Dans le frais du mois de janvier, dans des vêtements courts qui montrent assez de peau pour que quiconque s'inquiète, une jeune fille prénommée Marion s'assoit sur les tuiles bleu nuit du toit.

Insouciante comme à son habitude, elle regarde vers le ciel blanc en se disant que c'est aussi déprimant que ses tracas habituels.

Elle a fait fort cette fois. Elle a prétexté vouloir se rendre aux toilettes pour finalement escalader la fenêtre pour se retrouver sur le toit. Les tuiles fraîches contre sa peau, elle ne s'est pas découragée et a rampé jusqu'à être au sommet.

Le bâtiment B est petit mais reste celui que tout le monde voit quand on passe devant le lycée. Ça importe peu, et Marion tente de se tenir debout sur des jambes tremblantes pour enfin pouvoir passer à l'acte et dire « adieu » à demain.

Apeurée mais déterminée, elle inspire et profite une dernière fois du vent soufflant dans ses cheveux. Elle compte en même temps jusqu'à dix dans sa tête, sueur et larmes sur son visage.

« Marion ! » entend-elle d'une voix familière qui la détend.

Il n'y a aucune trace d'un rire ou d'une colère antérieure, jusqu'à ce qu'il comprenne quel genre de bêtise la douce Marion s'apprête à faire.

– Monsieur ?! bégaie-t-elle, surprise.

Elle l'apprécie mais il est bien la dernière personne qu'elle souhaite voir en ces moments difficiles !

Elle fait volte-face et manque de tomber, une des tuiles mal fixées jetée en avant par le bout de sa botte.

L'homme se précipite en manquant de trébucher du toit lui aussi. Il lui attrape le bras et elle, alarmée, gifle sa main de sa peau fragile. Dommage qu'il ait résisté et que ses ongles aient creusé la peau.

– Es-tu folle ?!

– Vous, l'êtes-vous ?! Vous aviez essayé quoi au juste ? De me tuer ?

– Et toi tu essayais quoi ? D'observer les étoiles ?

Marion garde le silence et regarde en arrière. Sur l'horloge géante de l'internat, il est indiqué trois heures et demi de l'après-midi.

– Le suicide est une chose personnelle qui ne concerne que le protagoniste d'une vie…

– Si tout le monde sautait d'un pont, le ferais-tu ?

« Probablement », veux-t-elle répondre. Et sans entendre sa petite voix fluette, l'homme soupire.

– D'accord…

– Vous n'allez le dire à personne, n'est-ce pas, se sent-elle obligée de demander. J'aimerai que personne de mon entourage ne le sache, en particulier mes parents. S'il-vous-plaît laissez-moi m'adresser au moins une fois à Antoine et non au professeur !

– J'imagine que je n'ai pas le droit de dire non alors je t'écoute.

Marion prend une profonde inspiration et se masse les paupières. Elle ne remarque donc pas de par ce simple geste pour se calmer les nerfs qu'Antoine a vu les marques rouges et gonflées sur ses deux avant-bras. Après tout, il reste silencieux en attendant qu'elle se sente prête à se confier.

– Bien, voilà. Il y a des filles de la classe qui se moquent de moi, me poussent et m'affichent sur les réseaux. Cela fait des mois et… j'ai fini par faire une dépression.

– Tu n'en a parlé à vraiment personne ?

– Hé bien non, soupire la jeune fille.

– Je pense que je vais être obligé d'en parler à quelqu'un, Marion. Je suis désolé mais si je me fie à ce que tu me racontes ça s'appelle du harcèlement, dit-il tout en ajustant ses lunettes plus haut sur son nez.

– Non !!! crie Marion.

Sans s'en rendre compte, tel l'idiote qu'elle est, elle s'est agrippée fermement au col de la veste de son professeur.

– Vous ne pouvez pas faire ça ! Pas après avoir promis de garder ça pour vous, M. Antoine !

Sur le coup de la surprise, il s'est aggripé à ses hanches. Leur visage se sont donc rapprochés. Celui de l'adolescente est aussi rouge qu'une tomate er celui de l'homme affiche une expression de surprise. Tant de proximité entre un homme adulte et une future jeune femme est certes perturbante à tant de niveaux mais il y a plus grave pour l'heure.

– Je… il déglutit. D'accord… Mais si ça devient incontrôlable je me devrai de tout dire à des gens plus compétents.

Marion sourit.

– Merci M. Antoine. Merci mille fois !

Il essaye de paraître confiant dans sa manière d'être. Les sourcils à la jolie forme se froncèrent et il sait qu'elle aussi ressent l'alchimie dans l'air.

– De rien. On descend ?

Elle hoche la tête et il l'aide à repasser par la fenêtre par laquelle ils étaient sortis. Marion époussette sa jupe brun foncé et suit Antoine de près, rougissant encore de leur précédente proximité.

Tout le monde peut voir qu'il est un beau mec qui a dû succès avec les autres professeurs mais aussi avec les élèves : en particulier avec les filles.

Pendant qu'ils marchent jusqu'à la salle de classe, Marion se penche légèrement en avant pour mieux sentir l'odeur d'Antoine. Une odeur naturellement sucrée qui reste masculine malgré tout.

Elle aimerait tellement pouvoir le sentir encore plus tout comme elle aimerait pouvoir jouer avec ses boucles blond foncé cendré, embrasser ses fossettes, ou encore mieux : ses belles lèvres. Combien de fois s'est-elle touchée en imaginant qu'il embrassait son corps, la caressait, lui faisait l'amour ?…

Trop de fois pour le dire. Heureusement que ce n'est qu'un fantasme récurrent et qu'elle n'est pas prête du tout pour ce genre de batifolage.

Marion s'assoit à sa place et joue avec son stylo bleu. Même si Antoine est fascinant et toujours dévoué à faire réussir ses élèves dans la matière aussi complexe qu'est celle qu'il enseigne, ce n'est pas ce qui passionne le plus l'adolescente. Durant les dix minutes restantes du cours elle fait semblant d'écouter, dessinant des petits animaux sur sa feuille quand il faut écrire.

Déjà pénalisée, autant continuer.

La sonnerie retentit, et Marion allait s'enfuir comme un voleur quand Antoine l'appelle depuis son bureau.

Elle soupire et avec un petit sourire typique d'elle elle lui demande ce qu'il veut d'elle.

– Vous voulez me dire quelque chose ?

– Si tu veux discuter un peu… je suis toujours disponible.

Elle joue avec ses doigts et rougit.

– Après les cours dans ce cas. Ce que vous dîtes et faîtes signifie beaucoup pour moi, monsieur.

Il se lève, met sa veste avant de prendre son sac d'une main et de l'autre la joue de son élève.

– Alors à ce soir. Dix-huit heures devant la B 206.