Chapitre 20

Si tu me fais battre le cœur…

Hermione ne se souvenait que vaguement de son retour à la tour de Gryffondor, après qu'elle eût quitté les appartements de Severus. Elle avait traversé le château un peu comme un fantôme.

Figée, elle ne s'était plus sentie la force de rien. S'allonger au sol et se laisser mourir, oui, c'était tout ce qu'elle s'était sentie la force de faire.

Elle n'avait rien pu faire et pourtant elle s'était battue comme une lionne. Il avait finalement gagné et elle s'était mise à pleurer comme une gosse, prête à s'effondrer à terre.

Il avait ramassé sa cape au sol puis l'avait reposée sur ses épaules.

Prenant grand soin de l'effleurer le moins possible.

Elle avait alors eu l'envie furieuse de se jeter du haut de la tour d'astronomie.

Et puis elle avait vu ses mains.

Ses mains qui tremblaient très légèrement, imperceptiblement.

Elle l'avait vu bien des fois vulnérable mais chez lui, ces mains tremblantes étaient si inattendues…Qu'elle réalisa alors l'étendue de l'effort qu'il fournissait lui-même pour la mettre ainsi à la porte de son cœur.

Il n'en pouvait plus.

Elle le comprit alors.

Alors elle l'aida.

C'était tout ce qu'elle était autorisée à faire, si elle voulait respecter sa décision. La dernière preuve de son amour. Elle se raidit, se força à respirer normalement, calmant ses larmes du mieux qu'elle put, et sortit lentement de la pièce. Elle l'entendait qui la suivait doucement, derrière elle mais toujours là.

Arrivée à la porte de ses appartements elle tendit la main pour en saisir la poignée, sentant alors son cœur se déchirer littéralement, mais sa main à lui la devança et ouvrit à sa place.

Hermione eut un haut-le-cœur mais s'obligea à faire ce dernier pas. Le couloir lui parut glacé, sombre et infini.

Elle hésita sur le perron de la porte, ivre de la souffrance qu'un tel acte lui demandait.

Puis ses pieds se mirent en marche, comme répondant à un automatisme, et aussi sans doute parce que le chagrin était tel qu'elle ne pouvait plus le supporter. Peut-être se calmerait-il si elle s'éloignait un peu…

Comme au ralenti, dans un silence ouaté, elle entendit le bruit mat de ses semelles sur la pierre froide. Elle l'avait fait. Elle était dehors. Comme il l'avait voulu.

Elle amorça un mouvement vers lui, peut-être un dernier regard, un au-revoir, une dernière parole éventuellement, les derniers mots qu'elle pourrait lui dire.

Elle voulut se retourner.

Mais la main de Severus s'abattit sur son épaule et l'en empêcha.

Ne te retourne pas, comprit-elle presque comme s'il l'avait suppliée à voix haute.

Pourquoi, mais pourquoi…Ca faisait si mal …

Le poids chaud de sa main, dernier contact, dernière fois, resta un instant puis disparut. Elle était seule, à présent.

Elle avança alors dans le couloir, comme morte, vers le monde de ténèbres qui l'attendait sans doutes, puisqu'il ne serait plus à ses côtés…

Elle n'entendit même pas la porte qui claqua, une fois qu'elle eut traversé la moitié de ce corridor sans pitié.

Severus s'était senti sur le point de faillir, alors il avait fermé cette porte avant de céder à l'envie mortelle de se précipiter pour la prendre dans ses bras. S'il avait fait cela, il aurait tout gâché. Tous ses efforts, et tout aurait été pire.

Condamnant ainsi leur histoire, il avait vite fermé cette porte entre eux, et sans doute aussi définitivement celle de son cœur.

Il fallait qu'elle parte.

Sans se retourner.

Un instant plus tôt, il l'avait empêchée de regarder en arrière.

Il ne voulait plus qu'elle voie ses larmes.