Poupée de sang

Par Tsubaki Hime

Merci à tous ceux qui m'ont envoyé des rewiews. J'ai été très émue de savoir que quelques personnes aimaient mes fics. Snif, ça me remonte à bloc et compte bien m'améliorer. Bizous énormes à tous, Tsubaki Himé.

Chapitre III

Le démon aux yeux d'argent

- Eh, t'as vu le nouveau?

- Ouais, il est avec Tatsuhiko, « le bizarre ».

Tous ces sentiments… Tels des pics et des poignards, ils lacéraient l'être d'Hisoka. C'étaient des sentiments de crainte, cachés par de la bravache exagérée. Une façade de vantardise enfouissant de la peur.

« Pauvres idiots… »

Le cours de japonais commença avec les tournures de phrases habituelles. Assis au premier rang, à côté de Kagura, Hisoka se tournait les pouces. Il n'avait pas besoin d'apprendre tout cela pour l'enquête mais ça faisait partie du rôle.

Kawashi se mit à parler du contexte du sujet et autre litanie inintéressante. Hisoka surprit presque tous les élèves à soupirer et à bailler discrètement, se plongeant dans leurs magazines plutôt que leur livre.

- T'es au courant à propos de Tatsuhiko? Souffla une voix au fond de la classe, portée par le courant des murmures.

- Non quoi?

- Il se serait fait un pote, le nouveau là… Comment qu'il s'appelle… Kurosaki…

Hisoka tressaillit et ses doigts se crispèrent autour de son stylo. Malgré lui, ses épaules se mirent à trembler. Qu'est-ce qu'il lui arrivait?

Il regarda Kagura du coin de l'œil. Le garçon ne se préoccupait nullement des rumeurs qui couraient sur lui, il s'en fichait éperdument. Toute son attention était reportée sur Kawashi, sur tout ce qu'il disait. Il était peut-être le seul de la classe à noter les leçons. Ses yeux étaient rivés sur le professeur, puis faisaient un va-et-vient entre le cahier et le tableau.

- Eh Kurosaki!

Un coude s'enfonça dans les côtes d'Hisoka qui retint une exclamation. Surpris, il vit Shinayama le toiser d'un regard noir.

- Qu'est-ce que tu fous avec Tatsuhiko? Je t'avais dit de ne pas le fréquenter! C'est un malade!

Il avait dit tout cela dans un murmure rageur.

- Ferme-la, Shinayama, répliqua Hisoka. T'es pas ma mère, je suis assez grand pour savoir « qui » est un malade dans cette affaire.

Les joues saillantes de Shinayama se colorèrent et sa bouche se tordit dans un rictus sans joie.

- Tu verras, Kurosaki, siffla-t-il. Tu ne paies rien pour attendre…

DRIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIING!!!!

La cloche sonna enfin, libérant les élèves d'une heure avant de reprendre les cours. Tous les élèves se levèrent promptement et sortirent de la classe sans noter les devoirs marqués au tableau. Hisoka, tout en rangeant ses affaires, s'aperçut que Kagura mettait encore plus de temps que lui.

Il bavardait avec Kawashi d'un certain auteur japonais. Curieusement, Hisoka le trouva moins renfermé sur lui-même. Il parlait d'une voix égale, toute aussi normale que d'habitude mais quelque chose avait éclairé son visage. Une lumière intérieure avait rejailli et maintenant faisait étinceler ses yeux noirs aux éclats bleu-gris. Il souriait presque, si on allait par là. Un sourire qui faisait penser sans conteste à Tsuzuki.

- Kagura, on y va?

Kawashi s'interrompit puis sourit à Hisoka.

- Tatsuhiko, tu pourras revenir tout à l'heure, s'il te plaît? demanda le professeur d'une voix polie. Il s'agit de la date convenue pour tes cours particuliers.

- Oui, je viendrai, assura prestement Kagura en essayant de calmer son enjouement.

Quelle lumière… C'en était presque incroyable.

Ils sortirent de la salle de classe. Après un court moment de silence, Hisoka se risqua à aborder un sujet épineux.

- Tu aimes beaucoup Kawashi, non?

A sa grande surprise, les joues de Kagura se colorèrent très doucement, comme s'il avait légèrement de la fièvre.

- Hum, hum, acquiesça-t-il, presque gêné. Il est très sympa avec moi. J'ai du mal en expression écrite et cela compte si je veux avoir un emploi plus tard, pour rédiger des C.V ou des lettres importantes. Alors Kawashi me donne des cours particuliers pour améliorer mon expression écrite. C'est l'un des rares profs qui se soucient de ses élèves.

Il regarda sa montre.

- Oups! Faut que j'y aille, je dois aller rédiger un exposé pour l'histoire!

Il fit un vague signe de la main à Hisoka avant de tourner à un couloir.

Hisoka repensa à sa mine réjouie à la fin du cours. Finalement, Kagura n'était pas un garçon si étrange que ça. Il avait du mal à s'affirmer, c'est tout. Pourtant, Hisoka, malgré le fait que le garçon restait impénétrable concernant son pouvoir d'empathie, sentait que quelque chose d'autre le bloquait. Une chose puissante, qui était en lui.

« Kagura… »

- Eh, Kurosaki!

Cette voix… Hisoka sentit son agacement monter en lui tel Konoé.

- Qu'est-ce que tu veux, Shinayama? T'en as pas marre?!

Shinayama le contempla avec un mépris glacial. Ses amis tout autour de lui faisaient de même, ne quittant pas Hisoka des yeux.

- T'as fini de faire ami-ami avec Tatsuhiko? Répliqua-t-il du tac-au-tac. T'es descendu dans mon estime, Kurosaki. Je te croyais mieux que ça et voilà que Kagura devient ton pote, c'est écœurant!

- Ouais! Renchérit un autre, un petit à lunettes. Tu vas finir par devenir comme lui à force!

Hisoka retint un sourire de dédain. Sans se soucier des autres garçons, il passa devant Shinayama.

- Tu as peur de lui, c'est ça? Fit-il à voix basse. Tu as peur qu'il te fasse la même qu'à ce Amano, je me trompe pas?

Oui, Hisoka ressentait tous ces sentiments à travers Shinayama. De la peur, voire de la terreur coulait en lui comme de l'eau glacée. Ce sentiment s'intensifiait, parcourait tout le groupe autour du Shinigami.

Shinayama blêmit.

- T'es… T'es aussi bizarre que Tatsuhiko! Lança-t-il vainement pour se redonner une contenance

Hisoka ne lui répondit pas et continua sa route. Lorsque, enfin, les sentiments de Shinayama se dispersèrent dans son âme, il soupira profondément.

« Pantin… »

- Hein?

Il se figea. Oh non, que… que se passait-il? Sa salive devint amère, sa gorge se fit sèche. Sa vue se brouilla.

« Non… Pas toi… Disparais! »

Comment cet homme pouvait-il lui envoyer une telle souffrance? Pourtant, il avait disparu à la suite de l'histoire sur le paquebot! Qu'est-ce que ça voulait dire?

« Ne te montre plus, disparais de mon existence! »

Cet homme, riant sous la lune rouge, l'avait tué. Et aujourd'hui, malgré les années, ce rire le pétrifiait de terreur.

La lune… l'avait affaibli.

- Ouille, ouille…

Tsuzuki retint une grimace. Plus jamais de sa vie il ne mangerait de la tarte à la myrtilles d'une telle piètre qualité! Il en fit presque le serment devant le roi Enma - qui, à mon humble d'avis, devait s'en ficher comme de l'an 40 - et décida dans la minute qui suivit de se rendre à l'infirmerie.

La porte s'ouvrit dans un grincement.

- Docteur?

La pièce était plongée dans la pénombre. Une odeur de désinfectant régnait dans l'atmosphère.

« Il n'y a personne… »

Il se dirigea vers l'armoire dont les faces de verre laissaient voir les divers médicaments et le propre reflet du Shinigami. Il avait le teint verdâtre, c'était mauvais signe.

- Voyons…

Il tendit la main vers un sirop contre les maux d'estomac.

- Je ne vous ai pas autorisé à prendre tout ce que vous vouliez dans l'armoire à pharmacie, mon cher Tsuzuki…

Cette voix…

Une main blanche referma brusquement la face de verre, faillant couper la main de Tsuzuki. Puis, le reflet par un bref rayon de lumière se fit voir. Tsuzuki se voyait, les yeux écarquillés tandis que, derrière lui, un sourire d'ange déchu aux lèvres, le visage pâle comme la Mort, ses cheveux d'un étrange argent tout aussi effrayant que ses yeux, se tenait un homme.

Cet homme… que Tsuzuki n'espérait plus rencontrer.

- Muraki…

« Mouton noir, où que tu ailles, je te torturerai, pour le plaisir de faire souffrir mon pantin…"

- Muraki…

C'était impossible, totalement inconcevable. Tsuzuki sentit un frisson parcourir sa moelle épinière, comme si des scorpions glissaient dans son dos. Inconsciemment, il se colla contre l'armoire à pharmacie, cherchant presque à s'enfouir dans la face de verre.

- Qu'est-ce… Qu'est-ce que tu fous là! S'écria-t-il, abasourdi.

L'homme aux yeux argentés eut un petit rire qui lui secoua ses larges épaules.

- Restez tranquille mon cher Tsuzuki ou je vais être obligé de vous faire une piqûre…

C'était bien lui. La même voix douce et grondante comme celle d'un fauve, cette manière élégante de se tenir, les mains dans les poches, ce sourire cruel teinté de mépris qu'il avait l'habitude d'esquisser… Il portait une blouse blanche qui ne faisait qu'accentuer la pâleur de son visage aux traits réguliers et tenait dans une main un dossier scolaire.

- Tu n'as pas répondu à ma question, taré de docteur! Répliqua Tsuzuki, de plus en plus décontenancé.

- Je ne suis pas obligé de vous obéir, Shinigami de mon cœur, sourit Muraki. Oh, que cela est amusant… Il suffit que je me trouve à un endroit pour que vous veniez. L'amour a une force extraordinaire.

Tsuzuki hésitait entre l'envie de partir en courant et la délicieuse idée d'empoissonner le docteur en train de le narguer avec tous les médicaments qu'il trouverait dans la pièce. Son visage doux s'empourpra, faisant briller ses yeux à l'éclat d'améthyste.

- Vous n'avez pas changé, votre visage à la pureté de la violette provoquera toujours cet indéfinissable trouble au plus profond de moi, ajouta Muraki d'une voix langoureuse.

« Tu veux savoir ce qu'il te dit, le gars au visage de violette?! », songea furieusement Tsuzuki.

- Ouais, presque deux mois ont passé et pourtant tu es toujours là, comme le serpent qui rôde autour de sa proie, siffla-t-il. Et je suppose qu'en « gentil » et « innocent » docteur que tu es, tu n'es pas au courant des meurtres qui ont coûté la vie à trois personnes travaillant dans ce centre, n'est-ce pas?

- Vous m'ôtez les mots de la bouche, Tsuzuki. Comment faites-vous pour deviner le fond de mes pensées? Non, pas vraiment. Il se trouve que je suis médecin ici depuis deux ans à peu près mais j'ai toujours trouvé le moyen de me faire remplacer afin de… poursuivre mes recherches. Et lorsque toute l'histoire sur le paquebot s'est terminée, j'ai donc pu retourner dans ce centre.

- Bah tiens, rétorqua Tsuzuki avec dédain. Le directeur de ton poste de travail se fait tué et toi, tu n'es pas au courant!

Le sourire de Muraki se changea subtilement. Ses yeux argentés se firent encore plus glacials qu'auparavant.

BAM!

Il poussa brusquement Tsuzuki contre l'armoire à pharmacie, son corps collé contre le sien. Ses bras se posèrent près de son visage tandis que son souffle effleurait ses joues.

- Cessez donc de croire que je suis toujours le fautif, dans cette affaire comme dans une autre, gronda-t-il, sa voix plus menaçante qu'un couteau sous la gorge. Je sais que vous avez la rancune tenace, surtout après ce qui est arrivé à la Princesse aux Camélias mais là, vous n'avez aucune preuve, aucun raisonnement me concernant.

Leurs lèvres s'effleuraient presque. Il suffisait que Muraki se penche un demi-centimètres de plus pour sa bouche se colle à celle de Tsuzuki.

- Si vous ne voulez pas mourir dans d'atroces souffrances après avoir avalé un médicament quelconque se trouvant dans cette pièce, vous avez intérêt à ne pas vous mêler de mes affaires.

Peu à peu, le son de sa voix se radoucit. Ses yeux eurent comme une étincelle de moquerie.

- Je vois avec plaisir que votre habit noir de surveillant vous va comme un gant, cela épouse vos formes sensuelles et en même temps si fragiles…

Il se recula doucement tandis que Tsuzuki se dégagea, essayant de mettre une plus grande distance entre lui et le médecin.

- Tu m'as déjà embobiné sur le paquebot, lança-t-il, furieux. Ne crois pas m'avoir une nouvelle fois.

Muraki esquissa un sourire, le même que leur première rencontre à Nagasaki. Une onde glacée semblait l'envelopper, infranchissable, une barrière acérée capable de tuer tous ceux qui l'approcheraient.

- Cinq poupées, cinq demoiselles dit-on, mais que firent-elle donc quand le bourreau les fit condamnées? récita-t-il d'une voix suave.

DRIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIING!!!!

La cloche retentit si fort et si soudainement que Tsuzuki sursauta. Ce geste lui provoqua une horrible douleur au niveau de l'estomac. Il avait complètement oublié avec l'apparition de Muraki ce qu'il était venu faire. Le docteur aux yeux d'argent s'en aperçut et dans un sourire, prit dans l'armoire à pharmacie un sirop.

- Tenez, contre votre mal d'estomac. Prenez-en dès que la douleur est insupportable.

Muraki aurait pu le menacer avec une terrible arme bactériologique que Tsuzuki n'aurait même pas changer l'expression de son visage qui avait blêmi tout d'un coup. Il considéra avec une terrible méfiance le liquide brunâtre qui tournait dans le flacon.

- Gare à toi si tu me refiles de l'arsenic, grinça-t-il après avoir longuement hésité.

Le sourire de Muraki se fit radieux.

- Il n'y a rien de tout cela dedans, mais j'aurais vraiment espéré vous offrir un philtre d'amour pour que vous tombiez dans mes bras.

Les joues de Tsuzuki s'empourprèrent de nouveau.

- Si je n'avais pas si mal à l'estomac, je te jure que…

Il fut interrompu par le bruit des élèves dans la cour.

- Vous devriez y aller, Tsuzuki, conseilla le docteur.

Ce regard glacial, aux éclats d'intelligence sournoise, Tsuzuki le sentit piquer sa nuque alors qu'il refermait la porte de l'infirmerie.

Cet homme, l'ange de l'Apocalypse, avait de nouveau croisé sa route. Un démon aux yeux argentés comme la lune avait fait surface, tel un vampire que l'on ne pouvait faire disparaître.

A suivre…