Chapitre 6
Dragon Rouge
Elle effleura d'un doigt tremblant le dessin qui entourait son poignet.
Le serpent tressaillit légèrement sous cette caresse, mais resta à sa place.
Elle ne pouvait en détacher les yeux.
« - Continues à me regarder… », fit une voix rauque et moqueuse.
Elle leva les yeux vers Severus et vit qu'il n'avait pas bougé, malgré le fait qu'il soit manifestement réveillé.
Sa tête était toujours enfouie sous ses cheveux. Et pourtant il avait senti qu'elle le détaillait.
Elle se sentit gênée. Puis elle repensa à ce qui s'était passé la veille et se dit qu'il était ridicule de penser cela.
Elle se sentait vaguement honteuse de s'être laissée faire de cette façon, et elle sut qu'elle ne pourrait jamais en parler à personne, ni à Ginny, ni à Harry, et encore moins à Ron…
Ces deux derniers le détestaient tant…
Elle eut le pressentiment qu'elle allait se sentir très seule, dans les jours à venir.
« - Tu… »
Elle éprouvait encore de la difficulté à le tutoyer, et ne savait pas trop comment l'aborder.
« - Oui ? »
« - Te rappelles-tu de ce qui s'est passé hier soir ? »
Il se retourna et elle put voir un dragon rouge sang qui s'étendait sur son torse glabre, ainsi que le pentacle retourné gravé au-dessus de son cœur. Elle fut gênée par cette vision, ou bien peut-être était-ce par la nouvelle surface de peau nue qu'il offrait à son regard.
Elle détourna les yeux un instant, puis revint à lui.
Il l'observait, et elle pensa que c'était la première fois qu'elle le voyait avec un expression sereine sur le visage, et non plus cette grimace désespérément froide qui capturait ses traits habituellement.
Il l'observait toujours, sans répondre.
Puis lentement, souple, félin, il s'approcha d'elle, très près, si bien qu'elle sentit le frôlement de ses cheveux contre son épaule, et cela finit de la combler de frissons.
Il frôla sa joue où il déposa un baiser doux et léger comme une plume, avant de venir à son oreille lui murmurer d'une voix grave qui remua le fond de ses entrailles :
« - Pas vraiment, non, j'aurais besoin que tu m'aides à me rappeler… »
Elle se demanda si elle pourrait supporter encore une fois cette chaleur sans la mener à son terme.
Il roula subitement sur elle et s'apprêta à l'enlacer avec avidité, lorsqu'elle le fit basculer à ses côtés, et s'éloigna de lui avec hâte.
Severus la vit se détacher de lui et se précipiter au coin du lit.
« - Tu ne crois pas que c'est si facile… »
Tout son corps lui faisait mal, son refus était insupportable. Il bondit sur elle et la captura à nouveau.
« - Bien sûr que ça l'est. »
« - Tu n'es pas un très bon amant. J'ai l'impression de n'être qu'un objet quand tu me touches… »
Elle avait l'air si triste…
Il la fusilla du regard, à la fois étonné et blessé.
« - Q'en sais-tu… »
« - Pas grand chose, c'est vrai. Tu as remarqué que c'était la première fois j'espère… »
Il ne put que rester silencieux. L'horreur se coula dans ses entrailles comme un liquide glacé. Oh, Merlin…
Et dire qu'il ne se souvenait que brièvement de ce qui s'était passé, sinon que la violence en était extrême… Il se mordit la lèvre, et enfouit la tête dans le creux de son cou.
Il attrapa son visage entre ses mains et lui répondit, les yeux plantés dans les siens :
« - Non. »
Une lueur blessée passa dans ses yeux. Mais avant qu'elle ait pu dire quoi que ce soit, il l'étouffa d'un baiser.
Il commençait tout juste à essayer de se faire pardonner, lorsque des coups répétés contre la porte du bureau se firent entendre.
Ils sursautèrent et se figèrent. Il était déjà huit heures du matin.
Les cours commençaient, et chacun avait perdu toute notion de temps et de réalité.
Ils se relevèrent comme un seul homme et se rhabillèrent magiquement, frustrés et douloureux, puis il fit disparaître leur lit improvisé, et la poussa vers une porte dérobée, lui donnant un dernier baiser, langoureux autant qu'il le put.
« - Laisse-moi me faire pardonner… Reviens… », lui souffla-t-il à l'oreille.
« - Mardi prochain ? », le coupa-t-elle.
Il devint fou à la pensée d'attendre aussi longtemps, mais ne voulut pas trop le lui montrer.
« - Ce soir, Je ne peux pas attendre… »
« - Non, mardi prochain, ce sera mieux…Et puis ce soir j'ai d'autres projets… »
Se plaisait-elle vraiment à le mettre dans cet état ? Il s'apprêtait à lui montrer qu'il était hors de question d'attendre autant, se mettant à la serrer contre lui à l'en étouffer, comme à son habitude… Mais les coups à la porte se faisaient de plus en plus insistants et il dût la lâcher.
« - A mardi prochain, fit-elle avant de disparaître. »
Il savait qu'il ne pourrait jamais attendre jusque là.
Il se composa un visage neutre et alla ouvrir, les sens affolés, en remerciant Merlin que les robes de sorcier cachent aussi bien les manifestations physiques du désir.
