Toujours là pour toi


Le son de quelqu'un frappant à la porte de sa chambre d'hôtel tira Ellie de ses pensées morbides. Ses mains se crispèrent, en même temps que son rythme cardiaque s'accélérait soudainement.

Qui pouvait venir la visiter ?

Becca ne l'appelait qu'aux heures de repas, et le capitaine Hardy serait déjà entré. Sa sœur était partie toute la journée avec les enfants et Ollie, et personne d'autre n'était supposé savoir où ils logeaient.

Qui pouvait donc lui rendre visite ?

Etait-ce Karen Wright ?

Ellie ne voulait pas la voir.

Le cœur battant, la sergente se leva, se dirigeant lentement vers la porte.

-Sergente Miller ?

Les yeux d'Ellie s'agrandirent en reconnaissant la voix du révérend Coates. D'un geste brusque, elle ouvrit la porte, avant de se figer en découvrant Mark Latimer aux côtés du religieux. Paul lui adressa un gentil sourire un peu tendu.

-Sergente. Pardonnez-nous pour l'intrusion. Pouvons-nous entrer ?

Poli et respectueux, comme toujours. Ellie renifla, avant d'essuyer ses yeux rouges.

-Oui, bien sûr. Pourquoi pas ? Même si je ne vois pas ce que je peux faire pour vous, commenta-t-elle amèrement avant de pivoter sur ses pieds pour retourner s'assoir sur le lit où elle avait broyé du noir depuis le départ de ses enfants.

Les deux hommes échangèrent un regard, avant d'entrer à leur tour dans la chambre. Mark ferma la porte derrière eux, avant de s'appuyer contre le battant.

-A vrai dire, expliqua doucement Paul, la question est plutôt de savoir ce que nous pouvons faire pour vous.

Ellie le dévisagea. Paul soupira, avant de venir s'assoir à ses côtés et prendre sa main dans la sienne.

-Ellie. Je ne vous blâme pas. Ce n'est pas votre faute.

La policière secoua la tête, en même temps qu'une nouvelle vague de nausée et dégout l'envahissait. Elle jeta un regard à Mark, demeuré silencieux contre la porte.

-C'est gentil, révérend, mais on sait tous les deux que c'est faux.

-Bien sûr que non. Le religieux fronça les sourcils. Ce n'est pas vous qui l'avez tué, Ellie ! Sa voix se brisa. Ce n'est pas votre faute.

-J'aurai dû.. Je suis flic, j'aurai dû..

-Ellie, l'interrompit Mark, avant de venir s'accroupir face à elle et serrer maladroitement son genou. Il a raison. Ce n'est pas de ta faute. Personne ne te blâme. Il déglutit. Je ne te blâme pas, admit-il très bas, sa voix se brisant sur le dernier mot. Peut-être.. pendant quelques instants … Le cœur d'Ellie se brisa, avant que son ami ne secoue la tête. Mais il a raison. Ce n'est pas toi, Ellie. C'est lui .. Juste lui, souffla-t-il en contenant ses larmes.

-Tu devrais me haïr, souffla-t-elle, la voix brisée.

-Pourquoi ? La voix de Mark était rauque, épuisée par des heures passées à hurler et pleurer depuis la révélation de l'identité du tueur. Pour n'avoir rien vu ? Il lui adressa un sourire triste, brisé. Je n'ai rien vu. Personne n'a rien vu.

-Tu n'avais aucune raison de …

-Toi non plus, l'interrompit-il. C'est ton mari, Ellie. C'est.. C'était.. mon meilleur ami, souffla-t-il.

-Ce n'est plus mon mari, c'est … je …

Une nouvelle vague de larmes jaillit de ses yeux, avant de venir dévaler le long de ses joues, brûlant, dévorant chaque centimètre carré de sa peau. Un hoquet lui échappa, et puis un second, en même temps que les larmes venaient s'infiltrer le long de ses lèvres, en brulant l'extrémité avant de venir couler le long de sa gorge. Un cri lui échappa, et puis un autre, sa vision s'obscurcissant en même temps que tous les sentiments qu'elle avait étouffés avec difficulté jusqu'à présent explosaient. Elle ne réalisa pas immédiatement que quelqu'un la tenait, non, plusieurs personnes, plusieurs paires de bras, Joe, non, pas Joe, Joe était mort, elle le haïssait, comment avait-il pu …

Ellie sombrait, sombrait dans la folie, sombrait dans la douleur…

Danny..

Joe..

La falaise..

Tom…

Son petit garçon … Qu'aurait-il pu lui arriver …

Danny …

Un nouveau cri, de nouvelles larmes. Ellie avait maintenu avec ténacité une faible façade devant ses fils, mais il venait un moment où tout le monde devait craquer, et ce moment était venu pour elle.

Comment avait-il pu ?

Comment n'avait-elle pu rien voir ?

A quel point était-elle aveugle ?

Elle ne méritait pas son insigne.

Elle qui avait rêvé de devenir capitaine, ah.

Elle était misérable.

Parlez donc de pathétisme.

Ellie. Ellie.

Quelqu'un l'appelait.

Ellie ouvrit les yeux. Le révérend Paul la fixait, son expression dévastée. A côté d'elle, Mark serrait sa main, ses propres yeux rouges de chagrin.

Ellie se sentit soudainement monstrueuse.

Ce n'était pas elle qui avait perdu son fils.

Elle n'était que la femme du meurtrier.

Un hoquet la saisit, et elle se pencha en avant, luttant contre une nouvelle envie de vomir. Paul frotta maladroitement son dos, attendant que les hoquets passent et qu'elle se redresse. Mais la policière demeura penchée, ses yeux vides rivés sur le sol.

A côté d'elle, Mark secoua la tête.

-Quoique tu penses, tu as tort.

-Mark …

Celui-ci agrippa son épaule.

-Ce n'est pas toi, Ellie. C'est lui. C'est ce que tu dirais, non, si c'était quelqu'un d'autre ? Non ? insista-t-il.

Son amie secoua la tête, avant de s'essuyer le visage. Elle saisit avec reconnaissance les mouchoirs tendus par Paul.

-J'imagine … C'est juste … Cela semble tellement vide de sens, maintenant … Elle baissa la tête. Je ne comprends pas comment … tu peux.. Beth me hait, souffla-t-elle, le cœur brisé.

-Beth reviendra, assura Paul en serrant sa main. Elle a juste besoin de temps.

Ellie secoua la tête.

-Comment vous pouvez en être si sûr ?

-Parce que c'est Beth, répliqua-t-il. On réagit tous différemment, Ellie, ajouta-t-il gentiment en pressant sa main. Vous ne devriez pas être aussi dure envers vous-même. D'où je me tiens, vous êtes aussi une victime.

La sergente renifla.

-Vous le pensez vraiment, hein ? Elle baissa la tête. Je ne sais pas quoi faire, admit-elle finalement, sa voix brisée. Je ne veux pas sortir… mais je deviens dingue, ici, souffla-t-elle.

Paul soupira.

-Vous avez peur d'être vue.. Vous craignez le jugement des gens.

-Les gens, les gens… Les gens sont des cons, siffla Mark. Ils ont tué Jack Marshall. Je ne les laisserai pas vous faire subir la même chose, à toi et tes fils !

-Ils ont le droit de me haïr, Mark, murmura Ellie, épuisée.

-Ils n'ont aucun droit ! S'ils ont deux grammes d'intelligence, ils sauront que tu es innocente !

-Ils vont penser que je l'ai couvert, souffla-t-elle.

-Je les défoncerai ! Tout le monde t'a vue te battre pour le trouver, Ellie, il faut être un vrai con pour penser le contraire !

-Le jugement populaire n'a que faire des preuves, commenta amèrement Paul. Et les journalistes non plus ... Ellie a raison de craindre leur colère… Mais vous devez aussi comprendre que vous n'êtes pas seule, ajouta-t-il en pressant la main de celle-ci, tout en la fixant de son regard bleu intense. Vos vrais amis sont toujours là, Ellie. En ces temps d'épreuve, ils se révèleront à vous.