Merwa se retourna pour voir au loin Bagh Maghr. Elle aurait espéré apercevoir la silhouette fière et noble de Boromir, mais lui aussi avait pris son chemin.

Serrant les dents, elle se tourna vers leur destination. Une partie d'elle était terrifiée, terrifiée de se perdre.... de le perdre.

Mais la princesse des haradrims reprit vite contrôle de son esprit et de ses émotions. Son pauvre peuple souffrait et était voué au massacre et elle pleurait d'être séparée d'un ennemi pour une courte durée.

Amdir, imperturbablement, continuait sa route. Rodthelion, qui fermait la marche, ne fit aucune remarque. Beytina s'agrippait désespérément à Merwa. Elles partageaient leur monture, car ils n'avaient pas eu l'occasion d'en acheter une autre.

La petite troupe continuait d'avancer dans l'immense désert.

Pourquoi semblait-il tellement vide?

Pourquoi Merwa se sentait si petite dans cette contrée de sables éternels ?

C'était son désert après tout...

Mais ils étaient tous morts.... morts...

Elle était la seule descendante des rois du Harad qui restait.

Puis, d'un élan de courage inattendu, elle releva la tête: justement parce qu'elle était la dernière, elle ne se sentirait pas seule... Elle resterait digne et ferait son devoir.

Même si elle ne savait pas exactement quel était ce devoir.
Même si son coeur faiblissait...
Même si elle ne désirait qu'une chose qui était contraire à ses obligations.

Faisant avancer son cheval un peu plus vite, elle arriva à la hauteur d'Amdir. A ses côtés, elle continua son voyage.

La nuit, ils trouvaient comme excellent guide la voûte céleste.

Grâce aux étoiles, ils se guidaient.

Pour l'instant, Merwa avait décidé de se faire une trêve. Elle ne penserait à rien d'autre à part son simple devoir. Elle se devait de ramener cette pauvre femme, qui avait été son amie, jusqu'au village de son père. Là-bas, peut-être trouverait-elle des gens capable de les aider.

Quoi que soit la décision du Gondor, Merwa devait sauver son pays coûte que coûte. Elle trouverait un moyen de créer une révolte. Elle était certes une piètre guerrière, mais elle devait bien avoir quelque don issu de ses ancêtres.

Ils parlaient rarement pendant le voyage. Quelques fois, le soir, à la lueur de leur feu de camp, Amdir leur racontait des histoires d'un temps révolu. Et Merwa tentait de l'égaler en racontant des vieilles légendes du Harad.

Elle aimait la compagnie du dúnadan. Il était très sage, il lui faisait penser au roi du Gondor et de surcroît à son frère Nazikh. C'étaient des hommes de bien, très nobles et sages. Ils étaient différents des autres. Et, malheureusement, il y en avait bien peu comme eux.

Boromir n'était pas comme ça, bien qu'il avait une très grande emprise sur le coeur et la pensée de Merwa. Il était moins modéré que ces hommes...

Souvent, quand elle était de garde, elle regardait les étoiles scintiller dans le ciel infini et se demandait où il était. Sans lui, le monde semblait immense et sans répit.

Elle écoutait le silence sans fin, ce silence qui lui avait tellement manqué...

Et puis ce froid mordant qu'on ne connaît que dans le désert à la tombée de la nuit.

Elle sentait encore plus fortement le vent du destin alors que seulement la Dame de La Lune semblait la voir. Elle était comme entraînée dans un tourbillon, dans un terrible fleuve. Et la paix viendrait seulement quand elle atteindrait la grande Mer.

Que devait-elle faire alors?

Une voix féminine lui répondit:

- Accepter ton destin, accepter ta situation... Accepter et arrêter de nager à contre courant...

Merwa sursauta. Qui parlait? Elle avait bien entendu une femme lui dire cela.

Elle leva les yeux vers le ciel, c'était sûrement la Dame de la lune...

Celle que les elfes appellent Elbereth...

Varda

Boromir ne pouvait plus entendre le chant de la grande vala. Il lui semblait que plus Merwa s'éloignait, plus sa sérénité se dissipait.

Reprenant contrôle sur ses pensées, il prit la tête de ses hommes et commença la longue route vers le sud. Ils devaient être sur leurs gardes dans ce désert sans aucune cachette, ils continuaient à se diriger vers une ville occupée.

En tout cas, de loin, ils pourraient paraître à l'image des haradrim avec leurs vêtements amples. Mais ils ne savaient pas à quoi s'en tenir lorsqu'on les verrait de plus près.

Boromir se reprit à penser à la princesse des haradrims: et, au moins, ils n'avaient pas à assurer la sécurité de la jeune femme. Une chose était sûre ; si la rumeur se répandait que la princesse des haradrim était vivante et avec une garde aussi simple, la chasse serait ouverte.

Et Boromir ne pouvait pas imaginer ce qu'il adviendrait de leur devoir.

Le paysage monotone était propice à la rêverie. Et sans cesse Boromir revenait au même point. Il tentait de rester concentré, mais la chaleur était étouffante. Il semblait presque que des vapeurs s'élevaient du sable. Magor et Thurhavan ne disaient pas un mot et suivait Boromir. Ils semblaient aussi baigner dans l'apathie.

Le fier fils du Gondor avait l'impression d'être arrivé à la fin des terres. Comme si le monde s'arrêtait dans l'Est.

Il n'y avait rien à part ce sable aride. Rien... Le vide...

Si seulement Merwa avait été là... Elle aurait pu lui expliquer qu'il se trouvait seulement au milieu d'un désert.

Douce et raisonnable Merwa.

Malgré la chaleur et sa langueur, Boromir secoua la tête. Non, elle n'était pas raisonnable ni douce... Mais sa compagnie le poussait à l'être.

Il fit halte, faisant signe à ses hommes de s'arrêter. Tout cela semblait si désespéré. Il proposa alors à ses hommes de dresser une tente et se reposer jusqu'à ce que le soleil baisse. Les étoiles étaient de meilleurs guides que ce cruel soleil.

Ils étaient tous les trois épuisés et las. Un bon somme leur ferait du bien.

Mais, bien sûr, dans ces contrées hostiles, il fallait garder un veilleur. Thurhavan, le plus jeune, s'assit alors que ses aînés s'allongeaient pour dormir sous l'étouffante chaleur. Le jeune gondorien sortit ses cartes pour s'occuper et commença une patience.

Le jeune gondorien se demanda dans combien temps ils atteindraient un point d'eau... Sa gourde se faisait vide et les chevaux semblaient épuisés. Ils n'avaient pas de protection contre le soleil ardent. Ils étaient très loin de tout ce qu'ils connaissaient. Pauvre montures rohirrims... Les plaines du Rohan ressemblaient au paradis face à cet enfer de sable et de soleil...

Le soir tombé, Thruhavan geignait au sujet du froid. Pourquoi cette contrée allait-elle dans de tels extrêmes? C'était invivable!

Boromir l'ignorait complètement. Ce repos lui avait redonné de la force et c'est avec aisance qu'ils restaient sur leur chemin sous la nuit étoilée. Très tôt, alors que soleil commençait à se lever et que tout le désert s'embrasait sous sa lumière rougeâtre, ils remarquèrent un caravansérail. Ses hauts murs blancs semblaient si réconfortants à côté de la chaude couleur de cet océan de sable brûlant.

C'était une sorte de dôme bien spacieux avec une large entrée. Il n'y avait pas de porte; les gens entraient et sortaient à leur guise. Sûrement qu'à l'arrière de ce petit paradis il y aurait quelques dattiers et une source d'eau.

En quelques minutes, ils l'atteignirent et s'empressèrent d'abreuver les chevaux et de les laisser se reposer quelques heures dans l'ombre. Il n'y avait personne à première vue, ainsi ils s'installèrent non loin du coin où il avait trouvé une mangeoire et un endroit où attacher les chevaux.

Mais, bientôt, ils remarquèrent un homme qui les regardait avec curiosité. Il était plutôt grand, il avait la peau sur les os et ses yeux sombres semblaient démesurés par rapport à son visage. Ses long cheveux noir étaient mouillés et ses habits aussi.

Après quelques instants d'observation, il se leva et alla en direction des trois hommes. Tout d'abord, il leur parla en haradrim, mais Boromir secoua la tête, alors l'homme répéta en langue commune:

- Vous vouloir boire thé?

Il fit signe vers le tas de charbon qu'il avait entassé et qui rougeoyait. Il y avait déposé une théière. Boromir allait refuser quand il se souvint de Merwa qui lui disait que le thé était rafraîchissant. Et plus tard elle lui avait expliqué qu'offrir du thé à quelqu'un était un signe d'hospitalité et refuser cela voulait dire qu'on n'avait aucun respect pour celui qui nous invitait. Alors Boromir répondit aussi poliment qu'il pouvait:

- C'est avec plaisir que nous accepterons de partager du thé avec vous. Nous avons quelques biscuits nourrissants si vous avez faim...

L'homme lui sourit chaleureusement et son visage parut moins famélique et inquiétant.

Il leur versa du thé dans trois gobelets. Puis, Boromir lui tendit un morceau de Lembas. L'Homme crut d'abord qu'ils étaient avares. Mais après avoir mangé une bouchée, il hocha la tête et déclara:

- Comme le Halwa... Très bon et remplie bien le ventre.

Magor ne disait pas un mot, mais Boromir sentait son hostilité envers cet haradrim. Thurhavan, lui, gardait ses distances ; il prit seulement une gorgée de thé, puis il reposa le gobelet pour ne plus le ramasser. Il gardait ses yeux fixés sur les braises... Boromir tentait de faire la conversation, mais il ne savait pas de quoi parler. Après quelques instants de silence le haradrim demanda:

- Où allez-vous? Gondor?

Les trois hommes levèrent les yeux. Boromir secoua lentement la tête. Il était flagrant que, malgré leurs costumes, sans Merwa ils n'arriveraient jamais à se fondre à la foule ou aux voyageurs typiques. Le capitaine répondit pour tous:

- Nous allons à Bukh.

L'homme écarquilla les yeux:

- Mais... Mais là-bas guerre et viarags!

Boromir hocha la tête et répondit calmement:

- Nous le savons. Et vous?

L'homme fit un geste évasif, mais ne répondit pas. Boromir l'observait avec attention. Et avec son expérience d'homme de guerre il put très bien le classer des divers gens que l'on peut croiser dans un pays dans de telles conditions. Il était évident que cet homme fuyait quelque chose. L'usure de ses vêtements et son visage émacié témoignait qu'il était un errant. Mais était-ce un simple homme du peuple ou quelqu'un de haut lignage?

Alors que l'homme versait du thé dans le gobelet vide de Boromir, celui-ci sourit pour lui-même. De toute évidence, cet homme n'était pas n'importe qui, car il parlait plutôt bien la langue commune. Il regretta de n'avoir pas posé de questions à Aragorn et Merwa au sujet de la famille royal. Il avait pensé qu'il serait toujours à ses côtés. L'homme avait profité de ce moment de calme pour répondre:

- Je vais vers frontière. Beaucoup de guerre là-bas?

Boromir secoua la tête négativement. Il calculait rapidement: il craignait depuis un moment que lui et ses hommes se perdent dans l'infini désert. Cet homme pourrait être un excellent guide et en échange ils lui accorderaient un laisser passer pour vivre loin de cette guerre. De plus, lors de ce voyage, il pourrait s'assurer que cet homme n'est pas un risque pour le Gondor.

- On pourrait vous laisser entrer dans le Gondor, car j'y ai une position plutôt élevée. Mais en échange j'aimerais vous avoir comme guide pour nous emmener à Bukh, puis Dhur Shehr et finalement Gulab.

L'Homme le regardait avec une expression très neutre. Il n'y avait rien dans son visage qui trahissait son sentiment.

- Pourquoi vous vouloir aller là-bas?

- Nos raisons ne vous regardent pas. Tout ce qui importe c'est que vous soyez notre guide et nous vous laisserons vous établir dans notre pays avec, bien sûr, la permission du Roi.

L'homme le fixait avec insistance. Et, à côté de lui, Boromir pouvait sentir un regard plein de reproche de la part de Magor. Thruhavan, lui, restait obéissant. Il vénérait Boromir. Mais, parfois, Magor se demandait où était parti le vrai Boromir, celui qui d'un éclat se couvrait de gloire.

Après un moment de réflexion, l'homme accepta, mais imposa une condition:

- Nous ne pourrons pas nous attarder à Bukh, juste passer.

- Oui, bien sûr il faudra faire attention.

Puis, l'homme continua d'une voix qui se voulait ferme:

- Et Gulab vous allez sans moi, je attendrai vous plus loin.

Boromir hocha la tête tout en le détaillant de ses yeux perspicaces. Cet homme devait certainement être lié à Gulab... Mais de quelle manière?

Il reporta sa pensée sur Merwa....