Severus Rogue n'avait absolument pas apprécié de les entendre insister. Mais lorsqu'il sortit de chez lui avec la ferme intention de rabrouer toute la petite famille, les mots lui manquèrent.

Un peu perdu, il contempla un instant avec surprise Gilda et Sebastian qui s'étreignaient devant chez lui sous le regard de Moon, avant de se racler bruyamment la gorge.

- Je peux savoir pourquoi vous vous amusez à me déranger, alors qu'il me semble vous avoir signifié que je ne souhaitais pas vous voir ni parler avec vous, Mrs Marty?

Devant lui, Gilda qui observait toujours son fils bouche bée se tourna alors vers lui, un peu gênée mais moins que la première fois qu'il avait ouvert la porte.

A vrai dire, elle paraissait à présent totalement déstabilisée et il comprit que cela était justifié lorsque, à sa grande surprise, Sebastian s'avança vers lui, un sourire aux lèvres:

- C'est moi qui ai toqué professeur! dit-il d'une voix sonore et triomphante qu'il ne lui connaissait pas.

D'ailleurs Severus ne lui connaissait pas de voix tout court et il en resta comme deux ronds de flanc. Tout s'expliquait à présent, de la voix inconnue qu'il avait entendue à travers la porte à la surprise mêlée d'émotion de sa collègue.

- J'avais envie de faire une bêtise, compléta le gamin, comme si cela représentait une raison incontestable de le déranger.

Le Maître des potions reprit immédiatement ses esprits. Il claqua bruyamment la porte derrière lui et saisit Sebastian par l'épaule, pas trop fort cependant et après s'être assuré que Gilda n'allait pas se jeter sur lui…

Mais elle regardait son fils avec émotion et ne semblait pas décidée à faire preuve d'agressivité, d'autant qu'elle avait toujours sa fille dans ses bras.

- Si tu recommences, répliqua t-il. Je te colle tous tes jeudi soirs en potion avec mes première année qui ont cours juste après ton retour de l'école, c'est clair?

- Je recommencerai alors ! Souvent !

- Je suis vraiment désolée… Bredouilla Gilda à présent très embêtée par l'attitude de son fils.

- Pourriez-vous, éventuellement, m'expliquer ce qui se passe ? Demanda le Maître des Potions sur un ton agacé mais plus aussi revêche.

La mère et le fils se regardèrent, tous les deux indécis et comme s'ils avaient été totalement incapables d'expliquer quoi que ce soit. La situation était plus que troublante.

À la réflexion songeait à présent Severus en observant Sebastian Marty qui avait toutefois gardé un brin d'air triomphant, celui-là était encore pire que sa sœur sous ses dehors sages... Et puis, n'était-il pas sensé être muet depuis des mois ? Comment expliquer un si brusque retour de sa parole ?

Pourtant, quelque-part en lui, une chape de plomb fondait, libérant quelques sentiments un peu plus indulgents envers le jeune garçon. Après tout, il n'était pas mécontent de le voir s'exprimer et sourire, même si c'était d'un air insupportablement triomphal.

De plus, une hypothèse se formait dans son esprit. Et bien qu'elle soit plus que troublante, il ne résista pas à l'envie de l'éprouver :

- Depuis combien de temps n'avais-tu pas parlé ? Finit-il par demander à Sebastian.

Le jeune garçon ne répondit pas, mais sa mère s'en chargea :

- Un an et demi environ, répondit-elle. Depuis la mort de mon mari… J'ai tout essayé, sans succès…

- Une bien longue période de mutisme, lui fit-il remarquer. Et cela t'es revenu seulement maintenant ?

Sebastian secoua la tête :

- Hier soir, répondit-il.

Il sembla vouloir dire autre-chose mais c'est comme si les mots se bloquait dans sa gorge. Il resta muet. Gilda Marty, elle, semblait à nouveau sur le point de pleurer mais Severus avait le renseignement qu'il lui fallait pour s'expliquer la chose. Aussi il s'empressa de changer de sujet :

- Ce magasin moldu était un véritable labyrinthe, soupira t-il d'un air bougon, comme pour excuser son indélicatesse de l'après-midi.

Gilda Marty rit nerveusement et bredouilla un « oui » à peine audible et il se sentit parfaitement idiot.

Comme il l'avait clairement dit à Dumbledore, il n'avait pas la disposition d'esprit la plus appropriée à ce genre de moments. Toutefois, en face de lui, Gilda se déridait un peu à présent :

- Oui, souvent c'est cela, répondit-elle dans un souffle, visiblement soulagée mais pas très fière non plus.

Elle se tut un instant, avant d'ajouter :

- Je suis désolée.

Sa voix n'était qu'un souffle, pourtant il l'entendit distinctement :

- Moi aussi, souffla t-il d'un ton bourru. D'un bout à l'autre je me suis comporté comme un imbécile.

Ils se serrèrent la main en signe de réconciliation. Dans les bras de la jeune femme, Moon observait Severus avec surprise et indécision, comme si elle avait deviné le tourment intérieur qui l'habitait. Et lui-même se sentait avoir perdu tout son sens du sarcasme.

Severus raccompagna finalement Gilda Marty dans ses quartiers, appréciant de se faire expliquer le fonctionnement des grandes surfaces moldues. Et, une fois rentré dans les appartements de la jeune femme, qui s'empressa d'aller coucher Moon dont les yeux papillotaient à présent, probablement épuisés par tous les éclairs qu'ils avaient lancés durant la journée, il en profita pour discuter un peu avec Sebastian :

- Comme ça donc, tu t'es remis à parler hier ?

- Oui, répondit Sebastian. Hier soir après m'être couché, je… J'ai senti que je pouvais…

Severus hocha la tête et ne dit rien. Il avait une idée pourtant de ce qui avait pu déclencher le retour de la parole chez le jeune garçon. Il n'ignorait pas en effet que la legilimencie pouvait avoir cette propriété lorsque le mutisme avait des causes magiques.

Or, il avait lui-même pratiqué la legilimencie sur Sevastian Marty, la veille au soir. Troublé et inquiet par ce qu'impliquait ses découvertes, il poursuivit son interrogatoire :

- As-tu remarqué des choses étranges ? Lui demanda t-il. A l'école ou même dans le château ?

Le garçon réfléchit un instant et répondit :

- C'est que… A mes yeux tout est étrange ici. Je ne connais pas ce monde.

La réponse n'aurait su être plus pertinente

- Tu vas vite le découvrir, répondit Severus convaincu. Poudlard est un endroit merveilleux… Même si c'est aussi un peu bruyant.

Sebastian hocha la tête mais il ne semblait pas entièrement convaincu.

- Tu ne connaissais vraiment pas le monde magique avant de venir ? Demanda Severus au jeune garçon.

- J'avais déjà vu Anna faire un peu de magie, répondit Sebastian. C'est ma nounou...

Soudain, il demanda à Severus sur un ton curieux :

- C'est vrai que vous êtes le meilleur fabricant de potions de toute l'Angleterre ?

- Heu… Répondit Severus, un peu interloqué par ce brusque changement de sujet. On t'a dit cela ?

- C'est ma mère qui m'a dit que Minerva McGonagall et Pomona Chourave le lui avaient dit…

- C'est sans doute très exagéré, répondit Severus avec modestie. Je suis un très bon potionniste, c'est vrai. Mais dans tout le Royaume Uni et l'Irlande il y a de très nombreux spécialistes sur différentes potions.

Severus savait qu'il aurait pu, et peut-être du, faire preuve de moins de modestie. Après tout il était bel et bien en passe de devenir le Maître des Potions le plus réputé de ce territoire et ne s'en cachait pas à ses élèves en temps normal.

Cependant, il n'avait pas envie de paraître devant ce garçon, qu'il devinait d'ailleurs difficilement impressionnable et à qui il se sentait progressivement s'attacher. Après-tout, il lui était très reconnaissant d'avoir démasqué les manœuvres de Dolorès Ombrage avant qu'il ne soit trop tard pour y changer quoi que ce soit.

Sebastian le prit cependant une seconde fois au dépourvu :

- Est-ce que c'est vrai que tu m'apprendras à faire des potions ? Si je retoque à ta porte.

Severus se maudit intérieurement. Il réalisait à présent que sa proposition n'était pas tombée dans l'oreille d'un sourd…

C'est le moment que Gilda Marty choisit pour revenir dans la pièce :

- Mademoiselle dort, leur dit-elle à voix basse en mettant un doigt devant ses lèvres.

Severus hocha la tête, instinctivement il répondit à son sourire.

Il ne tarda pas à prendre congé et, quelques heures plus tard alors qu'il tournait dans son lit, incapable de trouver le sommeil, il se rendit compte qu'il ne pouvait pas s'arrêter de penser à cette soirée si étrange.

A présent, il n'avait plus envie de mépriser Gilda Marty, du moins pas pour la manière dont elle gérait ses enfants. Car si ce qu'il pensait avoir découvert s'avérait vrai, cela voulait dire que la mémoire de fils avait probablement été modifiée…

Sachant qu'ils n'étaient pas sensés avoir fréquenté le monde magique, c'était plus que troublant.