Chapitre 4
Emprise
Hermione entra dans la pièce avec un drôle de sentiment.
Elle avait l'impression que l'air était chargé en électricité statique. La séance n'allait pas être de tout repos.
« - Je vois que vous n'avez pas renoncé. C'est une qualité, parfois. »
« - Je n'en ai jamais eu l'intention. »
Elle était surprise par le ton de regret qu'il avait employé.
« - Quel sera le programme, aujourd'hui ? »
« - Cela dépendra de vous. »
« - Comment cela ? »
« - Puisque vous insistez, je pensais vous entraîner encore un moment à l'occlumencie, puis discuter un peu de vos motivations. »
Il la jaugeait du regard.
Elle le soutint, intriguée par ce qu'il venait de dire.
« - Mes motivations ? »
Il n'en pouvait plus de supporter son regard, l'ambiance qui régnait dans la pièce était extrêmement dérangeante, vibrante, comme hantée.
L'air était tellement chargé qu'il en devenait presque palpable. Irrespirable.
Il s'efforçait de garder son calme et de sauver les apparences, mais cela devenait de plus en plus dur. Quelque chose n'allait pas.
Il avait longuement réfléchi à ce qu'elle lui avait demandé, à la fin de la séance dernière.
Bien que sa conscience lui interdise de divulguer ses connaissances en magie noire, il était bien obligé d'avouer qu'il avait rarement eu d'élève aussi brillante et à l'intellect aussi peu farouche. Tant pis si elle était à Gryffondor…
Le risque était, et il le savait pour en avoir fait lui-même la cruelle expérience, qu'elle soit grisée par la sensation de pouvoir que cette pratique avait trop tendance à procurer.
Et qu'elle dérape.
Dans l'excès. Dans le mal. Comme lui. Et comme d'autres.
Et il la sentait vulnérable à cela.
Il ne doutait pas un instant que ses intentions soient honnêtes, mais il était assez perspicace pour savoir qu'il avait à faire à quelqu'un qui cherchait à faire ses preuves, et que cet état d'esprit avait en général trop tendance à ignorer la prudence.
La partie était risquée. Très. Mais il avait à faire à quelqu'un de très intelligent. Et à quelqu'un de bon. Il le sentait. Et il comptait énormément sur cela.
« - Je suis un professeur et par conséquent je ne suis pas là pour vous refuser le savoir, votre présence ici en est la preuve. Et vous êtes quelqu'un d'intelligent, et de raisonnable. En tout cas, je l'espère pour vous. Si vous me posez des questions, j'y répondrai. Même si elles concernent la magie noire. »
Elle l'observait, tout en cherchant à dissimuler son étonnement. Sans succès aux yeux de Severus.
« - J'espère au moins que vous saurez vous montrer digne de ce que vous apprendrez. »
L'hiver se déroulait, rythmé par les séances régulières aux cours desquelles Hermione en apprenait plus qu'elle ne l'aurait jamais cru.
Elle était tantôt stupéfaite, tantôt horrifiée par ce que le professeur Rogue lui enseignait avec un calme et un détachement qu 'elle lui enviait. Ainsi, il pouvait lui faire la description du sortilège d'extraction, qui consistait à vider de ses entrailles la personne qui le recevait, sans sourciller ni s'émouvoir, avec même un regard mi-amusé.
Ou bien encore lorsqu'il lui avait décrit le rituel très ancien qui consistait à s'assurer une bonne santé à vie en mangeant un morceau d'une personne encore vivante…
Il l'entraînait de temps en temps aux maléfices, mais seulement en mode défensif, ce qu'elle accepta sans trop se plaindre.
L'ambiance lorsqu'ils se trouvaient dans la même pièce était toujours aussi étrange, mais chacun s'efforçait de passer outre, et même si parfois le malaise était évident, ils n'en parlèrent jamais. Et ils évitaient soigneusement de se toucher, bien sûr.
Le vent glacé et hystérique de mars gelait Hermione jusqu'aux os lorsqu'elle se rendit, ce soir-là, à sa séance avec le professeur Rogue.
Elle avait hâte d'arriver aux cachots, où il régnait, en comparaison des couloirs, une atmosphère presque tiède. De plus, elle portait dans ses bras une impressionnante pile de livres traitant de magie noire qu'elle avait à rendre au professeur.
Et elle préférait ne pas se faire attraper avec une telle cargaison.
Elle pressa d'autant plus le pas.
Il l'attendait, comme à son habitude assis à son bureau, et comme à son habitude, il ne leva pas tout de suite les yeux sur elle lorsqu'elle entra.
L'ambiance électrique qui existait lorsqu'ils se trouvaient dans la même pièce régna à nouveau.
« - Bonsoir.
« - Décidément, vous essayez toujours aussi désespérément de gagner du temps. Ce soir, vous avez plus d'une demi-heure d'avance. Un record.
« - Plus tôt j'arrive, plus tôt je repars…
« - Si seulement cela pouvait être vrai… »
Hermione commençait à être habituée aux attitudes cassantes de son professeur et ne lui en tînt pas rigueur.
Elle avait hâte de commencer.
Il se leva et alla claquer la porte qu'Hermione avait mal fermée à cause de la pile de livres qu'elle lui rapportait.
« - J'ai fini de lire le livre sur les sortilèges de Démence… C'était très intéressant. »
Elle se retourna et lui tendit les ouvrages qu'elle portait.
Et c'est là que ses mains frôlèrent involontairement les siennes.
Un choc se produisit, inévitablement, pire que la première fois, et Hermione réalisa que depuis ce jour-là, ils avaient tous les deux réussi l'inexplicable prodige de ne pas se toucher.
Cette fois-ci, ils restèrent soudés.
Leurs mains les tenaient inexplicablement liés.
Les livres tombèrent au sol, dans un bruit sourd et lointain.
Il fut le premier à rompre le lien.
Hermione resta immobile. Elle articula difficilement lorsqu'elle tenta de parler.
« - Que s'est-il passé ?
« - Je l'ignore. »
Il semblait avouer cela à contre cœur.
« - Et ça ne vous inquiète pas davantage ? »
Il lui lança un regard noir.
« - Vous avez bien vu ce qui se passe, non ? », insista-t-elle.
Et elle avança la main pour le toucher à nouveau, comme pour rendre encore une fois la chose réelle.
Il eut un sursaut de recul.
« - Ne recommencez pas ! » fit-il, menaçant.
Mais elle ne se laissa pas impressionner, et saisit son bras à pleines mains.
Elle se sentit aussitôt terriblement bien.
Quelque chose de purement physique était entrain de se produire.
Ou peut-être était-ce plus ?
Elle perdait la tête. Oui, sans doute. Tant mieux.
Mais son bras n'était pas assez, il lui fallait tout le reste.
Elle vit que de son côté, il essayait vainement de résister.
Et avant même de comprendre ce qui le retenait encore, elle se retrouva dans ses bras.
Elle eut la sensation qu'il allait la tuer à la serrer ainsi, mais elle se sentait prête à mourir, dans une telle étreinte.
Elle avait envie d'avoir plus de bras pour le serrer, plus de mains pour le toucher, plus de bouches pour…
Avec un violence et un instinct quasi-animal, leurs bouches se joignirent dans ce qui était plus qu'un baiser. C'était une impulsion de morsure mutuelle. Ils se dévoraient l'un l'autre.
Buvant leurs souffles respectifs. Salives, langues mêlées. Unis comme un seul corps.
Leurs jambes cédèrent sous leur poids et, en s'appuyant au mur, ils s'affaissèrent peu à peu sur le sol.
Elle voulut le renverser complètement et s'installer sur lui, mais il semblait avoir d'autres projets, et comme il avait plus de force qu'elle, malgré sa propre détermination elle ne put que le laisser la renverser et se coucher sur elle brutalement.
Dès ce moment-là, elle sut qu'elle lui laisserait faire absolument tout ce qu'il voulait, à condition qu'il ne rompe pas le contact.
Elle ne sentait pas la froideur et la dureté du sol…La seule dureté qui l'intéressait se situait au-dessus d'elle.
Et elle n'était pas effrayée par la violence de l'étreinte. C'était un peu comme si leur vie en dépendait.
Sa bouche, sa bouche à lui sur son visage, son cou, ses lèvres…
Mais ce qu'elle lut dans ses yeux…La fit s'abandonner sans plus aucune retenue.
Ils s'arrachèrent mutuellement leurs vêtements, comme on se débarrasse d'une peau morte, et, leurs respirations s'accordant à l'unisson, son visage à lui perdu dans son cou, la serrant à l'étouffer, ses mains à elle dans son dos et sa nuque, il donna un coup de rein violent et elle poussa un cri de douleur.
Cela ne l'alerta pas le moins du monde, car il recommença aussi fort, puis de plus en plus fort, jusqu'à un dernier spasme une vive inspiration, jusqu'à ce qu'il s'effondre sur elle, tremblant, essoufflé. Elle crut même entendre un petit rire dément et satisfait sortir de sa gorge.
Elle ne ressentait rien d'autre qu'une extase purement mentale, mais elle sentait que si cette étreinte avait duré plus longtemps, quelque chose, et bien… Quelque chose aurait pu se produire.
Quelque chose de plus.
Son ventre lui faisait mal, la lançant en vagues sourdes, qu'elle savourait.
Qu'elle savourait parce que c'était Lui qui lui avait fait cela.
Lui.
Elle resserra son étreinte.
Elle n'avait jamais connu d'homme avant. Comment cela avait-il pu arriver si vite…Peut importe. C'était arrivé ce soir, et c'était lui, lui, et personne d'autre.
Avant, elle pensait même qu'aucun homme ne voudrait jamais d'elle…
Cela n'avait pas de sens…
Elle se sentait meurtrie, fatiguée, mais incroyablement sereine.
Il la tenait toujours étroitement serrée, mais sa prise se faisait de plus en plus douce.
Lentement, il dérivait vers le sommeil, la tête sur son épaule.
Sans plus arriver à penser à rien, engourdie, terrassée, elle se laissa le suivre.
