Chapitre 17
La Chambre d'un Serpent
Severus endurait un long et ténébreux supplice jusqu'au moment où, s'apercevant enfin de sa présence à travers son sommeil, Hermione vint se blottir contre son épaule.
Il détourna la tête à ce moment-là, les lèvres pincées, presque ivre de sa chaleur corporelle qui semblait atteindre des sommets.
D'un ton désespéré qu'elle n'entendit pas, bien sûr, il murmura pour lui-même à travers les limbes de sa folie…
« - Tu me rends fou. »
Il eut un rire étouffé pour l'aspect pathétique de cette situation qu'il laissa pourtant se prolonger, les yeux mi-clos, convulsé de désir.
Le contraste entre sa fièvre et le paisible sommeil de sa jeune amante le mettait vraiment dans un état proche de la démence.
Il se passa la main sur le visage. Son front était moite.
Alors elle vint poser sa main sur son ventre et il ne songea plus à contrôler ses gestes.
A la faveur de la nuit.
A travers l'obscurité, l'ombre presque anonyme de ses mains se posa sur elle.
Tout n'était que souffle et sensation.
Elle gémit, non pas de plaisir mais de protestation contre cette atteinte à son sommeil.
Elle glissa d'entre ses bras et alla rouler à l'extrémité du lit. Trop loin…
Severus resta un moment désemparé, perdu entre les élancements désordonnés de son cœur et de ses reins, et son âme qui cherchait tant à être apaisée…
Alors un corps chaud se rapprocha du sien, un corps qui supportait aussi mal l'exil que lui, et une voix ensommeillée prononça une incantation.
« - Nebula. »
Un nuage évanescent de lumière phosphorescente sortit de la baguette d'Hermione et alla former un nuage luminescent au-dessus du lit.
Puis elle s'installa sur ses coudes et le contempla.
« - Je voulais t'attendre », fit-elle simplement.
Ses joues étaient déjà roses.
« - Tu as bien fait de ne pas le faire », lui répondit-il sans trop savoir pourquoi.
« - Vraiment ? »
Son ton était doux, gentiment espiègle.
« - Vraiment. »
Il détourna son regard.
Il se sentait comme pris en faute, tout-à-coup. Coupable d'avoir volontairement sacrifié son sommeil si utile à des fins bassement sexuelles, comme un aveu flagrant de cette faiblesse qu'elle suscitait chez lui. Lui si raisonnable, en apparence si responsable.
Severus réalisa également pour la première fois combien leur relation se trouvait à des lieues de la violence de leur toute première nuit.
« - Moi je crois que tu étais pourtant entrain… »
Elle s'approcha davantage de lui.
« - D'essayer de me faire comprendre quelque chose… »
Elle souriait, et commença à effleurer ses lèvres, au creux de cette lumière douce et tournoyante.
« - Tu essayes toujours de faire bonne figure » poursuivit-elle, « mais rappelle-toi ce ça n'est plus la peine de conserver les apparences devant moi. »
Et en signe de dépôt des armes, elle posa docilement la tête contre la peau de son torse.
Il resta immobile.
« - Tu es une tête de mule », fit-elle d'une voix triste.
Son cœur commençait à déborder, et ce fut comme si c'était le signal qu'il attendait pour la prendre dans ses bras et amorcer les premiers mouvements de l'amour. Ses mains glissèrent sur sa peau et l'installèrent sur lui.
Leurs bouches se fondirent l'une dans l'autre.
Il décoiffa avec application les mèches déjà folles qui tombaient tout autour du visage d'Hermione, savourant pleinement cette situation où son poids si léger sur le sien lui permettait de la sentir entièrement contre son corps.
Il eut alors la volonté inexprimable et irrepressible de laisser ce soir-là s'épanouir toute la violence des sentiments qu'il avait pour elle.
Il fallait qu'elle comprenne. L'étendue et la force de toutes ces choses.
Oui, cette force-là. Tout ce à quoi il avait renoncé pour elle, les derniers bastions de sa bonne conscience. Ces dernières limites qu'il avait franchies, les derniers tabous qu'il avait brisés pour oser la prendre, au delà de la folie de la première nuit.
Elle sembla comprendre la nature de ce désir, et en un sens, son désespoir. Du moins n'y opposa-t-elle pas de résistance.
Et ils recommencèrent, encore une fois. Fébriles, impatients. Dans la pleine satisfaction de l'interdit.
La violence dont il fit preuve n'était pas chargée d'animalité et de sauvagerie, mais de ferveur et d'intensité…
Il la renversa sous lui, déjà fou, et lut dans ses yeux qu'elle s'en remettait totalement à lui, confiante. Cela aussi, c'était nouveau. Peut-être n'aurait-elle pas dû, pensa-t-il. Elle était offerte, tremblante, la peau délicatement recouverte d'une pellicule de sueur. Ils se fondit en elle sans hésiter.
Elle frissonna de tout son corps tandis qu'il s'insinuait en elle, et gémit tout doucement contre son oreille, ce qui sembla l'encourager. Il embrassa sa bouche à la meurtrir tandis qu'il entamait un va-et-vient intense. Son bras remonta sous son dos brûlant et déjà humide, et vint empoigner fermement sa chevelure à l'arrière de sa tête. Il venait en elle avec une avidité dévorante, profondément, comme pour se perdre dans son corps.
« - C'est tout ce dont tu es capable ? » soupira-t-elle, volontairement provocante.
Il eut un léger rire et la pris au mot, accélérant la cadence et la violence de ses coups de reins. A un moment donné il eut presque peur de la meurtrir mais elle ne semblait pas détester ce qu'il avait l'audace de lui faire. A un moment donné, il crut qu'il allait la briser dans ses bras.
La violence de l'étreinte s'intensifia encore, et il comprit aux gémissements qu'elle laissait échapper qu'il l'avait meurtrie, en fin de compte. Ils roulèrent et il l'installa sur lui, assise, ses cheveux sombres lui tombant en cascade sur les épaules et sur les seins, frôlant presque son ventre.
Hermione entama un lent mouvement, ondulant doucement, et il vint saisir ses hanches pour lui imposer son rythme à lui. Elle se laissa guider. Il rejeta ses cheveux en arrière…
« - Je veux te voir… »
Elle se sentit tout d'abord nue, puis se plut à bouger sensuellement, attisant les sens déjà affolés de son amant. La langueur de cette position semblait ne pas lui suffire, et il roula à nouveau sur elle. Tant pis…Pensa Hermione, qui avait apprécié les avantages et les possibilités d'une telle position. Mais elle oublia tout cela lorsqu'il recommença à aller et venir en elle avec une violence délicieuse. Elle n'avait plus du tout mal, à présent. Elle l'encouragea à venir encore plus vite, plus fort…Il passa un bras sous son bassin et le colla encore plus au sien.
Il donna un trop brusque coup de rein et…
Hermione sentit qu'elle…S'envolait. Elle se laissa aller, gagnée par l'ivresse. Son esprit se vida et elle s'accrocha à l'homme au-dessus d'elle, extasiée, éblouie. Elle cria son prénom sans même le savoir. Ce fut comme si le ciel venait se poser sur eux. Severus perdit à son tour la notion de toutes choses, sauf de la femme sous lui et, soudé à elle, se laissa dériver vers le plaisir.
Ils restèrent longtemps sans bouger, puis Hermione lui murmura doucement à l'oreille, le croyant endormi…
« - Tu es un peu trop lourd pour moi. Tu ne veux pas te lever un peu ? »
Il se redressa un peu et la regarda à travers ses cheveux, souriant.
« - Non, tu restes là, tant pis pour toi. »
Il la défia un instant du regard, visiblement amusé, puis ils roulèrent de côté et serrés étroitement, finirent par s'endormir.
Le matin revint, rayonnant, éblouissant, détesté.
Le soleil s'insinuait à travers les lourds rideaux de velours vert foncé et Hermione songea au regret de devoir bientôt le quitter. Ses yeux s'ouvrirent difficilement et la première chose qu'elle fit fut de contempler l'homme encore endormi à ses côtés.
Quelles lueurs noires et souvent impitoyables se cachaient sous ces paupières cireuses…Et quelle douceur pouvait parfois en ressortir ! Etincelles de tendresse.
Et cette petite flamme qui dansait perpétuellement dans son regard et qu'elle n'avait jamais vue danser dans le regard des autres hommes.
Elle s'assit sur le lit et le contempla un moment, retraçant du bout des doigts le contour du dessin de serpent enroulé autour du bras de son amant.
Le serpent frémit, ainsi que son propriétaire.
Il leva les yeux et les tourna immédiatement vers elle. A l'instant même, son regard était insondable. Hermione détourna le sien, avant qu'il ne se mette à y deviner des choses…Elle s'en voulait de trop souvent baisser son regard sous le poids de celui de Severus. Se rendait-il compte que sa présence avait tendance à dominer naturellement celle des autres, et aussi les jugements portés sur lui ?
« - Il fait jour », fit-elle doucement.
« - De quoi parles-tu ? », répondit-il en souriant doucement.
« - Puisque tu le prends comme ça…Je vais me rendormir, je ne vais pas en cours. »
« - Moi non plus. »
Il ne la quittait pas des yeux.
« - J'aimerais bien voir ça », fit-elle en riant. « Moi c'est facile, tu n'as qu'à me faire un mot : « Je soussigné, professeur Rogue, directeur de Serpentard, autorise mademoiselle Granger à ne pas assister aux cours aujourd'hui, pour l'avoir moi-même mise dans l'incapacité de se concentrer sur ses études », j'imagine bien. »
« - Tu ne dois pas penser cela. »
Le ton de sa voix était grave, soudain, presque alarmé. Hermione évita à nouveau son regard.
« - Je ne le pense pas. J'ai toujours travaillé sérieusement », répondit-elle, mal à l'aise.
« - Peu importe, tu ne dois pas dire ça. »
Elle se tut, inquiète de ce quelle lisait sur son visage et dans le ton de sa voix.
Il se redressa sur ses coudes et s'assit en face d'elle.
« - Tu ne dois pas négliger tes études, quoi qu'il arrive. »
« - Je le sais. »
Et elle avait compris, aussi.
Au fond, il s'en voulait terriblement. De ce qu'il s'était laissé aller à faire. De cette liaison. Il se sentait coupable. Et sans doute coupable aussi d'avoir accepté de l'instruire sur les magies parallèles.
« - Je le sais bien », répéta-t-elle. « Ne t'en fais pas. »
Severus vit son regard s'assombrir et s'en voulut. Il songea à sa position, dans toute cette histoire. Il songea aussi au sac de nœuds inextricable qu'était peu à peu devenue son existence au fil des années, et surtout, qu'il était heureux comme jamais à cet instant précis.
Ils se séparèrent préoccupés, ce matin-là.
Une fois de plus, elle disparut au fond du couloir et Severus ne s'aperçut pas du plissement d'inquiétude qui s'était installé sur son front alors qu'il la regardait s'éloigner.
Il referma la porte de ses appartements et pensif, se dirigea vers sa chambre avec l'intention de revêtir une de ses sombres capes de travail.
Il allait tourner la poignée de l'armoire lorsqu'il suspendit son geste, son regard attiré par un objet clair à demi tombé sous son lit.
Il s'avança vers le lit encore défait de leur nuit passée, vision de cataclysme, draps enchevêtrés, odeurs et réminiscences…Mais il ne se laissa pas aller à contempler ses souvenirs et il se baissa pour ramasser ce qui se révéla être un rouleau de parchemin.
Sans essayer de se souvenir comment cet objet avait pu arriver là, il le déroula et le lut.
Une écriture familière fit résonner sa petite voix dans sa tête. Hermione. Il avait fini par si bien connaître son écriture…Guettant sa copie au détour des autres, un sourire attendri lorsqu'il tombait enfin dessus.
Avant même de songer à se censurer, il avait déjà lu la lettre en entier.
Immobile au milieu de la pièce, une expression tendue déformant ses traits, il lut et relut la lettre, cherchant des réponses et n'arrivant au fil de ses relectures qu'à se poser plus de questions que la fois précédente.
Et déjà, avant même qu'il ait compris comment ni pourquoi, il sentit le démon de la jalousie commencer à lui dévorer les entrailles.
