Après suggestion de katymyny, j'ai ajouté une image pour cette histoire. Version moldue, c'est une vieille souche d'arbre. Version sorcière, c'est un plant de snargalouf ;)

Pour répondre à ton autre question, katymyny, Severus arrivera dans l'histoire au moment de Noël.

En attendant, première confrontation au sujet des potions de traitement.

Bonne lecture !

Chapitre 7 : La bibliothèque

Novembre 1990 – Poudlard

L'arrivée du courrier était un moment unique, à Poudlard. Des brèches s'ouvraient sur les côtés de la Grande Salle, et des centaines de hiboux, chouettes, parfois même des aigles, s'engouffraient dans un doux bruissement. Et un à un, les paquets tombaient du ciel, littéralement, dans les mains – ou dans l'assiette, pour les moins réveillés – des élèves.

Amelia n'avait pas de hibou. À Ferruccia, les quelques lettres qu'elle envoyait à son père avaient été portées par les hiboux de l'école. En sortant de Ferruccia, elle était restée chez son père et avait utilisé sa chouette pour envoyer une demande d'apprentissage au professeur Chourave, puis pour s'adresser au ministère italien. Désormais à Poudlard, elle avait utilisé une fois un hibou de l'école, le lendemain de son arrivée, en août, pour informer son père que son contrat d'apprentissage était bel et bien signé. La volière était accessible par l'extérieur du château, depuis le parc, ce qui avait évité à Amelia de se perdre dans les couloirs.

En dehors de la courte réponse de son père, qui lui avait juste demandé d'envoyer une lettre de temps en temps pour lui dire comment elle allait, Amelia n'avait pas reçu de courrier, et ne craignait donc pas l'atterrissage douteux d'un volatile dans son bol de porridge – absolument infect, soit dit en passant, mais existait-il seulement quelque chose de bon dans la nourriture anglo-saxonne ?

La purée de pois cassés, répondit intérieurement Amelia en contemplant distraitement divers rapaces voler plus ou moins près des tables pour se délester de leurs paquets.

La seule chose dont Amelia pouvait profiter, lors de l'arrivée du courrier, était les journaux de ses voisins de table. Le professeur Flitwick était abonnée à La Gazette du Sorcier, probablement le quotidien sorcier le plus lu en Grande-Bretagne, et le professeur Chourave recevait une fois par mois Le Sorcier agricole, une revue spécialisée dans l'actualité agrimagique.

Amelia feuilletait rarement Le Sorcier agricole, qui ne faisait qu'annoncer la mise sur le marché de tel engrais à base de corne de licorne, ou telle potion contre le mildiou de la branchiflore, ou telle décoction pour se débarrasser des pucerons du bubobulb.

En revanche, La Gazette du Sorcier l'informait davantage, surtout pour les actualités politiques. En octobre, par exemple, Amelia avait appris que la ministre de la magie britannique, Millicent Bagnold, souhaitait prendre sa retraite dans l'année à venir, nécessitant ainsi l'organisation d'élections, ce qui ne semblait pas une mince affaire.

En ce début novembre, toutefois, aucun article véritablement intéressant ne couvrait la une du quotidien, et tandis que le professeur Chourave s'extasiait bruyamment sur une nouvelle variété de chou mordeur de Chine, Amelia feuilletait distraitement les autres pages de La Gazette.

Un entrefilet discret capta soudain son attention.

Coincée entre une affaire de trafic de poussos et la victoire des Harpies de Holyhead contre les Tabasseurs de Banchory, la colonne ne contenait que quelques mots :

Empoisonnement. L'agrimage

hospitalisé lundi dernier est mort

à Sainte-Mangouste. Sa femme

interpelle les autorités sanitaires

et dénonce « les risques du métier. »

Amelia relut rapidement l'article, puis replia le journal, le rendit au professeur Flitwick, et passa le reste du petit-déjeuner à ruminer cette histoire d'empoisonnement et de « risques du métier ». Le sujet ne devait intéresser personne, visiblement, puisque La Gazette du Sorcier n'y consacrait que cinq minuscules lignes, soit bien moins que les actualités sportives qui prenaient une demi-page.

Avec quoi s'était-il empoisonné, ce malheureux agrimage ? Un anti-limaces ? Une potion contre les champignons ? Un philtre désherbant ?

Et cet anti-chenilles qu'Amelia utilisait une fois par semaine, et l'anti-pucerons pour les mandragores, et le fongicide pour le ficus sauteur ? Allaient-ils provoquer des morts, eux aussi ?

Amelia était si troublée qu'elle n'entendit pas la question du professeur Chourave, et ne sortit de sa léthargie que lorsque celle-ci lui secoua gentiment l'épaule.

« Comment ? » fit Amelia en relevant la tête.

« J'étais en train de vous demander si vous pouviez me passer la confitu – »

« Le traitement contre les chenilles du géranium, » interrompit Amelia sans écouter, « vous m'avez dit que vous l'aviez acheté il y a quatre ans, n'est-ce pas ? »

Un peu étonnée, le professeur Chourave acquiesça néanmoins. « Oui, il y avait une autre potion, avant, beaucoup plus efficace que celle-ci, d'ailleurs… »

« Et pourquoi ne l'utilisez-vous plus ? »

« Oh, eh bien… »

Le professeur Chourave fronça les sourcils, tâchant de se souvenir.

« Ah, si, je me souviens, maintenant, le traitement a été retiré du marché par le département des accidents et catastrophes magiques… »

« Retiré du marché ? »

« Interdit de vente et d'utilisation, si vous préférez, » clarifia le professeur Chourave.

« J'avais compris, » s'agaça Amelia. « Mais pourquoi a-t-il été interdit ? »

« C'est un anti-chenille non-sélectif, efficace sur la plupart des chenilles. Beaucoup d'agrimages l'utilisaient pour les chenilles prédatrices des choux, des navets et des radis, et à force de respirer les vapeurs de potions, certains agrimages ont fini par avoir des problèmes aux poumons après plusieurs années de traitement. Le ministère a ordonné au fabricant d'interrompre la production et la commercialisation de la potion en Grande-Bretagne. Il a fallu trouver une autre potion pour se débarrasser des chenilles, » conclut le professeur Chourave.

« Et l'anti-chenilles que nous utilisons actuellement... »

« S'il y a eu des problèmes avec cet anti-chenilles, le ministère n'a jamais jugé utile de l'interdire. »

Amelia resta silencieuse quelques instants. Jetant brièvement un regard au journal, le professeur Chourave aperçut rapidement l'article sur l'agrimage mort.

« Je sais ce que vous pensez, » dit-elle finalement, s'attirant le regard interrogateur d'Amelia. « Je serais remarquablement peu perspicace si je n'avais pas remarqué votre réaction, en septembre, quand je vous ai demandé de réaliser le premier traitement sur les géraniums dentus. »

« Je… »

« Vous avez tout à fait le droit de questionner mes consignes, Amelia, » coupa le professeur Chourave, usant étonnamment du bon prénom. « Votre apprentissage doit servir à vous faire douter, à vous faire expérimenter, et si le sujet des traitements vous tient à cœur, en bien ou en mal, alors il faut l'exploiter et profiter de cette première année pour voir si c'est un sujet qui mérite d'y consacrer une carrière. »

Le professeur Chourave s'arrêta là, n'attendant manifestement aucune réponse, et demanda à Amelia de lui passer la confiture de groseille.

Amelia ne reprit la parole qu'au moment de quitter la Grande Salle.

« Je vais aller à la bibliothèque, » dit-elle au professeur Chourave.

Celle-ci n'eut pas l'air surprise. « L'escalier de l'aile ouest ne change jamais de place. Arrivée au quatrième étage, vous prenez le couloir de gauche, puis encore à gauche. La bibliothèque sera au bout. »

L'astuce était parfaite. Arrivant face à la plaque « BIBLIOTHÈQUE », Amelia regretta de ne pas avoir eu connaissance du raccourci plus tôt.

La bibliothèque paraissait immense, à un point tel qu'Amelia la suspectait d'être sous un sortilège d'extension perpétuel, car il n'y avait aucune autre façon de faire rentrer une salle encore plus grande que la Grande Salle dans le château.

À la différence de la Grande Salle, le plafond n'était pas confondu avec le ciel. Il était même plutôt bas. Des centaines de rayons bordaient l'allée centrale, et des milliers d'étagères supportaient des centaines de milliers de livres…

« C'est pour quoi ? » fit une voix sèche, claquant dans le silence calfeutré de la bibliothèque et faisant sursauter Amelia.

Craignant un instant de faire face au professeur McGonagall, Amelia sortit de sa contemplation et se trouva nez à nez avec une petite femme très mince, presque maigre, avec un visage lisse dont les lèvres étaient si pincées qu'on les distinguait à peine.

Sur le devant de sa cape, quelques lettres brodées de fil d'or indiquaient : Irma Pince, bibliothécaire.

« Bonjour, » bredouilla Amelia, qui reconnaissait une des sorcières habituellement assises à la table des professeurs, mais au côté opposé.

Irma Pince l'examinait scrupuleusement, les bras croisés sur son buste sec, et bien qu'étant largement plus grande, Amelia eut la désagréable impression d'être regardée de haut.

« Je pensais ne jamais vous voir mettre les pieds à la bibliothèque, » déclara la sorcière avec dédain.

« Euh… C'est à cause des escaliers… Je ne savais pas comment faire pour… »

Amelia se sentit complètement ridicule.

« Bon, eh bien vous avez trouvé la solution, visiblement, » trancha Irma Pince.

Sans attendre de réponse, elle tourna le dos à Amelia et lança : « Les sections botaniques sont sur la gauche. Vous vouvez emprunter jusqu'à cent-cinquante-huit ouvrages en même temps. Et surtout… »

Elle jeta à Amelia un regard en coin. « Si vous osez maltraiter un livre de quelque manière que ce soit, vous regretterez d'avoir réussi à trouver votre chemin jusqu'ici. »

La menace résonna quelques secondes, le temps pour Irma Pince de disparaître derrière un rayon.

Après quelques secondes d'immobilité, Amelia se décida à avancer prudemment dans l'allée centrale. Les noms des sections se trouvaient en bout de rayon. Il y en avait une incroyable diversité. Section des magies d'Afrique de l'Ouest. Section des contes et légendes pour enfants. Section des dragons. Section des découvertes du monde sorcier. Section du Moyen-Âge européen. Section des potions. Section juridique. Section des technologies moldues. Section du Quidditch. Section des jeux et sports sorciers à l'exception du Quidditch.

Après cinq longues minutes de marche, Amelia s'arrêta devant la section botanique, qui était située juste après la section du bonheur – quel type d'ouvrages pouvait bien contenir la section du bonheur, cela restait un mystère…

La sous-section Agrimagie occupait un rayon entier. Il restait maintenant à comprendre la logique de rangement des ouvrages.

Il fallut passer encore cinq longues minutes à plisser les yeux pour essayer de lire les titres à travers la couche de poussière qui trahissait un désintérêt général des élèves de Poudlard pour les questions agricoles. Puis enfin…

Papillons ravageurs des cultures ornementales.

Amelia eut quelques difficultés à extraire le livre, qui semblait avoir fusionné avec ses voisins depuis le temps qu'ils devaient tous se trouver sur cette étagère sans être lu par personne, puis réussit enfin à l'extraire et le posa sur le comptoir.

Atterrissant dans l'index, Amelia parcourut les lignes du bout des doigts.

Cacyreus pelargonii, p. 218.

« Le voilà, » murmura Amelia, s'asseyant sur un tabouret et tournant les pages jusqu'à la 218.

Plusieurs illustrations s'étalaient sur la première page, aux côtés d'une courte description.

Papillon de jour. Envergure : env. 54 mm. Ponte à la tombée de la nuit. Chenille phytophage, principalement sur Geraniaceae ornementales (e.g. géranium dentu). Transformation en adulte après deux semaines de nourrissage.

Sur une des illustrations, Amelia reconnut immédiatement la chenille, verte et hérissée de poils durs.

L'adulte, en revanche, qu'Amelia n'avait jamais vu, était un superbe papillon brun avec un liseré bleu sur les bords de ses ailes.

Amelia tourna la page et grimaça. Cette fois figurait une liste de toutes les potions utiles pour se débarrasser des chenilles du Caryreus. Jetant un œil en début d'ouvrage, Amelia vit que l'édition datait de 1978. L'ancienne potion interdite par le ministère britannique devait encore s'y trouver, puisque selon le professeur Chourave, elle avait dû acheter une nouvelle potion en 1986. En tout cas, la potion qu'utilisait actuellement Amelia ne s'y trouvait pas.

Un bruissement sortit Amelia de sa lecture macabre. Un chat venait de sauter sur le comptoir du rayon d'en face. Un beau chat, noir et légèrement tigré de gris. Son pelage dessinait de curieuses marques autour de ses yeux verts.

Le chat s'arrêta un instant pour lécher méticuleusement le coussinet d'une de ses pattes. Il se tourna pour fixer Amelia avec indifférence, comme le ferait n'importe quel chat. Puis, n'y accordant pas plus d'attention, il se remit à lécher ses pattes.

Il ne s'était pas arrêté là par hasard, remarqua Amelia. Une tâche de soleil éclairait le bout de comptoir où le chat s'était installé, de sorte à profiter de la chaleur de cette auréole lumineuse.

En cette saison, la lumière du matin ressemblait à celle du soir. Douce, presque rose. Si Amelia ne sortait pas tout juste du petit-déjeuner, elle aurait juré que la nuit allait tomber d'ici une heure ou deux…

Amelia se redressa vivement, manquant tomber de son tabouret.

« La tombée de la nuit, » dit-elle à haute voix. Le chat lui jeta un regard hautain.

Retournant à la première page des illustrations du Cacyreus, Amelia relut la brève description.

Ponte à la tombée de la nuit.

Malgré elle, Amelia se surprit à sourire. Elle avait trouvé une solution.