Résumé : On n'oublie jamais ses Noëls d'enfant...
Disclaimer : L'est pas à moi le Snape, l'est à la madame :D Pas de Ryry et ni de Dray pour une fois, ils sont trop...occupés :D
Joyeux Noël
C'était un soir de Noël, pas bien différent des autres soirs de Noël.
La grande salle à manger du manoir était pleine d'invités, mages noirs en tout genre, et autres futurs mangemorts. Papa Maman avaient convié tous leurs collègues de bureau, et quelques autres amis qui n'auraient certainement pas eu leur place dans la liste d'autorisation d'entrée au ministère.
Le grand sapin qui trônait au centre de la pièce était orné de dizaines de boules argentées scintillant à la lumière des chandeliers de pierre noire, le feu qui craquait dans la cheminée avec un bruit sourd donnait à l'atmosphère une touche de lugubre qui était au goût de tous les convives réunis.
Minuit n'allait pas tarder à sonner, alors les enfants ouvriraient leurs cadeaux et puis on les enverrait se coucher.
Mais lui, il n'aurait pas de cadeau.
Recroquevillé dans un coin, blotti dans sa vieille couverture de laine, il se contenterait, comme chaque année, de regarder les autres enfants ouvrir leurs paquets en riant gaiement. Ses parents rappellerait avec le sourire, comme chaque année, qu'ils préféraient 'faire plaisir à ce cher petit demain matin, quand nous ne serons que tous les trois!'. Et bien sûr, il n'aurait rien, rien d'autre que son éternelle tartine de pain dur et son bol de lait. Peut-être une part de bûche, s'il en restait, et encore ce n'était même pas sûr…
Il se replia un peu plus sur lui-même, et étouffa en une grimace un cri de douleur lorsqu'il sentit le mur rentrer en contact avec les stries mordantes de son dos. Même la veille de Noël, il n'avait pas été épargné. Il sentit une goutte de sang perler le long de sa peau, et espéra que ce serait la seule, il ne pouvait pas quitter la pièce, pas ce soir, pas maintenant, la punition aurait été trop dure…
L'horloge sonna ses douze coups et il se redressa, se dirigeant vers sa mère qui le prit par la main avec un tel naturel qu'il en eut les larmes aux yeux. Mais bien sûr, il les refoula. Et l'âme écrasée par le poids de sa peine, du haut de ses sept ans, plus vraiment un enfant, et jamais un adulte, il regarda le bonheur. Il regarda les yeux brillants de joie de ces gosses heureux, il regarda les sourires attendris de ces parents aimant, il regarda avec envie tout ce qu'il n'aurait jamais, et son cœur lui hurlait de mourir, que plus rien ne valait le coup si on n'avait pas ça. Mais à sept ans, on ne connaît pas le suicide, on n'a pas de notion de mort, on ne sait rien de la vie, on attend tout de ses parents…
Un goût âcre dans la bouche, celui du remord, mais il ne pouvait pas mettre de nom dessus, il détourna les yeux vers le visage maternel si froid, si insensible. Les prunelles de serpent de cette femme qui l'avait mis au monde le traversèrent, sans paraître le voir, mais lui, lui il voyait, à l'intérieur, il voyait qu'elle souffrait elle aussi, il ne savait pas pourquoi, non, mais il voyait qu'elle souffrait et il aurait voulu la prendre dans ses bras puisqu'elle ne le prenait pas dans les siens.
Mais il ne le fit pas. Il n'en avait pas le droit.
Et puis son père le prit sous les aisselles, un grand sourire sur le visage, mon dieu comme cela sonnait faux…En riant, il fit tournoyer son fils, puis le remis à la servante en lui souhaitant 'bonne nuit', à voix haute, 'fait de beaux cauchemars, fils de malheur', en son for intérieur, mais le petit avait entendu, il entendait toujours tout, il comprenait toujours tout, ou presque…C'est intelligent, un enfant de cet âge là, c'est intelligent et ça ne devrait pas avoir à souffrir, mais voilà, lui il souffre, et il ne devrait pas…
Mais un enfant qui souffre, tout le monde s'en fout. Pas le courage de le prendre dans ses bras, pas le courage de lui donner un sourire, pas l'envie non plus, un enfant de sept ans, ça ne sert à rien…
Dans les bras de la bonne, il ravala encore ses larmes, regardant une dernière fois toute cette gaieté, cet amour qu'il ne goûterait jamais. Tous ces enfants de son âge, ses soit-disant 'amis', qui rayonnaient de bonheur dans les bras de leurs parents si fiers de cette progéniture sacré…Pourquoi? Pourquoi il n'avait pas droit à tout ça lui aussi? Pourquoi? Il était donc si différent des autres? Mais en quoi? En quoi était-il différent? N'était-il pas, tout simplement, un petit garçon en manque d'affection? Alors pourquoi personne n'était là pour lui en donner? Pourquoi il devait toujours se contenter de regarder, en espérant des choses qui ne venaient jamais? Pourquoi???
La servante le mit dans son lit, rabattit la couverture sur ses épaules et sortit de la pièce en murmurant un faible 'bonne nuit monsieur'.
Les yeux grands ouverts dans le noir de sa chambre, ses petites mains gercées par le froid agrippant sa couverture comme dans un geste de survie, il continuait d'entendre, au loin, les rires…Peu à peu les larmes se déversèrent sur ses joues, oui, il était seul, il pouvait enfin pleurer. Seule la solitude de sa nuit de Noël l'entendrait, et elle ne le trahirait pas, la solitude ne vous trahit jamais.
Alors il pleura, encore et encore, il pleura à chaudes larmes tout cette injustice qui vivait en lui, tout ce malheur, tous ces coups reçus, toutes ces plaies encore béantes, il pleura, il pleura…
Et il pleure encore, en ce soir du 24 décembre, quarante ans plus tard, il pleure encore sur ses souvenirs amers qu'il n'a pas effacés. Il se souvient de ce petit garçon, celui que personne ne voyait, celui que personne n'aimait, celui qu'il a été…Il se souvient des marques, toujours présentes sur son corps, il se souvient des coups, il se souvient des cris et des insultes; il se souvient des larmes, les mêmes qu'aujourd'hui…
Il se souvient que souvent, il a eu envie d'en finir. Et que jamais il n'en a eu le courage. Et il se dit que peut-être, ce soir…
Et demain matin, c'est un vieil homme malade, crachotant dans son fauteuil, bientôt proche de la fin, que l'on réveillera pour lui annoncer la mort de ce fils unique depuis longtemps parti de la maison. Alors…
Peut-être qu'il regrettera, peut-être qu'il se dira qu'il aurait pu l'aimer, un peu plus, qu'il aurait pu le lui montrer au moins, qu'il aurait pu le prendre dans ses bras, ne serait-ce qu'une fois, pour lui donner un peu d'espoir, qu'il aurait pu lui dire qu'il était fier de lui, parce qu'au fond c'était vrai; peut-être qu'il aura de la peine et qu'il pleurera ce fils…
Ou peut-être pas.
En tout cas, Lui, il ne saura jamais…
