Chapitre 5

Regarde-moi

Elle fut la première à se réveiller car elle avait froid. Elle entrouvrit les yeux et vit que le feu n'était plus qu'un tas de braises rougeoyantes. Un sentiment de manque lui étreignit la gorge, et elle tourna la tête à sa gauche.

Elle se sentit immédiatement rassurée lorsqu'elle vit l'homme étendu à ses côtés.

Puis un foule d'autres sentiments l'envahit, le rouge lui monta aux joues à la pensée de ce qui s'était passé, et pendant quelques secondes, la panique lui noua l'estomac.

Qu'avaient-ils fait…

Elle s'aperçut aussi qu'elle n'était plus allongée au sol, mais sur un matelas souple et doux tissé dans une matière étrange, et qu'une légère couverture reposait sur son corps… Elle eut un sentiment surréaliste vis-à-vis de ce qui lui arrivait, s'étonnant de ce brusque changement de situation, de ses sentiments, mais celui-ci ne dura pas car elle tourna à nouveau son regard sur l'homme, son professeur, étendu à ses côtés.

La tête enfouie sous ses cheveux noirs ébouriffés, à peine recouvert par le drap, dans la pénombre de la pièce, elle pensa que rien, personne, ne pouvait être plus beau que ce qu'elle voyait à l'instant.

Et elle comprit la vraie nature du froid qui l'avait envahie : le manque.

Ca n'était que ça.

Son cœur s'emballa et son estomac la picota, sensations qui ne laissaient planer aucun doute quant à ce qu'elle ressentait pour lui.

Elle s'approcha, doucement pour ne pas le réveiller, et le détailla longuement, avec la sensation qu'elle le voyait pour la première fois.

Elle fut très étonnée de n'avoir pas vu plus tôt le nombre impressionnant de dessins tatoués sur sa peau. Il faut dire qu'avec ses vêtements habituels, il pouvait facilement les dissimuler, mais elle ne les avait pas remarqués tout-à-l'heure non plus.

Tout s'était passé si vite, si sauvagement… Elle n'avait pas une grande expérience des hommes, mais elle comprenait à présent qu'il s'était conduit comme un animal. Cela s'était passé trop vite… Cependant elle n'arrivait pas à lui en vouloir… Il n'était plus vraiment lui, non. Et elle, elle n'était plus vraiment elle non plus à ce moment-là.

Outre la Marque des Ténèbres sur son avant-bras, qui lui fit l'effet d'un parasite monstrueux incrusté dans sa peau, elle vit dans son dos un immense dragon qui déployait ses ailes, noir comme la suie, si bien que l'on y distinguait à peine la vraie couleur de sa peau.

Elle ne voyait pas son torse car il était couché sur le ventre, mais elle put détailler le nombre impressionnant de serpents tatoués sur son corps, autour de ses bras, et de ses chevilles qui dépassaient du drap.

Il avait un cobra tatoué sur son bras droit, remontant jusque sur son épaule. Et d'autres, plus petits, un vipère enroulée autour de son poignet, une autre autour de sa cheville, une couleuvre au creux de son cou, un basilic dans le bas de son dos...

Un piton se prélassait sur sa jambe…

Elle les détaillait encore et encore, jusqu'à ce qu'elle en vit un se couler paresseusement du bas de son dos jusqu'à son poignet, faisant au passage un détour pour éviter la Marque des Ténèbres.

Elle le regarda faire, lentement, les yeux grands ouverts, ignorant jusqu'à présent les propriétés magiques des tatouages sorciers.

Elle eut soudain un étrange pressentiment, et, relevant fébrilement ses bras à hauteur de ses yeux, vit, sur son avant-bras droit, une minuscule couleuvre glisser sous sa peau et aller s'enrouler paisiblement autour de son poignet.