Chapitre 9

Comme jamais

A partir du moment où il referma la porte et où il s'avança droit sur elle, son esprit sembla se vider et elle oublia ce qu'elle était sensée faire. Ou ne pas faire.

Sa bouche fondit littéralement sur la sienne et elle sentit ses lèvres douces et chaudes, sensuelles comme le velours…

Ses bras tout autour d'elle, ses mains dans son dos, dans son cou.

Ses pensées devenaient de plus en plus chaotiques, au détriment de ses sensations.

Il y avait de la passion, mais différente de la première fois.

Elle ressentait son désir, mais retenu et maîtrisé par le souci qu'il prenait d'elle.

Et étrangement, ce fut cette retenue qui lui donna la force de le repousser et de se dégager.

Elle vit aussitôt sur son visage réapparaître cette expression sérieuse, grave, qui avait disparu chez lui depuis le jour où il l'avait touchée.

Il l'observait, interdit.

Elle se disait qu'il ne devait pas savoir à quel point il portait en lui une élégance impériale. A quel point il l'avait fascinée, quelques instants plus tôt, lorsqu'il avait marché droit vers elle, sans la quitter des yeux, commençant à défaire sa robe.

Si dangereux, si prédateur, mais pourtant si honnête, si limpide dans sa démarche.

Dans une certaine mesure, sa droiture était totale, superbe. Presque naïve.

Inexplicablement, elle se mit à trembler. Son corps semblait ne plus vouloir lui obéir. Ses jambes commencèrent à se dérober et des larmes de nervosité emplirent ses yeux.

Elle se haïssait de cette faiblesse incontrôlable et inattendue.

Elle sentit soudain que c'était lui qui la maintenait encore debout, prenant tout son poids sur lui.

Sa nervosité s'accentua, et elle se mit à trembler de plus belle.

Puis elle cessa de lutter.

Elle entrevit dans le flou de ses larmes son visage grave et soucieux penché sur elle.

Elle sentit qu'il la portait.

Qu'il l'allongeait. Non. Elle ne voulait pas s'allonger. Elle n'était pas à ce point souffrante.

Elle ne voulait plus être à sa merci.

Mais une fois encore, elle cessa la lutte.

A quoi pensait-il ?

Il avait devant lui une fille terrorisée qu'il avait à moitié violée il y a deux jours de cela, et à laquelle il s'apprêtait à refaire subir le même sort…

Avait-il perdu la tête ?

Elle avait eu le courage de revenir lui faire face et il s'apprêtait à se jeter à nouveau sur elle avec toute l'avidité dont il était capable.

Elle tenta de se relever.

« - Reste tranquille, ne bouge pas. »

Il vint s'asseoir à ses côtés, le dos appuyé aux oreillers de son lit, la prenant dans ses bras.

« - Q'est-ce que tu as… »

Mais il n'osait pas vraiment imaginer de réponse à une telle question. Comme elle devait le haïr, comme il devait lui faire peur…

Il avait pensé à une tornade de reproches, à des larmes de désespoir, à un océan de souffrance, mais lorsqu'elle lui répondit…

« - Qui êtes-vous ? Pourquoi cela arrive-t-il… »

Il ne sut que répondre.

« - Je ne sais pas. »

Un question lui brûlait les lèvres, une question idiote, une question inutile, qu'il ne sentait plus en droit de lui poser, tant la réponse lui semblait évidente. Après tout ce qu'il avait pu faire. Lui faire. Mais…

« - Est-ce que tu me hais ? »

Il craignait tant une réponse désespérément définitive, qu'il ajouta aussitôt :

« - Est-ce que je t'ai fait peur ? »

« - Un peu. »

« - Pardonne-moi. »

Pour toute réponse, elle se blottit davantage contre lui.

Il en soupira de soulagement. Et de quelque chose d'autre… Mais quoi ? Un sentiment trop oublié…

Il vit alors, sur la main gracile qui s'accrochait à son épaule, un étrange dessin mouvant.

Il s'agissait d'un tatouage. Etrangement identique à l'un des siens.

Non, il était vraiment identique. Il fut soudain presque sûr que…

Il l'effleura.

« - Tu as un tatouage… »

« - Il n'est pas à moi. »

Et il comprit.

Dans un profond soupir, il lui murmura à nouveau :

« - Pardonne moi. »

Les larmes d'Hermione s'étaient calmées.

Mais Severus sentit à son tour deux sillons tièdes parcourir ses joues.

Elle ne les vit pas.

Il pria pour qu'elle ne vît jamais ses larmes.

Elle se sentait bien à présent, blottie dans la tiédeur de son corps à lui, perdue dans cet océan de tissu noir qu'elle avait tant appris à redouter, dans son odeur si particulière qu'elle sentait pour la deuxième fois de sa vie, mais d'une façon beaucoup plus poussée cette fois-ci.

Mélange d'herbes sauvages et de miel, de menthe et de laine, comme s'il avait passé la journée à la campagne… Puis elle pensa que c'était là l'odeur des ingrédients de ses potions qui avaient fini par imprégner ses vêtements et toute sa personne.

Elle écoutait le lent et profond flux et reflux de sa respiration, bercée, pelotonnée dans ses bras qu'il venait de serrer autour d'elle.

Et cette odeur… Elle ne s'en lassait pas…

Elle erra entre les limbes du sommeil un certain temps, éblouie, reposée, rassurée, en paix.

Dans un état de bien-être intense. Reconnaissante. En sécurité. Se sentant, pour une des rares fois de sa vie, à sa place.

Severus profitait le plus qu'il pouvait de cet état de grâce qu'ils partageaient, éperdu de reconnaissance à l'idée de cette confiance, de ce don de soi dont elle faisait preuve à son encontre, sans le juger, sans le mépriser, sans être dégoûtée, comme tous les autres, même après ce qui s'était passé…C'était un miracle.

Il tenait son corps léger serré contre lui, d'un geste farouchement possessif, faisant attention cependant à ne pas la serrer trop fort, pour ne pas entraver son sommeil…

Ils reposaient tous les deux à demi couchés sur les oreillers de son lit, dans sa chambre de directeur de Serpentard. Dans l'interdiction la plus totale.

Severus haïssait le bonheur qu'il savait trop fugace de cette nuit qui n'était qu'une trêve.

Il savait que le matin viendrait. Qu'elle le renierait. Qu'elle le haïrait. Que cela arriverait forcément un jour. Bientôt.

Il l'étreignit un peu trop fort à cette idée, et elle gémit. Il l'avait réveillée. Il s'en voulut.

Elle se détachait à présent de lui, et se mit à le contempler.

Il baissa les yeux.

La vue du professeur Rogue baissant les yeux sous son regard à elle, confus, pudique, la troubla au plus haut point.

Elle tendit une main pleine de tendresse vers son visage, et il la recouvrit de la sienne, le regard toujours baissé.

« - Regarde-moi… »

Il sourit, mais garda les yeux fixés sur sa robe.

« - Tu es si étrange… Et moi qui croyais être spéciale… »

Il embrassa la paume de sa main. Puis la mordit légèrement.

« - Je regrette », fit-il.

Point n'était besoin de davantage de mots pour savoir ce qu'il voulait dire.

Sentant que c'était à elle de faire un geste, un témoignage de son pardon, elle s'approcha de lui et l'embrassa doucement, le plus doucement qu'elle put, sur la joue. Puis sur le coin de la bouche.

Il la pressa à nouveau contre lui.

Elle enserra sa taille et commença à parcourir son corps, à travers sa chaste robe de professeur. Il vint saisir sa main un instant, la tint suspendue, comme s'il prenait le temps de la réflexion, puis la reposa sur son ventre, d'où il l'avait soulevée.

Elle murmura :

« - Tu te souviens, ce jour-là, dans la Réserve… »

« - Oui. »

« - Je ne sais pas… »

« - Moi non plus. Je comprends. »

Elle embrassa sa pomme d'Adam, puis son menton, puis sa lèvre inférieure.

« - Si tu continues… », fit-il pour la prévenir.

Elle ne se laissa pas impressionner, et l'embrassa plus franchement sur la bouche, caressant ses lèvres d'une langue sensuelle.

Il resserra ses bras autour d'elle et une de ses mains glissa jusqu'à sa nuque, tendre, douce.

Ses baisers étaient chauds, doux, elle fut émue de cette tendresse qu'elle ne connaissait pas chez lui.

Il avaient peu à peu glissé de sur les oreillers, et se trouvaient presque allongés maintenant.

En un élan, elle se coucha sur lui. Elle sentit nettement cette partie dure de lui… C'était si agréable à sentir en cet instant… Comme une gratification… Et elle se sentit inexplicablement rassurée.

Il soupira intensément, presque tremblant, et l'enlaça étroitement.

Hermione était plus que troublée. Sentir ainsi son corps dans toute sa longueur, chaud, palpitant, réagissant à chacune de ses caresses, à chacun de ses effleurements, lui faisait perdre la tête. Elle savourait, même au travers de son uniforme épais, l'agilité de ses mains brûlantes, qu'une vie passée à préparer consciencieusement potions et filtres avait rendues aussi habiles, précises, expertes et agiles. Tout simplement divines.

Sa langue ardente venait à présent explorer sa bouche, et l'idée que cette situation était dangereusement interdite pour tous les deux ne la gêna pas un instant.

La simple pensée qu'ils pourraient être chassés de l'école comme des malpropres pour ce qu'ils faisaient ne fit que l'effleurer avant qu'elle ne la relègue dans l'oubli. Cette main qui descendait lentement le long de son dos et venait enserrer la courbe tendre de sa fesse était tellement plus importante…

Encore…

Il la serra soudain presque brutalement, et la renversa sous lui. Encore une fois. Il était moins lourd que dans son souvenir.

Mais sentir ainsi son corps, avide de s'approprier le sien, la fit soupirer de bonheur.

Il était tendre…

Si différent.

Mais elle eut un sursaut de recul lorsqu'il chercha à défaire l'attache de sa robe.

Il sembla comprendre et la considéra un instant, avec un regard presque mélancolique.

Il n'insista pas.

Elle se mit à son tour à détacher lentement sa robe à lui, et il se leva pour plus de facilité.

Ce vêtement si austère. Qui cachait… Tant de choses.

Assise face à lui sur le lit, elle finit de lui enlever sa robe, puis elle défit sa chemise immaculée. Un instant, elle retraça de l'index les contours du pentacle renversé sur son cœur, puis ceux du dragon sur son buste. Il frissonna lorsqu'elle effleura son ventre.

Puis il fut complètement nu.

Il ne fit pas un geste pour retirer ses vêtements à elle.

Il reprit sa bouche et se pencha doucement sur elle jusqu'à l'allonger à nouveau sous lui.

Le sentir ainsi complètement nu contre elle, alors qu'elle était encore entièrement habillée, lui donna une sorte de sentiment de puissance et de domination.

Elle le sentait ainsi vulnérable, et peut-être était-ce là sa façon à lui de lui montrer sa confiance et son degré d'abandon pour elle.

Commençant à avoir une assez large connaissance de sa personnalité, elle comprit que ce geste était don énorme qu'il lui faisait.

Une preuve de confiance touchante et inestimable de la part d'un être aussi méfiant et secret qu'elle avait toujours soupçonné blessé, sans toutefois arriver à déterminer à quel niveau ni à quel degré.

Elle caressait la peau douce de son dos, puis la courbe rebondie de ses fesses. Ce contact éveilla un frisson gourmand chez elle, et elle les serra plus fermement.

Tout comme cette présence dure et familière, contre son ventre.

Elle le sentit souffler doucement contre son cou. Puis il vint mordiller sa lèvre, avant de l'embrasser à pleine bouche.

Elle le renversa à son tour, et vint ainsi se placer en position dominante.

Il lui sourit, et elle se dit qu'il possédait le plus beau sourire qu'elle ait jamais vu…

Cette situation la troublait tant que la tête lui tournait.

Elle pensa que vu la position dans laquelle elle était, elle aurait pu lui faire du mal, elle aurait pu l'humilier si elle avait voulu…Mais elle n'en avait pas le moins du monde l'intention.

Elle se plaisait à dévorer sa bouche, son visage de baisers, et il lui répondait langoureusement, passivement, presque comme une fille. Et il était si nu…

Non, c'était injuste, elle voulait être nue elle aussi, sentir cette peau fine et pâle contre la sienne.

Elle se releva et s'éloigna de lui, dégrafant enfin sa cape, sans le quitter des yeux.

Elle le détailla un instant, se passant négligemment la langue sur les lèvres, se délectant du spectacle de son corps nu, et il soutint son regard, de ses yeux sombres et veloutés, dénués de toute trace de pudeur.

Elle fut gênée bien avant lui et détourna son regard.

Il se décida soudain à l'aider.

Avec des gestes presque maternels, il vint défaire sa cravate et la dépouilla de sa chemise.

Elle se laissa faire, silencieuse, savourant ses mains sur elle, ses mains qui finissaient de la déshabiller.

Il l'allongea doucement sur les oreillers.

Elle se laissait faire, conquise.

Elle ferma les yeux lorsqu'il se mit à parcourir son corps, tout contre elle, des ses mains, ces mains inégalables, puis de sa bouche, sachant trop bien les endroit qui la rendaient folle, jusqu'au moment, le moment…

Le moment incontournable où un corps réclame un autre corps. Quand le contact des mains, du souffle et de la bouche ne suffit plus. Les sens exacerbés, la respiration saccadée…

Il ressentit ce moment en même temps qu'elle et, en prenant son temps, il vint se pencher sur elle, au-dessus d'elle, effleurant son corps sans toutefois le toucher vraiment, appuyé sur ses coudes, observant, se délectant de l'expression de son regard.

Elle était à en mourir d'envie.

Elle était tout simplement belle. Comme jamais.

Il effleura l'intérieur de sa cuisse du revers de la main, et elle tressaillit. Il laissa sa main errer un moment à cet endroit si sensible, savourant les réactions sur le visage offert et suppliant qu'elle offrait à sa vue.

Sans plus se retenir davantage, et avec une sorte d'avidité sauvage, il plaqua son corps contre le sien.

Elle eut un spasme de plaisir à ce contact soudain.

Il vit cela et, dans son élan, s'invita en elle.

Elle lui murmura une tornade de paroles brûlantes et, sa bouche contre la sienne, il aspirait une à une ces paroles.

Ses allées et venues devenaient de plus en plus violentes, et elle laissa échapper un courte plainte de douleur.

Il se força à ralentir et, lentement, doucement, la mena au plaisir. Lorsqu'il sentit l'approche du phénomène, il se laissa aller et atteint l'extase presque au même moment qu'elle.

Ils restèrent un moment ainsi, lui en elle, elle éblouie, heureuse, éperdue et reconnaissante.

Puis ils se blottirent l'un contre l'autre et s'endormirent doucement, au plus profond et au plus secret de la nuit.

Sans qu'ils le sachent, une relation tumultueuse et délicieusement interdite venait de commencer. Une drogue insidieuse qui réclamerait son dû, chaque jour, chaque heure.