Quand la tempête fit place au calme serein, je ne savais plus où je me trouvais et pourquoi je m'y trouvais. D'affreux maux de tête secouaient la dernière trace de lucidité qui épreignait mes souvenirs. Un arrière goût amer inondait mes papilles gustatives et des courbatures martyrisaient mon dos.
Après quelques minutes de réflexions, je reconnus le ronron rassurant de l'hyperdrive, la routine de notre petit robot parcourant le vaisseaux, la respiration de la femme Jedi avec laquelle je parcourais l'univers, assoupit près de moi dans le banc du copilote. Devant moi défilait lentement l'histoire des astres, les étoiles scintillaient et les soleils éloignés projetaient une tendre lumière bleutée. Avec tous ce qui nous était arrivés depuis quelque temps, tous ces peuples qui en voulait à notre équipage, celui du Ebon Hawk, toutes ces attaques, ces alliés voulant rejoindre nos rangs comme ennemis voulant les détruire… Personne ne dormait et comme je pilotais ce merveilleux navire spatiale, moi encore moins.
Je m'étais endormi aux commandes et le pilote automatique avait du prendre la relève. Là demeurait un fait étrange, comme je n'avais pas l'habitude de somnoler en conduisant, encore moins de rêver à ce passé enterré depuis bientôt trois années, je soupçonnais cette vieille femme manipulatrice, Kreia d'avoir tenté un peu le destin.
Pourquoi m'avoir fait rêver d'elle ? Pourquoi ne m'étais-je pas senti comme à l'habitude, fautif et impardonnable ? Car après ce que j'avais fait à cette Jedi qui avait voulu savoir, quelques années plutôt, je croyais que je ne réussirais plus jamais à entendre parler de cette histoire ni m'autoriser à y songer. Je ne l'avais pas que froidement étranglée, j'avais torturé, mutilé et assassiné l'homme qu'elle aimait. L'homme dont elle réclamait des nouvelles. J'avais pénétré dans l'esprit de son amant comme un couteau dans le beurre tiède, pourtant, lui aussi, il appartenait à l'ordre. Avant que je ne lui découpe la carotide, l'image d'une femme avait pleinement monopolisé ses pensées, et je crois avec beaucoup de recul, qu'il s'agissait d'elle. Mais l'idée qu'ils s'aimaient m'était pénible, comme elle l'est encore aujourd'hui et c'est pourquoi je préfère encore penser qu'il en aimait une autre.
Et cette femme que j'ai tué, sans même connaître le nom. Je l'ai blessé, je l'ai démoli. Je me demande toujours de quelle manière elle avait lis en moi – ayant un entraînement psychologique de plusieurs années à mon dossier.
(Avec le mépris des autres qui avait grandit, je leur renvoyais la haine qu'ils projetaient sur moi. Avant que je ne comprenne la réelle différence qu'il y avait entre moi et eux, j'étais brisé, cherchant des réponses sans réellement vouloir les trouver. Et la peine qui grandissait en moi, je la cultivais. C'est alors que j'appris à bâtir de solides murs mentaux, impénétrables, infranchissables. Je ne souhaitais pas qu'un jour, quelqu'un puisse se servir de ma tristesse et de ma rage à mon insu. Depuis la seconde où j'appris à conserver mes pensées, aucuns être n'avait réussit à saisir qui j'étais. Qui était Atton. Des années plus tard, je fus enfin engagé comme chef des interrogatoires… chez les Sith qui savaient comment exploiter mon don.)
En fait, l'important n'était pas comment, mais le fait qu'elle l'ait fait, et lorsqu'elle a finalement sus, j'ai senti le désespoir qui la découpait tandis que le secondes défilaient : j'ai vu l'ampleur de mes actes. Ce dégoût de moi-même, je l'ai rejeté sur elle. Au début, je l'ai détesté parce qu'elle savait, parce que son visage reflétait parfaitement, malgré elle, toute la souffrance de ma vie, tous mes ignobles crimes et meurtres.
Ainsi j'ai voulu la tuer pour qu'elle cesse de me juger et aussi parce que je ne tolérais pas son regard, je ne le soutenais pas. Je m'étais haï au travers d'elle et j'avais cru qu'en lui soutirant sa conscience, tous ces remords que trop pesant disparaîtraient avec elle. À vrai dire, cela n'allégea rien, décupler serait plus approprié. Comme les dernières gouttes de vie affluaient en la Jedi, elle m'avait montré ce qu'était la force utilisée pour apaiser et soulager. Son secret s'était éteint avec elle et pour ce qu'elle avait fait, sachant que j'avais tué l'homme dont elle était éprise, je l'admirais. Je l'avais aimé. Le premier être qui me pardonnait et me considérait comme un égal.
Ma tête dériva vers la silhouette paisiblement endormie près de moi, ignorant le tumulte qui avait explosé pour finalement se cicatriser. Je sais que je la suis parce qu'elle lui ressemble beaucoup. Elle est une Jedi, comme elle. Elle croit en un monde meilleur, comme elle. Et je crois qu'il pourrait y avoir pire. Peut-être que je l'aime, elle aussi, et cette fois, je sais à quoi m'en tenir si mes sentiments se révèlent. Pour cela, elle s'était trompée. « Car je sais à présent et je n'oublierai jamais. Comment j'ai tué la première femme que j'ai aimée. »
