Poupée de sang
Par Tsubaki Hime
Voici donc le chapitre IX. Je ne pensais pas que j'irais aussi loin. Mais j'y suis et c'est déjà pas mal, non ? Certains d'entre vous aiment bien Kagura, cela me fait plaisir. Oui, oui ! Je pense faire quelque chose avec plus tard mais chut, surprise.
La Bataille commence… Bonne lecture à tous !
Blood Kiss !
Chapitre IXJe suis le bourreau
C'était il y a deux ans… Je m'en souviens parfaitement… La nuit aussi noire que tes yeux reflétait ta souffrance. Oui, tu souffrais. Tes larmes muettes se lisaient sur ton beau visage. Et moi, je te regardais. Lors de cet instant d'obscurité…, tu fus le mien…
« Tsuzuki… Tsuzuki… »
Le songe dans lequel s'engouffrait l'empathe était délicieux. Recroquevillé comme un petit enfant pris de froid, il dormait paisiblement, et ainsi retourner à cet instant unique qu'il avait partagé avec son partenaire.
Ses bras l'avaient enlacé et il avait pleuré. Pour lui. Ses larmes avaient été le symbole d'une chose que Hisoka ne parvenait pas à expliquer. Et cela n'avait pas d'importance. Tant qu'il fermait les yeux et prononçait ce nom qui lui tenait à cœur, rien ne comptait autour de lui. Pas même cet homme démoniaque. Pas même lui…
« Tsuzuki… »
Soudain, un petit vibrement perça le cocon chaud du rêve de l'empathe. Il ne voulut pas y faire attention mais pourtant, cela était désagréable. Sa main se crispa sur son oreiller.
« Mais qu'est-ce que… »
« RENDEZ-LE MOI!! »
ZBAMM!!
Une onde psychique brûlante frappa son esprit de plein fouet. L'attaque aussi vive qu'inattendue cabra le corps d'Hisoka qui bascula hors de son lit avant d'atterrir brutalement sur le sol. Le choc le réveilla complètement et aussitôt tous ses pouvoirs de Shinigami se mirent en éveil.
« Cette force… Qui aurait pu m'envoyer une attaque psychique aussi puissante? »
Une seule personne était capable mais cela était impossible. Non… cela ne pouvait pas être lui.
Hisoka s'aperçut que le verre posé sur la table de nuit de son co-locataire vibrait comme dans son rêve. Il tremblait, de plus en plus fort, comme pris de peur.
« HISOKAA!!! »
CHLING!!
Le verre, dans un ultime sursaut; éclat sous le choc de l'onde psychique, encore plus violente que la précédente. Les morceaux de verre furent éjectés dans les airs, ressemblant à des cristaux précieux. Atterré, Hisoka contempla les débris, sentant les ondes autour de lui devenant de plus en plus en plus empoisonnantes. L'air était chargé d'une horrible tension. Cette décharge psychique nouait les épaules de l'empathe, l'étouffait. Son cœur battait une chamade incontrôlée.
« Cette colère… Je peux la ressentir comme si j'étais celui qui la porte! »
Perdu dans sa pensée, il ne vit pas l'armoire chavirer vers lui.
« HISOKAA!! »
BLAM!!
L'armoire remplie de livres et de vêtements s'écroula sur Hisoka qui n'eut pas le temps de l'esquiver. Un craquement sonore se fit entendre tandis que le jeune garçon retint un gémissement. Une douleur sourde naissait dans son bras droit qui était tourné dans un angle inquiétant. A en croire la bosse qui ressortait sous la peau, son os s'était brisé. Malgré le fait que cela allait se cicatriser au bout d'une vingtaine de minutes, cela était fichtrement douloureux.
- Bon Dieu… Mais qu'est-ce qui se passe?
Il n'y comprenait plus rien. Les ondes tout autour de lui brouillaient toutes ses pensées et ses réflexions. Il avait tellement mal… en lui…
Il repoussa de toutes ses forces la porte de l'armoire qui s'était arrachée par l'impacte du choc par ses jambes ankylosées. Tout en relevant péniblement, il regarda les dégâts des attaques. Ca allait être pire, il le sentait. Il prit dans son tiroir son revolver de mission. C'était son arme favorite car malgré tous ses dons, il n'arrivait pas à contrôler les fuda, un comble lorsqu'on était un Dieu de la Mort.
Tout en courant le plus vite qu'il pouvait, la douleur persistant dans son bras blessé, Hisoka n'eut que cette pensée incessante, lancinante.
« Tsuzuki… Faîtes qu'il n'arrive rien à Tsuzuki! »
« Hisoka… Je me demande comment il va… »
Tsuzuki, pensif, marchait dans les couloirs menant aux classes. Des bribes de conversation des élèves lui virent difficilement. Les autorités avaient demandé que les élèves sortent de leur dortoir, le temps qu'ils travaillent dans le calme avec quelques surveillants. Tsuzuki ayant été relégué à la patrouille près de la bibliothèque, il n'avait pas eu besoin de calmer les gamins surexcités par ce qu'il était passé la nuit dernière.
Tsuzuki eut un petit soupir. La journée avait été très difficile et la pensée de perdre Hisoka de nouveau restait gravée en lui comme au fer chauffé à blanc. S'il ne tenait qu'à lui, il se serait précipité dans la chambre de son partenaire et ne l'aurait quitté que dans le lendemain, pour être sûr qu'il ne courait plus de risque de retomber dans son inconscience truffée de souvenirs artificiels.
La lumière dorée du soleil réchauffait la peau du Shinigami tandis que le ciel prenait une teinte rouge sang aux éclats bleutés de la nuit. Le crépuscule commençait sa course. Tsuzuki, aimant toujours les couchers de soleil, regarda un instant le ciel par la fenêtre.
« Tiens… »
Était-ce un effet de son imagination? Pendant une seconde, il crut voir la sphère solaire trembler. Il plissa les yeux, songeur. Le soleil pouvait-il vibrer ainsi?
Ce n'était pas l'astre mais bien la face de verre. La vitre tremblait, comme poussée par un vent invisible. Un minuscule frottement se faisait entendre.
« Mais qu'est-ce… »
Sa pensée se tut au fond de lui. Un frottement se fit entendre sur la vitre d'à côté, puis l'autre et encore l'autre. Bientôt, toutes les fenêtres furent prises de ce tremblement étrange. On aurait dit que des petites mains frappaient contre le verre.
Le bruit devint de plus en plus fort, de plus en plus violent. Un concert de murmures imperceptibles qui se mua en une plainte de plus en plus acérée.
« RENDEZ-LE MOI!! »
ZBAAAAAAAAMM!!
Une onde d'une extrême violence frappa toutes les vitres qui explosèrent sous le choc. Dans un fracas simultané, des cris d'élèves paniqués se firent entendre dans les classe. Abasourdi, Tsuzuki contempla les fenêtres crevées, éclatées par l'onde qui venait de traverser son esprit. Haineuse, brûlante… Elle semblait dévaster tout sur son passage.
- Bon Dieu mais qu'est-ce qui se passe?! S'écria Tsuzuki, sentant la colère enfler en lui.
CHRAAC!!!
La porte de la classe en face de lui fut déchirée. Cent kilos… Un meuble de cent kilos traversa la mince ouverture qui fut arrachée de ses gonds, lancée avec fureur vers Tsuzuki qui fut happé par la violence de l'attaque. Dans un grognement, il parvint à bloquer le meuble entre ses mains, ralentissant son écrasement contre le mur. Les pierres se fissurèrent sous le choc tandis qu'un liquide chaud coulait sur le front du Shinigami aux yeux d'améthystes.
Il repoussa violemment le meuble, encore un peu secoué. Sa tête lui tournait. Son crâne avait dû heurter trop brutalement le mur. Il ne comprenait pas ce qui se passait. Mais une angoisse gonfla dans sa poitrine. Ce qui se déroulait n'était que le commencement.
Il se rua dans la classe où tous les élèves, terrorisés, regardaient leurs chaises et les tables, comme soufflées par une bourrasque invisible, se jeter contre les murs avec violence. Les vitres avaient là aussi éclatées et Tsuzuki sut que c'était de même pour tout le bâtiment.
- Sortez d'ici! Cria-t-il. Sortez d'ici!Tout va s'écrouler!
Les pensionnaires ne se firent pas prier. Tous coururent le plus vite qu'ils purent en dehors de la salle complètement ravagée par les ondes meurtrières.
Tsuzuki courut avec eux jusqu'à la porte de sortie. Le sol tremblait sous leurs pieds comme si un géant voulait en sortir. Les ondes réunies entre elles avaient provoqué un séisme.
Qui était donc de posséder une telle puissance?
- Le préau! Le préau! Glapit un élève
- Merde…, grinça Tsuzuki
ZBAAAM!!
Une violente secousse fit vaciller les poteaux métalliques soutenant le toit du préau comme un château de cartes prêt à s'écrouler.
Horrifié, Tsuzuki entendit des hurlements. Des élèves, complètement tétanisés, n'osaient pas courir hors du préau pour se mettre à l'abri. Ils regardaient le toit prêt à s'abattre sur eux comme le couperet de la guillotine.
ZBAAAM!
Une nouvelle onde frappa les poteaux métalliques. Lentement, des morceaux s'écroulèrent sur le sol, tandis qu les hurlements des deux élèves s'intensifiaient.
« Je ne peux pas laisser faire ça! » Pensa Tsuzuki, paniqué.
La colère mêlée à la peur de perdre deux innocents ravageait son cœur. Oubliant les cris des autres élèves le prévenant du danger, il se rua sous le préau dont les tremblements étaient de plus en plus violents.
- Venez avec moi! Ordonna-t-il, essoufflé. Venez, je vais vous sortir de là…
Mais les deux garçons le regardaient avec les pupilles dilatées.
- On peut pas bouger, murmura l'un d'entre eux, pâle comme si la mort s'était déjà emparée de lui. Quelqu'un dans nos têtes… il nous ordonne de ne pas bouger… et on y arrive pas…
« Quoi? Mais qu'est-ce que ça veut dire?! »
- Attention! Hurla l'autre élève.
Un énorme morceau de fer se détacha de la paroi plus fragile que du papier. L'ombre menaçante venant du ciel s'approcha de plus en plus d'eux.
Le sang de Tsuzuki ne fit qu'un tour. La concentration perça son esprit plus vite qu'il ne le fallait et dans ses mains apparut dans une flamme bleue le papier étincelant d'un fuda.
- KEKKAI!! PROTÉGE-MOI!!
SCHLASSSHHH!!!
Un halo étincelant enveloppa la main de Tsuzuki qui dans un râle envoya l'onde magique sur le massif morceau métallique qui fut dévié de sa course par la bulle protectrice, se formant tout autour du Shinigami et des deux élèves.
Le choc des deux ondes combattantes, celle du Dieu de la Mort et l'autre de l'adversaire, provoqua une collision massive. Le sol se fissura jusqu'à la base du bâtiment des dortoirs, là où il n'y avait plus personne sauf…
Une ombre noire envahit le regard de Tsuzuki. Non… Il n'y avait personne sauf…
- HISOKAAAA!!!
Il poussa violemment les deux garçons hors du préau qui s'écroula dans un immense fracas, sous le regard abasourdi des élèves, des professeurs et des surveillants ayant tous quitté les bâtiments.
Mais il manquait quelques personnes. Deux élèves dont le médecin scolaire.
La lune commençait son arrivée splendide dans le ciel et contemplait dans son halo les désastres de celui qui avait été l'aimé d'une nuit…
- Tsuzuki! Tsuzuki!
Il ne devait pas être là. Il se devait de ne pas l'être. Hisoka, le souffle court, continuait d'inspecter tous les couloirs. Tsuzuki n'était pas au deuxième étage. C'était déjà ça.
Il accéléra le pas, son ombre devenant plus menaçante sur les murs fissurés par les nombreuses ondes ayant frappé le bâtiment. Toutes les vitres avaient éclaté et des débris de pierres tombaient à chaque instant, manquant d'assommer Hisoka s'il ne se montrait pas assez prudent.
Un silence de mort régnait dans le premier étage. Les ruines de certaines salles faisaient penser à l'effet d'une guerre entre ces murs. Hisoka retint sa respiration saccadée par sa fatigue. Son bras commençait enfin à se rétablir, la douleur devenait plus sourde mais il avait encore mal. La main crispée sur son revolver, il se tenait aux aguets.
- Tsuzuki! Tsuzuki!
Pas de réponse. Juste le souffle du vent lui murmurant une phrase qu'il ne comprit pas. Son pied marcha sur un éclat de verre reflétant la lune.
- Tsuzuki!!
Il n'était pas là. Heureusement. Hisoka eut un léger soupir. Comme il avait peur. La seule pensée d'imaginer Tsuzuki n'existant plus suffisait à lui produire d'affreux frissons.
- Hisoka…
Le dénommé sursauta violemment à l'entente de son nom. Il fit volte-face en brandissant son arme, la garde relevée, l'index crispé sur la gâchette. Sa main ne trembla pas.
- Qui est là? Répondez-moi!
Une ombre apparut au coin du couloir ravagé. Puis un petit rire froid se fit entendre.
- Hisoka… Je suis là… Ce n'est que moi…
La silhouette inconnue se présenta en face d'Hisoka. Puis, dévoilée par le nuage noir, la lune éclairait le visage parfaitement impassible de la personne ressemblant parfaitement à Tsuzuki. Ses yeux noirs étincelant comme des escarboucles semblaient sourire, d'autant que les éclats bleu-gris qui coloriaient son regard pétillaient d'une étrange lueur. Une lueur… froide. Comme celle d'un tueur professionnel.
Hisoka baissa d'un cran son arme, fixant le garçon dans les yeux. Malgré la pénombre, il savait parfaitement que ce dernier n'avait pas peur ni l'air gêné.
- Kagura… Qu'est-ce que tu fais ici?
- Je te retourne la question… Shinigami…
Le nom tomba comme une pierre, semblable à une insulte des plus ignobles. Hisoka tressaillit. Kagura fit un pas vers lui. Puis un deuxième. On avait l'impression de voir un tigre s'approchant de sa proie, mètre par mètre, comme pour ne lui faire peur.
- Kagura…, murmura Hisoka.
- Dis-moi où il est…, gronda le jeune garçon. Dis-moi où il se trouve.
- Qui? De qui veux-tu parler?
Les yeux de Kagura se durcirent.
- Ne joue pas ce jeu-là avec moi!!
ZBAAAAAM!!
Kagura tendit le bras vers Hisoka qui fut soufflé par une onde plus violente que tout ce qu'il venait de ressentir. Brûlante comme de la lave en fusion, tranchante comme une lame. L'attaque envoya Hisoka contre une porte déjà fragilisée. Il s'écroula dans la pièce, sentant une horrible douleur lui traverser le dos.
« Quelle force!! »
Il avait pratiquement volé plus de cinq mètres rien que par la puissance de l'onde. Il se remit péniblement debout, tenant toujours son arme à la main. Il n'avait pas eu le temps d'attaquer mais là, il devait ne plus se faire avoir.
Kagura s'approcha de lui, le regardant toujours de cette étincelle froide.
- Réponds-moi, sale Dieu, lança-t-il d'un ton menaçant. Ou je te jure que je n'hésiterais pas à te tuer.
Du sang perlait au coin des lèvres d'Hisoka. Ses yeux vert émeraude furent emplis de colère.
- Je ne sais pas de qui tu parles, répondit-il, imperturbable. Kagura, je ne sais pas qui se trouve où.
- Menteur!!
Kagura tendit de nouveau le bras vers l'empathe mais ce dernier fut plus rapide. Dans un ultime réflexe, il pointa le canon de son arme vers le front du télépathe.
PAN!!
La balle allait décider son sort…
- Hisoka!
Courir et tenir… Éviter les blocs de pierres s'écroulant à ses pieds. Il n'en pouvait plus. Toute cette angoisse et cette peur irréfrénable se cognait dans sa poitrine au même rythme que son cœur.
Le Shinigami aux yeux d'améthystes courut tout un couloir avant de stopper un peu. Il perdait haleine et son souffle, par la fraîcheur entrant à l'intérieur, se condensait en minuscules gouttelettes devant lui.
- Vous me semblez bien fatigué, Tsuzuki…
Cette voix… Encore une fois, Tsuzuki fut parcouru d'un frisson glacial. Les scorpions glissant sur son échine étaient de retour. Tout comme cet homme.
- Mu… Muraki…
Il se tenait près de lui, le toisant de son regard argenté. La lune se reflétait dans ses yeux maléfiques et dans le halo de l'astre, une enveloppe brillante semblait l'entourer, comme une barrière infranchissable. Le docteur sourit, ravi de voir l'homme qui le fascinait le plus être devant lui.
- Faites donc une petite pause, le temps de reprendre votre souffle. Nous aurons donc le plaisir de bavarder, vous et moi.
- Sal…
Tsuzuki se releva et vit une main blanche se tendre devant son visage. Deux doigts glacials effleurèrent ses joues.
- Vous transpirez, Tsuzuki…, fit une voix douce et sensuelle à son oreille. Reposez-vous, vous avez tout votre temps. « Nous » avons tout notre temps…
Des lèvres aussi froides que les paumes qui parcouraient son visage caressèrent une fugitive seconde le cou dénudé du Shinigami. Ce dernier frissonna de plus belle.
- Avez-vous froid, Tsuzuki?
- Oui, un froid de peur… Tu es un homme terrifiant, Muraki.
- Pas aussi terrifiant que vous, améthyste de ténèbres. Vous ne vous rendez pas compte de votre aura, de votre pouvoir qui fait de vous la bête surpuissante.
Tsuzuki tressaillit.
- Espèce de…
PAF!!
Il repoussa violemment Muraki dont le visage laissa passer un très court instant la surprise et le dépit. Puis de nouveau la face imperturbable et souriante réapparut.
- Ne me touche plus! Gronda Tsuzuki, ses yeux lançant des éclairs. Ne touche plus à Hisoka!
Muraki émit un petit rire qui fit frémir ses épaules. Il masqua élégamment sa bouche derrière sa main. Comment un tel homme, séduisant comme un ange, pouvait-il être le Diable en personne? Cette question, Tsuzuki se la posa une énième fois.
Le petit rire de Muraki cessa. Puis, dans un soupir, il rejeta la tête en arrière.
- A ce que je vois, vous ne voulez pas être traité par la méthode la plus douce. Très bien. Dans ce cas…
Il claqua dans ses doigts. Tout autour de lui apparurent des ombres difformes, à l'allure menaçante. Dans un gémissement à glacer le sang, leur corps se dessina, laissant apparaître des étranges créatures aux crocs aiguisés et aux yeux brûlants de haine. Une aura ténébreuse les enveloppait.
- Des démons vengeurs, souffla Tsuzuki, abasourdi.
Les lèvres de Muraki esquissèrent un rictus.
- Laissez donc les deux poupées se battre et nous, offrons-nous une danse endiablée.
Tsuzuki ne répondit pas, faisant naître au creux de ses paumes des fuda lumineux.
La danse du Diable… telle une escapade des Enfers, elle emprisonnait le Shinigami avec le démon le plus angélique qu'il puisse exister sur Terre…
PAN!!
La balle allait décider son sort. Et ce qu'elle eut à choisir fut une chose des plus douloureuses.
ZBAM!!
Une onde marquée d'une lumière aveuglante stoppa le morceau d'argent à un centimètre de la peau de Kagura. La chaleur qui s'en dégagea mêlée à la violence de la défense réduisit la balle en un mince filet de poussières qui disparut, porté par le vent.
Atterré, Hisoka contempla le résultat des pouvoirs de Kagura. Il était puissant. Beaucoup trop puissant.
- C'est tout ce que tu sais faire? Fit la voix acide du télépathe.
A cet instant, Kagura fut le parfait portrait de Tsuzuki, quelques mois plus tôt. Hisoka se rappelait exactement le visage de son partenaire lorsque celui-ci avait été emprisonné par le démon. Chaque parcelle de sa peau était figée dans un halo de feu invisible. Ses yeux durs comme le marbre laissaient éclater toute la rage qu'ils pouvaient contenir. Son corps tout entier était enveloppée dans une aura maléfique, palpable à en mourir.
Ce n'était pas Kagura. Ce n'était pas le garçon qu'il connaissait.
- Sale Dieu…
ZBAAAAAAAAAAMM!!
Une nouvelle onde, brûlante comme de la lave en fusion, souleva Hisoka du sol et le cloua violemment contre un mur. L'empathe, hébété par le choc, sentit plusieurs craquements au niveau de la colonne vertébrale et retint un cri de douleur. Sa main tremblante laissa échapper son revolver, comme en signe de défaite. Puis, sans qu'il ne comprenne comment, ses bras s'ouvrirent et se collèrent contre les pierres fissurées tandis que ses jambes ankylosées se serrèrent l'une contre l'autre.
Il était totalement prisonnier de l'onde qui le parcourait. Tel un crucifié, il contemplait de ses yeux déformés par la douleur Kagura qui, le bras toujours tendu vers lui, eut un petit sourire cruel.
- Tu as beau être immortel, Hisoka, je connais le moyen de te tuer… Un Shinigami ressuscitera toujours, tant que le corps est touché. Mais là…
Son poing se ferma, comme s'il écrasait quelque chose entre ses doigts.
-AAAAAAAAAAAAH!!!
Jamais Hisoka n'avait ressenti pareille douleur. Son crâne semblait avoir été traversé par une épée meurtrière. Du sang jaillit de sa bouche en même temps que son cri et deux lumières aussi vives qu'un néon lui passèrent à travers les yeux. Son esprit venait de se prendre une onde psychique plus que violente et son corps assumait les conséquences de sa souffrance.
Haletant, les membres parcourus de spasmes incontrôlables, il entendit dans un faible brouillard le ricanement de Kagura.
- Si c'est l'esprit qui est touché alors le Shinigami ne survivra pas, fit-il d'une voix grondante. Maintenant, je te repose la question: où est-il?
La douleur devait de plus en plus insupportable. Recrachant une nouvelle fois du sang, Hisoka ne put articuler qu'un mot:
- Tsu…zu… ki…
Le regard de Kagura s'enflamma.
- Si tu ne veux pas répondre, alors crève!
Son poing se ferma de nouveau. Et la douleur en résultat fut la chose des plus horribles du monde.
- AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHH!!!!!!
Le cri qui s'échappa des lèvres de l'empathe résonna dans tout le bâtiment, prenant la conscenance d'un hurlement de mort.
- J'en appelle au glorieux soleil de l'Est! Que ces âmes ténébreuses soient purifiées et retournent dans leur monde!
FLAAASSSH!!!
Le fuda, dans une enveloppe lumineuse, fit jaillir un rayon bleuté qui fit disparaître la créature noire. La chair ténébreuse se transforma en poussières s'échappant par les vitres éclatées.
Essoufflé, Tsuzuki contempla les résultats de ses pouvoirs. Il avait déjà éliminé quatre démons vengeurs et pourtant il semblait qu'il y en avait de plus en plus. Se tenant face à lui, Muraki riait, et invoquait à chaque fois autant d'ombres que Tsuzuki en éliminait.
- Nous n'en avons pas fini, Tsuzuki! S'exclama le docteur, hilare. Tant que vous ne comprendrez pas ce que je tiens à vous dire, nous nous battrons, encore et encore, jusqu'à ce que votre corps me revienne!
- Rêve toujours, docteur pervers! Répliqua Tsuzuki, faisant apparaître trois nouveau fuda lumineux. Ecarte-toi de ma route si tu tiens à la vie!
Le rire de Muraki s'intensifia, jusqu'à prendre un accent grave d'hystérie.
- Hahahaha!! Votre noblesse de cœur m'étonnera toujours, mon cher Shinigami! Je suis un être dont la mort ne veut plus de moi, vous devriez le savoir! Mon jugement n'est pas encore déclaré et il ne le sera jamais! Je serai un être immortel, protégé de vos ailes noires par ma seule volonté! A vous, démons vengeurs!
Il claqua de nouveau dans ses doigts et, poussant un râle affreux, six nouvelles ombres apparurent, comme recrachées par les murs fissurés. Leurs yeux brûlants eurent la lueur du mal.
Tsuzuki se mit en garde, son fuda brillant entre ses doigts.
- Muraki, prépare-toi à…
- AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHH!!!!!!
Le sang de Tsuzuki se glaça dans ses veines. Son cœur s'arrêta de battre une seconde qui parut une éternité. Ce cri… perçant et douloureux. Et cette voix… Tsuzuki ne la connaissait que trop bien.
La panique gonfla en lui.
- HISOKAAAAAA!!!!
Il était là, au premier étage. Juste un étage à traverser. Mais c'était sans compter avec les démons vengeurs qui se réunissaient autour de lui. Il lui fallait gagner du temps. Mais comment?
Muraki, en entendant le cri d'Hisoka, rit de plus belle.
- Enfin quelque chose d'intéressant! J'attendais ce moment avec impatience! Les pouvoirs de Kagura ont décuplé et leurs ondes meurtrières assaillissent toutes les vibrations qui se trouvent dans ce bâtiment. Il ne tient qu'à lui de faire écrouler ces pierres, Tsuzuki. Et votre cher petit avec.
- Espèce de…
Les yeux de Tsuzuki se durcirent et s'assombrirent. Cet homme… C'était à cause lui qu'Hisoka était retenu prisonnier. C'était inhumain.
La puissance coula dans les veines du Shinigami, percèrent dans son esprit. La mélodie des rois de Meifu emplirent son âme et son cœur. Son regard se ferma et, joignant les doigts, il se mit à réciter le monologue sacré.
- J'en appelle humblement aux douze dieux qui me protègent…
Le souffle de l'air se mit à devenir tiède. Les bouts de verre sur le sol eurent comme un étrange éclat.
- Pour t'invoquer devant moi…
Un halo doré enveloppa Tsuzuki dont les paroles graves résonnaient entre les pierres. Un cercle lumineux se dessina tout autour de lui, l'emprisonna dans sa propre invocation. A cette onde sacrée, les démons vengeurs eurent comme un tremblement.
- Apparais…
La lumière devint de plus en plus aveuglante et chaude. Les doigts du Shinigami se crispèrent en une prière de protection. Ses yeux se rouvrirent brusquement et dans ses prunelles, une flamme brûla.
- SUZAKU!!
Un cri d'oiseau déchira l'air étouffant. Dans une mélodie divine, un couloir de feu se forma tout autour de Tsuzuki qui fut enveloppé par deux immenses ailes d'or et de sang enflammé. Une tête rougeâtre apparut, munie d'un bec acéré; un corps majestueux se retira de l'ombre, attirant tout l'éclat du verre comme des cristaux. Un regard d'ocre précieux croisèrent les yeux d'améthystes de son invocateur avant de se poser sur les démons, traîtres misérables, tentant de se cacher dans les ténèbres.
Le rire de Muraki s'intensifia, devenant le chant funèbre de sa folie.
- HAHAHAHAHA!!! Magnifique!! Que de splendeur contemplée! Suzaku, l'oiseau de feu protecteur! Cela faisait bien longtemps que je l'avais pas vu!
Son regard, comme un éclair de chaleur, cessa soudain tout amusement. Un rictus cruel se dessina sur ses lèvres.
- Je vois que vous voulez passer au niveau supérieur, cela ne me dérange pas…
Le corps du docteur fut enveloppé d'un halo argenté. Ses mains blanches se joignirent dans une prière de magie noire et sa voix grave emplit l'atmosphère. L'incantation commençait:
- Que les faibles te soient destiner…
Dans un gémissement glacial, un à un, tous les démons vengeurs disparurent en poussières, ne laissant d'eux que cette onde ténébreuse. Le halo enveloppant Muraki devint encore plus lumineux. La froideur de son regard n'était pratiquement rien comparée à la puissance qui se détachait de son pouvoir.
- Que les ténèbres soient tiennes… Que les innocents deviennent tes victimes… et que ton corps réapparaisse, craché des Enfers. Je t'invoque en mon nom et je t'ordonne d'apparaître…
Un pentacle se traça de lui-même tout autour du docteur. Un cri venant des entrailles de la terre répondit à cette demande maléfique.
- ORYU!!
Une lumière aveuglante jaillit des pierres. Tsuzuki, ébloui, tenta de voir la créature dont les ondes le faisaient frémir. Un corps tout d'écailles d'un blanc immaculé, la blancheur d'un monstre déchu, long et agile comme celui d'un serpent; des ailes crochues apparurent sur son dos et battirent l'air avec violence; des yeux vert comme l'émeraude, avec l'étincelle démoniaque perçant les pupilles verticales le toisèrent avec haine et fureur.
Le Roi Dragon contre le Dieu du Feu…
L'attaque allait être terrible…
Les deux hommes, pourtant, pris dans leur puissante invocation, ne virent pas les trois ombres aller au premier étage.
- Aaah… Argh!!
Du sang de nouveau sortit de sa bouche. Mon Dieu, qu'il avait mal… Tout son corps ne touchant plus terre, était prisonnier de l'onde invulnérable de Kagura. Son esprit vacillait, il avait l'impression qu'il allait sombrer dans la folie. Si cela n'avait pas été fait.
Ses yeux mi-clos laissaient couler des larmes rouges, ses veines palpitaient violemment au même rythme que son cœur cisaillé. Il ne ressentait pas les émotions du télépathe mais cela n'était pas important. Tout se lisait dans son regard furieux, dans sa haine intolérable.
Les bras en croix, le visage penché vers le sol, Hisoka sentait l'inconscience le guetter, malgré tous les tremblement de son pauvre corps en lambeaux. Il n'était pas assez fort pour contre-attaquer. Son arme était par terre, le narguait dans sa douleur. Tsuzuki n'était pas là. Il était seul face à celui qu'il avait cru être un « ami ».
- Tu résistes bien, pour un Dieu de la Mort, ricana Kagura. Cette onde aurait dû être la dernière mais comme tu as l'air de vouloir souffrir, je vais m'en donner à cœur joie. Tu me l'as pris, tu l'as emmené dans un endroit où je ne peux pas venir le rejoindre. Alors, dis-moi où il est?
Le souffle d'Hisoka était aussi faible que le murmure du vent.
- Je… ne… sais… pas…
- MENTEUR!!
Kagura tendit le bras vers l'empathe qui semblait ne plus le voir, ni l'entendre, juste tomber dans un immense gouffre sans fond. C'était fini de lui…
- Tu vas mourir!
- KAGURAAAA!!!
La main du dénommé se figea en plein mouvement. Abasourdi, il se retourna et vit, haletant…
- Professeur Kawashi? Murmura-t-il, les yeux écarquillés.
C'était bien lui. C'était bien l'homme aux yeux bienveillants, au sourire rassurant. Kagura sentit son cœur bondir de joie.
- Professeur!
- Kagura, lâche ce garçon! Ordonna Kawashi d'une voix sèche. Laisse-le tranquille!
Deux silhouettes apparurent derrière Kawashi. C'étaient deux hommes. L'un avait les cheveux longs et dorés comme les épis de blé, attachés en une soigneuse queue-de-cheval. Habillé d'une blouse blanche, il ne quittait pas de ses yeux ambrés le corps collé contre le mur, en proie à un très proche évanouissement. L'autre, un peu grand, fixait Kagura de son regard bleu; ses cheveux châtains avaient un reflet doré à la lune et son costume impeccable laissait imaginer un travail important.
- Hisoka! S'écria l'homme à la blouse blanche.
Il fit un pas mais Kagura fut plus rapide.
PAN!!
Dans un geste calculé, le jeune homme s'était penché et dans le même mouvement avait pris l'arme d'Hisoka avant de tirer sur le scientifique. Son salut n'était dû qu'à son geste de recul, lui permettant ainsi d'esquiver la balle qui lui était destinée.
- Watari!!
- C'est bon, Tatsumi…
Kagura lança un regard noir à Kawashi.
- Qui sont ces gens?! Que font-ils ici? Ce sont eux qui vous ont emmenés, n'est-ce pas?
Kawashi soupira. Il ne fit qu'un pas vers le jeune homme qu'il aimait.
- Je te prie de m'écouter, Kagura. Ils ne m'ont rien fait… Ce sont des…
- Shinigami, je sais! L'interrompit Kagura. Des Dieux de la Mort qui vous ont enlevé! Des sales démons!
Il jeta un coup d'œil à Tatsumi et Watari, dégainant l'arme vers eux.
- Ne m'approchez pas! Cria-t-il comme d'un avertissement. Faites un seul geste vers moi et je tue Hisoka!
Le visage de Tatsumi devint impassible. S'il ne tenait qu'à lui, Kagura serait déjà éliminé. Mais la survie d'Hisoka était plus importante. De plus, pour une obscure raison, le fait que Kagura ressemble parfaitement au Shinigami qu'il avait tant aimé autrefois le laissait mal à l'aise. Il avait comme l'impression de le retrouver à ses débuts.
Le secrétaire de l'Enma-Cho lança un regard à Watari qui impuissant, regardait Hisoka dont le corps n'était soutenu contre le mur que par la force surpuissante des pouvoirs psychiques de Kagura. L'empathe n'allait pas tenir longtemps.
Kawashi fit de nouveau un pas vers Kagura qui, pris de panique, pointa le canon de l'arme vers lui. Mais là, sa main se mit à trembler.
- Kagura…, murmura le professeur de japonais. Ecoute-moi… Ils ne m'ont rien fait de mal, je te l'assure. Ils m'ont juste emmené à l'Enma-Cho pour me protéger. Tu comprends?
Le télépathe secoua énergiquement la tête. Un sourire amer se dessina sur ses lèvres.
- Vous dites ça depuis le début, grinça-t-il. Depuis le début, vous me dites que personne ne vous fait du mal. Mais vous mentez. Vous me mentez tout le temps. Vous avez dit ça pour Eiji, puis Mayumi, Migamôto et Shinayama.
La garde de l'arme se releva dans un déclic angoissant. Kagura eut un petit rire nerveux.
- Tout ce que j'ai fait, je l'ai fait pour vous, professeur. Pour vous protéger… j'ai de nouveau endossé mon costume de meurtrier.
Tatsumi et Watari écarquillèrent les yeux, abasourdis. Le visage aux traits réguliers de Kawashi blêmit.
- Kagura…, souffla-t-il. Ne me dis pas que…
A sa grande horreur, le jeune homme hocha la tête. Mais il continuait à sourire, ce sourire cruel et froid. Lentement, avec ironie, il pointa le canon du revolver contre sa tête, là où battait la tempe.
- Les quatre poupées sont mortes grâce à moi… Je suis le bourreau…
A suivre…
