Chapitre 2
Consumer
Ce fut alors, qu'avec une pointe de fiel dans la voix, elle ne put s'empêcher de lui lancer :
« - Vous n'y arrivez pas ? »
Elle regretta aussitôt de l'avoir provoqué de la sorte. Mais visiblement, ses nerfs commençaient à lâcher.
« Pas bon… », pensa-t-elle lorsqu'elle vit l'éclat inquiétant de son regard dans son visage figé et tourné vers elle. Elle se força à soutenir ce regard, mais elle savait déjà qu'elle était allée trop loin. « Pourvu qu'il n'enlève pas trop de points à Gryffondor… ».
« - Votre insolence coûtera trente points à Gryffondor, espèce d'idiote. »
Il n'avait été jusqu'ici que trop patient et tolérant envers cette stupide pimbêche, et les points qu'il lui retira eurent le don de le calmer, même s'il commençait à perdre patience avec cette situation invraisemblable.
Aucun de ses sorts et contre-sorts ne marchaient.
Il n'allait quand même pas être obliger d'utiliser la magie noire…
Comme si la même idée les avait traversés simultanément, la Gryffondor sortit une fois de plus de son mutisme et, d'une voulait vraisemblablement calme et presque aimable cette fois, lui dit :
« - N'y aurait-il pas une façon… Je veux dire, un sortilège vraiment capable de lever l'enchantement qui tient cette porte, même si celui-ci pourrait être, disons, heu… Un peu inhabituel ? »
Elle voulait, bien entendu, faire référence à la magie noire.
Bien sûr, elle réprouvait fondamentalement celle-ci, mais un sortilège noir, effectué sur une simple porte, un objet de matière morte, ne pourrait pas avoir trop de répercussions.
Elle s'en voulait de raisonner ainsi, mais elle commençait à en avoir assez. Vraiment.
Elle avait chaud. Et elle avait l'impression que la pièce avait subtilement rétréci.
« Il est impossible de co-exister avec un tel énergumène, pensa-t-elle. Ce type va finir par me rendre cinglée… »
Pendant ce temps, il l'observait avec une expression indéchiffrable.
Il était indécis et elle le comprenait très bien. Il regarda à nouveau la porte et inspira profondément, en frôlant doucement le capitonnage rouge foncé.
En voyant sa main se mouvoir ainsi, d'étranges pensées assaillirent Hermione. Elle les chassa immédiatement.
« Je commence vraiment à perdre la boule, vivement que je sorte d'ici », songea-t-elle.
Elle se força à concentrer son attention sur le jour qui inondait maintenant la pièce, plutôt que sur l'homme au physique ingrat qui essayait de les en faire sortir. Cela la calma un peu.
Mais elle commençait à vraiment perdre patience.
Bien sûr, il pouvait ouvrir cette porte. Mais faire usage de la magie noire… C'était quelque chose qu'il ne faisait plus que lorsqu'il y était obligé, lors de ses missions pour l'Ordre, par exemple.
Mais en faire usage ici, à Poudlard et surtout, devant cette fille… Ne jouerait pas en sa faveur. Non. Cela le desservirait, quoi qu'il arrive, un jour ou l'autre.
Ce fut le moment qu'elle choisit pour intervenir à nouveau.
« - Quand je dis un sortilège un peu inhabituel, vous savez bien de quoi je veux parler, n'est-ce pas ? Vous… Vous en connaissez bien un, non ? Pour ce genre de choses ? »
La rage le submergea, cela faisait deux fois qu'elle s'amusait à mettre en doute ses compétences, et de la part de cette suffisante petite gourde, cela le mettait deux fois plus en colère que de la part de n'importe qui d'autre.
Hermione comprit tout de suite qu'elle l'avait une fois de plus conduit à l'exaspération. Mais elle était si pressée de sortir d'ici qu'elle n'avait pas pu s'empêcher de le relancer.
Lorsqu'il leva vers elle un visage empreint d'une fureur glacée, elle comprit qu'elle était allée trop loin en remettant en cause ses compétences en magie noire.
Il était plus qu'exaspéré, plus qu'en colère. Il semblait prêt à lui faire du mal. Son regard, presque fou, la clouait sur place.
Il avança vers elle, sans la quitter du regard, ses yeux si noirs vrillant les siens.
Elle réalisa soudain qu'il était très grand.
Il était son professeur, il ne pouvait pas lui faire de mal… Et pourtant… Son regard…
Celui d'un loup.
Elle lui fit face avec le sentiment de se préparer à un combat.
Ils étaient à présent à quelque centimètres l'un de l'autre, et elle sentait l'aura de fureur qui se dégageait de lui.
Elle avait baissé les yeux.
Elle ne pouvait soutenir son regard plus longtemps.
Lui en revanche, avait les yeux rivés sur son visage.
Elle pouvait en sentir la brûlure.
Elle l'entendit lui dire, chuchotant, et d'un ton presque badin :
« - Je connais des sortilèges dont la seule évocation pourrait vous donner des cauchemars jusqu'à la fin de votre vie. »
Il se pencha davantage, tout près de son oreille.
« - Voulez-vous les entendre ? »
Elle se sentait très, très mal. Elle avait très chaud. Ses yeux étaient fermés, ses paupières contractées.
Il était trop près.
Il avait trop d'emprise sur elle. Trop.
Sa respiration devenait de plus en plus saccadée, et elle sentait qu'elle allait craquer d'un moment à l'autre. Les larmes commençaient à venir.
Il répéta :
« - Le voulez-vous ? »
Manifestement, c'est ce qu'il souhaitait.
Mais elle ne lui ferait pas ce plaisir. Oh non.
En un dernier sursaut de dignité, elle rassembla les forces qui lui restaient et répondit avec tout le calme dont elle était capable :
« - Je voudrais que vous vous éloigniez de moi. »
Il se recula avec un rictus de satisfaction, et la considéra un instant.
Puis il se dirigea vers la porte et marqua un temps d'arrêt devant elle
Elle l'entendit prendre une grande inspiration, puis lancer, d'une voix qu'elle reconnut à peine, l'incantation maléfique.
« - Infernum inflamo. »
Ce fut comme si une vague putride et tourbillonnante, noire comme la nuit, avait consumé la porte de la Réserve et son encadrement.
Non, consumé n'était pas le terme exact. Hermione était perplexe. On aurait dit que le sortilège avait dévoré le bois et la pierre, en laissant sur son passage des volutes noirâtres qui tourbillonnaient lentement sur elles-mêmes.
Ce qui restait de la porte semblait mort, pourri, sali… Souillé. Comme une plage après une marée noire.
Les tourbillons malsains continuaient à se mouvoir, comme autant d'aberrantes galaxies.
Autant intriguée que dégoûtée par le phénomène, elle pensait néanmoins qu'elle n'y toucherait pour rien au monde. Aucune chance.
Rogue, lui, avait déjà traversé les décombres fantômes, et l'observait d'un œil intrigué et calculateur.
« - Ne craignez rien, dit-il de son ton habituellement sarcastique, ces résidus-là ne risquent pas d'abîmer votre précieuse petite personne. »
Il semblait presque sympathique, comparé à l'attitude prédatrice dont il avait usé lors de leur affrontement quelques instants plus tôt.
Elle traversa en un éclair les volutes noires tout en retenant sa respiration, ne pouvant s'empêcher de ressentir un profond dégoût.
Puis il lança ce qui lui sembla être un sort d'inversion, vraisemblablement lui aussi tout droit sorti d'un ouvrage de magie noire, car sa baguette, alors que la porte se reconstituait, ré-aspira en un éclair les volutes poisseuses qui traînaient çà et là.
Et alors que les pas précipités de madame Pince se rapprochaient, il se retourna vers elle et d'un ton lourd de menaces, lui chuchota :
« - Bien entendu, vous ne direz rien de tout ceci », dit-il en désignant la porte.
Puis il s'avança à la rencontre de la bibliothécaire affolée.
Interdite, Hermione ne demanda pas son reste et fila discrètement.
