Chapitre 16

La lettre

Un dernier baiser, et il était parti.

La pièce, l'ensemble de l'appartement était vide, froid, malgré le feu qui crépitait dans la cheminée.

Elle laissa traîner son regard sur les détails, les meubles familiers qui luisaient et semblaient trembloter sous la lueur dansante des flammes.

Ses mains se posaient tour à tour sur les livres, les objets, caressaient les tapisseries tandis qu'elle parcourait lentement la pièce. Elle laissait ses poumons se remplir de cette odeur, son odeur.

La pièce était encore pleine de sa personne.

Elle aurait pu se rouler en boule dans un fauteuil près du feu et se plonger dans un demi sommeil en attendant son retour, mais elle préféra s'installer à son bureau, dans ce fauteuil qui conférait une attitude majestueuse à ceux qui s'y installaient...Ou peut-être était-ce son occupant habituel qui lui transmettait ce caractère royal ?

Hermione n'aurait su le dire avec précision.

Et plus que jamais…Elle se posa des questions.

Son modeste secret concernant Viktor, même s'il n'en demeurait pas moins une information personnelle et confidentielle, ne pesait sans doutes que trop peu par rapport à tout ce que Severus lui cachait encore à propos de lui.

Elle le sentait profondément du côté du bien, et pourtant…Cela n'avait pas toujours été le cas.

Qu'avait-il donc pu se passer pour qu'il change de côté, et fondamentalement, qui avait-il été dans le passé ?

L'idée qu'il ait pu commettre des atrocités dans ce passé qui lui restait inconnu lui semblait surréaliste et ne cadrait pas avec le fait que Dumbledore l'ait accepté dans l'Ordre. Elle en déduisait donc qu'il n'avait pas du rester mangemort bien longtemps.

Mais comment avait-il eu l'envie de revenir du côté du bien ? Ses convictions au sujet de la pureté du sang avaient sans doutes été remises en cause…

Elle finit par n'en plus pouvoir de remuer toutes ces questions.

Il lui avait dit qu'il ne rentrerait sans doutes pas avant minuit.

Tout son travail scolaire était bouclé dans les intervalles vides de son emploi du temps de la journée, afin d'avoir le plus possible de temps libre le soir, tout en maintenant ses notes à un bon niveau. Mais c'était sans compter sur ses obligations de préfète…

Qu'allait-elle faire de tout ce temps qu'elle avait devant elle ? Mais bien sûr…Pourquoi n'y avait-elle pas pensé plus tôt ? D'autant plus qu'il faisait partie de ses préoccupations du moment.

Elle allait écrire à Viktor. Prendre enfin le temps de raconter à quelqu'un la chose étrange qui lui arrivait depuis quelques temps…Et elle en profiterait pour prendre des nouvelles du moral -plutôt en berne ces temps-ci- du célèbre attrapeur de l'équipe de Bulgarie. Elle sourit à cette pensée.

Elle attrapa une plume et un parchemin.

« Cher Viktor,

Je ne sais pas si tu vas bien mais je dois te dire que pour ma part, le bonheur est immense, en ce moment. Cela devrait durer toujours ! Ta dernière lettre me laissait penser que tu te sentais un peu mieux, même si tes problèmes demeuraient. Quoi qu'il arrive, ne te laisse pas rendre malheureux par des gens qui n'en valent pas la peine.

Sois toi ! Je serai toujours là pour te soutenir ! Attrape le bonheur quand il vient, peu importe le reste. Et tu peux me croire : je te soutiendrai toujours.

En ce qui me concerne, il y a quelqu'un…Que j'ai, en quelque sorte, rencontré. Il m'est difficile de pouvoir t'en dire plus. Je ressens un bonheur au-delà des mots ! C'est une réelle confidence, que je te fais. Je ne peux te révéler qui c'est.

Cela a été un tel bonheur, le jour où j'ai compris certaines choses…C'est difficile à expliquer, mais ça a commencé le jour où je suis entrée dans son esprit. Tu sais qu'il y a des façons de le faire…Bref, il m'a laissée entrer dans sa tête, ce jour-là.

Ca a été bouleversant.

Je pouvais ressentir ce qu'il ressentait.

Je sentais sa solitude.

Je me voyais telle qu'il me voyait et le plus surprenant était qu'à ses yeux, j'étais belle.

Belle! Dans son esprit ! Je crois que ça a été la plus grande (et la meilleure) surprise de ma vie !

Un tel renversement de l'ordre établi jusqu'à présent…

Radical. Et le pire, c'est que j'aime énormément y repenser. C'est si troublant ! Car si tu connaissais la situation…

J'aimerais tant t'avoir prés de moi. J'ai l'impression que toi seul peux me comprendre. Si tu savais…Tout ce que je ne peux pas te dire !

Je crois que ma lettre touche à sa fin.

Mes pensées t'accompagnent partout. Je t'embrasse bien fort et t'envois tout mon soutient !

Hermione. »

Elle avait tout écrit d'un trait, comme si les mots ne demandaient qu'à couler depuis sa tête jusqu'à ses doigts qui tenaient la plume.

Elle se relut et resta pensive, mais cependant satisfaite de ses mots, certaine qu'elle n'aurait pas pu exprimer de meilleure façon ce qu'elle ressentait.

Puis elle roula le parchemin avant de le ranger dans sa poche, en attendant de se rendre à la volière pour l'envoyer.

Elle remit un peu d'ordre sur le bureau et se sentit soudain très fatiguée.

Le lit délicieusement interdit du directeur de Serpentard l'attirait comme un aimant et elle se résolut d'aller l'attendre en ce haut lieu.

En entrant dans la pièce, Hermione se sentit imprégnée par une ambiance de solennité et à la fois de douceur, de sensualité. Mais peut-être était-ce ses propres sentiments pour son occupant qu'elle projetait là.

Elle marcha doucement vers le lit, savourant l'idée de ce qu'elle faisait.

A peine avait-elle posé le visage sur les oreillers que le sommeil vint engourdir son corps et son esprit.

Elle se laissa dériver vers l'inconscience.

Severus entra en silence dans ses appartements, prenant son temps, savourant à l'avance la joie de ce qu'il allait y trouver.

Lui-même était fatigué mais il reléguait cette sensation au fond de lui, presque inconsciemment. Un sentiment inhabituel l'habitait. Il ne pensait pas au bonheur, un bien grand mot ! Mais simplement à la joie.

Celle de savoir que quelqu'un l'attendait. Que quelqu'un avait des sentiments agréables à son égard. Il n'était pas vraiment sûr d'avoir jamais ressenti une telle chose auparavant. L'impression d'appartenir à quelqu'un. La fin de la solitude. Et tant d'autres choses encore…

Il vit la pièce vide et un plissement inquiet vint orner son front. Elle était là. Bien sûr qu'elle y était. Sans s'en apercevoir, ses mouvements devinrent plus rapides et fébriles. Elle ne pouvait se trouver ailleurs. Il sentait sa présence…

Il poussa la porte de sa chambre et vit sur le lit –un si grand lit pour une silhouette si petite - un spectacle à la fois des plus paisibles et des plus touchants.

Encore toute vêtue de son uniforme, elle était profondément endormie, roulée en boule au milieu du dessus de lit vert foncé. Ses cheveux ondulés épars sur l'oreiller étaient comme autant de serpents échoués sur le tissu immaculé.

Il s'approcha.

Elle n'eut pas le moindre mouvement. Son sommeil était profond.

Il approcha ses mains de l'attache en argent de sa cape, avant de la défaire en un geste. Il releva les couvertures. Puis le plus doucement possible, il la souleva et l'installa dans les draps. Elle se laissa guider et ne protesta même pas contre cette atteinte à son sommeil.

Il ramassa sa cape sur le lit et un parchemin en tomba. Il le ramassa et le posa avec la cape sur un fauteuil proche du lit.

Il se sentait tout-à-coup harassé et se traîna jusqu'à la salle de bain pour se laver entre autre de cette journée épuisante.

La peau encore humide, il regagna la chambre et se coucha avec soulagement, partageant une chaleur dont il n'avait pas l'habitude et qu'il savourait entièrement.

Mais le sommeil ne vint pas. La fatigue s'était à nouveau dissipée et son corps, son esprit même réclamaient celui de la personne étendue à ses côtés.

Et pendant qu'il se gonflait peu à peu de désir, elle semblait se figer de plus en plus dans l'attitude angélique d'un sommeil de plus en plus profond.

Il soupira. Si au moins il était rentré plus tôt…