Une heure et demie plus tard, Vaughn vit arriver Weiss et Jarod en même temps. Il se leva comme ils entraient, et tous deux lui jetèrent un regard surpris.
- J'ai à vous parler, annonça le jeune homme en désignant Jarod.
Vaguement inquiet, le Caméléon se força à garder un visage impassible.
- Je vous écoute.
- C'est à propos de votre identité… De votre véritable identité.
Jarod tressaillit. Ce n'était pas le moment, non, pas le moment… pas maintenant, pas si près du but !
- Mon identit ? Fit-il, feignant l'innocence.
- Ecoutez, je conçois que vous préfériez être prudent. Si mon hypothèse est juste, vous avez toutes les raisons de l'être. Mais comprenez que nous sommes bien placés pour vous comprendre… Et vous aider… Il va falloir nous faire confiance.
Le jeune agent marqua une pause. Comment exposer la situation sans alarmer ou inquiéter l'homme qu'il avait devant lui ? Hum… Dans une situation similaire, commet réagirait-il, lui ? Essayant de se mettre à sa place, Vaughn préféra utiliser une carte dont on avait souvent reproché la présence dans son jeu… Son honnêteté. Seules la vérité et la franchise auraient une chance de convaincre Jarod, il en était persuadé, sans trop savoir pourquoi…
- Je vais jouer franc jeu avec vous, Jarod. J'ai demandé hier une recherche à votre égard. Et nous avons trouvé une ribambelle d'articles de journaux traitant de fraudes ou de criminels démasqués, d'innocents acquittés, de victimes dédommagées grâce à vous… Une succession d'actes charitables et désintéressés. Avec, à chaque fois un nouveau nom, pas plus véritable que « Rays », je suppose ? Ce qui me trouble, c'est pourquoi changer de nom chaque fois, pourquoi s'escamoter immédiatement après avoir rendu service… A moins que quelqu'un ne soit à votre recherche… Je me trompe ?
Jarod soupira. Que faire ? Vaughn avait deviné ce qu'il n'avait pas trouvé. Puis il décida soudain qu'il ne pouvait continuer à se cacher éternellement. Jamais il n'avait été plus près d'atteindre son but, de détruire le Centre. Il ne pouvait pas reculer… Pas maintenant que Mlle Parker était prisonnière du SD-6. Il avait confiance en ces deux-là, ils garderaient ce qu'ils savaient, ils comprendraient… De plus, ils pourraient être d'un grand secours dans ce qu'il projetait de faire… Et si jamais quelque chose tournait mal, le Caméléon avait repéré au moins six façons différentes de quitter les lieux en vitesse. Il regarda successivement Vaughn, puis Weiss, avant de répondre :
- Non. Effectivement.
- Et vous pouvez nous en dire plus ?
- Bien sur…
Et le Caméléon raconta aux deux agents médusés son enfance au Centre, puis son évasion, et la poursuite dont il faisait l'objet…
- Et voilà mon histoire… Depuis cinq ans que je suis libre je ne rêve que d'une chose : voir enfin le jour où le Centre sera détruit, et où je pourrai bénéficier d'une vie normale…
- Je vous comprend, soupira Vaughn. Sydney disait la même chose…
- Sydney ?
- L'agent Sydney Bristow, compléta Weiss.
- Elle voulait seulement vivre comme tout le monde, et tout arrêter, le SD-6, la CIA, tout…
Il se tut, gêné et malheureux. Triste, car son inquiétude pour Sydney, malgré le regain d'espoir qui avait surgi en lui une heure plus tôt, n'avait fait que s'aviver avec le temps qui passait. Gêné, parce qu'il avait été proche d'avouer ses sentiments pour la jeune femme devant un homme quasiment inconnu…
- Bon. Ce point… réglé, passons à autre chose. On a du nouveau.
- L'appel d'hier ? Vous l'avez décrypt ? Devina Jarod.
- Comment avez vous devin ? S'étonna Vaughn.
- Un ami, au Centre, à qui j'ai téléphoné hier soir. C'est lui qui en est à l'origine.
- Ami ?
- Oui. Il y a au Centre des gens qui ne supportent plus de voir qu'on se sert d'eux pour commettre des atrocités… Bref. Que disait le message ?
- Regardez par vous mêmes…
Il leur tendit la feuille de papier. Les deux autres lurent rapidement les quelques phrases inscrites, puis ils levèrent la tête.
- Alors c'est ça qu'il voulait dire, murmura Jarod. Je sais où est l'agent Bristow, annonça t-il.
- Quoi ?
- Mon ami… Celui avec qui j'étais au téléphone hier soir… il m'a indiqué où elle était retenue prisonnière. Dans ce message qu'il vous a laissé, il nous donne la clé pour la délivrer…
Devant les mines intriguées de ses coéquipiers, Jarod expliqua :
- Elle est retenue dans la cellule n°47 d'un vieil immeuble de Carminton Street, à Blue Cove. Et le message nous indique que la voie est quasiment libre…
- Vous en êtes sûr ? Demanda Vaughn, qui n'arrivait pas à croire que Sydney était peut-être sortie d'affaire.
- Oui, répondit Jarod avec conviction.
- Mais comment pouvez-vous…
- Logique, le coupa le Caméléon. Le Centre, de même que l'Alliance, ne se doutent pas que la CIA est mêlée à cette histoire… Donc le Centre, focalisé sur eux, ne se préoccupe pas de nous ! Il suffit de leur faire croire que le SD-6 prépare une quelconque action au niveau du quartier général du Centre, qui, vous le savez, se trouve également à Blue Cove… Eux s'attendent à ce que le SD-6 pense que Sydney Bristow est retenue au QG, vous me suivez ? C'est pour cela qu'ils l'ont enfermée ailleurs.
- Bien sûr ! S'exclama Vaughn. Ainsi, pendant que le Centre croit que le SD-6 les attaque dans le but de délivrer Sydney, nous allons la libérer réellement !
- C'est ça, conclut Jarod avec un petit sourire. Cet agent lui était de plus en plus
sympathique.
Un bruit derrière eux les fit sursauter. Ils firent volte-face pour se trouver nez à nez avec Devlin. Ce dernier, amusé de voir leurs mines surprises, leur expliqua :
- Je voulais vous demander comment avançaient vos recherches, mais apparemment vous avez été remarquablement efficaces !
- Monsieur, dit Vaughn, j'ai une requête à vous présen…
- Accordé, le coupa le directeur.
Interdit, Vaughn le fixa quelques instants. Ce qui eut pour effet d'amuser son supérieur.
- J'ai entendu votre conversation, dit-il avec un sourire. Je pense que vous avez effectivement raison, que votre plan a des chances raisonnables de marcher et de provoquer plus de dissensions qu'il n'en existe déjà entre nos deux ennemis principaux… Et entre nous, qu'ils se combattent l'un l'autre n'est pas pour me déranger, bien au contraire. Plus ces deux organisations s'affaibliront en affrontements mutuels, et mieux se porterons nos affaires… Vous avez mon feu vert.
Quelques heures plus tard, une fausse information avait été interceptée par le Centre, leur indiquant que l'Alliance préparait une attaque de grande ampleur de la cellule de Blue Cove. De sorte que les dix hommes embusqués autours de l'immeuble délabré du 116, Carminton Street, ne repérèrent au scanner thermique que huit personnes à l'intérieur : sept gardes, et Sydney.
En attendant le signal de lancement de l'assaut, Vaughn réfléchissait. L'immense soulagement qui l'avait envahi à la perspective d'arracher Sydney à ses bourreaux avait laissé place à une inquiétude grandissante, peuplée de questions sans réponses. Et si ils arrivaient trop tard ? Il s'imaginait découvrant le corps sans vie de la jeune femme dans une cellule sombre. Non, il ne pouvait supporter cette vision. Et pourtant, elle revenait, encore et encore… Non, murmura-t-il. Non, elle ne pouvait pas mourir, elle ne devait pas. C'était impossible.
Et pour la première fois depuis trois jours, il se laissa aller. Il avait privilégié la rapidité et l'efficacité de l'enquête, mettant ses propres sentiments de côté du mieux qu'il le pouvait, mais il se rendait compte, à présent, à quel point il avait été affecté. Il n'avait pour ainsi dire pas dormi de ces trois jours. Et pourquoi… Pourquoi, se dit il avec un sourire triste. Il le savait très bien, pourquoi. Il était peut être temps d'accepter ses sentiments, de cesser de les refouler au plus profond de son cœur… il avait vu, l'espace de quelques affreux instants, le vide immense que laisserait en lui la disparition de Sydney. Non, jamais, jamais. Il ne laisserait jamais ça arriver, se dit-il.
- La voix est libre, agent Vaughn, fit une voix dans sa radio.
- Bien. Alors on y va.
Aussitôt ces mots prononcés, Vaughn quitta son angle de mur et couru vers le bâtiment. Arrivé à la porte, il constata qu'elle était en aussi mauvais état que le reste du bâtiment. Il l'enfonça d'un violent coup de pied. Il y avait plus discret, comme approche, mais tant pis.
Jarod l'avait rejoint. Les deux hommes passèrent prudemment ce qu'il restait de la porte, et aperçurent un homme armé au bout du couloir. Il n'eut pas le temps de comprendre ce qui lui arrivait une balle l'atteignit en pleine poitrine et il s 'écroula sur le champ. Les deux hommes continuèrent leur progression sans plus s'en préoccuper. Ils rencontrèrent un autre garde avant de tomber sur une porte. Jarod la poussa elle s'ouvrit sans résister. Un troisième garde les attendait il fut lui aussi descendu. Devant eux s'étendait un couloir régulier, aux murs rongés par l'humidités. La couleur du papier peint, qui partait en lambeaux, était indéfinissable. Mais l'élément le plus sinistre du décor était assurément les portes numérotées portant un œil grillagé. Les portes des cellules. Ils passèrent à pas pressés devant les numéros 1 à 12 le couloir tournait à angle droit ils continuèrent leur progression. Weiss et trois hommes, qui venaient d'arriver, les suivirent. 18, 19, 20, 21, 22, 23… après le 24, deux passages s'offraient à eux Vaughn, Weiss et un troisième agent prirent celui de droite, tandis que Jarod et les autres empruntaient celui de gauche. Les premiers entendirent soudain des coups de feu espérant que personne n'était blessé, ils poursuivirent leur chemin le plus silencieusement possible.
Ils parvinrent enfin au niveau de la cellule n°47. Mais dans son impatience, Vaughn ne remarqua pas la présence d'un dernier homme posté là. Weiss le plaqua à terre comme le coup partait le jeune homme sentit une violente douleur lui traverser l'épaule. Le troisième agent mit cet instant à profit et abattit le tireur.
- Merci, marmonna Vaughn à l'intention de son ami. Sans faire cas de sa blessure, il se releva, attrapa les clés que le garde tenait encore fermement dans son poing crispé, et se précipita vers la porte.
- Sydney ! Appela-t-il en cherchant fébrilement la bonne clé. Sydney !
Mais seul le silence lui répondit. Paniqué soudain à l'idée qu'ils étaient peut être arrivé trop tard, il finit par trouver la clé. La serrure grinça en se décoinçant. Il poussa la porte.
Derrière, ils découvrirent une petite cellule de trois mètres sur trois. Au fond, des chaînes pendaient du mur. Vaughn cru qu'il avait été projeté dans un cauchemar moyenâgeux. Sydney était agenouillée contre la paroi, suspendue par les poignets, les yeux fermés. Son beau visage était couvert d'hématomes et de coupures sanguinolentes ses vêtements étaient déchirés et tâchés de rouge.
Le jeune homme s'agenouilla doucement en face d'elle.
- Sydney, murmura-t-il. Regardes-moi. Ouvres les yeux. Je t'en prie, ne me laisse pas…
Derrière lui, les deux agents se tenaient debout, silencieux.
Et puis… La jeune femme ouvrit les yeux. Elle cilla, éblouie par la faible lumière émanant du couloir. Elle murmura faiblement :
- Vaughn ?
- Oui. Je suis là. C'est fini, Syd. On rentre à la maison…
Elle leva la tête, ce qui lui coûta un effort manifeste, pour le voir. Et elle lui sourit.
- Merci, articula-t-elle.
Il effleura tendrement la joue de la jeune femme de sa main gantée. Puis il se mit en devoir de libérer ses poignets. Lorsque plus rien ne la retint, vidée de ses forces, elle tomba sans résistance. Vaughn la rattrapa avant qu'elle ne touche le sol, puis il la prit dans ses bras avant de faire demi-tour. Weiss vérifia que la voie était libre et prévint les autres que Sydney était en sécurité avec eux, puis ils sortirent dans le couloir. Le trajet en sens inverse parut beaucoup plus court à Vaughn, soulagé du fardeau de son inquiétude. La jeune femme qu'il portait ne lui semblait rien peser du tout, tant il était heureux de la revoir en vie. Il était horrifié d'imaginer, vu son état, ce qu'on avait dû lui faire subir pendant ces trois jours et il bouillait intérieurement de rage à l'encontre des responsables. Mais après avoir cru l'avoir perdue pour toujours, le soulagement lui donnait des ailes.
Ils retrouvèrent le reste de l'équipe à l'extérieur. Le froid mordant les prit au visage. Le jeune agent sentit Sydney frissonner. La nuit était tombée entre temps préoccupé, il n'avait pas fait attention à la température hivernale à leur arrivée. Il mit rapidement Sydney à l'abris à l'intérieur d'une des voitures Jarod et Weiss montèrent avec lui. Les autres rentraient directement à Los Angeles via un vol normal, tandis que l'escorte de la jeune femme utiliserait un jet privé de la compagnie où ils pourraient l'installer plus confortablement.
Le trajet jusqu'à l'aéroport fut rapide et silencieux. Sydney était dans un état semi-conscient. Ils s'arrêtèrent à quelques mètres du Jet. Vaughn reprit Sydney dans ses bras, et ils montèrent à bord. La cabine était accueillante il y régnait une douce chaleur réconfortante. Ils allongèrent la jeune femme sur un sofa et Jarod inspecta son état pendant que le jeune homme allait parler au pilote.
Il repéra assez rapidement qu'elle avait un avant-bras salement amoché. Il était brisé en deux endroits, au moins. A mettre sur le compte des nettoyeurs… Un type de torture simple mais efficace. Le Caméléon reconnut bien là les méthodes du Centre… Profitant de l'inconscience de sa patiente, il piocha dans la trousse de secours de quoi faire une attelle, et immobilisa rapidement le membre blessé. Il venait de terminer lorsque Vaughn réapparut.
- Qu'est ce qu'elle a ? Demanda ce dernier.
- Double fracture de l'avant-bras gauche. Peut être triple. C'est difficile à dire. Plus de nombreux hématomes et plaies dus à des coups. En résumé… Elle a été tabassée sans relâche pendant ces trois jours. Elle est épuisée, je suppose qu'elle n'a pas dormi… Ni mangé. Je peux également vous affirmer qu'elle est déshydratée. Et…
Le Caméléon marqua une pause.
- Et… ? Insista Vaughn.
- Elle a prit froid, dit Jarod en posant sa main sur le front de Sydney. Elle a de la fièvre.
Il attrapa la couverture que lui tendait Weiss et la recouvrit avec.
- Mais elle est solide. Ses jours ne sont pas en danger. Elle aura surtout besoin de soutien psychologique pour oublier cette épreuve… Et je pense que sur ce point là, il n'y a pas d'inquiétude à avoir.
Sydney avait les oreilles qui bourdonnaient. Elle ouvrit les yeux. Elle se sentait déjà mieux. Au chaud. En sécurité… Sa vue devint plus nette. Elle reconnut Vaughn à côté d'elle, derrière un homme qu'elle ne connaissait pas. Ce dernier lui tendit un verre d'eau et l'aida à absorber quelques gorgées. Le contact de l'eau dans sa gorge desséchée lui parut incroyablement agréable. Elle se sentit ragaillardie par le sentiment de bien être qui l'envahissait. Son bras cassé avait été immobilisé. Elle ne souffrait presque plus…
- Qu'est ce que vous m'avez donn ? Demanda-t-elle d'une voix plus ferme, devinant que son état était influencé par quelque chose.
- Une dose de morphine. Ca va mieux ?
- Beaucoup mieux. Merci.
Elle leva soudain les yeux vers son agent de liaison. Ses traits tirés et sa mine pâle trahissait son inquiétude des derniers jours. Elle lui sourit tendrement. Il lui rendit son sourire. Jamais elle n'avait été si heureuse de revoir quelqu'un. C'était son image, toujours, imprimée dans son esprit, qui lui avait permit de tenir lorsqu'elle se sentait proche de craquer… Elle aperçut soudain une tâche rouge sang au niveau de son épaule.
- Vaughn… Tu est bless ?
- Non, c'est rien, ne t'en fait pas , lui répondit l'intéressé.
- Oh non, ce n'est pas rien, dit Jarod en se retournant.
Il força le jeune homme à s'asseoir sur un fauteuil et à ôter son gilet pare-balles, sa veste et sa chemise. Ce mouvement fit prendre conscience à Vaughn de la douleur, et il grimaça en réprimant un cri.
- La balle est passé sous votre gilet, annonça Jarod en examinant la blessure. Elle seulement éraflé votre épaule, vous avez eu de la chance, l'os n'a pas été touché. Ce n'est pas grave, mais ça sera un peu douloureux…
Le Caméléon pansa la plaie, puis il injecta un somnifère à Sydney pour lui permettre de se reposer sans être réveillée par la douleur lancinante qui la reprendrait lorsque la morphine ne ferait plus d'effet. Puis les trois hommes dénichèrent des sandwichs qu'ils dévorèrent avec appétit pendant le reste du court trajet.
Voili voilou !! Je vous ai un peu fait attendre, j'essaierai d'être plus rapide pour la prochaine partie… Vos feedbacks (qu'importe l'orthographe de ce mot barbare…) sont évidemment toujours les bienvenus à Faustine30tiscali.fr
