Poupée de sang
Par Tsubaki Hime
Tadadam !!! Voici le dernier chapitre de ma fic. Elle m'aura pris assez de temps mais ne croyez pas que je vais finir comme ça. Ben non, y a l'épilogue. Oui, oui car s'il y a eu un prologue, y aura un épilogue, na ! Que je suis puérile, cela est terrifiant.
Je souhaite passer en ce moment un ou deux messages.
Kima Muraki : A quand la manif' ? Vive Hisoka for ever !! Prépare les pancartes !!
Dragon : Ce chapitre est pour toi, mon cher Dragon. Cadeau d'une princesse des camélias heureuse de te faire plaisir.
C'est bon, maintenant, bonne lecture à tous.
Blood Kiss, Tsubaki Himé.
Chapitre XI
Poupée de ténèbres
Abasourdi, Tsuzuki lançait des regards paniqués aux deux garçons marqués par le docteur aux yeux d'argent qui riait, riait si fort que les étoiles semblaient trembler au son de sa voix.
- Ma deuxième poupée…, s'esclaffa-t-il cruellement. C'était il y a deux ans, Kagura… Tu ne t'en souviens pas? C'était une nuit à la lune rouge sang, la même couleur que ta peau brûlée.
Du sang perlait encore de sa blessure à la tête. Il entreprit de récolter sur ses doigts blancs qu'il passa sur ses lèvres pour en savourer le goût doux-amer.
- Il était pratiquement impossible que tu survives à l'accident dont tu étais le responsable, continua Muraki, ne quittant pas des yeux les « magnifiques » arabesques noires parcourant le corps du télépathe. Tout un morceau de pare-chocs brûlant était enfoncé dans ton buste et avait touché une partie de tes organes vitaux. Mais, en te voyant, je me suis senti parcouru d'un doux frisson. Tu es si beau, Kagura, cette beauté qui était le prélude de ma connaissance avec mon cher Tsuzuki.
« Ta peau blanche, souillée par ton sang… Tes yeux envoûtants perlés de larmes muettes… Ta bouche si appétissante tordue dans une douleur immuable… Tu étais une magnifique poupée de sang, resplendissant à la lueur douce et cruelle de la sphère rougeâtre… »
Tsuzuki se raidit.
- Ne me dis pas que…
- Eh si…, finit Muraki, ce sourire maléfiques aux lèvres humectées de sang. Hisoka, il se trouve que lors de notre sensuelle rencontre sous le cerisier en fleurs, j'ai recueilli un peu de ton sang. Ton sang pur et sucré, à la texture plus fine que toutes celles que j'avais recueilli lors de mes années de médecine. Pour guérir Kagura, il lui fallait absolument un don sanguin et…
Un nouveau rire frêle secoua ses épaules. Hisoka, la vue brouillée par les larmes rouges, commença à comprendre la signification de l'image présente dans les souvenirs de Kagura lors de l'attaque psychique.
« C'est moi qui t'ai soigné, tu perdais tout ton sang. Comment te sens-tu, petit homme? »
- C'est toi… qui as soigné Kagura lors de son accident, fit-il, ulcéré. Et tu lui as donné un échantillon de mon sang qui tu avais maudit…
Une lumière traversa son esprit blessé. La peur le submergea.
- Non… Kagura est…
Muraki éclata de rire, s'amusant de l'expression d'horreur qu'affichait le garçon qu'il avait tué.
- Exact! Kagura est devenu ton frère de malédiction! Ce sang que j'ai moi-même souillé! Ce sang de cire, le liquide de vie de mes poupées! Hahahaha!!
Kagura releva péniblement la tête, soutenu par Kawashi.
- Hisoka… Mon frère? Pour… quoi?
La colère enfla en Tsuzuki, gonfla, l'étouffa entièrement.
- MURAKI!! TU VAS ME LE PAYER!!
Le corps de Muraki se figea dans une étrange posture. Il sortit soudain de la poche de sa blouse quelque chose mais la haine de Tsuzuki aveuglait ce dernier. Il ne voulait plus qu'une chose: broyer ce visage pâle ricanant devant lui, après avoir fait les pires tortures du monde.
- Si j'étais vous, je ne ferai pas ça, Tsuzuki…
Un déclic se fit entendre. Un bruit dangereux…
- Tsuzuki! ATTENTION!!
PAN!
Une balle déchira l'air pour entrer dans une peau blanche. Tsuzuki écarquilla les yeux sous le choc. Il passa une main sur son cœur. Mais aucune trace rouge ne souilla sa paume. Une forme, dans un cri de panique, s'était dressée et avait reçu l'impacte mortelle. Son double l'avait protégé. Abasourdi, le regard fixe, il ne put qu'assister impuissant à l'impacte du morceau d'argent en plein cœur de celui dont le visage était une parfaite réplique du Shinigami aux yeux d'améthystes. Puis, dans un ralenti macabre, le corps du jeune garçon partit en arrière, les lèvres serrées dans un gémissement soutenu avant de s'écrouler brutalement sur le sol aux pierres craquelées.
- Kagura!!
Hisoka se tourna vers Muraki qui tenait dans les mains…
- La poupée noire…, souffla Watari, atterré.
Une magnifique poupée de porcelaine, aux yeux brillant comme des escarboucles et la bouche en un rouge de sang, habillée d'une gracieuse robe noire à la gaze sombre constellée de perles. De la fumée sortait de son ventre creux. L'implosion de la balle avait provoqué une fissure sur le visage blanc et froid du tas de cire habilement construit.
La poupée noire. La dernière demoiselle condamnée de la comptine.
- Un revolver dissimulé dans la poupée, dit Tatsumi d'une voix tremblante d'effarement.
Du sang jaillit de la bouche de Kagura, sa main crispée contre sa poitrine. Tsuzuki le regardait, le visage plus blanc que la neige.
- Kagura… pourquoi t'es-tu interposé? Demanda-t-il d'une voix étouffée.
Le télépathe eut un sourire.
- J'ai… tué trop de gens… pour pouvoir purifier mon âme souillée…, chuchota-t-il. Mais… il fallait… il fallait que je vous protége… Malgré le fait que vous soyez un Dieu de la Mort, je devais vous protéger… Je ne veux plus… blesser Hisoka… Mon frère irréel… Je ne veux plus… être un meurtrier… Même si au fond… je le resterais toute mon existence… Pour toujours… mes mains… seront enduites de sang…
Il tendit faiblement la main vers Tsuzuki. Un petit sourire touchant se dessina sur les lèvres souillées de sang du télépathe.
- Je ne le veux plus… Plus jamais…
Tsuzuki lui prit la paume qu'il serra avec tendresse. Ses yeux améthyste s'assombrirent. Il lança un regard à Hisoka qui dans un cri de détresse, essaya de se précipiter vers Kagura mais s'était sans compter avec Watari qui le retenait par les épaules.
- Kagura!! S'écria l'empathe. Non, Kagura!! Pas toi!
Il ne pouvait pas pleurer. Il n'y arrivait pas. Toutes les larmes emmagasinées en lui ne pouvaient s'écouler de ses yeux fatigués. La panique l'emprisonna complètement. Celui qui partageait sa malédiction… Un frère maudit comme lui…
- Kagura! Je t'en prie! Non!
Kawashi ne faisait pas un geste. Figé dans une tristesse sans fond, il se contentait de garder Kagura près de lui, tout contre sa chaleur. Tsuzuki pressa sa main contre celle de Kagura, le visage caché dans l'ombre d'une explosion intérieure imminente.
- Kagura… Merci…, murmura-t-il. Merci encore…
Il fit volte-face vers Muraki qui le contemplait toujours, un vague rictus aux lèvres.
- Serait-ce une déclaration de guerre totale et immortelle, pour que nous puissions nous battre jusqu'à la mort illusoire d'un des adversaires? Demanda le docteur avec moquerie.
Le Shinigami aux yeux de la couleur maudite des démons eut une grimace monstrueuse, emplie de rage et de souffrance.
- Une guerre? Répéta-t-il.
Chaque parcelle de sa peau était figée dans une haine sans merci. Un feu palpable se dégageait de son aura devenue si puissante que l'air poussiéreux se chargea d'une tension incroyable, de colère pure et dure. Un éclair parcourut tout son corps et ses yeux maudits eurent cet éclat de vengeance imperturbable.
Hisoka se figea. Ce regard… Il avait l'impression de revoir Kagura lors de son emprise psychique.
- JE VAIS TE BUTER, OUI!!!
ZBAAAAAAAAAAAAAMM!!
Une onde ténébreuse et sulfureuse jaillit du corps de Tsuzuki. Dans un fracas assourdissant, la lumière provoqua un brouillard de plâtre et de poussières.
- Tsuzuki! S'exclamèrent Tatsumi et Hisoka
Peu à peu, les yeux arrivèrent à voir plus clair.
- C'est pas vrai…, souffla Watari.
L'attaque haineuse du Shinigami avait été stoppée net par une créature noire, difforme aux yeux rouges et brûlants qui disparut dans un gémissement glacial. Muraki eut un petit rire.
- Toujours aussi impulsif, Shinigami de mon cœur. Il est temps pour moi de me divertir un tant soit peu…
Il claqua dans ses doigts et dans une aura bleuâtre, une dizaine de créatures de la même sorte apparurent, fixant le groupe avec haine et faim.
- Des démons vengeurs, encore une fois…, souffla Tsuzuki.
Il cacha un sourire. Dans sa paume ouverte brilla un fuda bleu dont résonnait l'écho de la magie.
- Si tu veux t'amuser, autant que tu ne sois pas tout seul! S'exclama-t-il.
Le sourire de Muraki s'élargit.
- Que le jeu commence…
Il claqua de nouveau dans ses doigts et dans un rugissement bestial, les démons se ruèrent vers le groupe de Shinigami. Une ombre plus menaçante que les autres se jeta sur Kawashi qui tenait toujours Kagura dans ses bras.
- Attention!
Tatsumi se dressa devant eux, une aura sombre l'enveloppant. Il tendit ses mains vers les démons, le visage figé dans la concentration la plus absolue.
- Ténèbres, venez à moi!!
SCHASSSHH!!!
Une vague étrange et légère, semblable à un ectoplasme, se mua en une barrière noire qui dévia le démon. Dans un gémissement à faire frémir tout le corps, la créature disparut en une poussière suffocante.
Watari de son côté, essayait tant bien que mal à protéger Hisoka car ce dernier n'était pas en état pour lutter contre les démons. L'empathe vit surgir dans le dos du scientifique une ombre démoniaque.
- Watari! Derrière toi!
Le scientifique de l'Enma-Cho fit volte-face et dans le même mouvement dessina dans l'air des signes brillants et dorés.
- FEU, PROTEGE-MOI!
ZBAAAAAAAM!!
Un torrent de feu jaillit de l'inscription tracée dans l'atmosphère et le démon disparut dans une odeur étouffante et pugnace. Haletant, Watari tomba à genoux, se tenant le torse.
- Bon sang, qu'est-ce qui se passe?
Tsuzuki ressentait apparemment cette douleur en plein cœur. Juste après avoir jeté un fuda lumineux sur le démon dressé devant lui, quelque chose s'était comme enfoncé dans son être, comme si quelqu'un s'amusait à lui transpercer le torse avec un poignard chauffé à blanc.
- Merde…
Il s'effondra sur le sol, du sang commençant à glisser entre ses lèvres. Il jeta un coup d'œil à Tatsumi qui était aussi très mal en point. Son teint déjà pâle était devenu aussi blanc que la Mort et ses pupilles dilatées par la douleur étaient très visibles malgré ses lunettes où se reflétait l'aura des démons vengeurs.
Watari cracha une gerbe de sang.
- Un sortilège d'infection…, grimaça-t-il, se sentant de plus en plus mal.
- Tsuzuki! S'écria Hisoka, paniqué.
L'empathe se tourna vers Muraki, le fixant aussi haineusement que son corps en était capable.
- Comment oses-tu?! Sale lâche!! Cracha Hisoka.
Muraki rit de plus belle.
- Tu ne croyais tout de même pas que j'allais me faire attaquer par trois Shinigami en pleine possession de leurs moyens, n'est-ce pas?
Il baissa les yeux vers Tsuzuki dont le corps infecté de l'intérieur n'était plus qu'une enveloppe charnelle sans conscience. Une magnifique poupée aux yeux maudits. La pureté de son cœur mêlée à la souillure de son regard de démon.
- Les quatre premières poupées n'étaient que de stupides pantins sans beauté, continua Muraki sur un ton méprisant, croisant ses bras sur sa veste blanche. Elles ne représentaient rien pour moi, rien, pas même le doux frisson que seul la vue du gamin, de mon cher Shinigami et son sosie pouvait me donner. Elles faisaient juste partie du plan qui me tenait à cœur, la tâche que je dois accomplir.
Il s'agenouilla vers Tsuzuki qui, tétanisé par le sortilège, était incapable de s'écarter de l'emprise glaciale de sa main blanche. Les yeux d'argent du docteur croisèrent les siens, écarquillés par la douleur et la peur. Mais pas la peur de mourir. La peur, la terreur de voir Hisoka être infecté à son tour.
- Je vous veux, Tsuzuki, murmura Muraki à son oreille. Je vous veux près de moi, tout contre moi, avec moi… Que votre regard reste au fond de mes propres prunelles mécaniques. Votre pouvoir, votre corps, vos yeux… Je veux tout de vous…
- Arrête…, gémit Tatsumi, complètement figé par la douleur du maléfice. Laisse-le… Om… Ombres…
Le secrétaire de l'Enma-Cho tendit une main tremblante vers Muraki, espérant faire naître les ténèbres. Mais le regard fulgurant du docteur fit jaillir au fond de lui une douleur plus fulgurante que toutes celles qu'il avait ressenti depuis cet instant. Dans un râle, il s'écroula sous les yeux horrifiés de Watari.
- Hisoka…, souffla le scientifique. Je ne vais plus tenir très longtemps… Ce fichu sortilège me tient prisonnier de la maudite bête au fond de mon corps. Les démons étaient infectés et nous, comme des imbéciles, on s'est pris toute l'infection en les tuant.
- Watari…
- Occupe-toi de Tsuzuki, siffla le scientifique, les pupilles dilatées par la douleur. T'as intérêt à pas laisser ce docteur pervers le prendre. Je sais… que tu en mourrais de chagrin…
- Watari, reprit Hisoka, déconcerté.
Le scientifique posa sa main sur la taille de l'empathe avec un faible sourire.
- Remets-toi sur pieds… et vas te battre comme un chiffonnier, sale garnement…
Cette chaleur… Stupéfait, Hisoka sentit une extrême douceur dorée pénétrer sa chair et ses côtes cassées. Cette puissance qui se mettait à couler en lui… C'était les dernières réserves d'énergie de Watari qui après lui avoir fait un clin d'œil, s'évanouit sans bruit, ses cheveux blonds formant une étrange toison d'or captivante autour de son visage pâle.
« Watari… »
La douleur ne le tenaillait plus. Il ne sentait plus rien. Juste cette colère froide envers Muraki, son assassin et celui de Kagura.
- Traître! Siffla Kawashi. Vous avez osé vous en prendre à ces hommes…
Muraki se tourna vers lui.
- Allez au diable…, gronda le docteur.
ZBAAAAAM!!
Une onde glaciale frappa Kawashi de plein fouet qui lâcha Kagura avant de s'écrouler contre un mur cinq mètres plus loin.
- Kawashi! S'exclama Hisoka.
Il se précipita vers Kagura qu'il prit dans ses bras. Le garçon semblait être mort. Mais était-ce la vérité?
Une main se posa sur son bras, tremblante et faible.
« Hisoka… »
FLASH!!
Une voix, douce et suppliante, se mit à marteler l'esprit de l'empathe qui faillit vaciller sous le choc. Colère, tristesse, haine…. S'entrechoquaient en lui comme des débris de verre brisé. Il se mit à trembler, sentant sa conscience perdre le fil de la raison.
« Ka… Kagura… »
La télépathie de son frère de malédiction était faible comme le murmure de sa voix psychique. Mais Hisoka, sachant pertinemment que le prix à payer était bien les sentiments de Kagura, promit intérieurement de l'écouter à son tour.
« Je te fais souffrir… Tous mes sentiments viennent jusqu'à toi et je sais que tu as mal… », fit la voix de Kagura dans sa tête.
« Ne t'en fais pas, je suis habitué. »
« Je… Je veux te prêter ma force… Je veux t'aider à tuer celui qui a blessé l'être qui m'est cher… »
« Tes pouvoirs ont beau être puissants, tu ne pourras jamais en ressortir vivant. Ne fais pas ça, Kagura, je t'en prie… »
La main pressa son bras encore plus fort. Les yeux de Kagura s'entrouvrirent dans un gémissement sourd tandis que du sang perlait à nouveau ses lèvres souillées de rouge.
« Je préfère mourir en aidant celui que je considère comme mon « ami », plutôt que de vivre avec ta disparition ou celle de n'importe qui d'autre au fond de ma conscience… Fais-le, Hisoka! Je… Je vais t'aider, nos pouvoirs psychiques te permettront de battre Muraki… Hi… so… ka… »
Douloureuse et plaintive, la voix faible de Kagura répéta de nouveau le nom de l'empathe jusqu'à ce que ce dernier cède.
« D'accord… J'ai compris… »
FLASH!!
Muraki eut un sourire satisfait en voyant Tsuzuki trembler de plus en plus. Le virus s'en prenait maintenant à ses poumons et ses gémissements rauques étaient simplement délicieux à entendre. De la mélodie macabre et envoûtante.
- Tu es à moi, démon aux yeux maudits… Jamais plus tu ne pourras t'échapper de mon emprise…
- Non… Tsuzuki m'appartient, rétorqua une voix glaciale près de lui.
Furieux d'être dérangé à un moment aussi intéressant, Muraki fit volte-face. Ce qu'il vit le pétrifia.
Deux garçons s'étaient relevés, celui aux yeux d'émeraude soutenant par la taille l'autre aux yeux noirs remplis d'éclats bleu-gris. Ils le fixaient d'un regard de mort, froid, implacable. Chaque corps était entouré d'une aura différente; celle de l'empathe était d'une blancheur immaculée, brillante comme de la neige; celle du télépathe était d'un bleu d'encre envoûtant, scintillante de puissance. Les deux couleurs réunies formaient dans leur dos des formes abstraites, semblables à des ailes noires, les ailes des Shinigami. Des marques apparurent sur leur peau, arabesques de leur malédiction, rouges et noires, serpents venimeux. Elles s'étendirent encore plus loin, traversèrent leur cou et remontèrent avec une lenteur cruelle jusqu'à leur visage figé de haine.
Hisoka, impassible, considérait Muraki avec une froideur légendaire.
- Je ne te laisserai jamais t'approcher de lui, Muraki, continua-t-il d'une voix sifflante. Je te l'ai dit, sous cette lune rouge sang… Tant que je serai là, tu ne t'approcheras pas de lui…
Kagura étira un sourire funeste.
- Qu'en dis-tu, Muraki? Quel effet cela te fait de voir tes deux poupées se rebeller contre toi?
Le docteur serra les poings, son corps s'enveloppant d'un halo argenté. La fureur, bien que monstrueuse, ne parvint pas à enlaidir son visage d'ange tombé.
- Sales petits démons, ragea-t-il.
Ses yeux se durcirent.
- JE VAIS TOUS VOUS ANEANTIR!!! ORYU!! APPARAIS DEVANT MOI!!
Dans un cri déchirant, un immense dragon sortit de la terre, ses yeux émeraude fixant les deux garçons avec rage. Son long corps blanc aux écailles translucides comme des diamants se mouvait agilement tandis que ses crocs ressortaient de son museau. Son aura destructrice étouffait l'atmosphère de haine. Le Roi Dragon partageait la colère de son invocateur.
- ORYU!!! DEBARRASSE-NOUS DE CES PARASITES!!!
La gueule du Roi des Dragons s'ouvrit et une boule de feu jaillit dans un fracas assourdissant.
- Ne compte pas là-dessus!
Cette voix… Le sang de Muraki ne fit qu'un tour.
- Tsuzuki!!
Péniblement, avec toute la force dont il était encore capable, le Shinigami se releva, ne quittant pas des yeux le docteur dont le visage eut un vagie frémissement.
- Il n'était pas dit que tu m'aurais aussi facilement, sale docteur, fit Tsuzuki avec un maigre sourire. Pendant que tu t'excitais à invoquer ton foutu Oryu, tu n'as même pas remarqué que Kagura grâce à son pouvoir télépathique, m'envoyait des réserves d'énergie capables de repousser l'infection. Mais maintenant, il est trop tard… du moins pour toi…
Il se posta tout près des deux garçons dont l'aura commune ne cessait d'amplifier. Ses mains se joignirent en une prière sacrée tandis que sa propre aura, dorée et lumineuse, se mêlait à celle de son partenaire et son sosie.
« Je vais devoir invoquer l'Ultime Esprit… », fit Tsuzuki dans une voix télépathique.
« Je te suivrai, où que tu ailles et quoique tu fasses », promit la voix de Hisoka.
« Tant que je vivrai, je ferai tout pour vous aider », murmura télépathiquement Kagura.
Les trois garçons, d'un commun accord, joignirent leurs mains en prière. L'aura se fit couleur or tandis que la mélodie des rois de Meifu emplissait leur être. L'écho de l'invocation se ressentait déjà dans tout leur corps. Un souffle venu d'on ne sait où les parcourut. Des traces énigmatiques furent gravées dans la pierre, indélébiles et magiques.
- J'en appelle aux douze dieux qui me protégent…, commença Tsuzuki les yeux fermés. Que leur force devienne mienne… Vous, Esprits Protecteurs, que votre union libèrent l'Ultime Dieu…
L'air devint suffoquant mais d'une certaine façon se chargea d'une pureté brûlante.
- Âme de feu, onde de puissance… Tu es l'incarnation du divin silence des Rois…
Trois regards flamboyants… Une onde à jamais réunie…
Un cercle lumineux entoura les trois garçons et dans un chant mélodieux, un couloir aveuglant sortit de la terre.
- JE T'APPELLE, VIENS A MOI, CHINMOKU, L'ULTIME ESPRIT!!
ZBAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAMMM!!
Un hurlement strident et magique. Surgissant des profondeurs ultimes, un corps émergea du pentacle divin. Un regard d'ocre scintillant, inspirant la sagesse universelle… Une magnifique créature à tête de loup, le pelage d'un blanc immaculé entonna un chant final, ses splendides ailes de feu argenté comme du métal en fusion battant dignement l'air. Chinmoku, le Dieu de l'Éther, le plus puissant de tous les Shikigami existant en ce monde.
Muraki recula d'un pas, atterré. Il n'arrivait pas y croire.
- Chin… Chinmoku… L'union des douze dieux protecteurs… a engendré l'arrivée de l'Ultime Esprit…
Un rictus de folie apparut sur ses lèvres. Défaite ne faisait pas partie de son vocabulaire.
- ORYU!! ATTAQUE-LE!!!
Le Roi Dragon ouvrit la gueule et dans un cri terrifiant, une boule de lumière jaillit.
Les trois garçons fixèrent leur regard sur l'attaque lumineuse de l'Oryu.
La synchronisation psychique. Chose rarissime que seuls quelques élus Shinigami étaient en mesure de pratiquer. La puissance commune fit briller leurs yeux, colorés d'un rouge doré enflammé.
- BAKU!! Hurlèrent-ils en même temps.
Le regard ocre du loup divin changea subtilement, chargé de rage et de protection. Il se cabra en arrière et dans un chant mélodieux incroyable, ses ailes se regorgèrent de lumière puis, d'un geste violent, il battit l'air, déversant sur le Roi Dragon un rayon lumineux aveuglante.
Les deux attaques provoquèrent un échange de colère qui engendrèrent une immense flamme. Peu à peu, les murs ravagés par les fissures, furent dévorés par le feu brûlant. L'Oryu, dans un râle grondant, disparut, engloutit par le feu de l'Ultime Esprit.
Des morceaux de pierre se détachèrent des parois et s'écrasèrent tout autour des hommes.
Le docteur, emprisonné par les flammes, rit, rit si fort que ses yeux s'écarquillèrent d'hystérie.
- HAHAHAHAHA!!! QUE L'HISTOIRE SE REPETE!! QUE LE FEU DE LA JUSTICE BRÛLE LES ÂMES PECHERESSES!!
Lentement, Tatsumi et Watari se redressèrent, ne sentant plus la douleur emprisonner leur cœur. Les flammes tout autour d'eux ne cessaient de grandir et d'avaler, encore et encore, toutes les pierres.
- Tsuzuki…, souffla Tatsumi. Il a invoqué l'Ultime Esprit… Comment une telle chose…
- Peu importe, l'interrompit le scientifique, ses joues reprenant des couleurs. Le bâtiment ne va pas tenir très longtemps! Il faut vite partir d'ici!! Tatsumi, occupe-toi des trois! Moi, je me charge de Kawashi!!
Un grondement sonore les fit trembler. Les flammes tout autour d'eux ravageaient les fibres porteuses des murs noircis.
- Tsuzuki! Héla le secrétaire de l'Enma-Cho. Tsuzuki, vite, il faut partir!
Tsuzuki n'écoutait pas. Il n'écoutait plus. Son regard d'améthystes fixait le corps du docteur qui petit à petit disparaissait dans le feu purificateur. Muraki eut un sourire glacial malgré les brûlures parcourant tout son magnifique visage. Ses yeux argentés tombèrent sur Hisoka, son corps posé sur les larges épaules de Tsuzuki tandis que Kagura gisait tout contre lui, retenu par la taille. Ils étaient inconscients, leur énergie s'envolant à tire-d'aile.
- Muraki…, dit Tsuzuki dans un murmure.
- Nous nous reverrons, mon cher Tsuzuki, répondit ce dernier, son corps s'en allant dans des brumes étranges et suffocantes. La mort ne veut plus de moi. Aussi j'attendrai patiemment que vous veniez à moi, car votre destin est lié au mien. Protégez cet être qui vous est cher… Et ainsi le jour où vous le perdrez, la vue de vos magnifiques yeux brisés par la douleur ne sera que plus belle!
Et dans un rire terrifiant, il disparut, englouti dans les flammes de l'Enfer.
- Tsuzuki!
Une voix l'appelait… Si lointaine…
- Tsuzuki…
Revenir près d'eux et oublier le feu si tentant. S'immoler en ne pensant plus à rien. Mais cette envie si destructrice était terminée car tout contre lui, une seule personne lui donnait raison d'exister, de « vivre » malgré sa mort.
La lune, comme lavée de ses péchés, éclairait d'une nouvelle lueur le bâtiment s'écrouler dans un grondement magistral.
- Oh mon Dieu! Il restait encore des personnes!
- Le feu est trop important pour l'éteindre! On ne peut qu'attendre!!
Des gémissements apeurés retentissaient tout autour de cet incendie magnifique mais en même terrible. La fumée noire s'en dégageant troublait l'astre lunaire, le cachant pendant quelques fugitives secondes dans l'obscurité.
Un professeur releva la tête.
- Regardez… Il… Il y a des survivants!!
- C'est Mr Kawashi et le nouveau surveillant!!
Des silhouettes imprécises sortirent de l'antre de l'Enfer, hagardes, épuisées, marchant péniblement vers l'air frais. Deux hommes portaient dans leurs bras l'être aimé respectif; Tsuzuki serrait contre lui Hisoka inconscient, le visage couvert de brûlures et de plaies; Kawashi, le regard vide, étreignait Kagura jusqu'à l'étouffer, pour le protéger d'un éventuel morceau de pierre. Les deux autres Shinigami s'aidaient mutuellement. Le costume de Tatsumi était si abîmé que même le meilleur retoucheur de tout le Japon n'aurait pas été capable de le remettre à neuf; Watari, ses cheveux blonds en bataille, tentait de marcher correctement mais cela était difficile car ses lunettes avaient été fissurées lors de l'explosion d'un mur.
Une foule se pressa autour d'eux mais curieusement, lorsque les secours arrivèrent près d'eux, les humains se figèrent, tous sauf à l'exception de Kawashi. Le secrétaire de l'Enma-Cho par un sortilège de stupéfaction, avait immobilisé tous les témoins. Il ne devait pas avoir de vivants mêlés à l'affaire.
La règle primordiale de l'Enma-Cho.
- Hum…
Hisoka eut un petit gémissement dans le cou de Tsuzuki. Lentement, ses yeux vert émeraude s'entrouvrirent pour tomber sur le regard tendre de son partenaire. L'envie de se rendormir, respirer cette odeur qui était la sienne était si tentante mais la chaleur suffocante des flammes près de lui le força à émerger complètement. La vue des secours figés tout autour de lui ne l'impressionnant guère, il se tourna vers Kawashi qui avait posé par terre le corps de Kagura, lui permettant de respirer de l'air frais.
- Tsuzuki…, souffla Hisoka.
- Ca va, Hisoka? S'inquiéta son partenaire.
- Oui, oui… Le plus important c'est Kagura. Il faut le soigner. Il ne faut qu'il…
Un bruit douloureux l'interrompit.
- Kagura…, murmura Kawashi d'une voix douce. Kagura…
Le jeune garçon ouvrit ses yeux d'un élégant noir et les posa sur son professeur et amant. La lueur de l'incendie donnait un peu de vie dans son regard voilé par une fin évidente. Il eut un sourire très doux, paisible.
- Professeur…, souffla-t-il. Je… Mes mains… sont souillées…
Il tendit ses paumes tremblantes vers Kawashi qui les prit délicatement, les caressa avec amour. Kagura toussa brusquement, faisant jaillir de sa bouche du sang frais. Une tache sombre apparaissait sur son torse, là où la balle du revolver de la poupée noire était passée.
- Kagura, ne parle pas, je t'en supplie, chuchota Kawashi d'une voix tremblante. Tu… Tu vas être soigner, tu pourras… Tu pourras venir habiter chez moi, qu'en dis-tu?! Kagura!!
- Mes mains sont souillées, continua Kagura imperturbable. Elles le seront… malgré… malgré tous mes efforts… Car je suis la poupée noire… pleur… pleurant seul… dans l'oubli de l'existence…
Chacun de ses mots sortait difficilement, comme englué par le sang qui remontait jusqu'à sa gorge. Kawashi, comme pour ne pas hurler, embrassa avec passion les mains blanches de Kagura.
- Ne dis pas ça, ne dis pas ça… par pitié… Tais-toi, Kagura… Ne parle plus…
Hisoka sentit ses épaules trembler, sa gorge se serra. Tsuzuki lui serra la main comme pour faire couler cette tristesse en lui. Les larmes ne voulaient pas venir. Hisoka n'arrivait pas à pleurer. Ses yeux étaient secs mais son cœur, lui, déversait des flots de larmes intérieures, pleurait, pleurait à en mourir. Son visage pâle fixait celui de Kagura, le regardai avec toute l'amitié qu'il était capable de donner. Ses membres étaient rigides, il lui était incapable de se jeter dans les bras du télépathe et le serrer contre lui.
- Hisoka…, murmura Kagura. Protége ce qui t'est cher, comme je l'ai fait… J'ai protégé la personne que j'aime le plus au monde et cet acte m'a coûté le pardon. Je suis devenu un meurtrier… par amour…
- Ka… Kagura… Tais-toi…, supplia Kawashi.
- Professeur, chuchota le télépathe. Je… Je vous aime… Je vous ai toujours aimé… Et même si je dois en mourir, sachez que mon amour sera toujours pour vous… Hokuto Kawashi…
Kawashi serra tendrement Kagura contre lui. Puis, dans un murmure tendre, il posa ses lèvres contre les siennes, recueillant un peu de son sang.
- Je t'aime, moi aussi… Je t'aime si fort…
Kagura eut un dernier sourire.
- Merci… Merci… Ho… ku… to…
« Kagura… », songea Tsuzuki.
La mort à l'âme, il sentit, comme si c'était son propre corps, le cœur du garçon battre lentement, de plus en lentement, avant de s'arrêter. Sa respiration se tut au fond de lui et ses yeux, restés ouverts, gardaient à jamais cette étincelle d'amour.
Kawashi laissa écouler ses larmes, tombant une pluie de désespoir sur le visage figé de son amant.
- Aah… Aah…
Une vie, telle une lueur éphémère, avait cessé de briller.
Dans une chambre fantasmagorique, en ce lieu sacré, une flamme… seule au milieu de tant d'autres, diminua et dans un souffle, s'éteignit à jamais tandis que tracé par une main invisible, un nom était inscrit dans un grand livre aux pages jaunies.
Le nom d'une poupée noire…
Le nom d'un meurtrier se consumant d'amour…
Ce soir-là, sous cette lune purifiée par le feu brûlant, un jeune garçon aux yeux vert émeraude se sentit coupable d'exister… et d'aimer passionnément celui qui partageait cette malédiction de solitude et de ténèbres.
A suivre…
Je suis terriblement méchante, je le sais. Je n'aurais pas dû concernant Kagura, pardon, pardon (dire que je n'en pense pas un traître mot ah ! ah !)
L'épilogue suivra de près. Et à ce moment, munissez-vous d'une bonne paire de mouchoirs (non, non, je ne vais pas être méchante, enfin je crois ah ! ah !)
