Les personnages de Trigun appartiennent à Yasuhiro Nightow.

Spoiler pour toute la série.

Je pensais avoir déjà posté ce chapitre depuis longtemps... Désolée !

lostin972 : merci pour tes gentils commentaires ! J'espère que cette dernière histoire te plaira même si elle est différente des autres (elles sont toutes différentes, de toute façon !).

Partie Cinq

Assis sous le porche de leur maison, un groupe de paroissiens profitait de la fraîcheur du soir tout en sirotant quelques bières.
- Aaah ! Que ça fait du bien ! fit l'un des hommes. C'est une vraie fournaise dans la journée !
Le prêtre Wolfwood sourit son épouse qui venait de coucher leurs enfants. Millie s'assit à côté et prit une bière.
- J'ai eu des nouvelles de Jim, fit soudain un voisin. Il est bien arrivé à December et il a commencé à travailler avec les Plants.
- Je suis contente pour vous, Jonathan, fit Millie. Vous devez vraiment être fier de votre fils, pas vrai ?
Jonathan se gratta la tête d'un air embarrassé.
- Bah, c'est vrai que ce gamin ira loin dans la vie s'il continue comme ça.
- C'est Maria qui doit être soulagé, intervint Wolfwood. Elle avait peur qu'il ne lui arrive quelque chose sur la route.
Jonathan soupira.
- Cette vieille superstition... Ma femme m'en a rebattu les oreilles pendant des semaines, jusqu'à ce qu'on ait des nouvelles du petit.
- Quelle superstition ? demanda innocemment Millie.

Les hommes se regardèrent, embarrassé.
- Beeen, c'est comme qui dirait une histoire qui se raconte, commença Jonathan.
- Une rumeur, compléta un autre homme.
- Juste une légende, fit Jonathan.
Mais Millie n'était pas prête à clore le sujet.
- J'adore les histoires comme ça ! fit-elle en levant gaiement sa bière. Racontez-moi, s'il-vous-plaît !
Jonathan lança un regard indécis à Wolfwood.
- Mon père ? demanda-t-il.
Wolfwood hocha la tête et l'homme se lança :
- Bon, très bien. Il paraît que si on s'aventure très loin dans le désert, loin des villes et des routes, on rencontre un danger énorme !
- Oui ! s'écria Millie, ma grande-sœur m'en a parlé! Il y a d'immenses vers des sables qui...
- Oh que non, la contra Jonathan, le danger dont je parle est encore plus grand !
- Plus grand que des vers des sables ? s'étonna la jeune femme.
Wolfwood eut un léger rire et passa son bras autour de la taille de son épouse. Millie lui sourit mais elle ne perdit pas pour autant le fil de la conversation.
- Alors, c'est quoi votre grand danger ?

Jonathan se pencha et fit dans un ton de conspirateur :
- J'ai entendu un homme au saloon en parler une fois. Il se rendait tout seul à May City quand soudain une grande tempête de sable s'est levée, comme on n'en avait jamais encore vue dans la région. Il a marché pendant un moment et il trouva enfin une caverne pour s'abriter. Il a cru qu'il serait enfin en sécurité mais il se trompait. S'il avait su ce qui l'attendait, il aurait sans doute préféré affronter la tempête...
L'un des hommes lâcha un rire bref.
- Tu sais que tu aurais dû faire conteur ? le nargua-t-il.
- Oh la ferme, je raconte l'histoire comme je le sens, c'est tout !
Jonathan reporta son attention sur Millie qui l'écoutait avec une attention toute particulière, comme s'il s'agissait d'une histoire de fantômes au coin du feu.

- Cet homme entra donc dans la caverne, remerciant Dieu de lui avoir fourni cet abri. Mais la caverne n'était pas vide, il y avait déjà quelqu'un à l'intérieur.
- Un ver des sables ? fit Millie en portant ses deux mains à son visage.
- Non, non, même un ver des sables aurait été préférable !
- Deux vers des sables ? insista-t-elle.
Jonathan eut un geste impatient de la main.
- Non, il y avait seulement un autre homme dans la caverne, un homme comme lui venu s'abriter de la tempête, du moins c'était ce qu'il croyait. Il n'avait jamais vu quelqu'un de pareil : l'homme avait de longs cheveux blonds et des yeux d'une couleur étrange, hésitant entre le bleu et le vert. En plus, il était habillé d'un vêtement bizarre, fait dans une matière élastique qu'il ne connaissait pas.
- Et après ?
- Ils partagèrent leur feu et leur repas puis ils allèrent se coucher. L'homme s'endormit rapidement, fatigué par sa journée éprouvante. Mais, au milieu de la nuit, un bruit curieux le réveilla. Il attendit un moment sans bouger, pétrifié. Le bruit se produisit à nouveau. On aurait dit qu'un animal sauvage tentait de racler le sable qui s'était accumulé devant l'entrée de la caverne. Il se redressa et lança un regard vers son compagnon pour voir s'il avait lui aussi entendu. Mais l'homme n'était plus dans son sac de couchage. Notre homme était donc tout seul et le bruit persistait encore et toujours. Dans la lueur mourante du feu, il fixa des yeux l'entrée de la caverne et vit soudain un pan complet de sable s'affaisser d'un coup. Il aperçut alors des yeux d'un bleu inhumain qui luisaient dans l'obscurité. Heureusement, il y avait encore trop de sable pour que la créature puisse passer mais notre homme recula fébrilement, se sachant piégé. Il prit en hâte ses affaires et courut se réfugier dans le fond de la caverne. Et c'est là qu'il découvrit...

Millie poussa un léger cri et posa ses mains sur son visage. Cependant, elle avait les doigts écartés donc elle pouvait toujours voir. Jonathan prit une gorgée de bière et conclut :
- Et il vit que la caverne était en fait un tunnel, donc il est reparti dans la tempête.
Les autres hommes éclatèrent de rire et tapèrent dans le dos du conteur.
- Elle était pas mal, celle-là!
Millie poussa un soupir de soulagement tandis que son époux ne partageait pas les rires des autres.
- Mais alors, c'est quoi le danger ? fit-elle d'un ton insistant.
Jonathan se tourna vers elle et sourit :
- Ben, si tu rencontres ce type dans le désert, tu es mort. La nuit venue, il se transforme en une affreuse créature qui te dévore. C'est du moins ce qu'on raconte.
Millie frissonna.
- Quelqu'un qui se transforme en bête, murmura-t-elle d'un ton affolé.
Elle sentit une main réconfortante sur son épaule et lança un regard soulagé à son mari. Tant qu'il restait avec elle, elle ne risquait rien.

-

Wolfwood ferma la porte de la chambre des enfants, terminant là sa ronde habituelle de la nuit. Qui aurait pu dire qu'un jour il se transformerait en père anxieux pour sa progéniture ! Mais c'était là l'œuvre de Millie, celle qui avait réussi à le détourner de son ancienne vie pour faire de lui quelqu'un de respectable, le prêtre d'une communauté de huit cents âmes de la Nouvelle Confession.

Il retourna à sa chambre. Millie dormait déjà paisiblement. Nul doute que ses songes devaient être agréables. Wolfwood s'appuya contre le rebord de fenêtre et scruta la nuit, le désert qui les entourait. Cette histoire avait fait resurgir de mauvais souvenirs en lui, des souvenirs qu'il aurait préféré oublier pour de bon. Mais il savait qu'aussi longtemps qu'il vivrait, il se souviendrait...

-

Wolfwood, alors connu sous le nom de Chapel dans le milieu de la pègre, jurait entre ses dents. Il replaça son arme fétiche, une immense croix composée de plusieurs armes, sur son épaule. La journée n'avait été qu'une suite de malchance. Il avait reçu un nouveau travail : tuer un notable de July. Le problème était qu'il se trouvait encore à September. Il s'était donc acheté un véhicule pour faire le trajet dans le désert. Mais l'engin était tombé en panne au bout de quelques heures et, en plus, il était complètement perdu dans le désert avec encore juste un peu d'eau dans sa gourde.
- Heureusement qu'il me reste mes cigarettes, soupira-t-il.
Mais même avec son poison quotidien, la situation n'était guère réjouissante.
- Je devrais peut-être songer à changer de boulot. Faire un truc où on bouge moins. Genre comptable.
Il éclata d'un rire amer. Tout ce qu'il savait faire, c'était tuer et rien d'autre. Aucune vie meilleure ne l'attendait.

Il trébucha soudain et s'étala de tout son long sur le sable brûlant. Les soleils jumeaux tapaient dur.
- Je bouge plus ! décida-t-il soudain. Que Dieu m'envoie un signe s'il veut que je vive encore...
Il ferma les yeux, attendant sa mort ou bien un miracle. Les deux le trouvèrent.

Il sentit soudain une ombre sur son visage, chose anormale en plein désert. Il rouvrit les yeux et croisa un regard intrigué.
- Vous savez que c'est dangereux de rester en plein soleil comme ça ? fit le nouveau venu.
Wolfwood eut un rire bref.
- Exactement ce que je me disais, railla-t-il.
L'homme fronça les sourcils et lui tendit la main.
- Laissez-moi vous aider à vous relever, fit-il. Il y a des rocs un peu plus loin, vous serez au moins à l'ombre.
Wolfwood soupira et prit la main tendue. Même encore maintenant, il ne savait pas pourquoi il avait accepté mais il ne le regrettait pas.

Une fois levé, Wolfwood vacilla un peu. L'homme le maintient debout.
- Je m'sens comme ivre, marmonna l'assassin.
- Un début d'insolation, sûrement, diagnostiqua l'homme.
Il le conduisit jusqu'au amas rocheux en question. Wolfwood se laissa tomber contre un rocher en soupirant. Il y avait au moins vingt degrés de différence par rapport au plein soleil, du moins c'était son impression. L'homme s'accroupit en face de lui.
- Vous avez de l'eau ? demanda-t-il.
- Si j'en avais, je serais pas resté en plein soleil comme ça ! se moqua Wolfwood. Y a rien à récupérer sur moi, si c'était votre intention.
Le visage de l'homme se ferma. Wolfwood ne put s'empêcher de remarquer qu'il avait un très joli visage pour un homme. Ses yeux surtout étaient fascinants, une sorte de bleu-vert qu'il n'avait encore jamais vu ailleurs. Et les longs cheveux blonds soyeux donnaient presque une impression de féminité.

Les réflexions de Wolfwood furent interrompues lorsqu'on pressa quelque chose d'humide contre sa bouche. L'instinct l'emporta sur la pensée : avant même d'y réfléchir, Wolfwood avait déjà ouvert la bouche et il avalait goulûment l'eau. C'était encore meilleur que le meilleur whisky, songea-t-il.
- Cela devrait aller mieux, maintenant, commenta l'homme.
Wolfwood baissa les yeux, gênés. Il avait accusé cet homme d'être un vulgaire pilleur alors qu'il venait de lui sauver la vie.
- Merci, fit-il.
Il n'avait pas l'habitude d'utiliser ce mot et il était un peu rouillé. Mais l'homme sourit et son visage sembla s'illuminer de l'intérieur.
- Je vous en prie. C'est tout à fait normal de s'entre-aider.
Sauf que Wolfwood savait que ce n'était pas l'opinion de tout le monde. Il se prit un instant à rêver à ce que serait ce monde si tout le monde s'aidait... Puis il eut un rire bref. Cela ne se produirait jamais.
- Il ne faut pas perdre espoir, fit soudain l'homme. L'être humain peut changer.
Wolfwood lui lança un regard interloqué. Pourquoi disait-il cela ? À moins qu'il n'ait... lu dans ses pensées ? Non, ce n'était pas possible. Il repoussa cette idée comme étant absurde.

- La ville la plus proche est à vingt kilomètres dans cette direction, fit l'homme. Je pense que vous pourrez facilement l'atteindre.
- Ki... Kilomètre ? demanda Wolfwood, étonné par ce mot inconnu.
L'homme ne prêta pas attention à ce détail.
- Je ne peux malheureusement pas vous accompagner, j'ai mon propre chemin à parcourir. Mais je suis sûr que vous y arriverez, vous n'êtes pas trop en mauvais état.
- Qui êtes-vous ? demanda soudain Wolfwood, suspicieux.
L'homme se gratta la tête, un peu embarrassé.
- Bah, mon nom ne vous dirait rien.
- Dites toujours.
- Vash Saverem.
Wolfwood rétrécit les yeux. Ce nom ne lui était pas inconnu.
- Saverem... Vous n'auriez pas un lien avec le maire de July ? Franck Saverem ?
Vash écarquilla les yeux.
- Il y a encore un Saverem en vie ? Je suis sûr qu'il est de la famille de Rem ! C'est vraiment formidable !

Wolfwood recula, surpris par son enthousiasme.
- Rem ? demanda-t-il.
Le visage de Vash prit un air mélancolique.
- Rem Saverem, fit-il, mais je suppose qu'il n'y a plus personne pour se souvenir d'elle. C'est vraiment dommage, elle mériterait une statue. Sauf qu'elle n'aurait jamais rien demandé de tel...
- Qu'est-ce qu'elle a fait ? s'enquit Wolfwood, curieux.
- Elle vous a tous sauvés, répondit religieusement Vash. C'est grâce à elle que vous avez pu atterrir en vie sur cette planète.
- Oh, elle faisait partie de l'équipage, c'est ça ?
Wolfwood avait vaguement entendu parler de cette histoire. Même si cela faisait trois générations que l'humanité s'était installée sur Gunsmoke, ils n'oubliaient pas qui ils étaient et d'où ils venaient, même si les détails se perdaient peu à peu dans le temps.

- Encore en train de parler à un humain, Vashu ? fit une nouvelle voix.
Les deux hommes se retournèrent et Vash prit un air inquiet.
- Knives, fit-il à voix basse.
Wolfwood jeta un regard aux deux hommes. Ils étaient presque identiques, sauf que le nouveau venu semblait moins amical et ignorait royalement Wolfwood.
- J'aurais pourtant cru que tu aurais retenu la leçon, fit le dénommé Knives. Mais puisque tu sembles préférer la compagnie des humains à la mienne...
Vash se tendit et Wolfwood comprit qu'il était en danger. Mais il n'était pas l'un des meilleurs dans sa profession pour rien. Il roula sur le côté pour éviter le coup. Lorsqu'il regarda à nouveau Knives, il frissonna. La main droite de ce dernier s'était... transformée en une lame acérée. Ce n'était pas possible. Il n'avait jamais vu ça. Cela dépassait de loin les simples implants qu'il avait pu voir dans son boulot.

Dans tous les cas, Wolfwood n'était pas prêt à mourir de cette manière. Il se saisit de son arme et défit les attaches.
- Non ! s'écria Vash.
Mais les deux autres hommes ne l'écoutèrent pas. Knives eut un rire froid et Wolfwood tira. Le projectile fila droit vers la tête de l'homme mais il fut soudain dévié. Wolfwood jura entre ses dents. Ce n'était pas possible ! Cela dit, rien de tout cela ne semblait possible pourtant cela se produisait bien en ce moment même. À moins que ce ne soit une hallucination provoqué par le soleil.
- Crève ! fit-il rageusement en tirant à nouveau.
Knives rit à nouveau et fit un simple mouvement de la main. Wolfwood sentit son arme bouger d'elle-même et se jeter sur le côté. Il tomba à la suite, entraîné par l'élan. Knives se pencha vers lui, prêt à l'achever, mais l'assassin n'avait pas dit son dernier mot. Il sortit de sa manche un petit revolver, son sauveur de dernière seconde, comme il aimait l'appeler, et fit feu. Knives fut trop surpris cette fois pour dévier les balles. Il en reçut une dans l'épaule et il tomba à terre en hurlant. Wolfwood se redressa et pointa son arme vers la tête de son agresseur.

- Arrêtez ! fit soudain Vash en s'interposant entre les deux.
Wolfwood tiqua. Il ne pouvait pas tirer sur Vash, après tout il l'avait sauvé. Cependant, pour l'autre...
- Il n'est pas mauvais, répondit Vash en baissant les yeux vers son frère qui se tordait de douleur. C'est juste que... il ne supporte pas les humains.
Wolfwood haussa un sourcil.
- Les humains ? Mais alors, vous êtes quoi ?
Knives s'agita et Vash posa ses mains sur lui, inquiet.
- Cela n'a pas d'importance, fit-il finalement. Vous feriez mieux de partir à présent.
Wolfwood fut tenté de rester et d'en apprendre un peu plus sur eux deux.
- Knives ne voudra pas, répliqua Vash. Je vous l'ai dit, il ne supporte pas les humains. Et...
Il leva les yeux vers Wolfwood et lui lança un regard déterminé.
- Je ne vous laisserai pas non plus le tuer.
Wolfwood frissonna malgré lui. Il sentit instinctivement qu'il n'aurait aucune chance dans un combat contre lui.
- Très bien, marmonna-t-il. Je m'en vais.
Il récupéra sa croix et quitta l'amas rocheux dans la direction que Vash lui avait indiquée avant. Il entendit cependant un bruit étrange qui le fit se retourner. Il y avait une forte lumière qui entourait les deux hommes ainsi que des plumes blanches. Les jambes de Wolfwood menacèrent de se dérober sous lui s'il ne partait pas vite fait en courant. Ce qu'il fit rapidement. Mais il savait qu'il ne pourrait jamais oublier ce jour.

-

Wolfwood quitta son poste devant la fenêtre en soupirant. Il n'avait jamais parlé de cela à personne, pensant tout d'abord avoir été victime d'une hallucination due au soleil. Il s'était rendu ensuite à July — sans incident cette fois — mais au moment de tuer sa victime, le maire de la ville, il avait hésité. Rem Saverem les avait soi-disant tous sauvés. Pouvait-il décemment tuer quelqu'un de sa famille ? Pouvait-il encore tuer quelqu'un ? Il savait très bien que non. Alors il avait abandonné son métier d'assassin pour faire plutôt des trafics en tout genre. Puis Millie était apparue dans sa vie et il avait définitivement abandonné la pègre.

Il soupira et s'agenouilla au bord du lit. Il se signa puis joignit les mains pour la prière rituelle du soir :
- Sainte Rem, protectrice de l'humanité, délivre-nous de nos péchés et retiens tes deux fils dans le désert pour que l'humanité puisse encore faire ses preuves. Et à l'heure de notre mort, guide nos pas jusqu'à eux. Amen.

Fin.

J'ai bien sûr gardé le meilleur pour la fin : une histoire compliquée où l'on se pose plein de questions. Je sens qu'il y aurait une tonne de choses à expliquer. Mais comme je suis sadique, je vous laisse imaginer ce qui s'est passé.