qui avaient trouvé leur chemin dans ses profondeurs.

On entendit des pas. Ils devenaient de plus en plus forts. Ils s'arrêtèrent devant la cellule de Severus. Ses yeux restèrent clos; et rien n'indiquait qu'il avait entendu le bruit des pas. La lueur d'une torche vacilla dans l'obscurité et la porte de la cellule s'ouvrit sur Cornélius Fudge et les deux détraqueurs qui l'accompagnaient. Il leur demanda de rester sur le pas de la porte, puis entra dans la cellule et avança jusqu'à ce qu'il puisse voir le coin dans lequel Severus s'était installé.

« Je commençais à perdre espoir, je commençais à croire que je ne verrai jamais ce jour arriver. » Fudge commença à lui parler sur un ton badin, comme s'il racontait à un vieil ami ce qu'il ferait pendant ses prochaines vacances, et non comme s'il regardait un prisonnier enchaîné.

Severus ouvrit lentement les yeux et les fixa froidement sur Fudge.

« Que pensez-vous de vos quartiers ? Vous conviennent-ils ? »

Severus demeura silencieux, son visage lisse et froid était sans expression. Seuls ses yeux luisaient de la haine qu'il ressentait pour Fudge.

« Oh, allons, » Le réprimanda Fudge, « Il n'y a pas lieu de rester silencieux. Vous et moi savons que les preuves sont fausses. Lucius n'aurait jamais été aussi fou, il n'aurait jamais laissé des documents aussi importants traîner n'importe où. Il a emporté ses secrets avec lui quand vous l'avez tué. » La voix de Fudge changea légèrement d'intonation, c'était à peine remarquable, mais son ton était devenu plus tranchant, « Vous n'êtes plus un mangemort depuis longtemps. Quand avez-vous porté la robe pour la dernière fois, Severus, et quand vous êtes vous tenu dans le cercle pour la dernière fois ? Avant la naissance d'Harry Potter, certainement. »

Les yeux obsidiennes se plissèrent.

« Quand exactement avez-vous, trahi le Seigneur Noir, Severus ? » Le pressa Fudge, sa voix plus forte encore.

Le cri du Ministre résonna dans la cellule, mourant doucement, et le silence demeura, lourd et oppressant. Mais Severus n'avait toujours pas parlé. Je ne vous donnerai pas la satisfaction d'une réponse, lui répondit les yeux de Severus. Jubile, si c'est ça qui te permet de te sentir puissant. Tue-moi, si c'est la raison pour laquelle tu es venu ici. Mais je ne parlerai pas à une personne telle que vous.

Fudge comprit les paroles inscrites dans les yeux ténébreux. « Pensez-vous que je suis là pour vous tuer ? Pensez-vous que je sois là pour ça ? Pour vous regarder mourir ? » Son rire était teinté de folie. Et quand le son résonna, c'était comme si les murs de la prison riaient aussi, le tordant, le corrompant, jusqu'à ce que la cacophonie ne semble plus du tout saine d'esprit.

« Je ne veux pas vous voir mort. » Siffla-t-il à Severus quand l'écho s'effaça finalement. La fausse convivialité fut remplacée par une profonde et durable haine. « Je veux te voir vivre, traître. Je veux te voir brisé. Je veux voir ta magie arrachée, et cet esprit intelligent et rusé n'être plus rien d'autre qu'une enveloppe vide ! Je veux voir le favori de Voldemort si brisé qu'il sera impossible de le reconnaître ! »

Si Severus avait réagi à la tirade du Ministre, ce ne fut pas apparent sur son visage. Le fin sourcil se haussa de mépris, mais ce fut la seule indication qu'il avait effectivement entendu les paroles du Ministre. Le préféré de Voldemort, ses yeux riaient. Comme tu es ignorant, petit homme.

« Combien de fois t'es-tu tordu de douleur sous l'endoloris, traître ? Combien de fois as-tu été renvoyé sans un mot ? » Cracha Fudge avec colère. « Pouvais-tu échouer, traître ? Ou ce défaut était-il hors de ta portée ? »

Le Ministre passait et repassait avec frénésie devant Severus, inconscient de l'expression perplexe qui colorait le visage placide de Severus. « Les recrus du Seigneur Voldemort étaient inégalables par leur pouvoir. Aux côtés de Lucius, vous étiez presque invincibles. Et tu l'as trahi! Tu aurais eu tout ce que tu voulais une fois le Seigneur Noir victorieux, mais tu as tout jeté pour te joindre aux adorateurs-de-moldus et aux Sang de bourbe ! » Fudge s'arrêta, releva sa manche et tint son bras pour que Severus le voit, « Bien avant que tu ne viennes ramper à ses pieds, le suppliant de t'accepter, j'étais là ! » La marque noire était maintenant presque effacée et floue mais était encore légèrement visible sur la chair du Ministre.

Cette fois, les deux sourcils se haussèrent, de surprise ou de dédain. Fudge ne parvint pas à le déterminer. « J'étais l'un des premiers. Et tout ce temps, je suis resté un fidèle mangemort. Quand tous les autres l'ont trompé, quand tous les autres avaient trop peur et étaient trop désorganisés, trop apeurés et trop lâche pour agir, j'ai continué »

Fudge désigna les détraqueurs derrière lui, « Ne t'es-tu jamais demandé comment je pouvais supporter de travailler avec eux, alors que personne ne le peut ? A la fin de la guerre, n'as-tu pas été curieux de savoir comment ceux qui ont rejoint le Seigneur des Ténèbres ont pu reprendre les postes qu'ils avaient abandonnés ? » Fudge renifla d'un air moqueur, « Etait-il trop difficile pour le grand Severus Snape de le comprendre ? Ou étais-tu trop aveuglé par ton intelligence supérieure pour croire qu'on pouvait se montrer plus futé que toi et qu'Albus Dumbledore ? J'ai contré tous les mouvements de ce vieux fou ! Ne trouves-tu pas que c'était un peu bizarre que malgré toutes ses tentatives pour convaincre le monde sorcier que le Seigneur des Ténèbres était revenu, personne ne le prenait au sérieux ? »

La lueur de triomphe se transforma subitement en une colère rageuse. « J'ai essayé de parler de toi à Voldemort ! J'ai essayé de le convaincre que tu l'avais trahi. Mais m'a-t-il écouté ? Modeste Fudge, qui a seulement évité que Dumbledore ne prévienne tout le monde du retour du Seigneur Noir, n'était pas digne de parler contre Severus Snape !

« Mais je tiens mes promesses, » Fudge reprit à nouveau son ton badin, et semblait se détacher de plus en plus de ses paroles. « Dans deux jours, votre âme sera donnée en nourriture aux détraqueurs et ma promesse de venger le Seigneur des Ténèbres contre celui qui l'a trahi sera accomplie ! »

Les yeux qui regardaient Fudge s'étaient couverts d'un masque d'une haine absolue.

« Toujours rien à dire, Severus ? » Le Ministre le tenta, « Même pas une petite chose ? »

Après des heures de silence et après avoir refusé de donner libre cours à ses sentiments, Severus sourit. C'était un sourire noir, un sourire d'une confiance à toute épreuve, cruel, amer et froid. C'était le sourire d'un mangemort qui fut autrefois l'un des préférés du Seigneur des Ténèbres, de Voldemort. Malgré lui, Fudge fit un pas en arrière. Voir le visage de Severus lui provoqua un frisson de malaise le long de sa colonne vertébrale. Fudge fit un autre pas pour s'éloigner du sourire de Severus qui se reflétait dans ses yeux flamboyants.

« Bienvenu en enfer, Cornélius Fudge. »

Le Ministre devint livide et d'une main tremblante, il pointa sa baguette sur Severus. Le sourire mauvais se transforma en sourire moqueur puis disparut sous une terne indifférence. « Tu rôtiras en prison, » Lui promit Fudge, incapable de tenir sa main tremblante. « Il n'y a plus personne pour te protéger. Et je savourerai le moment où les détraqueurs te briseront ! » La jalousie et la haine lui permirent de redevenir maître de lui.

Fudge revint vers Severus et leva sa baguette vers lui, « Endoloris ! »

Sa force lui permit de demeurer silencieux alors que le sort traversait sans relâche son corps mince. Mais le doloris n'était pas un sort impardonnable pour rien. Et bientôt, comme tous ceux qui l'ont subi, Severus se mit à crier.


La fourchette qu'Harry n'avait pas conscience de tenir tomba de ses doigts engourdis. Elle tomba avec fracas sur la table et la Grande Salle s'interposa, sa vision s'effaça et le ramena à la réalité. Agité, Harry regarda autour de lui, les cris de Severus résonnaient toujours dans ses oreilles. Severus ! Il l'appela silencieusement, tout en essayant de trouver un moyen d'y retourner et de voir ce qu'il se passait. Severus ! La vision ne revint pas, et Harry, qui ne savait pas comment elle était apparue la première fois, ne savait pas comment la faire revenir.

« Albus ! » Murmura Harry avec urgence quand il fut relativement certain qu'il contrôlait suffisamment sa voix pour former des mots, « Albus, c'est Severus ! Fudge est -»

« Harry, » Albus lui répondit calmement, et posa une main sur le bras d'Harry pour le retenir alors que le jeune homme commençait à se lever. « J'ai besoin que tu calmes, Harry. »

« Mais, Albus, il -»

« Veux-tu sauver Severus, Harry ? » Lui demanda doucement le vieux sorcier.

« Bien sûr que je le veux ! » Claqua Harry, il ne se souciait pas que la faculté et les élèves à proximité entendent leur conversation et le regardent avec curiosité.

« Alors je dois te demander de me faire confiance. Je te demande beaucoup, je le sais. Mais pour l'instant, il n'y a rien que je puisse faire pour aider Severus. » Lui dit Albus patiemment. Il ne leva pas la voix, et elle n'était qu'un murmure, « Tout est dans la balance en ce moment, Harry. Plus que tu ne peux l'imaginer. »

Harry dévisagea Albus avec stupéfaction. « Que voulez-vous dire ? »

« Ce que nous faisons maintenant est crucial pour le rétablissement de Severus. En ne faisant rien, nous nous donnons les moyens de le sauver le jour du procès. En agissant sans réfléchir, nous compromettons tout. » Les yeux du directeur le comprenaient, « Je sais ce que tu as vu, Harry, » il murmura, « mais je te demande d'être patient et de me faire confiance. »

« Et s'il ne vivait pas jusqu'au procès ? »

« Severus a déjà subi l'endoloris avant. Je te promets Harry qu'il serait vivant et relativement entier le jour du procès. »

Incapable de continuer à regarder le directeur dans les yeux, Harry fit le tour de la grande salle des yeux. Une fois que l'éclat s'était dissipé, ceux qui l'avaient regardé par intérêt étaient retournés à leur conversation privée et ne faisaient plus attention à lui maintenant. L'avez-vous vu, vous-aussi, Albus ? Avez-vous entendu ce que Fudge a dit ? Avez-vous vu ce qu'il a fait à Severus ? Comment puis-je rester là sans rien faire pendant que ce traître de connard torture Severus ?

L'image de Severus, enchaîné s'imposa à lui. Il se tenait fièrement et regardait Albus avec une confiance prudente. Cette image répondit à la question pour lui. Je peux faire ce qu'il m'a demandé parce que tu as placé ta confiance en lui, toi aussi. Et je l'ai vu dans tes yeux quand tu as fait face à Fudge. Tu lui fais encore confiance, même si Fudge a jeté l'endoloris sur toi. « Il ira bien ? » Harry chercha du réconfort en regardant dans les yeux d'Albus.

« Par tes actions, Harry, il sera acquitté. » Lui répondit Albus sincèrement.

Je remarque que vous n'avez pas répondu à ma question, Albus. Harry soupira. Il savait quand il était battu.

« Moins de quarante huit heures, Harry. C'est tout ce que je te demande. »

« Quarante huit heures, Albus. » Répondit Harry avec une note d'acier dans la voix, en regardant Albus droit dans les yeux, « Après ça, s'il est toujours en prison, je le ferai sortir moi-même. Peu importe ce que je dois faire. »


Il essayait de l'ignorer mais son estomac se retournait alors qu'il enfilait sa robe de cérémonie. Incapable de manger ou de dormir depuis qu'il avait eu la vision de Severus à Azkaban, Harry s'était enfermé dans ses quartiers, à s'inquiéter pour Severus, à essayer de prédire le déroulement du procès et à chercher des moyens de le sauver si le procès ne se terminait pas en sa faveur. Il n'avait pas dormi, mais Harry ne se sentait pas fatigué, son esprit était surnaturellement aiguisé et concentré sur ce qui allait se passer.

Hermione avait essayé de l'approcher, après ce dîner décisif, mais il était encore sur le coup de la vision, des évènements de la journée et de l'implication de Ron. Il était passé devant elle sans lui adresser la parole. Il ne remarqua qu'en arrivant à ses quartiers que Drago le suivait. Drago ne lui avait pas parlé et était simplement entré quand Harry avait laissé la porte ouverte en une invitation silencieuse et il était resté silencieux en soutenant discrètement Harry jusqu'à ce qu'il finisse par craquer, tôt le jour suivant, et se mette à parler. Pendant des heures, Drago était resté près du Gryffondor et l'avait écouté déverser son cœur. Les anciens rivaux avaient examiné chaque aspect des évènements de la veille, sous toutes les coutures. De la conversation que Drago avait eue avec Albus le jour de l'arrestation de Severus à la vision d'Harry et de ses implications, aux mots qu'Albus avaient murmurés peu après. Ils n'avaient rien laissé, et avaient tout examiné. Une fois épuisé tout ce qu'il s'était passé, ils se tournèrent sur ce qui pouvait se passer et ce n'est qu'au petit matin avant le procès qu'ils tombèrent dans le silence. Harry se tourna pour regarder sans le voir, le feu et Drago s'assit à côté de lui et le regarda, comme s'il le protégeait de l'anxiété qui menaçait de le consumer. Aucun d'eux ne dormit.

Maintenant, Harry était en train de s'habiller et Drago se leva du canapé sur lequel il était assis et s'appuya contre le mur le plus proche d'Harry, ses yeux gris indiscernables.

« Viens avec nous. » Balbutia Harry dans sa hâte en regardant son col droit.

« A Azkaban ? »

« Tu es la seule autre personne qui sache que Severus est vraiment innocent ! » Lui rappela Harry indigné, quand il entendit la réponse de Drago à sa requête.

« Tu ne penses pas que ce serait chercher des ennuis que le fils de Lucius Malfoy aille volontairement à Azkaban, assister au procès d'un homme suspecté d'être un mangemort ? » Lui demanda Drago lentement, en montant la voix comme s'il parlait à une personne presque sourde.

Vu de cette façon, même Harry dans son état d'esprit distrait put comprendre la réticence de Drago. « Désolé, » Marmonna-t-il, en se sentant stupide. « Je n'ai pas réfléchi. »

« Pour une fois, je n'en tiendrai pas compte. » Lui dit Drago magnanime.

« Merci. » Comment puis-je aider Severus si les choses les plus simples ne sont pas à ma portée ?

« Parfois, Potter… » Drago soupira misérablement. Il regardait l'expression déconfite d'Harry. « Demande à Dumbledore. S'il pense que c'est une bonne idée, je viendrai avec vous. »

« Tu viendras ? » Harry le regarda bouche bée, avec surprise.

Drago pencha sa tête sur le côté, « Mangemort ou non, je ne me suis jamais soucié du Ministère et de son sens exagéré de sa vertueuse supériorité. S'il y a une bataille, je regretterai toujours de ne pas y avoir participer. »

« J'espère vraiment qu'on n'en viendra pas là. » Répondit Harry sérieusement.

« Je ne sais pas. » Drago haussa les épaules sans inquiétude, « Ce serait certainement divertissant. S'il n'y a rien d'autre. »

Harry soupira à son tour.

Quand ils entrèrent dans le bureau d'Albus, Harry lui demanda si Drago pouvait les accompagner. Albus les regarda avec réflexion et hocha la tête en signe d'approbation. Drago marmonna entre ses dents un instant, puis se résigna à cette aventure et se prépara en complotant sur ce qu'il ferait aux différents représentants du Ministère s'il devait y avoir une bataille.

« Etes-vous prêts ? » Leur demanda Albus après quelques instants.

Sans qu'il en ait conscience, la main d'Harry erra dans sa robe et trouva sa baguette, « Oui, je suis prêt. »

Drago acquiesça simplement.

Il leur désigna d'un geste la cheminée, Albus prit un peu de poudre de cheminette issu d'une jarre posé sur le manteau, entra dans la cheminée avec eux et jeta la poudre de cheminette, « Azkaban prison ! »

Le monde devint vert et les flammes tournoyèrent autour d'eux.


Plusieurs années auparavant, en regardant dans une pensine, Harry s'était retrouvé assis sur un banc à côté d'Albus Dumbledore, son dos appuyé contre les pierres froides du mur du cachot. Il avait été alors comme un fantôme, incapable d'affecter ce qui se jouait devant ses yeux. Ce fut avec une forte impression de déjà vu qu'il se trouva à nouveau dans cette situation, mais cette fois, il avait la possibilité de voir et d'être vu, avait l'habileté d'interrompre et de changer les évènements qui se déroulaient autour de lui.

Comme avant, Harry était assis sur le plus haut rang dans une chambre remplie de bancs qui prenaient la forme d'une bague qui longeait les murs de la pièce. Son dos était appuyé contre les pierres froides et humides. Contrairement à alors, Drago Malfoy était assis à côté de lui, il s'était exprès, assis entre le sauveur du monde sorcier et le directeur de Poudlard. Si un membre de l'audience trop zélé décidait de se venger sur le fils de Lucius Malfoy, Harry et Albus le verraient et le protégeraient.

La pièce en elle-même était comme il se la rappelait : des flammes flamboyaient dans les chandeliers placés à des intervalles réguliers le long des murs sans fenêtres, la porte sans prétention d'un côté de la pièce était inquiétante par sa simplicité, il y avait une rangée de bancs qui servaient au jury et aux membres du Ministère, et une large chaise se tenait au milieu de la pièce. Elle était équipée de chaînes magiques. L'auditoire était complet, et était constitué plus ou moins de représentants du Ministère qui prendraient ou non part au jury, des membres du public qui avaient entendu parlé du procès et avaient un intérêt à être présent, et diverses autres personnes venues pour des raisons connues d'elles seules.

Peu de personnes épargnèrent à Drago et à Harry un regard quand ils s'assirent dans un silence tendu, en attendant que le procès ne commence. N'ayant rien d'autre à faire que de combattre la montée de son angoisse, Harry regarda autour de lui. Là, plus bas sur un banc, à sa droite était assis Cornélius Fudge. Il n'y a pas assez de personnes entre vous et moi, mangemort, pensa Harry sombrement, les yeux plissés. Si Severus est blessé aujourd'hui, aucun des sorciers ou des sorcières présents dans cette pièce ne pourra m'arrêter et m'empêcher de te mettre en pièces. C'était des pensées de Serpentard, pas de Gryffondor et une partie distraite de son esprit comprenait ce que le choîxpeaux avait essayé de lui dire. Je vous tuerai où vous êtes, si vous l'avez blessé.

« Ca te ferait du bien de te détendre, Harry. » Albus lui conseilla doucement, comme s'il connaissait les pensées qu'Harry entretenait.

Coupable, il se sentait comme s'il avait été pris à faire quelque chose de terrible, Harry regarda au-delà de Drago et porta ses yeux sur le directeur, « Albus, et si -»

La porte s'ouvrit et la salle plongea dans le silence. Harry fit à peine attention aux deux détraqueurs, ses yeux se focalisèrent immédiatement sur l'homme qui se tenait entre eux. Il était remarquablement plus maigre que lorsqu' Harry l'avait vu dans sa vision. Il avait des cercles noirs sous ses yeux, qui ne servaient qu'à accentuer la qualité cendreuse de sa peau. Malgré toutes les marques qu'il portait, son masque froid, méprisant de détachement était toujours fermement en place. S'il n'y avait pas les chaînes à ses poignets, on aurait pu croire qu'il entrait dans sa classe et faisait face à des élèves particulièrement égocentriques, et non à une pièce remplie de sorciers et sorcières hostiles prêts à le condamner à passer le reste de sa vie à Azkaban.

Les détraqueurs le poussèrent sur la chaise et ne repartirent vers la porte que lorsque les chaînes de la chaise brillantes dans la lumière encerclèrent d'elles-mêmes les bras de Severus, le liant à l'inconfortable bois. Il ne trahit aucun signe d'inconfort ou d'inquiétude. Severus regardait fixement devant lui, et ne regarda pas une fois dans la direction d'Harry. Harry ne pouvait pas dire, si le sorcier l'avait vu, ou non. Je suis ici, Severus, voulait-il appeler pour le rassurer. Je te ferai sortir d'ici. Je te le promets. Même si je n'ai pas la moindre idée de la manière dont je m'y prendrai.

« Severus Snape, » La voix du Ministre gronda à travers la pièce alors que Fudge se mettait debout. « Vous avez été amené ici, devant ce conseil aujourd'hui pour des charges apportées indirectement contre vous par Lucius Malfoy. Vous êtes accusé de crimes contre le monde sorcier, pratique de la magie noire, conspiration et complicité avec celui qui s'est lui-même proclamé Voldemort, Seigneur des Ténèbres, mensonges à ce conseil et au Ministère quant à votre implication avec le dit Seigneur Noir. Avez-vous, maintenant, quelque chose à dire pour votre défense ? »

Dis-leur ! Voulut crier Harry à Severus, même s'il savait que c'était là un désir irrationnel. Aucune protestation de la part de Severus ne pourrait être tenu comme preuve de son innocence. Je leur dirais à ta place, si je le pouvais. Mais Harry ne pouvait pas mettre dans la balance ce qui devait arriver. Albus lui avait dit que quelque chose viendrait sauver Severus, et il serait maudit s'il permettait à son impulsivité de détruire cette chance. Il resta donc assis calmement, mais avait dû mal à se tenir tranquille tant l'agitation grandissait en lui.

Severus ne dit rien pour sa propre défense.

Fudge acquiesça pour lui-même et leva une pile de parchemins, « J'ai devant vous les preuves qui ont été découvertes au Manoir Malfoy ! » Fudge avança, sûr de lui, le long du bas côté, et regarda Severus avec mépris en passant devant lui et s'approcha du jury. Là, il présenta chaque document à ceux qui le jugeront et expliqua le contenu de chaque pièce aux jurées et à l'auditoire.

Après presque une demi-heure, Fudge leur tendit la dernière feuille de parchemin et se tourna vers le public, « Vous avez devant vous le témoignage d'un des plus proches confidents de Severus Snape. Chacun d'entre vous a entendu les détails des crimes que l'accusé a commis au nom de la magie noire. Et vous avez tous vu qu'il n'offre pas d'appel pour sa propre défense. En fait, il n'a pas de défense ! »

Fudge avait fabriqué une histoire qui incitait la colère et l'outrage, remarqua Harry en regardant autour de lui les expressions sur les visages du public. Si Harry n'avait pas su la vérité, il devait admettre qu'il serait à côté de ceux qui marmonnent la culpabilité de Severus et qui demandent une punition appropriée pour quelqu'un qui a commis des actes aussi haineux. Un regard rapide vers le jury, lui confirma ses pires craintes.

Désespéré, Harry se tourna vers Albus pour se réconforter, il cherchait un signe que ce qui devait venir sauver Severus allait commencer. Son cœur dansa dans sa poitrine quand le directeur ne lui retourna pas son regard. Il se ferme et il ne se passe rien ! Personne ne se lève avec la preuve de l'innocence de Severus ou pour révéler Fudge pour ce qu'il est ? Harry voulait crier contre Albus, l'attraper et le secouer pour qu'il fasse quelque chose. Nous manquons de temps, Albus ! Dépêchez-vous et faites ce que vous avez prévu de faire !

Aucun encouragement ne vint du directeur qui regardait le procès, comme si Harry n'était pas là. Il déplaça son regard troublé vers Drago et vit le Serpentard le regarder avec inquiétude.

« Quoi, ne va-t-il rien faire ? » Drago forma les paroles silencieusement.

Harry secoua la tête, désespéré. Allez, Albus ! Sa frustration se mélangeait à l'angoisse et Harry se concentra sur le Ministre.

Fudge regardait Severus. « C'est votre dernière chance, Severus. Si vous souhaitez partager quelque chose avec le conseil, c'est maintenant ou jamais. »

Severus regarda le Ministre, avec des yeux glacés, gela Fudge jusqu'aux pieds, jusqu'à ce que le vieux sorcier soit capable de cligner des yeux et de se détacher de son regard, « Ainsi soit-il, » Murmura Fudge pour lui-même. Il se tourna pour faire face aux jurés.

« Vous avez vu les preuves retenues contre Severus Snape. Vous avez entendu les détails de ces preuves. Vous avez vu qu'il refusait de parler pour sa propre défense. Je vous demande maintenant, ce que vous pensez du destin de Severus Snape ? »

Maintenant, Albus ! Peu importe ce que vous avez prévu, faites-le maintenant !

Les membres du jury échangèrent des regards, murmurèrent entre eux quelques temps. L'audience était tenue sous le charme du silence et anticipait la réponse du jury. Les mains d'Harry étaient serrées. Les murmures approchaient de la fin et les yeux des jurés se tournèrent vers le Ministre.

« Ceux qui pensent que Severus Snape est coupable, levez la main s'il vous plait. »

Comme une seule personne, les membres du jury levèrent la main.

La soudaine pression de doigts s'enfonçant douloureusement dans sa jambe le prévint et il resta assis et silencieux. Rivé sur la scène devant lui, Harry ne pouvait pas se tourner vers Drago. Il l'empêchait aussi de remercier le blond de l'avoir empêché de faire une chose qu'il aurait plus tard regretté ou de l'admonester d'avoir interféré, Harry n'en était pas certain. Il n'y avait pas de réaction visible de la part de Severus à cette nouvelle. Mais en regardant dans ses yeux noirs, Harry vit une lasse résignation. Le public lui-même marmonnait leur approbation face à ce jugement.

Le Ministre de la magie leva la main pour rétablir le silence, et attendit que le silence emplisse la pièce pour parler à nouveau, « Avez-vous décidé d'une punition appropriée ? »

L'un des membres du jury se leva après avoir consulté du regard ses pairs et que chacun lui ait donné son assentiment, « Pour ses crimes contre le monde sorcier, pour avoir conspiré avec le Seigneur des Ténèbres et pour avoir pratiqué la magie noire, nous demandons à ce que Severus Snape reçoive le Baiser du détraqueur, en ce jour, avant d'être emmené pour Azkaban où il demeurera le reste de sa vie. »

Harry fit un mouvement si rapide qu'il tomba presque du banc. Même après que la sentence fut délivrée, Albus ne le regarda toujours pas. Drago, lui le fit, et Harry devina que l'expression d'horreur sur le visage du Serpentard devait être une imitation de la sienne. Nous devons faire quelque chose ! Merde, Albus, vous avez dit que nous pourrions le libérer Pourquoi ne faites-vous rien ? »

Comme si tout se déroulait dans un rêve, la porte s'ouvrit à nouveau. Le détraqueur qui entra, se dirigea droit sur Severus. Fudge souriait triomphalement. Albus regardait simplement. Drago était horrifié. Et le détraqueur se rapprochait de plus en plus de Severus, dont les doigts s'enfonçaient dans les bras de la chaise.

De leur propre volonté, les yeux d'Harry se concentrèrent sur les doigts fins dont les phalanges étaient blanches. Ils agrippaient si fermement le bois qu'il y avait une trace de sang sur le bras de la chaise. Son visage était sans émotion grâce à un contrôle acharné, ces doigts parlaient de la peur que Severus combattait. Ils parlaient de son refus de subir la peur, de mourir en lâche, affalé et indigne. Ils parlaient de sa volonté de ne pas craquer devant l'homme qui l'avait chassé à travers les années.

Le détraqueur se rapprochait. Albus ne faisait toujours rien. Personne n'allait arrêter le détraqueur. Harry allait perdre Severus. Comme il avait perdu ses parents, comme il avait perdu ses amis dans la bataille contre Voldemort, comme il avait presque perdu Sirius. Il allait perdre Severus.

Ca ne peut pas être en train de se passer ! Non ! Ca ne peut pas être en train de se passer ! Profondément enfoui dans l'esprit de Harry, dans un endroit dont il n'avait pas conscience, quelque chose se cassa irrévocablement.


Quand il était entré dans la chambre, Severus avait vu Harry assis à côté de Drago et d'Albus au milieu de la foule. Il se souvenait des paroles d'Albus sur la foi et sur son sauvetage, Severus avait refusé de regarder dans la direction d'Harry pendant le reste du procès. Il savait que s'il le faisait, il risquait de perdre son contrôle. Et ça ne pouvait pas arriver, tout le monde verrait ses peurs, verrait ses faiblesses. Severus ne pouvait pas permettre que ça arrive. Ne pouvait pas permettre à celui qui avait trahi le monde sorcier pendant toutes ces années, de voir qu'il était terrifié. Alors pendant la débâcle des 'preuves', Severus avait gardé sa colère bouillonnante par-devers lui. Quand ils avaient annoncé sa culpabilité, il n'avait pas montré le moindre signe d'inquiétude. Même quand le détraqueur avait commencé à glisser vers lui, dans l'intention de lui donner le Baiser, Severus avait gardé son contrôle.

« Non ! »

Le contrôle se rompit.

Il écarquilla les yeux alors qu'Harry se levait.

« Non, » Répéta le Gryffondor d'une voix caverneuse, lointaine et bien trop calme. « Je ne laisserai pas cela arriver. » Derrière ses lunettes, les yeux de Harry flamboyaient.

Severus vit Drago tirer d'un futile effort sur la robe d'Harry alors que celui-ci avançait sur le bas-côté. Que fais-tu ? Voulut crier Severus, mais il se trouva soudain, incapable de bouger. Assis-toi ! Au nom de tous les dieux, Harry ! Assis-toi avant d'attirer l'attention! Mais il était trop tard. Le détraqueur s'était déjà arrêté, la tête encapuchonnée se pencha comme s'il avait entendu quelque chose, si seulement, il pouvait entendre. C'est à ce moment là qu'il se rendit compte que le frisson qu'il ressentait ne venait pas de sa propre peur.

Les quelques appliques le long du mur et les chandelles commencèrent à vaciller violemment, comme si un vent puissant soufflait par rafales dans la chambre. Le frisson s'accentua alors que la pièce devenait incroyablement plus froide. Et une étrange léthargie s'empara de lui, comme si on le vidait son énergie. Vidé…Severus sortit de sa stupeur.

Harry était en train de descendre les escaliers, son pas résolument contrôlé et court. Severus crut presque voir l'air se fendre autour de lui alors qu'il marchait, comme si la légère tornade était attachée à lui et le suivait. C'est à ce moment que Severus réalisa qu'elle était Harry, ce n'était pas le détraqueur, ce n'était pas Fudge, qui vidait la magie de l'air, qui la vidait de l'ensemble des sorciers et des sorcières, qui la vidait des pierres d'Azkaban.

C'est trop ! Tu dois t'arrêter ! Tu ne vas pas être capable de la contrôler ! Severus tira de toutes ses forces sur les chaînes qui le retenaient à la chaise et se débattit contre l'étrange paralysie qui l'empêchait de bouger.

Harry avait atteint le sol maintenant, « Je ne vous permettrai pas de le toucher à nouveau. » Les yeux verdoyants regardèrent Fudge droit dans les yeux. Ce dernier n'avait pas été capable de réagir, il avait la bouche grande ouverte depuis qu'Harry s'était levé.

« Pour ses crimes… » Le mot fut sifflé. « Pour ses crimes contre le monde sorcier, vous avez cherché sa destruction. Quels crimes, je me le demande. »

Ce n'était pas Harry. Peu importe qui c'était, ce n'était pas Harry Potter : l'empoté Gryffondor, à bon caractère, qui semble toujours trouver les ennuis aussi facilement que s'il tombait dessus. Dans un recoin de son esprit, Severus sentit une démangeaison presque imperceptible

« Vous l'avez appelé un mangemort, » Harry continua à se rapprocher, « Oui. Il y a un mangemort ici. »

Harry s'arrêta, sans regarder Severus, « Pour ses crimes, vous le condamneriez à l'oubli du Baiser du détraqueur. » Il plissa les yeux et regarda le visage des membres du Ministère. « Ainsi soit-il. »

Le flamboiement de magie qui emplit la pièce fit chanceler l'esprit de Severus. Malgré sa désorientation, il voyait que tout le monde était pareillement affecté. Même Albus. La terreur qui le traversait maintenant n'avait rien à voir avec lui. Si la magie ne le tue pas, le détraqueur fera bien pire. La démangeaison empira, comme si la fourrure des pattes d'une araignée s'agitait dans son cerveau. S'il le pouvait, Severus aurait secoué la tête. Bon sang, qu'est-ce que c'est ?

« Je revendique les crimes de Severus Snape comme miens. »

La démangeaison se transforma en un brûlant picotement avec la reconnaissance horrifiante de ce qu'Harry était en train de faire. Non ! Cria Severus silencieusement. Il ne peut pas faire ça ! Ce n'est pas possible ! Harry !

Personne ne bougeait et Severus comprit soudain, qu'eux aussi étaient tenus paralysé par la même emprise et étaient incapables de s'échapper. Et le possesseur de cette prise bougeait devant Severus, se tenait entre lui et le détraqueur, qui avait lui aussi commencé à se déplacer.

Severus essaya, de ne pas être inutile, d'attirer l'attention d'Harry. Mais tous les coups du monde ne pourraient pas briser le sort qui le tenait immobile. Si je pouvais me libérer, je pourrais attirer son attention. Et si je le pouvais, je pourrais l'arrêter. La vision vint trop tard. Maudit sois-tu. Ne fais pas cela. Ne me fais pas cela. Je ne veux pas rester assis là et te voir te détruire pour moi ! Harry !

Le détraqueur sortit ses mains osseuses, les plaça sur les épaules d'Harry et rapprocha de lui le jeune sorcier. La tête encapuchonnée se pencha en avant. Severus ne put regarder que muet d'horreur le dos d'Harry se raidir pendant une seconde qui sembla durer une éternité.

Harry s'effondra, il ne bougeait plus.