Je suis désolée du retard que j'ai pris ('essaye d'apitoyer ses lecteurs'). Ce chapitre était assez dur à écrire tout comme ceux qui viendront après ('et une excuse pour la prochaine fois, une !'). Pour me faire pardonner, il est tout de même assez long. Je vais essayer de mieux m'organiser pour écrire et être plus régulière. J'espère donc que vous ne m'en voudrez pas trop et je vous prie donc de ne pas me boycotter. Un grand merci à tous les gens qui lisent cette histoire et l'apprécient.

Leo : Aucune panique à avoir, mes chapitres ne vont pas s'envoler. Je te remercie pour tes commentaires. Quant à ma connaissance du Japon, je ne m'y connais pas forcément mieux que d'autres mais je suis contente que tu découvres certaines choses à travers cette histoire. Pour ta fic, j'attends avec impatience de la lire.

Sn25 : Très heureuse que tu ais découvert ce que je considère comme l'un des meilleurs mangas en la matière. J'espère que mon histoire te plaira et te donnera envie de suivre cette voie...

Titre : Otome no tsuchi to kaze – La fille de la terre et des vents

Auteur : Elizabeth.

Disclaimer : Tout ce que vous allez lire ne m'appartient pas (sauf peut-être l'histoire, ce qui n'est que peu de choses). Ayant décidé d'écrire sur le monde de Kenshin, je tiens à préciser qu'il appartient au mangaka Nobuhiro Watsuki Je ne touche donc aucun droit d'auteur et le travail que je fournis n'est pas dans un but lucratif. Je vous prie donc de ne pas me poursuivre.

Avertissement : PG-13 (pour les idées développées dans l'histoire, les scènes de violences et autres).

Résumé général de l'histoire : Une jeune fille qui cache un profond secret s'enfuit pour protéger celui qui lui a autrefois sauvé la vie. Au cours de ses recherches, elle échoue à Tokyo où elle va rencontrer Kenshin. Pour l'aider, ce dernier replongera dans les méandres de son passé.

Remerciements : Je remercie les personnes qui prendront le temps de lire cette histoire et de me laisser un message. Sachez que cela est toujours encourageant. Vous pouvez aussi me faire part de vos remarques et critiques à l'adresse suivante : avec comme objet "fanfiction kenshin". Merci et bonne lecture.

LA FILLE DE LA TERRE ET DES VENTS

Chapitre 6 : Le sacrifice des innocents.

C'est par un bel automne que Suku Tedakasu arriva dans la région de Kyoto. Les arbres se tentaient d'or et de cuivre et les feuilles se détachaient déjà au passage de quelques bourrasques de vent. Le jeune garçon ne portait pour tout bagage qu'un petit baluchon et attaché dans son dos, un long sabre dans un étui nacré. Il avait voyagé depuis de longues semaines sans savoir où aller. En ces temps bouleversés par la révolution, les chemins n'étaient que peu sûrs. Ses vêtements de voyage ne lui donnaient pas un air particulièrement distingué car couverts de poussière et usés. Ses cheveux noirs étaient relevés en une longue queue de cheval alors que des mèches cachaient adroitement son regard ténébreux. Cependant, ses yeux sombres semblaient éclairés d'un éclat d'espoir. Le jeune garçon avait entendu dire que le samouraï qui contrôlait la région recherchait un kendoka de haut niveau pour enseigner le maniement du sabre à son fils aîné. Il se rendait donc à l'immense propriété du seigneur. Après avoir traversé le village, il arriva devant l'imposante demeure du clan Kizoku. Là, les gardes refusèrent d'abord de le laisser passer. Alors que le garçon s'apprêtait à repartir, quelqu'un arriva et l'interpella. Suku se retourna et aperçut un homme vêtu d'une tenue de combat.

« Pourquoi es-tu venu ici, lui demanda le guerrier en le fixant du regard. »

« J'ai entendu dire que le seigneur Kizoku recherchait un kendoka ? »

« En effet, mais nous cherchons un vrai sabreur. Tu me sembles un peu jeune pour être kendoka accompli. Et possèdes-tu seulement un sabre? »

« Si je n'étais pas ce que je suis, je ne me présenterai pas à vous, laissa échapper Suku. »

L'assurance du jeune homme plut au guerrier.

« Tu as du commencer le sabre bien tôt ! Mais ne te vantes pas trop avant d'avoir montré ce dont tu es capable. »

La voix de l'homme n'était pas moqueuse ni ironique, simplement emprunte d'une pointe de curiosité. En effet, le jeune homme qui se tenait devant lui n'avait rien d'extraordinaire. Il était assez grand et mince mais ne devait pas être très âgé. Lui, savait pertinemment que d'autres hommes s'étaient présentés. Tous étaient reconnus pour leurs talents et leur habilité. Le guerrier l'invita cependant à entrer dans la demeure et lui indiqua le chemin à suivre où se tenaient les autres samouraïs. Il pénétrèrent dans une grande cour à ciel ouvert, bordée des bâtiments de la résidence. De grands arbres se courbaient par–dessus un bassin dans lequel nageaient des carpes multicolores. Un grand tatami avait été déployé à l'extérieur. Le seigneur était assis sur un coussin en compagnie de son fils, vêtus de façon imposante. Tous deux se tenaient raides tandis que trois hommes se tenaient debout. Le militaire qui l'avait fait entrer le poussa devant lui et Suku butta contre le tapis. Son sac tomba à terre et les regards se tournèrent vers lui. Il ne s'en inquiéta pas, il savait ce qui lui restait à faire. Il ôta ses sandales et se prosterna. Son regard s'attarda sur le fils du seigneur. Il était jeune, peut-être à peine âgé d'une dizaine d'années. Ses yeux bleus miroitaient d'impatience mais il savait pourtant garder la froideur et le calme de son rang. Son visage reflétait une gentillesse et une certaine candeur propre à son âge. Le seigneur fronça les sourcils et interrogea le guerrier qui devait être le chef de sa garde.

« Quelle est cette plaisanterie ? »

« Ce jeune homme est venu ici pour le poste de maître d'arme, répondit l'homme après s'être prosterné. »

« Et bien, qu'il montre de quoi il est capable ! Affrontez-le ! »

Le guerrier ne s'attendait pas à cet ordre mais acquiesça. Il fit glisser le sabre de sa ceinture et s'avança devant le jeune homme. Le nouveau venu le fixa du regard sans paraître troublé.

« Attaquez-moi, lança Suku qui s'était redressé de toute sa taille. »

L'homme s'élança vers lui de toute sa vitesse, le sabre en avant. Suku fit un pas de côté et plongea sa main à son flanc. Son étui bascula en un éclair et libéra un sabre très fin dont il se saisit. Il s'avança et enchaînant une suite de parades, effleura le bras de l'homme dont le tissu de la manche se déchira. Un incessant ballet s'engagea entre les deux hommes. Cependant, Suku montrait une adresse particulière à se battre, bien que parfois, il parut en difficulté du fait de sa plus faible corpulence. Le samouraï possédait une grande carrure qui s'imposait à son adversaire. Brusquement, l'équilibre de l'affrontement bascula alors que Suku se retrouvait acculé à la limite du tapis. Les yeux du jeune seigneur n'avaient pas perdu une seule action de, peut-être, son futur maître. Ses mains tripotaient nerveusement le rebord de son kimono bleu.

Suku para un violent coup de lame de l'homme et se cambra. Il s'aplatit presque à terre devant la surprise de son adversaire qui ne l'avait pourtant pas touché si violemment. Mais le jeune homme parut prendre appui sur le sol et se redressa dans un bond immense. Il sembla s'envoler en l'air tout en manipulant son sabre. Le samouraï, toujours étonné, n'eut que le temps de faire un pas de côté et de voir le jeune homme retomber sur lui. Il ressentit une brusque douleur à la poitrine et Suku atterrit en une chute sur le sol.

Le souffle rauque lui embrasait la poitrine mais il savait qu'il avait réussi. Le seigneur ne pouvait que l'accepter comme maître pour son fils après une telle démonstration de talent, d'adresse et de vitesse.

Alors que le combattant palpait son torse, aucun flot de sang ne s'épancha de ses blessures multiples qu'il semblait avoir. Suku baissa la tête et laissant glisser un doigt sur la lame immaculée de son sabre, le glissa en un mouvement dans son étui qu'il fit basculer.

« Il ne vous a pas blessé, souffla froidement Kizoku. »

« Détrompez-vous, seigneur. Ce dernier coup qu'il m'a porté aurait pu me blesser sévèrement s'il n'avait pas contrôlé la force de sa lame. »

« Ce n'est pas la lame mais simplement la garde qui vous a éraflée, répondit doucement Suku, n'étant pas sûr de pouvoir prendre la parole devant le seigneur. »

Ce dernier le fixa d'un regard sévère et Suku replongea sur le tapis, face contre sol.

« Engagez-le, alors ! Vous lui donnerez de quoi se vêtir en conséquence. »

« Bien, mon seigneur. »

Et c'est ainsi que Suku Tedakasu devint le maître de Guchoku Kizoku alors que la révolution faisait rage au-delà des frontières du domaine.

Quatre ans étaient passés depuis son engagement auprès des Kizoku et Suku accomplissait son travail avec application. Ses dix-huit ans le projetait maintenant au rang de guerrier aguerri parmi les soldats du seigneur. Suku se trouvait dans la salle d'entraînement en compagnie de Guchoku, le jeune héritier du seigneur Kizoku. Ce dernier avait grandi en taille et en prestance. Il avait maintenant quinze ans et était donc considéré comme un homme. Il gardait cependant un air charitable dû à ses yeux bleus. Suku qui le dominait de sa haute taille lui demanda de se placer face à lui sur le tatami. Au signe de tête de son maître, Guchoku enchaîna une rapide succession de coups de sabre. Lorsqu'il retomba sur le sol, Suku lui accorda la fin de l'entraînement et se retira de son côté. Une fois que le jeune homme fut parti, une petite fille se glissa entre les cloisons mobiles puis se dirigea vers Guchoku qui était resté seul. Elle était assez menue mais déjà assez grande pour son âge. Ses longs cheveux flottaient dans son dos tandis que son regard espiègle jetait des étincelles couleur de jade autour d'elle. Le jeune homme s'épongeait la sueur qui coulait le long de son front alors que la petite fille arriva derrière lui. Il se retourna prestement et elle fit une grimace.

« Hisu', tu ne devrais pas te trouver ici ! Tu sais très bien que cela t'est interdit. »

La petite fille fit la moue puis lança un air malicieux. Elle fit une pirouette sur elle-même mais son ample kimono la gêna.

« Ne t'inquiète pas pour moi, Guchoku. Personne ne fait attention à moi en ce moment. J'en profite donc. »

« Je paris que tu as encore passé toute l'après-midi à nous observer, murmura t'il. »

« Tu m'as vu, demanda Hisuiro en baissant la tête, confuse. »

« Bien sûr que non ! Tu es comme un courant d'air, tu te faufiles partout. Mais j'ai remarqué que Suku avait plusieurs fois regardé vers la cloison derrière laquelle tu étais cachée. »

« Il savait donc que j'étais là ? »

« Oui et tu as de la chance qu'il ne dise rien. Si père savait que tu assistes à mon entraînement, il te renverrait dans tes appartements. »

Guchoku essayait de se montrer sévère envers la jeune enfant mais cela lui était quasi impossible. Sa sœur était la jeune fille la plus adorable qu'il fût à ses yeux. Agée d'à peine onze ans, elle était vive et pleine d'humour. Son statut de fille aurait du l'obliger à suivre un code de vie très strict jusqu'à son mariage, seulement entourée de femmes et de suivantes. Cependant, depuis la mort de leur mère, la petite fille était laissée en liberté (ce qui lui convenait parfaitement). Sa grande passion était de regarder les entraînements de son frère. Cela la fascinait. Elle pouvait rester des heures, blottie derrière la cloison de papier, accroupie tandis que ses genoux s'ankylosaient, retenant son souffle et observant chaque mouvement exécuté et chaque exercice.

« Si seulement je pouvais avoir, moi aussi, un sabre, soupira t'elle. »

« Tu sais bien que ce n'est pas possible, murmura son frère en passant la main dans ses cheveux. »

« Je voudrais être un garçon. »

Voyant la petite fille si triste, son frère se résolut à consoler son chagrin. Il rangea son sabre et l'accrocha au mur à côté d'une estampe. Sa main se glissa doucement sous le papier de riz et saisit quelque chose qu'il dissimula derrière son dos.

« Ecoute, pour te consoler de ne pouvoir manier un sabre, je vais te confier un secret. Tu es d'accord ? »

La petite fille releva la tête et son frère se retrouva face à ses deux grands yeux vert émeraudes qui brillaient d'excitation. Il s'agenouilla et elle fit de même. L'après-midi se finissait et déjà, les ombres s'étiraient sur le sol. Des oiseaux s'envolèrent vers la montagne tandis que des gardes du seigneur marchaient le long de la courtine du château.

« Ce que je vais te confier est le labeur de quatre années d'entraînements. Comme je doute que tu puisses un jour manipuler un sabre, je te le confie. »

Guchoku sortit un petit carnet noir et le tendit à sa sœur. Elle s'en saisit délicatement, comme si c'était le bien le plus précieux qu'on ne lui ait jamais confié.

« Pendant quatre années que j'ai travaillées avec Suku, j'ai passé chaque soirée à noter les techniques qu'il m'inculquait. Tu peux le lire, je te le confie. Je ne crois pas qu'il servira un jour à quelqu'un. Donc, autant que tu en profites. »

La petite fille déposa le livre et se jeta dans les bras de son frère. Celui-ci fut un peu surpris par la familiarité de sa sœur, ce qui ne ceignait pas trop à son rang. Il la laissa pourtant se blottir contre lui et l'entendit murmurer un merci. A côté d'eux, les pages du livre furent agitées par un courant d'air et apparut sur la première page une fine écriture en calligrammes. On pouvait y lire : "La Terre et les vents, Tsuchi no Kaze".

Suku se rendit dans sa chambre pour se changer et revêtit des vêtements plus confortables. Il rangea son sabre aux côtés ses affaires. On frappa à sa porte et il entonna d'entrer. Un soldat de la garde du seigneur apparut, revêtu d'une tenue de combat rutilante. Le kendoka fut étonné et se redressa.

« Le seigneur Kizoku désire vous parler. C'est urgent. »

Suku se leva donc et suivit le garde à travers les couloirs. Ils se rendirent dans la grande salle du palais et alors que la cloison s'ouvrait et que le jeune homme s'apprêtait à se prosterner, son seigneur l'interrompit.

« Ce n'est pas la peine, Tedakasu. Le temps est trop précieux pour être perdu en protocole. »

Suku se redressa, mal à l'aise, tandis que le seigneur Kizoku s'approchait de lui.

« Voyez-vous, Tedakasu, cela fait bientôt quatre ans que la révolution a mis fin à la domination du shogun et que le droit de l'empereur a été rétabli. Toutefois jusqu'à aujourd'hui, le travail des impérialistes s'était surtout axé sur Kyoto et avait ainsi permis aux seigneurs ruraux comme moi de continuer à vivre comme bon leur semblaient. Néanmoins, les Ishin shishi se sont décidés à asseoir le pouvoir impérial à travers tout l'archipel. Ils poursuivent leur avancée vers le Sud et vers mes terres. »

Il s'arrêta quelques instants tandis qu'un serviteur lui apportait son sabre qu'il ceignit à son ceinturon.

« J'avais pensé pouvoir rester en possession de mes terres mais cela n'est plus possible. Je vais donc me rendre avec un détachement de mes soldats pour parlementer avec le représentant des impérialistes. Ils sont censés et ne souhaitent pas terminer cette conquête dans un bain de sang. Mais je ne puis en être sûr, c'est pourquoi je vous charge de surveiller le village et le château. Si jamais on vous attaquait, vous prendriez le commandement des hommes qui resteraient ici. »

Suku frémit en pensant que l'homme qui lui faisait face se rendait à la soumission. Il allait perdre son titre, ses terres et se retrouverait contraint d'abandonner ses idées qui n'avaient plus court dans cette nouvelle ère. Bien que le code d'honneur l'eût obligé de continuer à sa battre, Kizoku avait compris que son temps était révolu et préférait éviter tout carnage, pensant à ses gens. Le kendoka salua son seigneur et l'assura de sa loyauté et de sa droiture. Sorti sur la terrasse, il vit s'éloigner le cortège des hommes dont le seigneur et ses officiers à cheval. La masse sombre disparut à travers la campagne dont on entendait déjà les rumeurs assourdissantes. L'air était lourd et l'horizon se couvrait de poussière à l'approche des troupes impérialistes sous les rayons vermeils du soleil déclinant.

Une troupe d'hommes se faufila à travers les arbres de la forêt vers le domaine des Kizoku. A sa tête se trouvait un homme des plus étranges. Il était vêtu d'un hakama noir et d'un haori blanc. Ses cheveux flottaient sur ses épaules malgré qu'il les ait attachés en hauteur à l'aide d'un ruban rouge. Ils reflétaient la lumière du soleil et se tentaient d'or et de lumière. Il avait un air hautin et alors que se dévoilait le village surplombé du château, il sourit ouvertement de façon effrayante comme si la vision d'un carnage s'imposait à ses yeux, réjouissant son cœur. Koman Yokoshima avait laissé le camp des impérialistes derrière lui et en compagnie de mercenaires, avait contourné la forêt pour surprendre le domaine des Kizoku. Tandis que les négociations avec le seigneur se feraient, lui avait prévu de tout mettre à feu et à sang bien que les impérialistes aient plus que tout aspiré à un pourparler pacifique. Il était un chef charismatique et ne méritait pas le rang auquel on l'avait retranché. Du sang noble coulait dans ses veines et lui donnait à lui plus qu'à n'importe qui le droit de faire justice.

Pour lui, aucune pacification n'était possible. Tous les nobles méritaient le même traitement : mourir. Agé de dix-sept ans, il avait quelques années auparavant rejoint les Ishin shishi, souhaitant plus que jamais se venger des souffrances que cette caste lui avait fait endurer. Koman s'avança sur la colline et n'hésitant pas, brandit en l'air son sabre. La masse se mit en branle, hurlant avec lui leur haine. Les guerriers dévalèrent la pente et apparurent aux abords du village, leurs drapeaux flottant en l'air et les flambeaux rougeoyant dans la nuit proche.

Hisuiro entendit les femmes qui se trouvaient dans sa chambre parler à toute vitesse. Elles semblaient apparemment paniquées. La petite fille colla son oreille contre la cloison et entendit leurs paroles balbutiées, entrecoupées de précipitations et de bruits de cavalcades. Elle comprit aussitôt que quelque chose de grave se passait. Sans attendre, elle se dirigea vers la salle des gardes mais comme un kendoka arrivait, elle se dissimula derrière un paravent. L'homme alerta les autres en criant que le village était attaqué. Aussitôt, Suku Tedakasu, le maître de Guchoku, jaillit de la salle en tenue de combat. Il était vêtu d'un haori rouge tandis que son pantalon noir flottait autour de lui. Hisuiro remarqua le superbe étui nacré qui gardait son sabre, accroché dans son dos. Il lança un ordre auquel les autres kendoka répondirent, malgré son jeune âge. La jeune fille sentit une sueur froide glisser dans son dos quand son frère apparut à son tour, prêt à se battre. Elle trembla et se dit alors que le destin lui faisait un signe. Elle pourrait profiter de cette occasion pour montrer ce qu'elle valait.

Les hommes sortirent du couloir en courant, la laissant seule. Elle se rendit à nouveau dans sa chambre maintenant déserte. Personne ne s'était soucié de ce qu'elle faisait. Elle rejeta le pan de son kimono, se dévêtit rapidement et enfila d'anciens vêtements appartenant à son frère. Elle releva ses cheveux comme les guerriers et se rendit précipitamment dans la salle d'entraînement. Elle fit coulisser la lourde cloison et chercha du regard un des sabres de son frère. Elle le glissa à sa ceinture et courut à travers la résidence jusqu'aux abords du village. Le sang lui frappait violemment les tempes et l'excitation panique la gagnait peu à peu. La nuit tombait lentement mais le village reflétait les dizaines de torches et de flambeaux qui l'éclairait.

La jeune fille s'avança encore en courant jusqu'à ce qu'elle rencontre son premier adversaire. L'homme ricana et se jeta sur elle. Heureusement avantagée par sa petite taille, elle se jeta au sol. L'homme pivota et alors qu'il levait son sabre au-dessus d'elle, Hisuiro se retourna sur le sol, sentit le sabre à ses côtés et eut une brutale prise de conscience de la situation dans laquelle elle se trouvait. Elle saisit alors à pleine main le fourreau du sabre et bloqua de toutes ses forces son attaquant. A ce moment là, un cri retentit et le torse de l'homme fut transpercé d'un coup de sabre. Une gerbe de sang jaillit et aspergea la jeune fille, maculant ses vêtements déjà couverts de terre. Son adversaire s'écroula au sol et elle se redressa maladroitement, le sabre à la main et son visage constellé de gouttes vermeilles. La jeune fille se remit à courir sans prêter attention à celui qui l'avait sauvé. Il ne l'avait certainement pas vu et rien n'indiquait que ce ne fut pas un ennemi. Avec sa manche, elle essuya vaguement son visage tandis que tout s'affolait autour d'elle. Les drapeaux claquaient au vent avec les hurlements des guerriers. Elle n'hésita pas, trop consciente de ce qu'elle était entrain de vivre. Maintenant que l'horreur et la violence du combat l'assaillaient, elle ne pouvait faire demi-tour. Son sabre à la main, elle se jeta dans la mêlée qui se présentait à elle.

La tornade humaine qui s'agitait autour d'elle l'aveuglait partiellement mais elle finit par se retrouver au sein même de l'affrontement. Une troupe d'hommes vêtus inégalement se pressait à sa droite tandis que les hommes de son père tentaient l'impossible. Un des jeunes gardes reçut un coup de sabre qui l'atteignit au bras et son sabre tomba à terre. Sans hésiter, Hisuiro se précipita à son secours. Elle saisit maladroitement e sabre et attaqua sur le côté l'impérialiste. Celui-ci se retourna et lui fit face. Sa face rougeaude luisait de l'effort et ses lèvres se retroussèrent pour laisser paraître un sourire perfide.

« Qu'est ce que c'est que ça, cracha violemment. »

Hisuiro soutint le regard de l'homme et se campa instinctivement sur ses deux jambes, prête à se battre.

« Tu es bien jeune pour te battre mais il n'est jamais trop tôt pour mourir ! »

L'homme cria et se pencha brusquement vers elle, le sabre prêt à la frapper au visage. Hisuiro fit volte face et alors eu l'homme imposant se mouvait, elle lui assainit un violent coup sur le flanc. Un flot de sang s'échappa et elle se recula précipitamment. L'émoi et la violence augmentaient sa volonté de combat. Elle se mit alors à courir vers tous les adversaires qu'elle trouvait, comptant sur sa rapidité et sa petite taille. Tout à coup, elle perçut un mouvement derrière elle et n'eut que le temps de serrer les dents avant qu'un brutal coup de sabre la projète au sol, face dans la terre, inconsciente.

Suku laissa glisser la lame de son sabre et d'un mouvement de poignet se dégagea de l'attaque de son adversaire. Il frappa l'homme au cou et l'autre tomba en gémissant. Le jeune homme affrontait ses opposants avec une vitesse déconcertante et avançait ainsi contre la foule de brigands. A ses côtés Guchoku manipulait son sabre avec toute la pratique que le lui avait enseigné son maître. Il se pencha alors qu'un homme sautait à sa gorge et roulait au sol. Suku se dégagea de la proximité d'un opposant d'un coup de pied et taillada agressivement sa cuisse, l'empêchant de se battre. Tout à coup sur leur droite, la foule parut se dissoudre et un silence relatif s'établit. Un petit groupe d'attaquants avaient attrapé un jeune garçon et le plus grand d'entre eux le tenait par le col. Guchoku fixa la scène du regard avant de pâlir rapidement. Il manqua de recevoir un coup de sabre à l'épaule que Suku dévia pour lui. Le maître fixa son élève d'un air soupçonneux puis inquiet.

« Que se passe t'il ? Tu as vu quelque chose ? »

« Le jeune homme là-bas... est ... ma sœur. »

Le kendoka laissait tomber ses derniers mots en blêmissant. Suku se retourna vivement et fixa la scène à son tour.

« Il faut faire quelque chose, implora le jeune garçon. »

« J'ai promis que rien ne t'arriverait, je ne peux te quitter, répondit Suku, le regard noir. »

Guchoku l'attrapa par la manche et le retourna vers lui, bien que Suku fut plus grand d'une bonne tête.

« Si tu ne sauves pas ma sœur, alors ma vie ne vaut rien, pleura t'il. Elle n'a aucune chance de s'en sortir. Moi je pourrais toujours me défendre, tu m'as enseigné ta technique. S'il te plait, va la chercher. »

Suku, bien que tenu par sa promesse au seigneur, acquiesça et partit en courant sauver Hisuiro.

Le jeune garçon rassuré le regarda s'éloigner avec soulagement. Suku Tedakasu était trop fort pour être battu par qui que ce soit, il allait délivrer sa sœur et la ramener saine et sauve. A ce moment là, un rire désagréable retentit à ses oreilles et un étrange homme apparut. Ses cheveux clairs étaient détachés et flottaient dans le vent tandis que son visage le fixait ardemment.

« Dis-moi, jeune homme, que vas-tu faire, maintenant que ton maître n'est plus la pour te protéger ? »

« Je peux me protéger tout seul, lâcha calmement Guchoku. Je n'ai rien à craindre de toi. »

Ils se mirent chacun à tourner dans le vide, lentement, la main sur la garde de leur sabre.

« Ne me sous-estime pas, susurra l'autre. Je suis du même sang que toi. J'ai le même pouvoir que toi. »

« C'est ridicule, tu ne peux pas être noble ! Un samouraï ne monte pas d'horribles complots. »

« Ce n'est pas parce que je n'appartiens à aucune école de sabre que j'en suis moins bon. Au contraire... Tout ce que tu as eu, on me l'a ôté. Le sabre est pour moi l'unique moyen de châtier les usurpateurs et les félons. Quelque soit l'école à laquelle tu appartiennes, tu pousseras ton dernier soupir sous cette lame comme tous ceux avant toi qui m'ont affronté. »

Guchoku serra les dents mais n'hésita pas à répondre aux accusations.

« Tu te trompes, l'école Tsuchi no kaze est plus forte que n'importe quelle volonté de destruction et de vengeance. Je vais te le prouver. Maintenant. »

Et poussant un cri de guerre, il s'élança vers Koman dans un saut prodigieux.

Hisuiro gémit faiblement en sentant quelque chose de froid et gluant forcer contre son cou. Elle ouvrit péniblement les yeux et s'aperçut que ses pieds ne touchaient pas le sol. La tête lui tourna et elle manqua de s'évanouir à nouveau. Et cette chose qui continuait de frotter contre sa gorge. Ses yeux aveuglés distinguèrent d'abord une obscurité puis quelques lumières apparurent dans le flou. La voix d'un homme grogna quelque chose et la jeune fille comprit alors. C'était un couteau qui, poisseux de sang, menaçait de l'égorger. La main de l'homme serrait fermement son col et alors qu'elle tentait de se dégager, il tourna son visage vers elle et ricana.

« Alors, enfin réveillé ? Cela eut été dommage que tu rates ta propre mort ! »

Son rire s'étrangla et une autre voix éclata.

« Lâchez cette fille ! »

Hisuiro laissa sa tête tomber sur son épaule et aperçut Suku qui arrivait vers eux. Son visage était impassible mais son regard noir flamboyait de fureur. Tel un conquérant, la sabre tourné vers le sol, il s'avançait rapidement. Le soi-disant patriote l'apostropha.

« Allons, gamin, tu ne penses tout de même pas venir le chercher. Ce n'est qu'un sale gosse ! »

« Cette jeune fille est la fille du seigneur Kizoku. Vous lui devez respect et allégeance à son frère, étant sur les terres de leur clan. »

Le guerrier eut un regard surpris et fixa attentivement Hisuiro. Elle sentit des larmes couler sur son visage.

« Et bien, nous allons donc la décapiter, comme il sied à son rang ! »

Alors qu'il redressait son bras pour trancher la gorge de la jeune fille, elle chuta brutalement sur le sol. Suku avait attaqué et tranché la main qui la tenait. L'autre se jeta férocement vers le jeune homme qui fit un bond impressionnant et planta sa lame dans l'épaule de son adversaire. Le patriote s'écroula au sol, sans vie. Hisuiro, encore sous le choc, se sentit soudainement tirée en arrière. Elle cria le prénom du maître de son frère au comble de l'effroi. Suku transperça un homme qui l'assaillait tout en la regardant. Prise de panique, elle aperçut le poignard dans la terre, s'en saisit et s'abattit sur l'homme qui la tirait tout en pleurant. D'autres bras l'attrapèrent alors et la calèrent rapidement dans les replis d'un haori rouge. Suku venait de se saisir d'elle, la protégeant contre sa poitrine et tenta vainement d'avancer pour rejoindre Guchoku.

Ce dernier semblait cependant en difficulté. Koman lui taillada l'épaule et se mit à rire.

« Et bien, il semblerait que ton école ne soit pas si forte que tu le prétendes ! »

Hisuiro s'agrippa à l'épaule de Suku et aperçut son frère qui avait posé un genou à terre. Son cri déchira l'air et le jeune garçon releva la tête, son visage toujours plus pâle. Ses lèvres balbutièrent quelque chose puis il se redressa lentement avec l'aide de son sabre. Suku s'apprêtait à s'élancer à quand un homme apparut de nul part, son sabre tout droit pointé vers son flanc mais surtout sur Hisuiro.

« Un pas de plus et elle meurt. »

Suku ragea intérieurement. Il s'était laissé avoir comme un débutant. Il ne pouvait faire confiance qu'en les capacités de Guchoku mais Suku savait pertinemment qu'il ne s'en tirerait pas sans aide. Le combat reprit et Guchoku s'affaiblissait toujours plus. Et devant un décor de flammes rougeoyantes, il lança sa dernière attaque. Son saut l'amena devant son adversaire qu'il frappa du pied, le sabre en avant. Koman, surpris par cette dernière énergie, bascula au sol et l'autre atterrit sur lui. Le sabre s'abattit sur le visage du patriote dont les cheveux clairs encadraient son visage comme une auréole. Un hurlement retentit puis le silence. Hisuiro n'y tenant plus, se débattit et parvint à quitter l'étreinte de Suku. Elle courut vers son frère. L'homme qui les menaçait quelques instants encore auparavant aillait lancer son sabre vers elle mais Suku l'attaqua à son tour.

Hisuiro courait vers son frère. Il avait vaincu. Il était le plus fort : l'héritier de l école Tsuchi no Kaze. L'héritier de la Terre et des vents. Mais alors qu'elle se trouvait à quelques mètres de lui, elle vit Koman se redresser et égorger son frère à l'aide d'un petit sabre. Le jeune kendoka tenta de parler mais le sang bouillant jaillit de sa gorge et s'épancha, noirâtre. Ses yeux se voilèrent, fixant encore sa sœur avant de se fermer pour l'éternité. Koman se dégagea d'un coup de pied du cadavre et puis se retourna vers Hisuiro. Son visage noyé de sang l'effraya. Son unique œil la regardait sans bouger. Guchoku l'avait éborgné.

« Vois ce qui reste de ton frère. Vois ce qui reste de ta castre. Vois ici la puissance de l'école Tsuchi no kaze, son héritier à l'agonie. Tu comprends ton avenir, petite. »

Hisuiro tomba à genoux sanglotant sans relâche. Les paroles de l'homme s'imprimaient douloureusement dans son esprit. Suku se précipita vers son élève et releva avec précaution son corps sans vie. Un silence de mort s'installa, seulement troublé des pleurs de Hisuiro, tandis que la silhouette obscure de Koman s'éloignait vers l'horizon mordoré par les premiers rayons de l'aurore.

fin du chapitre 6