Il n'y avait alors que deux lois qui dirigeaient ma main : anéantir et vaincre. Cette philosophie m'était inspirée du dicton Sith que j'avais étudié parmi l'histoire des grands guerriers à l'académie de Korriban.
« Avec la passion, je gagne de la force,
Avec de la force, je gagne du pouvoir,
Avec du pouvoir, je vaincs,
Lorsque je vaincs, je brise mes chaînes. »
Et j'idéalisais et appliquais ce dicton en tout temps. Les brûlures de la différence avaient marquées celui que j'étais et trop d'expériences m'avaient démontrées que la souffrance pouvait être masquée par la rage. Ce que je ne savais pas alors, c'est qu'elle ne disparaîtrait jamais, hormis si je la confrontais personnellement. Cela semblait trop difficile. Je n'ai même pas essayé, pour être franc. Les raisons m'importaient, il n'y avait que l'action qui comptait ; comment le chapitre de la conquête de notre galaxie se conclurait et quel rôle j'allais jouer. La guerre et le meurtre l'ont emporté haut la main, les questions n'existaient pas encore pour moi. Je « savais » que ce que je faisais était pour « notre bien à tous ».
Arrogant, sûr de moi-même et aveuglé par le sang, je fus capturé. Et elle me sauva de parmi ceux qui m'imaginaient déjà allongé au sol, inanimé.
L'ambiance est suffocante, la pluie tombe sans cesse. Nos hommes s'écroulent dans la boue, sur les cadavres. Peu importe leur alignement, ils se côtoient, s'empilent les uns par-dessus les autres, expressions de douleur et de colère se lisant encore sur les figures de certains. Je ne sais plus depuis quand je suis là. Je tue un homme qui bloque ma route. Je crie sauvagement sans m'en rendre compte. Il semble que je suis seul mais il m'arrive de reconnaître quelques connaissances encore vivantes. Je remarque une poignée de Jedi s'acharnant sur l'un des notre et je cours vers lui, poussant au travers de la mêlée. L'homme vers qui je me dirige s'effondre au sol, la bouche grande ouverte, et ne se relève pas. J'engage le combat, décidé à les réduire à leur état d'origine pour me venger. Une femme me jette un regard rapide et nos fers se croisent. Puis, son visage affiche une certaine anxiété et, très rapidement elle bloque l'attaque d'un collègue Jedi.
« Laissez-le ! Il nous sera plus utile vivant que mort. »
Je ne comprends pas réellement bien la situation et j'essaie de la repousser pour lui asséner un coup. Comme foudroyé par un éclair, une douleur indescriptible au niveau de la nuque me fait perdre la tête et je m'effondre dans une flaque de terre boueuse. Entre les gouttes qui tombent dans mes yeux levés vers le ciel gris, je vois ses douces pupilles scintillantes qui m'ordonnent de succomber. Je ne le souhaite pas, pourtant, mon corps cède à la douleur et la lumière fait place au silence de la noirceur ; je m'évanoui.
Persuadé que je détenais l'avenir de toutes les civilisations en choisissant de devenir Sith, je ne tolérais pas que l'on doute de mes valeurs. Même si quelqu'un m'avait démontré que toutes les croyances en lesquelles je m'investissais corps et âme étaient erronées, j'aurais nié et ensuite anéantit le doute. C'est grâce à elle si cette partie de moi s'est verrouillée, aujourd'hui. Elle dont je ne connais pas le nom…
Après ce trou noir qui m'a semblé éternel, je reprends conscience. Je suis assis dans une cellule à tension (une espèce de cylindre jaune) et ma vision est trouble. Quelqu'un encapuchonné pénètre dans la pièce, enrobé d'une toge de Jedi. De toute manière, avec ou sans toge, je le devine : une aura puissante se dégage de cet energumène. Une haine s'éveille en moi comme il avance. Très rapidement, l'inconnu abaisse le levier qui me gardait prisonnier et s'approche de moi. Aucuns mots ne se frayent un chemin à ma gorge, je reconnais cette femme que j'avais entre aperçut au front. Elle abaisse son capuchon, dévoile sa chevelure noire et me darde de son iris vert.
« Vous devez savoir qu'il n'est pas dans notre politique de prendre en charge des détenus, voilà en majeure partie pourquoi vous êtes seul dans cette cellule énergétique. Je… je vous ai emmené ici parce que je voulais des réponses. »
« Pauvre idiote ! Qu'attends-tu de moi ? Nos plans ? Nos tactiques ? Si c'est le cas, tu n'auras rien. Tues-moi tout de suite et épargne-moi ton discour empli de sagesse ou je ne sais quoi. »
Son visage blêmit et elle torture sa lèvre.
« Non, il n'est pas questions de plans ou de tactiques. Je veux savoir si vous avez entendu parler d'un certain Narhad Marvr ? Il est prisonnier et… »
« Tu n'es pas sérieuse ? Je suis ici pour être questionné sur un de ces pauvres fous ? Nous en exécutons en moyenne trente par semaine, des Jedi. En dehors des combats, bien entendu. De toute manière, même si je savais, quel est l'intérêt de répondre ? »
Je la bouscule pour me diriger vers la porte, l'ignorant. Comme je fais quelques pas, elle agrippe l'épaulette de mon armure et m'arrête. Lorsque je me retourne, elle pleure et regarde le sol. Rien de cela ne me touche. À vrai dire, cela m'embête.
« Je vous en prie, répondez-moi. Répondez-moi ! L'avez-vous vu ?»
Une convulsion étreint mon cœur. Du dégoût ? De la pitié ? La femme tremble et se met à gémir.
« Atton... »
Elle prononce mon nom avec lenteur. Comment le sait-elle ? Aurait-elle … ? Impossible ! Je ne peux m'empêcher de la dévisager. Son regard s'agrandit, terrifié, surpris, comme s'il assimilait une matière comportant une grande vérité. Une vérité brutale. Une chaleur envahit mon cerveau et je la sens évoluer au travers de mes souvenirs. Elle se relève brutalement et déploie son sabre laser cyan.
« Sort de ma tête ! »
Malgré moi, j'hurle. Elle sait à présent. Je la frappe et, je crois que parce qu'elle est encore sur le choc, elle oublie de se défendre. Son arme glisse sur le sol et je la plaque contre celui-ci par la même occasion. Mes mains se referment fortement sur son cou.
« Il a fallut que tu le fasses ! Il a fallut que tu saches ! Vous, imbéciles Jedis! Il suffit que vous possédiez un pouvoir pour en abuser ! »
Mes dents se serrent, le sang bat dans mes veines et rougit mes tempes. Tous les muscles de mon corps se contractent, prêts à démolir ce qui se mettrait sur mon chemin.
« Atton… Écoute-moi… je t'en prie… »
Elle essaie de repousser mes doigts qui commencent déjà à marquer sa peau. Au moment où elle me touche, une sensation divine me transperce. Un soupir sans fin, un bien être ; un état d'extase ; un être au milieu de l'univers ; l'image de cet homme… Elle et son enfant riant ; une douceur qui descend le long de ma poitrine et enflamme ma respiration ; une voix sereine qui étanche les soupçons et doutes ; une joie défiant les lois physiques ; un amour naissant et blessant ; la rotation parfaite des émotions en ce bas monde ; une dispute ; une tristesse impeccable ; des regrets nostalgiques ; des larmes coulant sur mes joues bouillantes ; ses grands yeux verts qui me demandent de cesser de vivre ainsi.
Son regard vitreux se met alors à perdre en vie.
Je la tue parce qu'elle sait qui je suis. Je la tue parce qu'elle est la seule qui a su. Je la tue parce que je ne veux pas qu'elle voit où mes vingt-trois années d'existences m'ont amenées. Parce que je n'ai jamais aimé. Parce qu'ils étaient amants. Je la tue parce que je suis incapable de courir des risques pour sauver ce qui me tient, quand elle, cela semble inné. Elle meurt parce que personne ne m'attend. Parce qu'elle expose ma laideur à la lumière du jour.
Ses mains cessent d'agripper les miennes, fatiguées et franchissant le point du non retour. Elle me fixe une dernière fois et sa voix se disperse dans les cavités des mon crâne :
« Tu ne sauras jamais, peu importe… ce que l'on te dira…. Ou ce que tu croiras… tu ne sauras… jamais.»
Son corps se décontracte, elle ferme les yeux d'où s'échappent des larmes.
Des bruits de bottes claquantes envahissent la chambre. Ils m'encerclent, moi et cette morte. Ils gesticulent et pointent leurs armes vers nous, mais je n'entends plus rien. Car il n'y a qu'elle, à cet instant, qui compte réellement.
Je pleure.
Je pleure parce que je l'aime.
