Chapitre 25

Tu redeviendras poussière…

« - Qu'est-ce que tu as… »

Une fois de plus, elle s'était laissée aller à ses pensées, et Ron s'en était aperçu. C'était encore arrivé, et cela ne lui ressemblait pas.

Elle autrefois si vive, si alerte, était devenue moins enthousiaste, plus grave, presque maussade par moments. Harry qui avait pris, étrangement, le rôle de confident auprès d'elle le lui avait confirmé.

Heureusement, ses résultats étaient toujours aussi bons, puisque les études avaient toujours eu une place particulière dans son univers, un moyen d'oublier les difficultés qu'elle rencontrait, de prouver…

Mais de plus en plus souvent, elle s'éloignait sans s'en apercevoir de la réalité quand son intellect n'était pas stimulé. Comme maintenant.

Même Ron, son ami, son amant, même lui n'arrivait pas à capter son attention ces derniers temps.

Il caressa sa joue avant de l'embrasser doucement. Puis d'un air triste, il murmura :

« - Je ne sais pas à quoi tu penses… »

« - Je ne pense à rien ! », l'interrompit-elle un peu trop vivement.

« - Mais je suis certain que si je le savais… »

Elle chercha à parler mais il lui ferma la bouche d'un baiser.

« - Ca me déplairait énormément », termina-t-il.

Il soupira.

« - Je ne pense à rien », dit-elle encore.

Il attendit longtemps avant de répondre, si bien que lorsqu'il le fit, elle sursauta légèrement.

« - Tu ne me dira jamais qui c'est, n'est-ce pas ? »

« - Il n'y a personne. »

Cette fois il garda définitivement le silence.

Ce ne fut pas qu'ils se mirent à moins s'aimer…Ils se virent moins, c'est tout. Plus tard, elle comprit que la façon dont elle l'aimait excluait toute forme de dégradation.

C'était Ron, tout simplement.

Elle ne sut pas s'il en souffrait, mais s'en douta un peu. Son ami.

Il avait compris, il l'avait laissée s'éloigner. Peut-être avait-il pleinement satisfait son amour, mais elle croyait peu à cela. Il avait bel et bien grandi.

Peut-être même plus qu'elle, et en un temps si court…

Un matin, comme dans les histoires, elle se réveilla et se surprit à penser qu'ils n'étaient plus qu'amis.

Mais pour combien de temps ?

Cette amitié amoureuse risquait bien de s'étirer à l'infini, se poursuivant sur toute leur existence. Car elle pourrait encore faire avec lui…Cela était si beau…

Mais les ASPICs approchaient.

Leur approche lui permettait parfois d'oublier la tension qui s'accroissait de jour en jour à l'extérieur.

Maintenant elle avait peur tout le temps. Pour tous. Et pour…Lui, aussi. Tant de fois. Elle qui ne croyait en rien, elle se surprenait à prier, souvent.

Ainsi, Hermione étudiait avec un sérieux qui plus que d'habitude, semblait agacer tout son entourage.

Pourtant, c'était justement le moment de se mettre en condition, pensait-elle alors qu'elle balayait du regard la vaste salle de la bibliothèque, presque vide en cette journée ensoleillée d'Avril.

Mais elle-même n'avait-elle pas envie de tous les rejoindre, eux qui se prélassaient sur les rives du lac, profitant du premier jour de soleil depuis semblait-il des mois ?

Juste un peu.

Et puis cela ferait quoi, si elle sortait maintenant ? Elle avait trois chapitres de révision d'avance sur le programme qu'elle s'était fixé.

Une partie d'elle la traita de gourde irresponsable lorsqu'elle se leva en un raclement de chaise, faisant claquer ses livres en les refermant avec une joie presque lisible sur son visage.

Une toute petite partie.

Le soleil, dehors, l'attendait.

Comment imaginer que le mois suivant, le monde sorcier plongerait dans le chaos total pour presque aussitôt revoir la lumière du jour ? Enfin.

Car Harry avait vaincu. Une fois de plus. Mais cette fois on espérait que ce serait la bonne.

Elle, Ron, ils avaient tous pris d'énormes risques. Sur le Chemin de Traverse, où avait eu lieu la bataille finale, ils s'étaient battus comme des lions. Ou plutôt…non, comme des adultes. Des adultes.

Au loin, elle avait vu Severus se battre comme elle n'avait jamais imaginé qu'il sache le faire. Elle savait qu'il avait tué Lucius Malefoy.

Drago n'était apparu qu'à la fin du combat, un peu comme s'il s'était décidé au dernier moment. Il avait sauvé la vie de Harry, elle le savait, permettant ainsi d'effectuer la Prophétie dont le sens lui parvenait enfin dans toute sa réalité.

Les vitrines en feu, le verre brisé, les cris, les sorts se croisant dans un ciel baigné d'une fumée rougeoyante, les Aurors, l'Ordre, tout cela lui donnerait longtemps des cauchemars.

Elle était présente lorsque Harry avait tué Voldemort. Elle n'avait pas saisi l'essentiel de la scène, imprégnée d'une magie incroyablement forte et mystique, et la façon dont s'y était pris Harry pour tuer le Mage Noir l'intriguait encore énormément. Elle n'était pas sans ignorer cependant que la bataille avait été essentiellement mentale.

Peut-être avait-il dû lui-même céder une partie de son âme, qui sait ?

Elle n'osait pas encore lui demander de raconter cela. Son ami s'était enfermé dans un mutisme presque total qui, sentait-elle, durerait un certain temps.

En un mot, il avait été secoué. Mais il s'en remettrait.

Drago et elle avaient été les seuls à assister à cela. Ca s'était passé chez Ollivanders, dans les décombres du magasin ravagé par la bataille.

Les rayons, les dernières piles de boîtes s'étaient progressivement effondrés, puis Harry et le Lord Noir avaient lévité à l'intérieur d'une boule de lumière insoutenable, et elle et Drago n'avaient alors plus saisi grand-chose à se qui se passait.

Ils s'étaient blottis l'un contre l'autre, comme deux enfants prêts à recevoir une correction. Malefoy avait resserré son bras autour d'elle en un geste protecteur, puis tout s'était brusquement arrêté, la lumière s'était dissolue, le vent qui soufflait était tombé.

Harry gisait à terre, convulsant, et le corps du Mage Noir –son corps - semblait avoir été soumis à une cuisson dégoûtante.

Lord Voldemort était mort, bien mort, et son corps avait tout d'une dépouille mortelle, si ce n'était l'aspect monstrueux de sa peau blafarde et l'éclat éteint de ses yeux rouges. Mais même sa dépouille résonnait encore de vibrations trop mystiques et elle avait espéré que ce corps répugnant serait réduit en poussière comme il se devait. Elle ne s'en approcha donc pas trop.

Le Mage Noir était mort, comme un simple sorcier mortel. Son corps gisait. Son corps.

Il était redevenu poussière, ce qu'il n'aurait jamais dû cesser d'être.

Harry, son ami, ne reviendrait pas à l'école, bien entendu. Son repos était indispensable.

Elle et Ron avaient eu le choix de passer ou non leurs examens, et ils avaient décidé de les passer. Ils se sentaient le devoir de le faire. Voldemort ne devait pas gâcher davantage leur existence, surtout mort.

Harry, lui, n'était pas retourné à Poudlard et vivait chez les Weasley, sa seule famille, finalement. Il avait tenté de protester, il voulait être seul, il avait exprimé le désir d'aller vivre un temps à Square Grimmaurd, mais tous avaient réalisé que cette idée était la pire qui puisse être. Fragile comme il l'était, rester ainsi seul dans cette maison, cette maison-là, était une folie.

Finalement il s'était laissé convaincre.

Hermione et Ron le rejoindraient dès la fin de leurs examens. Hermione avait réussi à convaincre Arthur Weasley de la prendre en stage à son bureau de détournement des objets moldus, et débuterait au mois d'Août.

Ron avait tenté de modérer son enthousiasme mais elle avait eu raison des conseils de son ami de rester tranquille, au moins durant un été.

Nul besoin était d'imaginer qu'après son rôle dans la Résistance, Arthur allait être sans doutes promu, peut-être même au poste le plus important, mais il avait clairement expliqué qu'il ne voulait être changé de place, qu'il préférait rester aux affaires moldues, afin que sa notoriété, si notoriété il y avait, serve une cause qui lui tenait vraiment à cœur.

Juin tirait à sa fin, et Hermione marchait, sereine, vers le but qu'elle poursuivait aujourd'hui, le coeur léger pour la première fois depuis des semaines. Elle avait une bonne impression quand à l'issue de ses ASPICs.

Elle respirait enfin.

Le temps était splendide, chaud, soleil triomphant, les odeurs entêtantes de la Forêt Interdite arrivaient jusqu'à elle par les fenêtres grandes ouvertes.

Demain matin, elle quitterait Poudlard.

Severus savourait la journée splendide qui s'offrait à lui, lui sembla-t-il pour la première fois de sa vie.

Il redescendait du bureau de Dumbledore où une nouvelle amusante l'attendait : il ferait sa rentrée prochaine en tant que professeur de Défense contre les Forces du Mal.

Lui qui avait décidé de quitter l'école après la chute du Mage Noir…Dumbledore avait réussi à le faire revenir sur sa décision. Et l'argument était de taille. Avec une grosse augmentation à la clé.

Sans compter le brevet de sa découverte sur le sang de dragon qu'il avait vendu pour une honorable quantité de Gallions.

Il avait du mal à croire qu'il était libre. Enfin.

Pas de baignade dans le lac, cette année il allait partir. Loin. Peut-être en Sardaigne, cet endroit lui faisait envie depuis longtemps et on lui avait toujours dit qu'il y avait des ancêtres.

Et puis il pouvait bien se le permettre, au diable les prétextes !

Les couloirs presque déserts lui semblaient amicaux pour la première fois de sa vie.

Plus d'examens à surveiller, plus d'élèves à réprimander. Demain il serait libre, plus qu'il ne l'avait jamais été.

Il remontait tranquillement vers ses appartements.

Oui, tranquillement. Il était serein.

Il traversa le dernier couloir, sombre, comme toujours. Et arrivé à l'angle de celui-ci, où se trouvait la porte de chez lui, il vit une ombre appuyée au mur, qui se redressa quand elle le vit arriver.

Une ombre dont le visage restait inconnu, mais qu'il avait pourtant reconnueà l'instant.

Elle resta un instant muette, ses yeux brillant de façon incertaine dans la pénombre, puis dit doucement :

« - Je t'ai reconnu à ton pas. »