Chapitre 7

Gouverner

La journée se passa dans le flou le plus complet pour Severus.

Il n'arrivait pas à rassembler ses esprits pour enseigner et fut donc obligé de faire méthodiquement des interrogations écrites à toutes ses classes afin d'avoir la paix.

Il promenait un regard flou sur ses élèves penchés sur leurs copies, et méditait sur ce qui venait d'arriver, sans comprendre ce qui avait déclenché cela, en commençant à regretter toutes les copies qu'il aurait à corriger le soir-même.

Non, ce soir il avait d'autres projets.

Par chance, il n'avait pas sa classe, aujourd'hui.

Mais ça viendrait. Il enfouit sa tête entre ses mains à la pensée de tous les ennuis qui l'attendaient.

Il avait réussi à reconstruire sa vie, à se racheter, et voilà qu'il flanquait tout par terre.

Tout cela devait rester dans le domaine du secret absolu. Absolu.

Ils diraient tous qu'il était d'une humeur de chien, ce jour-là.

Lui se sentait plutôt perdu au fond d'un abîme.

Il avait fait une erreur…Et avait adoré la faire. Il s'était compromis dedans avec délice, et en avait redemandé.

Il se frotta les tempes.

Sa dernière classe quitta la salle en un grondement et il resta seul à son bureau, la tête dans les mains.

Un léger frôlement se fit entendre, et il s'apprêta à renvoyer d'un ton désagréable l'élève malchanceux qui s'était attardé, lorsqu'il vit que c'était elle.

Assise sur un des bureaux, l'épaule appuyée au mur, ses jambes relevées sous elle, tout au fond de la classe, dans l'angle. Dans l'ombre.

Elle l'observait. Non. Elle semblait le guetter.

« - Avez-vous une bonne raison de vous trouver là, miss ? »

« - Pour vous rafraîchir la mémoire, professeur. M'assurer que vous vous teniez prêt pour mardi prochain. »

« - Je t'ai déjà dit que je n'attendrais pas jusque là ! », tonna-t-il subitement.

« - On verra bien. Tu prendras ce que je te donnerai, de toute façon. »

Son ton était devenu celui d'une petite fille boudeuse.

« - Et tâche de m'être fidèle, pendant tout ce temps… »

Elle éclata de rire.

Le sang lui montant à la tête, il se leva et se dirigea vers elle d'un pas menaçant.

Elle cessa de rire aussitôt.

« - N'approche pas ! »

« - Sinon ? »

Elle se tut.

Elle était descendue de son bureau visiblement dans l'espoir d'attendre la porte, mais il avait été plus rapide et lui bloquait le passage.

« - Es-tu à ce point gouverné par ton sexe pour t'entêter à te compromettre avec une élève ? »

Elle avait fait mouche.

Severus se sentit refroidi par ce brusque choc avec la réalité.

Il n'y avait rien d'autre à faire qu'à assumer, advienne que pourra. Après tout, il n'avait à aucun moment regretté ce qu'ils avaient fait. Non.

Il avait déjà assez de regrets pour toute sa vie, de toute façon.

« - Qu'es-tu venue faire ici ? »

« - Te voir ! », fit-elle d'un ton faussement innocent. « Et te dire à dans une semaine… »

Severus lui tourna le dos et retourna s'asseoir à son bureau, où il se laissa tomber dans son fauteuil.

« - C'est fait. Dehors. »

Ces paroles lui arrachaient presque la bouche.

Mais elle ne l'écouta pas et le rejoignit à son bureau.

Elle en fit lentement le tour, sans le quitter des yeux, s'approcha de lui et vînt s'asseoir de but en blanc sur ses genoux.

Il l'avait laissée faire. C'était trop tard. Il lui était impossible d'espérer à nouveau se contrôler.

Elle s'installa plus confortablement et posa les mains sur les accoudoirs, le tenant de ce fait prisonnier entre ses bras.

Il essayait tant bien que mal de garder une expression froide et impassible, mais ses sens commençaient à le trahir, surtout au niveau d'une certaine partie de son anatomie.

Visiblement, elle le sentit, car elle leva vers lui un regard narquois :

« - Oui, je crois que je vais m'en aller, avant d'être encore une fois témoin de ton exceptionnelle self-maîtrise. »

C'en était trop pour Severus, il la souleva et la posa brutalement sur le bureau. Il approcha son visage près du sien et, en posant ses mains à plat sur le meuble de part et d'autre d'elle, il lui murmura :

« - Oui, je crois que ce serait plus prudent pour toi, en effet. Et que je ne te voie plus traîner par ici. Vas-t-en. »

Il s'écarta d'elle.

Elle ne demanda pas son reste, même si elle en avait envie, et quitta la pièce.

Au moment de passer la porte, cependant, elle l'entendit dire, d'une voix basse mais distincte :

« - Bien entendu, je vous attends ce soir dans mon bureau à huit heures, miss. »

« - Cours toujours. A mardi prochain. »

Et elle s'enfuit en courant.