Note : Bonjour tout le monde ! J'ai fini de corriger ce chapitre précis de manière vraiment trop rapide parce que je suis en train de procrastiner d'autres trucs et que c'est une très bonne diversion. J'ai même dessiné une petite couverture tellement je voulais fuir mes autres tâches. Oupsi. Sinon, rien à dire dessus, c'est plutôt un chapitre de transition, mais on a un peu le point de vue de Loki qui revient. Et sur ce, je vous fais des gros bisous, passez une bonne semaine !
CHAPITRE 3B
De façon assez surprenante, Loki commençait à apprécier l'insolent midgardien sur lequel il était tombé. Il s'était pourtant attendu au pire parce que leur petite rencontre à New York l'avait présenté à un homme horripilant et imbu de lui-même, mais il s'avérait que Stark pouvait être de bonne compagnie lorsqu'il le voulait. Pas complètement stupide, drôle et plutôt attirant. Loki s'était également vite aperçu qu'il était très drôle à provoquer, il avait une façon particulière de s'indigner, qui faisait flamboyer ses yeux, retroussait sa bouche, et lui donnait un petit air sauvage qui n'était pas pour lui déplaire. De manière générale, Stark était distrayant, et Loki adorait ce genre de petite distraction.
Ils se seraient même parfaitement entendus si le midgardien n'avait pas été son geôlier. Oh, ce n'était pas que Stark se montrait trop sévère avec lui, au contraire il le trouvait très accommodant, surtout après ce qu'il avait infligé à sa charmante petite planète. Les Normes savaient que si leurs positions avaient été inversées, Loki n'aurait pas fait preuve de tant de clémence. C'était simplement qu'il avait un problème avec les règles, et tout ce qui s'approchait, même de loin, la notion d'autorité.
Un esprit un peu pervers aurait pu avancer que tout cela remontait à l'enfance, à un père trop directif et pas assez aimant. Il y avait là une part de vérité, mais Loki préférait attribuer ce problème d'obéissance à sa propre personne. Lorsqu'il s'était proclamé Dieu du chaos, homme avide de liberté et esprit incontrôlable, il avait annoncé au monde que ses défauts lui appartenaient, qu'ils étaient inhérents à sa nature mauvaise et n'avaient certainement pas pu être engendrés par une éducation ratée et des souffrances de petit enfant. Il restait un dieu, après tout.
Lorsqu'il quitta la tour en cette fraîche matinée et trahit de la même occasion la confiance de l'humain qui l'abritait depuis une dizaine de jours, il n'y vit rien de personnel. Il ne faisait qu'agir selon sa nature, après tout. Enfin, c'était ce qu'il aurait affirmé à quiconque aurait eu le culot de le questionner, et c'était aussi ce qu'il se racontait à lui-même. Il était ainsi, homme de mensonges, de déceptions et de violence, et rien ne pourrait jamais le changer.
D'ailleurs, pourquoi voudrait-il changer ?
Le siège d'HarperCollins, avait toujours fait rêver Loki. Son contenu bien sûr, pas le bâtiment. C'était une de ces immondes et massives tours américaines, bourrée de panneaux de verre. Elle ressemblait un peu à celle de Stark, en un peu moins bien cependant, songeait Loki.
Il sortit de ses considérations architecturales en entrant dans le lobby. La réceptionniste, une femme d'âge mûr qui portait la chemise la plus hideuse que Loki ait jamais vue de sa pourtant très longue vie, leva à peine les yeux de son écran lorsqu'il se présenta à elle. S'il y avait bien une chose qu'il ne pouvait tolérer, goûts vestimentaires à part, c'étaient les gens qui manquaient de politesse.
Loki s'éclaircit la gorge et adressa son sourire le plus charmant à l'infâme mégère.
« Je suis ici pour voir Charlie Redmayne, demanda-t-il le plus poliment possible.
Son interlocutrice leva lentement ses yeux mornes sur lui. Elle avait l'air morte à l'intérieur.
- Vous avez un rendez-vous, monsieur… ? » Articula-t-elle lentement, comme si des inconnus venaient demander le CEO du deuxième groupe d'édition américain tous les quatre matins.
Loki n'avait qu'une montagne de menaces pour lui, mais cela devrait suffire.
Charlie Redmayne se trouvait être un homme encore plus détestable que les gens qu'il employait. Loki ne savait pas comment il avait pu croire un jour que les éditeurs étaient des hommes d'art et de goût, mais il s'était de toute évidence trompé. Enfin, cela importait peu, parce que ses propres goûts, summum du luxe et du raffinement, compensaient largement la vile crasse de ce petit midgardien.
Après avoir obtenu son adresse à force d'insultes et de violences mineures, Loki se tenait à présent dans le salon de l'homme. Celui-ci, un petit midgardien à sourcils épais et nez tordu, se révélait avoir plus de talent pour entertainment télévisé américain, ces émissions à blagues grossières et rires préenregistrés, et le détournement fiscal, que pour la littérature.
Il entretint brièvement l'idée d'un tout petit meurtre, mais cela risquait d'écourter son séjour sur Midgard, aussi se contenta-t-il de lui cracher dessus (littéralement), de l'asseoir en face de lui, et de sortir la liste des changements qu'il avait prévus pour son entreprise. L'homme avait bien tenté de résister, mais Loki, fort de la sagesse que ses expériences passées dans des situations similaires lui avaient apporté, avaient assommés les deux agents de sécurité qui surveillaient sa villa, et brisés tous les appareils électriques qui auraient pu se trouver à portée de sa cible. Il commençait à bien connaître les midgardiens.
Après cela, il lui avait suffi de rappeler à l'homme qu'il avait une femme, des enfants et, selon les dossiers que Stark laissait traîner un peu partout dans son précieux atelier, beaucoup de choses à cacher au fisc, pour que l'homme change de comportement et devienne sensiblement plus coopératif. Une bonne chose, Loki aimait les gens coopératifs.
« Donc… Plus de début de chapitres sur les pages de gauche… C'est bien cela ? demandait Charlie Redmayne, la voix blanche d'un homme qui remettait en question l'intégralité de ses choix de vie. Et les notes de bas de page, en bas de page ?
Loki lui jeta un regard glacial.
- Comme l'indique leur nom, oui. Et je vous jure sur mon nom sacré que si vous persistez à les mettre en fin d'ouvrage, la mort sera trop douce pour vous. Je tuerais tous ceux que vous aimez sous vos yeux impuissants, je vous prendrais votre argent, votre demeure, tout ce que vous avez un jour eu l'audace de posséder, et je vous laisserais en vie, avec rien d'autre que vos yeux pleurer, et tant de regrets que vous souhaiterez n'avoir jamais existé. Je me suis fait comprendre ?
Le gars réprima un sanglot nerveux. Loki salua mentalement le réflexe, il n'aimait pas les gens qui se mettaient à pleurer lorsqu'on les menaçait. Le bruit de leurs pleurs le déconcentrait.
- Bien. Et cette E. L. James, elle ne travaillerait pas pour vous, par hasard ?
- Qui ? couina-t-il, en faisant marcher sa mémoire, qui, en de pareilles circonstances, se trouvait bizarrement décuplée. Le cerveau des midgardiens était capable de merveille, lorsqu'il se trouvait dans des situations de vie ou de mort. Ah ! Non, ce sont les Allemands, Bertelsmann je crois !
Loki fit une moue.
- Dommage, j'aurais été intrigué de savoir ce qui était passé par le petit esprit de cette femme. »
Cela allait considérablement lui compliquer la tâche. Il ne se sentait pas de retourner menacer les gens dans les jours à venir. Ou peut-être bien que si, mais il n'en aurait sûrement pas la possibilité.
Il fut interrompu dans ses pensées par l'explosion d'une des immenses baies vitrées. Le midgardien en face de lui poussa un couinement de détresse en se couvrant le visage. Loki cligna des yeux, vaguement surpris. En face de lui, se trouvait Tony Stark. Ou plutôt, Iron Man. Un peu cabossé et très mécontent.
« Oh, salut Charlie, fit sa voix, que l'armure rendait mécanique.
Loki pouvait dire, au ton qu'il venait d'employer, que son cher Stark n'était pas le plus grand fan du personnage. Il apprenait lentement ses intonations.
- Je passais dans le coin quand je me suis dit, Oh, ce bon vieux Charlie, je devrais lui rendre visite, hein ? reprit-il. Ça fait longtemps vieille branche ! Mais je vois que tu as déjà de la compagnie.
Stark se dirigea vers l'autre midgardien qui, toujours hébété, manqua de rendre ses poumons lorsqu'il lui asséna une claque pseudo-amicale derrière le dos.
Alors que Charlie Redmayne s'étouffait, le masque d'Iron Man se tourna lentement vers Loki. La lueur bleue qui croissait dans sa visière ne lui disait rien de bon. Il pinça les lèvres et fit de son mieux pour paraître penaud. Il ne manquerait plus que Stark s'aperçoive qu'il trouvait la situation plus que divertissante.
- Quoi ? bégaya le pauvre midgardien. Stark ? Oh, merci, mon Dieu, vous êtes ici pour l'arrêter, n'est-ce pas ? Il est rentré par effraction, et, et, et…
Stark le coupa. Loki retint un rire sonore.
- Je n'ai jamais rencontré cet homme, non, juste une petite visite amicale Charlie, dit-il d'un ton tout sauf amical.
Malgré son amusement, Loki supposa qu'il ferait mieux de partir avant que la situation ne dégénère. Un vrai gâchis, il serait bien resté un peu plus longtemps, histoire de semer la discorde, mais son petit doigt lui soufflait que Stark était véritablement au bord de l'explosion.
- Bon, eh bien, merci pour votre temps monsieur Redmayne, Soyez sage, ou nous nous reverrons bientôt, ajouta-t-il avec son sourire le plus charmeur et, pour faire bonne mesure, il lui adressa un petit signe de main avant de prendre la porte. Il entendit la voix robotique d'Iron Man derrière lui, sans qu'il puisse saisir le sens de ses mots, et les pas de l'armure.
Réflexion faite, cette petite escapade n'avait pas été sa meilleure idée.
Stark fut à ses côtés en une fraction de seconde. Des ondes de rage émanaient littéralement de sa personne. Loki aurait continué à le trouver amusant s'il ne craignait pas pour son avenir direct.
« Comment est-ce que tu as réussi à venir ici même ? demanda Stark, d'une voix posée, mais glaciale.
Loki adopta son meilleur gêné. Il n'était pourtant pas peu fier de sa trouvaille.
- J'ai peut-être emprunté un de vos véhicules. Mais ne vous en faîtes-pas, je n'ai rien endommagé, ajouta-t-il précipitamment.
Cela jeta un silence lourd entre eux. Après un instant, durant lequel ils traversèrent un jardin couvert de topiaires absolument affreux, Stark demanda :
- Pas la Bugatti Vision au moins ?
- Cela se pourrait bien, admit Loki avec réluctance. Et Stark émit le bruit d'un homme mortellement blessé.
- Je conduis au retour. Hors de question que tu remettes les mains sur mon bébé, tu m'entends ? »
Ils verraient cela dans le futur, mais en attendant, Loki opina sagement. Il ne fallait pas déranger le nid du dragon, comme on disait chez lui.
Stark ôta sa visière en entrant dans sa voiture et Loki détailla son profil dénudé une seconde de trop. Les cils sombres, les lèvres serrés d'agacement et la mâchoire tendue. Oh oui, Stark était la meilleure des distractions possibles, et le pauvre n'en avait même pas conscience.
Tony avait passé une journée exécrable.
Il avait été réveillé au petit matin par une alerte de type Avengers. Un taré avait décidé d'aller tirer dans une école publique. Vraiment pas son type d'intervention préférée. En fait, le pire type d'intervention au monde. Quoique l'invasion d'extraterrestres eût été bien merdique aussi.
Ils n'avaient eu aucun mal à mettre la main sur l'autre cinglé. Après tout, il lui aurait eu besoin de bien plus qu'un gros pistolet pour mettre en danger les Avengers. Le problème était survenu juste après, lorsqu'ils durent compter les corps et les blessés, rassurer les parents, poser pour les caméras alors que tout ce que Tony avait désiré à cet instant précis, c'était vider une bouteille pour étouffer les sentiments parasites qui fleurissaient en lui comme un tas de champignons sur un arbre mort. Il avait failli hurler sur les autorités locales parce que pourquoi, oh pourquoi putain de merde ? Ce genre de truc continuait à exister ?
JARVIS l'avait bel et bien notifié du départ de son prisonnier. Mais Tony avait été trop occupé à calmer une mère paniquée, et puis à parler aux médias, à fouiller les restes du bâtiment. Ensuite, Fury lui était tombé dessus pour une réunion absurde, parce que comment mettre des mots sur ce putain bordel ? Et Tony s'était éclipsé dès qu'il en avait eu la chance.
Il avait finalement réussi à retrouver le dieu dans le salon d'un des grands manitous de l'édition, un certain Red… Redmain ? Bref, Charlie merde, un gros connard pété de thunes qu'il avait déjà croisé une ou deux fois dans sa vie parce que lui-même était un gros connard pété de thunes. Il était même le plus gros connard pété de thunes de sa planète, un peu de respect, bon sang !
Loki ne rechigna pas à quitter le salon qu'il avait investi, ce qu'il trouva plutôt suspect. Ce fut malgré tout un soulagement, car après ce début de journée de merde, Tony ne s'était senti que très moyennement d'attaque à affronter un dieu extraterrestre psychopathe. Le Charlie n'avait l'air que vaguement traumatisé, et Tony en tira une double victoire : Loki s'était montré assez civil pour ne pas le tuer, et lui-même avait pu profiter de la vue du gars sur le point de se chier dessus. Ouais, c'était mesquin, mais ça soulageait.
Ce qui n'était pas une victoire en revanche, c'était la petite escapade de Loki, et le vol de sa précieuse Bugatti qui lui avait quand même coûté quelques millions. Il aurait dû s'y attendre, vraiment, mais il avait fini par relâcher sa garde au cours des derniers jours. Évidemment, le beau sourire de Loki n'avait rien à voir là-dedans… Évidemment.
Il en était là, furieux, stressé, et même s'il ne l'avouerait jamais, un peu déçu, lorsque Loki rompit le silence d'un ton pincé.
« Vous pouvez toujours vous dire que j'ai fait cela pour votre petite personne.
Tony faillit en lever les mains au ciel. Heureusement pour eux deux, il se souvint qu'il conduisait au dernier moment.
- Oh, merci grand seigneur ! s'exclama-t-il avec toute l'ironie qu'il parvint à rassembler. C'est quoi la prochaine étape hein ? Faire exploser ma tour, et moi avec ?! Vraiment, je comprends pas ce qui se passe dans ta tête.
Comme Loki, pourtant toujours prompt à une petite remarque agaçante, ne lui répondait pas, il jeta un œil furieux côté passager. Le dieu, le menton calé dans sa main blanche et le regard fermement ancré sur la route ne donnait même pas signe de l'avoir entendu. Quel enfoiré, il était insupportable !
- Oh ! Je te parle, insista Tony, t'as quel âge, cinq ans ?!
Loki eut un petit reniflement condescendant.
- Vous êtes celui qui a la taille d'un enfant de cinq ans Stark.
Tony reconnut sans mal une tentative pour détourner le sujet de conversation. Il n'était tout de même pas stupide. Enfin, pas à ce point, parce qu'il commençait sérieusement à reconsidérer son intellect. Qu'est-ce qui lui avait pris de laisser Loki à ce point libre de ses mouvements ?
- Réponds à la question, maugréa-t-il. Qu'est-ce que t'as à te barrer à Trifouilly-les-Oies pour aller faire chier un éditeur débile alors que tout va relativement bien, hein ? Ça n'a aucun putain de sens. Je dirais pas qu'on est devenus les meilleurs amis du monde, c'est vraiment pas le but de ma vie, mais on avait au moins atteint un stade entente cordiale non ?
Loki se un peu tourna et ses yeux verts, vraiment trop verts croisèrent les siens dans le rétroviseur. Il parla lentement.
- Vraiment Stark ? Ce n'est pas le but ? Vous me paraissez bien sûr de vous. »
Malgré son agacement qui le poussait à répondre par un énorme tas de juron, Tony prit sur lui pour se calmer et y réfléchir un instant. Le dieu pouvait bien avoir raison. Oh, bien sûr qu'il savait que devenir amical avec Loki était la pire des idées. De toute l'histoire de ses idées pourtant bien pourries. Tony avait la migraine rien qu'à inventorier la montagne de problèmes que cela pourrait causer. Les Avengers, le SHIELD, Asgard, et, oh, les centaines de citoyens américains endeuillés, accessoirement.
Mais il y avait cette absurde part de lui qui se sentait attirée par le dieu. Pas juste physiquement, ce qui était déjà au-delà des limites du raisonnable, mais aussi par l'énergie qu'il dégageait. Il reconnaissait en Loki le même esprit brillant, vif, critique, et parfois si pénible à porter, qu'il possédait lui-même. C'était la même logique, qui défiait toutes les règles, le même humour tordu, les mêmes tentatives de diversion…
Oui, Tony se voyait parfois en lui, et c'était à la fois terrifiant et terriblement attirant. Il supposait que cela expliquait pourquoi il était si laxiste, malgré le comportement insupportable de son prisonnier. Peut-être était-ce pour cela qu'il lui passait tout, même, apparemment, les meurtres de centaines d'innocents. Il voulait désespérément croire qu'il y avait du bon en Loki, comme il avait besoin de croire qu'il y avait du bon en lui-même.
Loki avait sûrement une espèce de pouvoir magique pour suivre les pensées d'autrui, parce que son regard évolua en même temps que le raisonnement de Tony. C'était quelque chose de vert, très doux et compréhensif, avec juste une pointe d'amertume, si bien cachée que Tony faillit ne pas la remarquer.
« Vous voyez ? demanda-t-il de sa voix basse. Croyez-moi, un petit rappel était de rigueur. Oh, et ne faites pas l'erreur de penser que je vous apprécie… Considérez plutôt cela comme un remerciement pour m'avoir sauvé la vie. »
Loki était un homme dur, songea Tony. Bien plus dur que lui-même. Il avait su ce qu'il se passait, et avait réagi en conséquence, en s'assurant que Tony ne pourrait plus jamais lui faire confiance.
Il se sentit soudainement très triste, ou plutôt très impuissant.
Tony pensa bien à rattacher Loki en arrivant, mais il oublia de le faire, ou pour être plus juste : il n'en eut pas l'envie, et il prétendit avoir oublié, car lui aussi pouvait se mentait à lui-même, parfois. La conversation qu'ils avaient eue sur le chemin du retour l'avait miné. Il se rua dans son atelier dès qu'ils eurent mis un pied dans la tour.
C'était bien son genre, fuir ses problèmes de manière aussi ridicule. D'ordinaire, il aurait opté pour deux ou trois bouteilles bien chargées, mais il avait pour projet de faire quelques fouilles dans la base de données super-secrète et pas super-protégée de ses amis les super-espions. Eh, chacun ses occupations.
Il fut surpris par un choc contre l'une des parois en verre. Loki, l'air impassible, se tenait derrière la vitre, deux verres et une bouteille à la main.
Tony fut tenté de l'envoyer chier, mais il portait un pull parfaitement taillé, du genre qui collait au haut de son torse et étreignait ses hanches. Et il avait de l'alcool. Le gars savait déjà comment l'amadouer.
« Tu peux ouvrir la porte JARVIS, grommela-t-il.
Loki entra, un début de sourire aux lèvres, et s'assit sur l'une des tables encombrées.
- Est-ce que t'es en train d'essayer de te faire pardonner là, Rudolphe ? demanda-t-il, ramolli malgré lui par son sourire et son air un peu penaud.
Il ne l'aurait avoué pour rien au monde, mais il se sentait soulagé de son arrivée. Elle le sortait de son humeur sombre comme une bénédiction. Et il préférait que l'ambiance entre eux reste aussi cordiale que possible. Trop cordiale, peut-être.
- Évidemment que non Stark, lui répondit-il crânement. Cela voudrait dire que j'avais tort. »
Le verre qu'il lui tendit avait tout de même un goût d'excuses. Tony l'accepta et ils burent leur première gorgée en silence.
C'était étrange, comme ils se comprenaient si bien. Mais peut-être pas aussi étrange que la moitié des trucs que Tony voyait en tant qu'Iron Man, alors, ça allait.
« Est-ce que ce sont mes niveaux d'énergie ? s'exclama Loki, de toute évidence ravi par sa découverte, en tombant pile sur ce qu'il ne devait pas voir, les données super-secrètes d'une organisation aux agents surentraînés.
Tony aurait vraiment dû les cacher, mais c'était déjà trop tard, et il se sentait trop las pour ne serait-ce que faire mine de les soustraire à la curiosité de son prisonnier. En le voyant plisser les yeux, il les agrandit d'un mouvement de main.
- Ouais, j'essaie de comprendre pourquoi leurs alarmes ont pas tiqué quand t'as retiré les bracelets la dernière fois. Je veux dire, ils ont des scanners partout, maintenant, et ils auraient dû pouvoir reconnaître ton empreinte énergétique avec celle qu'ils avaient déjà dans leur base de données, lui expliqua-t-il.
Loki se pencha sur la situation en buvant une gorgée de son whisky. Tony n'avait aucune idée d'à quel point il comprenait la technologie humaine, mais il pouvait voir les rouages de son cerveau tourner à toute vitesse, et il trouvait cela incroyablement attirant. Il allait devoir trouver une thérapeute, et une bonne. La situation échappait totalement à son contrôle.
- Vous avez quelque chose de similaire ? Avec votre JARVIS ?
- Tu veux dire des scanners ? Nan, ils sont pas installés dans les parties communes de la tour, juste dans le labo. J'ai pas pu récolter de données lors de ta petite escapade, lui expliqua Tony en buvant à son tour.
- Vous pouvez toujours rectifier cela, remarqua Loki en agitant ses mains pour appuyer sa suggestion. Le peu d'instinct de survie qui lui restait à Tony s'était mis à brailler comme un possédé, mais il était trop tard, son intérêt scientifique, lui, était piqué.
- Okay, t'as gagné, dit-il. Donne-moi tes mains, je vais les retirer. »
Loki sourit de cet air un peu matois qu'il avait toujours, mais Tony n'en tint pas compte et posa son verre pour aller chercher les outils nécessaires à la manipulation. Le dieu le regarda retirer le premier bracelet avec une attention plus que suspecte. Au second, cependant, il abandonna son observation pour reporter ses yeux sur Tony en personne. Il avait la distincte impression que la température de la pièce venait de s'élever de quelques degrés.
Peut-être que si Loki ne se tenait pas si proche, aussi, il respirerait mieux. Le dieu était toujours installé sur une des tables, les jambes ouvertes. Il s'était tourné vers Tony, un de ses genoux se pressait sans gêne contre sa hanche. Parce qu'il se trouvait légèrement surélevé, Tony avait le nez quasiment dans son épaule. Il essaya de se concentrer sur sa tâche. Il ne manquerait plus qu'il ne se mette à baver. Mais tout ce qu'il parvenait à voir, c'était le poignet fin, très blanc de Loki, et sa main, lisse et forte, une véritable œuvre d'art, avec des doigts longs et délicats qui lui donnaient des idées terribles. Oh, ce que ces doigts pourraient faire…
Tony exécuta une danse de la joie mentale lorsque le bracelet céda enfin. Il y eut une seconde terrible durant laquelle, en relevant le visage, il trouva celui de Loki penché sur lui. Ses lèvres étaient si proches, qu'il put le sentir exhaler, un souffle frais qui sentait le whisky et la mauvaise idée. Tony ne parvint pas à s'empêcher d'y jeter un coup d'œil et pendant un instant terrible, il crut qu'il allait craquer et tout envoyer chier. Son instinct de survie se réveilla au dernier moment.
Il se retourna et fit mine de reprendre son verre. Il sentait encore le regard du dieu peser sur l'arrière de son crâne.
Tony se racla la gorge.
« Tu captes un truc J ?
- Analyse en cours, monsieur, lui répondit l'intelligence artificielle.
Il jeta un œil à l'écran qui venait de s'ouvrir automatiquement en face de lui. Loki descendit de son perchoir pour le rejoindre et se frotta distraitement les poignets. Tony avait la distincte impression qu'une aura d'énergie, forte et pulsante l'entourait à présent, mais ce n'était certainement que son esprit qui lui jouait des tours.
Il détacha ses pensées du dieu pour se concentrer sur les données qui s'affichaient progressivement. Il y avait une nette différence avec celles du SHIELD.
« Qu'est-ce que c'est que ce bordel ? demanda-t-il plus pour lui-même que Loki. T'as perdu du jus en cours de route ou quoi ?
Loki rit distraitement. Il avait lui aussi l'air très concentré, mais cinq minutes plus tard, il se resservait du whisky et allait fouiner à l'autre bout de l'atelier.
- C'est des informations confidentielles espèce de vandale ! l'apostropha-t-il.
- Je suis assez certain que vous n'avez pas vraiment le droit de fouiller dans les dossiers de vos amis espions non plus, lui rétorqua Loki.
- C'est de l'intérêt purement scientifique, rétorqua Tony d'assez mauvaise foi, il fallait bien l'admettre.
Loki, visiblement ennuyé, revint vers lui.
- Alors ? demanda-t-il. Vous avez trouvé ?
- Tu n'apparais pas sur leurs radars parce qu'on a deux signatures énergétiques complètement différentes, dit-il, et le dieu acquiesça. Ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est pourquoi t'as genre dix fois moins d'énergie aujourd'hui qu'à l'époque.
- Parce que les enregistrements de New York sont faussés, évidemment, sourit avec assurance le dieu derrière lui. Sa voix grave vibrait.
Tony fronça les sourcils et revint aux données de New York. La lumière se fit rapidement dans son esprit.
- Quelle bande d'idiots ! s'exclama-t-il malgré lui.
Les premiers, et seuls scans réalisés correspondaient au moment de l'arrivée de Loki sur Terre, lorsqu'il s'était trouvé dans la base du SHIELD. Ils avaient bien soustrait la somme d'énergie qui émanait du Tesseract à ce moment précis, mais…
- Ils ont oublié que j'étais porteur de la gemme d'esprit, confirma Loki derrière lui. Une erreur si grosse qu'elle passe facilement inaperçue.
- Et comme ils ont pas pensé à prendre des scans quand on a réussi à te mettre la main dessus, ils ne risquaient pas de s'en rendre compte, compléta Tony, satisfait de l'explication.
Loki acquiesça une nouvelle fois.
- Un vrai coup de chance à dire vrai, ils m'auraient repéré à la seconde où j'ai atterri sur votre tapis autrement. »
Tony essaya de ne pas trop y penser. L'idée du SHIELD débarquant chez lui alors qu'il était complètement défoncé, occupé à essayer de sauver l'ancien ennemi numéro un lui foutait les jetons. Et il n'était toujours pas totalement exclu qu'ils finissent par se rendre compte que quelque chose ne tournait pas rond.
« Tu sais, je comprends toujours pas bien comment ton bordel fantaisie fonctionne.
Loki souffla par le nez, l'air un peu méprisant.
- La magie est un art complexe, Stark, se contenta-t-il de répondre.
Ok, pas envie d'en parler alors. Tony força tout de même un peu, juste au cas où.
- Ouais, ouais, et je ne suis qu'un pauvre petit mortel impie, j'ai capté le bail Loki Doki. Mais tu voudrais pas aller demander à ta fibre altruiste de se réveiller un peu ? Pure curiosité scientifique, bien sûr.
Loki sembla hésiter un peu.
- Peut-être une autre fois, alors. » Trancha-t-il.
Ce n'était pas un non.
En attendant, Tony allait lui remettre les menottes et plutôt deux fois qu'une.
