Chapitre Trois

MELODIE ENCHANTEE

Legolas regardait l'infini étoilé depuis quelques heures déjà, comptant les petits puits de lumières, appartenant à l'univers de Varda. Les étoiles étaient bien sûr innombrables, et une question revenait à chaque fois dans ses esprits. Ses yeux bleus semblaient emplis d'une grande tristesse, ses cheveux d'or volaient en petites mèches au vent.

« Combien sont-elles, Ama ? S'il vous plaît, dites-le moi ! Je veux tout savoir, Ama, absolument tout ! »

'Ama…'

Doux nom elfique que l'on donnait à celle qui vous avait donné naissance.

« Voyons, Legolas, elles sont bien trop nombreuses ! Je ne puis les compter ! »

« Je suis sûr que vous le pouvez, vous êtes Reine, Ama ! »

Le jeune Prince ferma les yeux ; et passa une main dans ses cheveux. Ces paroles lui revenaient en mémoire au fur et à mesure qu'il fixait une des étoiles, celle qu'on nommait l'Etoile-Cygne, située entre la constellation du Dragon et celle du Cygne. Le Cygne. Oiseau gracieux qui, comme le disait la légende, avait été crée à partir de l'Alquaeleni, celle qui devait mourir. Très belle légende, effectivement…L'Alquaeleni n'existait pas, sachant tout de même qu'elle était réputée très belle, portant la grâce de Varda en elle, il brûlait d'envie de la voir apparaître dans ses rêves. Comme les chanteurs Elfes faisaient apparaître les Vierges Elfiques de leurs poèmes chantés, il voulait lui aussi avoir ce don, voir les plus belles jeunes filles que cette terre avait porté, avoir le privilège d'observer à tout loisir leur beauté pure. Pour l'instant, l'âme sœur n'était pas encore venu à lui. Il sentit alors une présence derrière lui, il glissa sa main sur le sol ; cherchant son poignard, mais une douce lueur s'empara de la nuit de Varda, autour de lui. La Dame Galadriel ; resplendissante dans sa légère robe brodée, blanche, le regardait silencieusement, un regard empli de compassion, comme une mère regarderait son enfant. Les beaux cheveux blonds et ondulés de Galadriel tombaient sur ses épaules, sa silhouette était longue, fine et élancée, ses yeux bleus étaient comme un puits sans fin de connaissance et de pouvoir. Dans ses yeux, on pouvait voir toute sa vie, celle d'une Elfe qui connut la Grande Période, le Premier Age, et le règne des Valar. A son doigt, résidait Nenya, l'Anneau de l'eau, serti de diamants, l'un des Trois Anneaux de Pouvoir.

« Ma Dame… »

Galadriel leva légèrement sa main, lui demandant de ne pas parler, ni de se lever. La Reine de la Lothlorien, devenue simple voyageuse, n'avait plus besoin de ce respect qui devait autrefois lui être dû.

« Bonjour, jeune Prince…Ne venez-vous pas vous restaurer avec le reste du groupe ? Vous êtes notre guide dans ces Terres hostiles, vous vous devez de rester un peu en compagnie de votre peuple. Je ne vous engage à rien, j'aime moi aussi m'isoler et compter les étoiles, tout comme vous. »

Legolas resta assis ; et constata avec stupéfaction que la Reine respectée, fille de Finarfin, s'installa près de lui, à même le sol. Son regard s'un bleu glacé était insistant, presque pénétrant, provoquant d'agréables frissons dans le dos du Prince. Il soupira et tourna ensuite son regard vers les étoiles.

« Nàrin arandùr vorimà…Vous n'êtes pas serviteur de votre destin…vous n'y pouviez rien. Ce sont les Valar qui décident de notre passage en ces Terres. Votre mère fait partie de la décision des Valar, nul doute ne peut résider en vos pensées. Vous n'êtes pas responsable, mon enfant… » murmura la Reine.

Son regard bleu devint insondable. Galadriel posa une main réconfortante sur celle du Prince, et le regarda avec une intensité telle, que Legolas ne put que fixer l'Océan des yeux de la fille de Finarfin. 'Vous n'êtes pas responsable…'

Ces mots résonnèrent dans la tête de Legolas, elle s'adressait à lui mentalement, et prit alors la parole.

« J'aurais pu éviter…j'aurais pu empêcher les Orques de… » sa voix s'estompa, une unique larme coula le long de sa joue.

« Ama…non…s'il vous plaît Estë, faites qu'elle soit sauvegardée…ne laissez pas sa grâce s'estomper aux pays de Mandos…non…Estë la douce… aie pitié…elle ne mérite pas la mort…pas maintenant…Ama, je vous aime, battez-vous…je vous ai toujours connue forte, presque invincible…restez-le encore une fois…restez avec moi…regardez-moi…On va vous soigner…Je vais vous ramener au château de Père…il saura faire quelque chose…oh non… »

La Reine eut un sourire sur le coin des lèvres. Elle caressa le visage de son fils longuement, mais ses gestes se firent plus dociles et plus faibles. Legolas posa une main sur le cœur de sa mère, comme s'il essayait de forcer les battements cardiaques à continuer, ne fut-ce que quelques instants. Son cœur battait très irrégulièrement, son pouls devenait de plus en plus faible. Autour de lui, les cadavres d'Orques s'amoncelaient. La bataille avait été rude, mais Legolas avait finalement réussi à les faire fuir. Ses ennemis prirent peur en voyant la force de leur assaillant qui arrivait à les repousser.

« Les…Or…Orques…s…sont-ils par…tis ? » demanda sa mère.

« Oui, ils ont fui…Ama…restez…j'ai besoin de vous…restez…souvenez-vous…nous comptions les étoiles ensemble…à votre guérison, je vous amènerai aux jardins du palais, et nous regarderons l'Etoile-Cygne…vous me parliez des légendes des Elfes…souvenez-vous… »

« Je…s…sais…la douleur…es…pérons…que la Douce Valier saura…les…apaiser… »

Sa voix était tremblante, terriblement faible, mais toujours aussi douce comme avant. Des larmes coulèrent sur le visage de Legolas, et perlèrent sur la robe de sa mère et sur le sol. Dans un ultime effort, elle leva sa main et essuya l'unique larme qui laissait un sillon humide sur la joue de son fils.

« Tu seras…un…grand…prince…yondo…melnyë elyë, Laiqualassë…melnyë elyë…je serai toujours là pour…compter les étoiles avec toi… »

« Mère…nous allons retourner à la ville de Père, et vous allez guérir, c'est une promesse… »

« Promesse…que…tu…ne…pou…pourras…tenir, Legolas…tu ne peux pas…Mandos m'appelle à présent…la mort vient…rien…ne…pourra changer cela… »

La blessure de la Reine était profonde, noire, le sang qui coulait dans ses veines était infecté, le poison de la lame d'Orque avait déjà gagné tout son corps. Elle expira après quelques secondes, et, n'ayant pas même la force de crier de douleur, Legolas se blottit sur la dépouille de sa mère et pleura toutes les larmes de son corps.

'Vous n'êtes pas responsable…' répéta mentalement la Reine.

« Tout est de ma faute…vous le savez…pourtant, vous le démentez à chacune de nos rencontres… » murmura Legolas.

Il soupira, Galadriel approcha sa main de sa joue, et essuya le sillon humide que laissait sa larme. La goutte salée perla cependant au sol, empreinte de douleur et de deuil. Son père lui avait toujours reproché le décès de sa mère, d'ailleurs, Legolas n'eut pas le droit de revenir durant un certain temps en son royaume, Thranduil l'ayant banni de la Forêt Noire. Pendant de nombreuses années, le prince était en exil, un simple Rôdeur qui trouva refuge à Ilmadris, soit Fondcombe, c'est à cet endroit qu'il se lia d'amitié avec la famille d'Elrond. Ensuite, Saroumane et Gandalf l'accueillerent à Isengard, il fit ainsi connaissance des Istari, avant d'aller en Terres Brunes et de rencontrer Aragorn. D'un côté, cet exil forcé fut bénéfique, l'Elfe était connu pour s'attacher facilement aux Grands Seigneurs de cette Terre, et dans un élan de bonté, son père l'autorisa à revenir au Nord du Rhovanion, revoyant sa Forêt Noire effacée de ses pensées depuis mille ans. Galadriel se leva, quittant le Jeune Prince Elfe sur ses mots :

« Je crois que vous avez besoin de solitude, mon enfant. Venez nous rejoindre lorsque la Lune sera à son point le plus haut. Le Seigneur Elrond doit s'entretenir avec vous. Demain soir, Aragorn arrivera avec les Semi-Hommes. Vous avez besoin de repos, prenez un peu de sommeil…Legolas… »

Le Prince ne se retourna pas, mais la Reine eut conscience de son écoute et continua alors :

« Si jamais vous…êtes en conflit avec votre Père, profitez de la présence de votre peuple pour rester avec vos semblables. Libérez-vous de vos contraintes de Prince…vous êtes un être vivant doué de sentiments…Thranduil a fait une erreur en vous bannissant de son royaume. Une grande erreur. Bonne nuit, reposez-vous bien… »

« Bonne nuit, ma Dame…murmura Legolas. »

Le vent soufflait toujours sur le Mont Venteux alors que Galadriel rejoignit les autres Elfes, assis autour d'un feu de camp allumé par Gandalf, par le biais de son Anneau Narya, l'Anneau de Feu, serti de rubis.

Elladan et Elrohir étaient assis côte à côte. Les deux jumeaux avaient des cheveux noirs comme le jais et des yeux bleus comme les profondeurs de l'Océan. Tous deux habillés de vert, ils avaient repris leurs vêtements de Rôdeurs et semblaient cependant mal à l'aise dans ce qui était autrefois leur élément naturel : l'espace sauvage. Celui-ci ne leur convenait sans doute plus, ayant trouvé du repos en Terres Immortelles.

Assis à leur droite, se tenait leur père, le Seigneur Elrond, autrefois à la tête de la ville de Fondcombe, il était droit et fier, son visage était empreint d'une grande sagesse. Depuis le mariage de sa fille, Arwen Undomiel, son cœur était à la tristesse, car Evenstar avait préféré rester avec son aimé plutôt que de suivre sa famille au-delà de la Mer Extérieure. Il était vêtu d'une cape pourpre et de vêtements bruns, assez utiles pour voyager. Ses cheveux étaient bruns, ses yeux verts, et il semblait inquiet. Le Seigneur d'Ilmadris avait toutes les raisons de l'être, raisons qu'il n'est pas bon d'exposer au moment présent.

En face de lui, le Charpentier de Navires, Cirdàn, assis en tailleur, semblait bien pensif. Il possédait une longue barbe blanche – fait rare chez les Elfes, ils étaient en effet pour la grande majorité imberbes – et des yeux aussi gris que la mer un jour de tempête, et pétillants de malice. De tous les Elfes en Terre du Milieu, c'était lui le plus âgé, celui qui avait survécu à toutes les guerres de ce monde, sans pour autant se lasser de la vie terrestre. Chose étrange également, il aimait fumer la pipe, ce qui pouvait être compréhensible étant donné son âge extrêmement avancé.

Près de là se tenait Glorfindel, le Chasseur de Balrôgs et guerrier intrépide. Il était fidèle à Elrond, l'avait d'ailleurs toujours été, mais dans sa voix qu'on pourrait qualifier de claire et belle, pouvait se distinguer une nuance de fierté arrogante. Ses cheveux blonds volaient au vent, il tournait le dos au reste du groupe, regardant le lointain avec ses yeux bleus. Il portait des vêtements noirs, ce qui eut pour conséquence de voir que ses cheveux d'or se détachaient du ciel d'un noir d'encre de Varda, mais s'il avaient été noirs, personne, pas même un Elfe n'aurait pu le distinguer dans l'Océan noirâtre d'Elbereth.

Radagast, vêtu de brun, arborant une longue barbe brune, des yeux bruns et une peau brune, était plus connu sous le nom de Radagast le Brun, ce qui était compréhensible. Cet Istari vivait dans les Monts du Fer en compagnie des Nains, savait parler et être compris des Animaux mieux que quiconque sur cette Terre.

Dans l'obscurité, un peu en retrait, était assis Gandalf, reconnaissable –étrangement d'ailleurs – à la fameuse pipe qu'il gardait toujours au coin de sa bouche, pincée entre sa lèvre supérieure et sa lèvre inférieure. Son discours était moins compréhensible ainsi, et parfois, il se contentait d'un paquet de caramels, faits par les confiseurs et les pâtissiers Nains des Montagnes Bleues. Sa barbe était blanche, ses yeux gris, ses vêtements d'un blanc immaculé, et il commandait un des Maeras, Shadowfax, cheval Rohirrim réputé pour sa beauté et sa rapidité. Son nom était Gandalf le Blanc, mais les Elfes l'appelaient encore et toujours – question d'habitude – Mithrandir, ce qui signifiait « Le Pèlerin Gris ». A son doigt brillait Narya, l'Anneau que Gil-Galad lui avait offert, par crainte de mourir et que l'un des Trois ne tombe entre des mains maléfiques.

Personne ne parlait, ils étaient tous pensifs, la plein lune était déjà haute dans le ciel. Galadriel s'assit gracieusement sur un rocher – elle avait gardé tous ses gestes beaux et graciles d'antan, lorsqu'elle était encore la jeune demoiselle fille de Finarfin. Elle essaya de prendre la parole, mais elle voyait bien que les mots ne serviraient à rien pour la gravité de leur situation. De sa situation. De la situation de la Terre du Milieu.

« Seigneur Elrond, il faudrait peut être que nous… » murmura Glorfindel sans quitter les étoiles des yeux.

Il ne se retourna pas. Elrond brisa alors le silence. Levant une main, il s'imposa, voulant prendre la parole.

« L'Alquaeleni est importante. Il faut à tout prix que nous la retrouvions. Ne surtout pas la brusquer, une chose à éviter du moins… C'est sa fille, Heavenly Star, qui nous mènera à sa mère…Je pense qu'elle se nomme… » hésita le Seigneur de Fondcombe.

« Elilwë. Elilwë Alquaeleni, Rôdeuse au service du Gondor, Princesse Avari et Moriquendi oubliée depuis bien longtemps. Difficile à cerner, continua Gandalf en tirant sur sa pipe d'un air distrait. Très attachée à Aragorn, et je dois dire que peu d'Elfes sont liés à elle. Les rumeurs selon laquelle sa famille serait directement descendue de Varda ne peuvent être vérifiées…Cependant, il faut admettre que sa beauté n'est pas Elfique, oh non, loin de là, très loin de là…elle ressemble à Varda, ce n'est pas faux, mais…enfin bon, au premier abord, certaines personnes seraient forcées de la trouver laide, et je ne suis pas de cet avis. Elilwë est une personne singulière, elle ne deviendra jamais une Alquaeleni parfaite, seulement fidèle à Elbereth… »

« Pourtant, elle sera Alquaeleni bien tôt, plus tôt que vous ne le croyez, mon très cher Gandalf. » déclara Radagast en se levant.

Radagast avait le don de clairvoyance, peu avaient ce pouvoir, de prédire l'avenir avec une certaine inexactitude, certes, mais néanmoins fulgurant par la noirceur de ses prédictions, et parfois se réalisant vraiment.

« Oh, vraiment ? » demanda Elladan. « J'ai hâte de connaître la Demoiselle Alquaeleni. Si la légende se révèle vraie, elle doit porter la grâce de Varda en elle… »

« Une grâce qu'elle s'efforce de cacher par tous les moyens. » murmura Galadriel. « Demain, nous ferons la rencontre de Heavenly Star, c'est à ce moment-là, que nous verrons, pas avant, maître Elladan, et elle se leva. Ne la sous-estimez pas…elle a un caractère aussi brûlant que le feu de Narya, c'est vous dire ! »

A ce moment là, Elrohir se leva. Il était le plus jeune, et le plus raisonnable des deux jumeaux. Plus enclin au calme et à la tranquillité, il ne se laissait pas facilement distraire de son but, et réprimandait souvent son frère à propos du caractère volage de celui-ci, Elladan aimant faire la cour aux belles demoiselle Elfes.

« La nuit portera donc conseil, si vous êtes certaine, Dame Galadriel, que la fille de l'Etoile-Cygne arrivera en compagnie d'Aragorn. Espérons que son étoile brillera pour elle. » dit-il, et il regarda la plus lumineuse des Etoiles. « Elle aura bien besoin de Varda dans sa quête. »

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La neige tomba sur l'Eriador, donnant aux chemins la possibilité d'être glissants à souhait. Tôt le matin, après un petit-déjeuner (frugal selon les Hobbits), le groupe partit de Bree en compagnie, cette fois, des Deux Rôdeurs qui les guidaient dans les nombreuses forêts sombres, sortes de raccourcis pour arriver plus rapidement au Mont Venteux. Pourquoi le Mont Venteux, ni Elilwë, ni Aragorn ne le savaient, cependant, ils pouvaient néanmoins deviner certaines choses à propos des évènements futurs, suffisamment graves pour que les Grands Seigneurs Elfes des Terres Immortelles, reviennent en bas monde, c'est à dire en Terre du Milieu. Il neigeait toujours autant, leur voyage dura deux jours jusqu'aux Marais de l'Eau aux Cousins, célèbres pour son aquaculture naturelle d'insectes en tout genre, qui raffolaient particulièrement du sang, en d'autres termes, moustiques et autres créatures minuscules et dérangeantes. Cependant, avec la neige, les pauvres petites bêtes n'avaient pas survécu au froid et l'eau des Marais avait gelé, laissant la place à une vraie patinoire sur laquelle il était difficile d'avancer. La seule personne qui marchait normalement sur la glace, était Elilwë et le froid ne l'incommodait en aucun point. Aragorn avançait plus facilement que les pauvres Hobbits, qui, eux, tombaient environ toutes les cinq minutes, leur humble postérieur subissant tous les désagréments d'une chute sur une surface dure et froide (qui plus est, glissante). Après une journée entière passée à traverser le Marais gelé, ils se reposèrent enfin, le soir tombait alors que les nuages blancs laissaient place à leurs semblables en noir. La lune était entièrement cachée, et les étoiles ne brillaient que sous l'épais manteau noir des nuages qui laissaient tomber sans cesse une ribambelle de petites plumes fragiles et qui fondaient comme un rien, les flocons ; de cela était due l'impossibilité matérielle d'allumer un feu afin de réchauffer les Hobbits. Seule Elilwë, encore une fois, ressentait le froid sans que cela l'affecte. Les jours précédents, cela, l'elfe l'avait remarqué, les Semi-Hommes Frodon et Bilbon étaient inquiets, se chuchotant l'un à l'autre des paroles empreintes d'une appréhension grandissante au fur et à mesure que le groupe se rapprochait du Mont Venteux. De plus, la petite Elanor semblait extrêmement intriguée par elle ; et à chaque fois qu'elle le pouvait, elle l'observait attentivement, sursautant au moindre geste un peu trop brusque. Un voyage comme celui qu'ils faisaient n'était pas l'idéal, surtout pas pour une enfant de cet âge. Aragorn déclara donc forfait en ce qui concernait d'allumer un feu, et Elanor grelotta de plus belle en apprenant cette nouvelle.

« Si seulement je pouvais être une Elfe…Tout serait plus facile pour moi… » murmura la Petite Hobbite.

Touchant. Vraiment touchant. Elilwë était assise, adossée contre un arbre mort, et affûtait Alquaesil d'un geste lent, précis, en même temps que menaçant. Elanor soupira, et regarda le ciel noir d'encre qui déversait sans cesse de nouveaux flocons de neige. Sortant une main tremblante de la cape dans laquelle elle était enroulée, elle essaya d'attraper les quelques flocons à sa portée. Elilwë leva alors la tête. Elle soupira. Finalement, les enfants avaient quelque chose d'attendrissant.

« Qu'est ce que cela fait d'être une elfe, Papa-Sam ? » demanda Elanor, ne quittant pas le ciel noir des yeux.

Sam haussa alors les épaules, signifiant qu'il ne savait pas la réponse à la question. Aragorn fumait sa pipe, pensant que cette petite Hobbite était bien moins puérile que sa petite fille, Elbereth, âgée de cinq ans. Il espérait également, qu'à l'arrivée à Minas Tirith, Elanor et son fils Eldarion, né tout juste après la guerre de l'Anneau, il y avait dix ans, s'entendent bien. Après tout, ils avaient le même âge, et le royaume du Gondor donnait naissance à trop peu d'enfants en ces temps d'infécondité Humaine. Elilwë restait toujours près de l'arbre mort, et une partie enfantine d'elle voulait répondre à la question d'Elanor. Cependant, l'autre moitié, celle d'une jeune elfe acariâtre, ne désirait en aucun cas dévoiler la réponse. Les enfants étaient également trop peu nombreux chez les Elfes. Son peuple – enfin, son peuple d'origine – ne concevait pas un nombre suffisant d'enfants pour permettre à la descendance de subsister encore longtemps. D'ailleurs, elle avait perdu…non. Inutile de s'attarder sur des souvenirs douloureux.

« Et vous ? Que pensez-vous des Elfes, mademoiselle…Elilwë ? » demanda enfin Elanor après quelques minutes de silence.

Elilwë soupira, et fixa intensément la Hobbite, sans pour autant paraître menaçante aux yeux de la petite fille.

« A vrai dire… »

La Rôdeuse commença la phrase avec son habituel ton rauque et sombre, elle ne voulait pas changer sa façon d'être pour une petite insignifiante à ses yeux. L'Elfe hésitait, c'est alors qu'Aragorn intervint.

« Les Elfes sont immortels, demoiselle Elanor. »

Sur ces mots, Elilwë reprit la parole :

« Ils sont Immortels, seulement, ils souffrent jour et nuit. Ils souffrent jour et nuit comme souffre Nienna sous les coups de Melkor. Je souffre continuellement, avec la peur panique de savoir qu'un jour, Aragorn me quittera, comme Arathorn m'a quittée, comme Boromir est parti vers l'au-delà. Je partirai des Terres du Milieu lorsque Aragorn mourra, car il est la seule chose qui me retient encore ici. Demoiselle Hobbite, être une Elfe en ces temps-ci n'est pas une bonne chose. Connaître la Mortalité est une chose difficile à assumer pour quelqu'un comme moi. D'ailleurs, lorsque l'âme d'un Elfe est définitivement perdue, il meurt, enfin, libéré du fardeau qui est le sien. Les Elfes ne sont pas destinés – en théorie – à trépasser comme les autres races. Cependant, beaucoup d'entre eux aimeraient connaître la Mort comme je la connais. »

A la fin de son explication, Elilwë soupira, espérant avoir changé l'avis de la petite fille décidément bien envieuse de devenir une chose dont elle ne pourra jamais se défaire. La Rôdeuse détourna alors la tête, et regarda les flocons de neige tomber inlassablement du ciel d'un noir d'encre, comme si Varda pleurait que l'hiver recouvre ses belles étoiles.

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Le matin arriva, et la neige cessa enfin de tomber, laissant la place à un épais manteau blanc qui recouvrait les collines et les plaines de l'Eriador à perte de vue. Aragorn, souriant, et bien sûr frais et dispos après une nuit de sommeil, semblait heureux de pouvoir marcher de nouveau. Cette fois-ci, le vent glacé du Nord n'était plus un problème, et Elilwë voyait au loin une cinquantaine de cavaliers Elfes, sans doute la compagnie de Galadriel.

« Ils sont à quelques cinquante milles d'ici, Aragorn ! A mon avis, ils nous attendent, je vois qu'ils ont atteint le Mont Venteux. » déclara la Rôdeuse.

Le Roi du Gondor s'avança auprès d'elle, bien sur, il ne vit rien de ce qu'elle voyait, mais était plus heureux que jamais de retrouver son compagnon Elfe de toujours.

« Bénis soient les yeux elfiques ! » affirma-t-il. « Allons, mes chers Hobbits, il nous reste encore une journée de route pour arriver jusqu'au Mont Venteux ! Courage ! » dit-il alors, marchant avec entrain vers leur destination.

Merry et Pippin avançaient non sans grommeler des mots Hobbits agacés entre leurs dents, signifiant leur fatigue au fur et à mesure qu'ils marchaient.

« Tu sais, Pippin, c'est la dernière fois que je pars de la Comté ! Je préfère le Rohan, j'ai bien fait de faire allégeance au roi Eomer, le Rohan est un plat pays, et les seuls obstacles sont les rochers qui ne bougeront jamais, et les sauterelles dans les hautes herbes ! » s'exclama Merry alors qu'il avait manqué de trébucher.

« Tu as raison ! De toute façon, cela ne nous avance à rien, nous ne…hé ! Mais j'y pense ! Les Elfes ont des…lembas ! Dépêche-toi, Merry ! Ils ont des lembas ! J'ai faim, allons, presse le pas, nous ne serons jamais arrivés avant ce soir si cela continue ! » déclara Pippin en marchant aussi vite qu'il pouvait sur l'épaisse couche de neige.

Tous éclatèrent de rire, à part Elilwë ; et virent avec amusement que les lembas étaient la principale raison de vivre de Pippin. Le Hobbit pressait le pas à chaque fois qu'il pensait aux gâteaux elfiques. Merry restait en arrière, silencieux, sombre, sans aucun doute en train de se concentrer pour ne pas succomber à la fatigue. Elilwë, quant à elle, marchait toujours avec un pas ferme, sur la neige – car avoir été élevée par des Humains ne l'avait pas empêchée de garder ses pouvoirs elfiques – sans se soucier le moins du monde des autres. Personne ne s'était souciée d'elle, pourquoi allait-elle faire de même pour les autres ? Aragorn était devant avec Pippin, et sa bonne humeur augmenta en même temps que leur trajet diminua en sa longueur. Le groupe allait pouvoir se reposer, et il retrouverait Legolas, mais le plus important, Gandalf.

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La journée se passa sans aucun trouble particulier, cependant, le vent glacé qui soufflait comme des lames froides, s'intensifia en fin de soirée.

Aragorn chantait une chanson elfique dans la brise fraîche, sans doute en train de penser à sa chère Arwen, sa belle épouse qu'il aimait plus que toute autre créature sur Terre. Elanor écoutait attentivement à chaque fois que de l'elfique était parlé, voulant sans doute en parler elle aussi. Elilwë trouvait tout de même que cette petite fille était bien curieuse. Vouloir tout savoir était bien quelque chose de singulier et elle était d'une rare beauté pour une petite Hobbite. Elilwë marcha toujours d'un pas régulier. La neige avait fondu, pour aggraver la situation, le temps était devenu sec et froid. Les plaies sur les mains des deux Rôdeurs n'allaient sûrement pas en s'améliorant. Les doigts de la Rôdeuse étaient particulièrement douloureux, mais la douleur ne se manifesta pas chez elle, du moins, pas extérieurement. C'est alors que la nuit tomba, et qu'à quelques lieues de l'endroit où ils devaient avoir rendez-vous, Elilwë remarqua déjà les lueurs du campement, certaines diffusant une douce lueur orangée, d'autres encore lançant une lumière violette aux tons argentés, presque aveuglante si on s'y approchait de trop près. Elanor semblait en même temps inquiète et impatiente d'enfin voir des Elfes de près. Le petit groupe s'avança vers un fourré de buissons non loin du Mont Venteux. Là, assis sur des pierres, des soldats, intendants et frères d'armes placés sous un étendard, celui de Galadriel, avec le signe de la Lorien, les attendaient. Aragorn s'avança au devant, demandant à Elilwë de se reculer un peu, et s'inclina avec respect. Au premier abord, les soldats ne savaient pas qui était ce Rôdeur un peu crasseux qui s'adressait à eux. Ils se rendirent vite compte de leur erreur lorsque Frodon et Bilbon s'avancèrent eux aussi afin de leur enfin dévoiler leur identité.

« Bonsoir à vous, maîtres Elfes ! Je suis Bilbon Sacquet ; et voici mon neveu Frodon Sacquet, l'ancien porteur de L'Unique. J'espère que nous ne sommes pas trop en retard, au contraire, nous aimerions savoir si l'heure de notre arrivée convient aux Seigneurs Elfes. »

Bilbon usa de ses dons d'élocution pour s'adresser d'une manière fort convenable. C'est alors qu'une voix s'éleva du haut de la colline. Tout d'abord, Elilwë ne put voir qu'un silhouette fière mais légèrement sénile.

« Gandalf ! » s'exclamèrent en chœur Merry et Pippin.

Les deux Hobbits, qui ne s'étaient guère manifestés jusqu'à maintenant, si ce n'était que pour pousser des jurons en langage Hobbit , afin de montrer leur découragement face à la longueur du voyage, qui ne dura pourtant que quatre jours en tout et pour tout. Ils se lancèrent dans les bras de l'Istari, qui vacilla légèrement sous le choc, mais qui n'en resta pas moins heureux. Les retrouvailles se firent joyeusement pour tous ceux qui, étrangement, n'étaient pas au courant des raisons du retour des Nouveaux Venus. Les Elfes revenant des Terres Immortelles restaient silencieux, réservés, et craignaient presque à montrer une joie trop grande.

En arrivant près du feu de camp, tous les Seigneurs Elfes étaient réunis là, à part Legolas, ce qui intrigua fortement Aragorn, ne comprenant pas la situation actuelle. Elassar, après avoir adressé ses salutations à toutes ses connaissances Elfiques, voulut retrouver Legolas, et donc partit à sa recherche, sachant qu'il n'était pas loin du Mont Venteux.

Il laissa le groupe auprès des Elfes (au grand désarroi d'Elilwë, qui, comme dit précédemment, n'aimait pas la compagnie des siens), et écarta les buissons sur son passage. Legolas se trouvait dans une anfractuosité de la roche, regardant le ciel, et chantant une mélodie elfique pour lui-même. Le Prince était tellement absorbé par ce qu'il faisait qu'il ne remarqua pas la présence de son compagnon d'armes.

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Elilwë était assise dans un coin obscur, après avoir – fortuitement – salué Elrond, qu'elle connaissait depuis fort longtemps puisqu'il l'avait accepté quelques temps à Fondcombe, et le reste des Seigneurs Elfes, elle pensa qu'ils n'étaient pas totalement inconnus de mémoire d'Elfe – de l'Elfe qu'elle était, mais qu'elle ne voulait pourtant pas être. Elle connaissait par contre très bien Gandalf, ainsi que Radagast, les Istari l'avaient accompagnée nombre de fois durant ses voyages, la Rôdeuse devait avoir donc un semblant de gratitude pour eux, mais une fidélité à tout épreuve si jamais les deux magiciens lui demandaient de l'aide.

Galadriel était assise près du feu. Ses yeux d'un bleu intense ne cessaient d'observer Elilwë, et la jeune Elfe eut la nette impression que la Reine fouillait dans son esprit afin de trouver des détails sur sa vie qui pourraient lui permettre de parler avec elle.

« Pourquoi ce silence, Demoiselle ? » demanda Galadriel.

« Cela peut-il vous importer, ma Dame ? » répliqua Elilwë sur un ton arrogant.

Glorfindel sortit alors son épée et se tourna vers la Rôdeuse, prêt à défendre l'honneur de la Dame de la Lorien.

« Non ! Glorfindel ! Laissez cela ! » s'écria Galadriel en se levant.

Il laissa tomber sa lame blanche, troublé par cette réaction. En la ramassant, son regard rencontra celui de la Rôdeuse, elle n'eut aucun mal à le déstabiliser, si les yeux de l'Elfe avaient été un arc et une flèche, Glorfindel serait depuis longtemps blessé mortellement. Ces yeux noirs étaient si fiers, si arrogants et si beaux. Il se rendit compte de sa beauté, mais ce n'était pas une beauté extérieure. Cette jeune Elfe ne voulait pas paraître sensible de l'extérieur, cependant, elle avait quelque chose de plus que les autres genres féminins n'avaient pas, et c'était bien cette capacité à dominer les hommes qui fit frissonner Glorfindel.

« Nous pourrions tout de même trouver un terrain d'entente, demoiselle Elilwë. » s'exclama Bilbon, ayant observé attentivement la scène.

' Vous avez souffert…' dit mentalement Galadriel. ' Vous êtes arrogante pour cacher vos faiblesses…'

« Ma Dame, je ne cherche pas à être complaisante…Mon arrogance est une arme très efficace lorsque les armes ne sont d'aucun recours. Détrompez-vous, fille de Finarfin, je pose les questions avant de passer à l'attaque, pas le contraire. Je vous traite d'égale à égale car là est la façon de traiter une Elfe comme vous. Les Humains sont à présent livrés à eux-mêmes ; je dois dire qu'ils s'en sortent bien, mais je maudis la civilisation Elfique de ne jamais se mêler des affaires Humaines, cela serait pourtant bénéfique…Au lieu de cela, vous quittez la Terre du Milieu, et revenez quand bon vous semble ! Je regrette, ma Dame, mon impolitesse, mais je dois réagir…d'ailleurs, je n'ai jamais apprécié les Elfes ! » expliqua Elilwë, affûtant Alquaesil.

Tous les Hobbits étaient étonnés par son état d'esprit, mais ses paroles dénotaient une intelligence, certes non négligeable. Elrond touchait son Anneau, Vilya, l'Anneau de l'air, et une petite brise se leva. Il était touché par cette jeune Elfe, qui, au-delà de toutes les espérances, défiait les Grands de ce monde. Elladan regarda son jumeau, semblait inquiet. Galadriel était une femme elfe particulièrement douce, mais le pouvoir de son Anneau ne s'était pas amoindri pour autant. Quelle inconscience !

« Très bien, demoiselle, je vous signale tout de même que nous sommes ici afin de rencontrer votre mère, Melanna Alquaeleni, savez-vous où elle se trouve ? » demanda Elrohir.

« Ma mère ? » demanda la Rôdeuse.

Elilwë eut un ricanement rauque. Elle était détestable, et c'était le seul mot qui pouvait la définir.

« Je n'ai plus de mère. » continua-t-elle.

« Pas de mère ! Comment seriez-vous née ! » s'exclama Glorfindel, toujours aussi troublé par l'incarnation de la grâce de Varda, qui n'était pas si belle que cela, ni aimable. « N'est-elle pas celle qui vous a portée ? »

« Ma mère ne s'intéresse pas à moi, je ne vois pas pour quelle raison je dois m'intéresser à elle…Depuis ma plus tendre enfance, elle me hait. Avant, j'étais une petite enfant sage. Depuis mon adolescence, elle me rejette et me déteste. J'ai 'mal grandi', selon elle. Melanna ne pense qu'à me marier, cela fait d'ailleurs bien longtemps que je ne l'ai plus vue…Quand à mon père…Fëagaer des Havres Gris, je ne sais ce qu'il est devenu, mais je porte sa 'tare', selon ma…allons-nous dire 'mère'. Elle habite néanmoins au palais de Minas Tirith, si vous voulez savoir où elle se trouve… »

Cirdàn le Charpentier de Navires, intervint. Il se leva, la pipe à la bouche, et avec ses yeux gris de tourmente, il fixa la Rôdeuse. Pour la première fois depuis longtemps, un trouble s'installa sur la pâle figure d'ivoire qui servait de visage à Elilwë.

« Fëagaer vous ressemble, en effet…il est parti des Terres du Milieu à votre naissance…je crois savoir qu'il à obligé Melanna à l'épouser…rassurez-vous, il était bien plus détestable et acariâtre que vous. Un Elfe bien singulier, à vrai dire, vous avez le physique de votre superbe mère ; et le moral de votre père – qui n'en n'a jamais été un, d'ailleurs. »

Elilwë en avait trop entendu, Cirdàn l'avait déstabilisée, c'était d'ailleurs son but, elle se leva, et en furie, s'écria :

« Assez ! Taisez-vous ! Je connais l'histoire de ma famille ! Cela suffit ! Quel est votre but, maître Cirdàn, me faire souffrir ? Vous avez réussi, félicitations ! Ne voulez-vous donc rien comprendre ! Je vous hais, je hais les Elfes comme je me hais ! Laissez-moi ! »

Elle prit son épée, le visage animé par une très grande rage, et s'en alla, marchant d'un pas furieux et rapide vers un chemin en contrebas, voulant s'éloigner le plus possible de ces stupides Elfes.

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« Nîn mellon ! Voilà bien longtemps que je ne vous ai point vu ! » s'écria Legolas, remarquant soudain la présence de son ami et frère d'armes.

Ils s'étreignirent longuement, comme deux amis en s'étant pas vus depuis un bon nombre d'années. Aragorn, heureux de revoir son ami, remarqua la grande tristesse animant le beau visage de l'Elfe.

« Que se passe-t-il, Legolas ? » demanda le roi du Gondor.

« Un moment de mélancolie…mon père arrivera à Minas Tirith, j'ai reçu une lettre de votre chère Arwen. Elle vous salue d'ailleurs, par la même occasion. Votre fille Elbereth prend des cours de harpe, à présent…j'ai hâte de la revoir. Elle porte la grâce de Luthien en elle, mais…je ne veux point revoir mon père…je ne veux pas revoir Thranduil, mais hélas, j'y suis obligé. Il vient d'arriver à votre cité… »

« Je suis sûr qu'il sera moins dur avec vous. Legolas, vous êtes un Prince, ne vous laissez pas rabaisser comme cela ! Allons, n'y pensez plus ! Racontez-moi, quel mystère entoure le retour de nos amis ? »

« Je n'en sais pas plus que vous, Estel…A vrai dire, ils ne veulent rien me dévoiler…Comment va Gimli ? Allons, asseyez-vous, j'ai tant de choses à vous raconter ! »

Il l'invita à s'asseoir en tailleur à ses côtés, Legolas paraissait toujours aussi rêveur, mais moins mélancolique. Il regardait les étoiles en souriant.

« Et votre mère, Gimli…Vous avez bien une mère, à part la Terre et la Roche, non ? »

« Une mère ? Elle s'appelait Lia ! La plus belle des perles Naines, d'ailleurs, j'ai hérité de ses yeux ! »

Le Nain était enthousiaste. Ses yeux bruns clignèrent avec une certaine niaiserie et une innocence d'enfant, et ils éclatèrent de rire. Legolas aimait Gimli comme un frère, cette amitié valut à l'Elfe d'être encore une fois de plus critiqué par son père, lui qui détestait les Nains.

« Plus sérieusement, cher ami, pensez-vous vraiment que les Elfes reviendront ici, en Terre du Milieu ? Les côtes des Havres Gris sont idéales pour voir un navire elfique arriver ! »

« J'en doute, Gimli, j'en doute… »

Au-delà de l'horizon, Legolas ne pouvait le voir, un Navire étincelant faisait route vers les Terres du Milieu. Le Navire de Cirdàn, et à son bord, la Dame Galadriel et bon nombre de Seigneurs Elfes.

« Legolas ? » demanda Aragorn. « Allons, est-ce une demoiselle elfique qui vous fait rêver ainsi ? Gimli m'a dit que vous deveniez un coureur de jupons. » dit Elassar sur un ton ironique.

Legolas donna un coup de coude joueur à Aragorn, qui se mit à ricaner d'un air moqueur.

« Aragorn, ce n'est pas vrai ! Il ne faut pas toujours croire les paroles d'un Nain ! Je n'ai jamais été entièrement attiré par une demoiselle, parfois, je recherchais uniquement les plaisirs charnels, je dois avouer que les femmes cherchaient mes faveurs, non mon cœur. Gardez cela pour vous, surtout…vous savez aussi bien que moi que les relations hors mariage sont interdites. Enfin, tout le monde a fait l'erreur au moins une fois dans sa vie, pas vous ? »

Il y eut un silence, Aragorn en répondit pas à la question. Il se contentait de tortiller ses doigts d'une manière bien puérile.

« Je le savais… » murmura Legolas en regardant le roi du Gondor du coin de l'œil.

Ils partirent d'un bon éclat de rire, c'est alors qu'un des soldats prévint Aragorn que la Dame Galadriel le demandait. Elassar se leva, et quitta Legolas sur ces mots :

« Très bien, nîn mellon, je vous laisse, que diriez-vous de rester seul pour un petit moment ? »

« Cela ne me dérange point. Amusez-vous bien sans moi, les conversations sérieuses ne sont pas de tout repos, je préfère aller m'occuper d'Arod ! »

Aragorn s'en alla en compagnie du garde Elfe, et Legolas se leva, impatient d'avoir un brin de conversation avec son destrier, Arod du Rohan, un cheval appartenant autrefois aux écuries d'Edoras, mais dont le maître avait été tué lors de la Guerre de l'Anneau. Le Prince descendit de l'anfractuosité rocheuse, et alla vers l'endroit ou tous les chevaux avaient été placés sous bonne garde, non loin d'un point d'eau où les bêtes pourraient se désaltérer. Chantant toujours la même mélodie Elfique, son humeur était à présent excellente, et avant de revoir Gimli, il préférait s'isoler un peu en compagnie de son cheval, quitte à lui parler. D'un pas rapide en même temps que léger, il marcha dans la brise nocturne, jusqu'à croiser le garde chargé de la sécurité des chevaux.

« Salutations, mon Prince ! Arod se porte toujours comme un charme ! Passez donc, je ne vous gênerai point. » déclara le garde en s'inclinant.

« Je vous remercie. » répondit Legolas avec respect.

Près des chevaux, il y avait toujours ces lampes aux couleurs biens différentes, qui reflétaient leur lueur sur la surface miroitante d'un lac non loin des écuries improvisées. Arrivant près d'une de ces mêmes lumières, il remarqua qu'une personne était près de son cheval. A première vue, la personne était une femme, avec ses cheveux longs et noirs, sa silhouette fine, fragile et gracile. Plus vite que l'œil humain ne pouvait voir, il se blottit derrière le tronc d'un arbre, ne sachant que faire d'autre. Il entendait la voix chanter, mais la voix n'était ce qu'il pouvait qualifier de belle, puisque l'inconnue murmurait les paroles au lieu de les chanter.

When the cold of Winter comes

Starless night will cover day

In the veiling of the sun

We will walk in bitter rain

But in dreams

I still hear your name

And in dreams

We will meet again

When the seas and mountains fall

And we come, to end of days

In the dark I hear a call

Calling me there

I will go there

And back again

La chanson était belle, mais celle qui la chantait ne semblait pas être d'une grande beauté. Quelque chose d'elfique émanait d'elle, mais cette étrangère ne voulait pas être ce qu'elle était en réalité. Des sanglots parvinrent aux oreilles du Prince. Elle pleurait pour une raison inconnue.

Legolas décida de ne pas réagir, la laisser pleurer, mais son cœur lui disait d'aller lui apporter un peu de réconfort. Peu importe les conséquences, il se retourna silencieusement, et observa la jeune Elfe sans qu'elle l'entende. Il ne voyait que son dos, mais il voulait la voir dans son entité. La voir, l'admirer, ou bien juger son cœur plutôt que son physique. Il prit alors la parole, alors qu'il sentait encore que des larmes coulaient sur le visage de l'Elfe. Il prit la parole, les bras croisés, adossé d'un air désinvolte contre l'arbre.

« Est-ce les chevaux qui vous apportent du réconfort ? » demanda-t-il.

Une épée étincela dans la main de l'étrange Elfe, et elle se retourna brusquement, mettant sa lame en avant. Elle semblait furieuse.

« Encore un Elfe ! Ne pouvez-vous donc pas me laissez en paix ? » demanda-t-elle avec un semblant de calme.

Legolas ressentit de la nervosité dans ces paroles.

« Pourquoi pleurez-vous ? » demanda-t-il.

La jeune fille parut troublée. Sortant de la zone d'ombre où elle était cachée cinq minutes auparavant pour pleurer, elle posa la lame de son épée sur le cou du Prince, et ses yeux étincelèrent en voyant enfin le mystérieux étranger. Il avait des cheveux d'or, qui tombaient sur ses épaules avec une certain grâce dénota-t-elle, des yeux bleus comme les reflets su soleil sur une mer d'un bleu turquoise, et une silhouette fine, et légèrement moins grande que celle d'un Elfe normal. Il était jeune, légèrement plus jeune qu'elle, mais un siècle de différence dans la vie d'un Elfe n'étaient absolument rien comparé à l'immortalité. Son visage était symétrique, parfait, trop parfait pour elle, et ses lèvres fines et légèrement roses. Sa peau était pâle sans être blanche, son nez droit et fin, ses mains fines, graciles mais parfaites pour un guerrier. Il était vêtu de velours vert, la tunique qu'il portait était ornée de courbes argentées représentant les branches d'un arbre. Son pantalon était bleu marine, et sa cape était grise, retenue par une broche en forme de feuille ; venant de la Lorien. Il mettait ses mains bien en évidence, comme pour lui montrer qu'il n'était pas armé.

« Je ne pleure pas. » répliqua la jeune Elfe.

Elle était blanche de peau, une peau aussi pâle que la cire d'une bougie, et les yeux aussi noirs que la nuit au-dessus de leur têtes. Legolas se rendit compte qu'il avait déjà vu ce visage quelque part, mais légèrement différent. Au mariage d'Aragorn et d'Arwen, il avait le souvenir de cette femme elfe aux yeux noirs comme le ciel de Varda, parsemé d'étoiles.

« Votre visage m'est familier… » murmura Legolas.

« Je ne suis pas familière, Elfe. » répliqua-t-elle avec insolence.

« Vous étiez le témoin d'Arwen à son mariage… » déclara Legolas. « Ne vous souvenez-vous pas de moi ? »

« Non. » mentit l'inconnue.

« J'y étais pourtant présent. Nous nous sommes quittés alors que je ne savais pas votre identité…puis-je savoir votre nom ? »

« Elilwë. Elilwë Alquaeleni. Rôdeuse au service du Gondor. Et vous, qui êtes-vous ? Répondez prestement, ma patience a des limites. »

« Legolas Vertefeuille, prince de la Forêt Noire. Vous êtes l'Etoile-Cygne, n'est ce pas ? »

« Sa fille. Je suis la fille de Melanna Alquaeleni. »

Elilwë se retourna donc, et remarqua Arod. Le cheval attendait patiemment que son maître vienne s'occuper de lui. Elle s'approcha de la noble bête, et lui chuchota quelques mots à l'oreille. Legolas observait son étrange manège sans intervenir.

« Hmm…Lae-go-las…en voilà un nom singulier…ton maître a un nom bien étrange, pour un prince, très cher Arod. »

Le cheval hennit légèrement, comme pour approuver Elilwë, et tapa le sol de son sabot. La Rôdeuse avait intentionnellement exagéré la prononciation de « Legolas » afin d'agacer le jeune Elfe autant qu'elle le pouvait.

« Encore une personne noble…encore un Elfe…ma journée n'est pas très rose… » murmura la jeune étrangère. « Je hais la noblesse elfique. Elle se croit tout permis et ne pense qu'à dominer les autres. C'est bien votre cas, je ressens dans vos yeux… » elle hésita.

« Vous êtes arrogante, demoiselle Elilwë, ou devrais-je dire, Heavenly Star, car c'est bien la traduction de votre prénom, n'est ce pas ? »

« Vous êtes prétentieux, très cher Prince, vous voyez, nous nous trouvons des défauts. Nous sommes opposés en tout, et pourtant nous trouvons encore le moyen de discuter ensemble. Enfin, 'discuter' n'est pas le mot exact. Je vais vous faire une faveur, vous ne 'discutez' pas, vous 'm'importunez', ce n'est pas la même chose. »

« Par Eru, vous êtes une personne désagréable… » chuchota Legolas.

« J'en ai parfaitement conscience, et je l'assume. J'ai des défauts, comme tout le monde, et je sais pertinemment que vous me trouvez laide, comme tout le monde. »

« Si vous étiez moins désagréable, je pense que je vous trouverais plus jolie, en effet, mais vous n'êtes pas laide. Selon la légende, vous descendez tout de même de Varda, cela je ne l'oublie pas en vous voyant. Varda était belle, par conséquent vous l'êtes aussi. »

« Je vous remercie pour le compliment, mais cela n'aura servi à rien. Je déteste montrer que je suis faible. La faiblesse se traduit par les sentiments, et je ne préfère pas en éprouver pour quelqu'un. »

« Que craignez-vous, demoiselle ? Les sentiments ? C'est ridicule. »

« Ridicule pour vous, certes, après tout, vous avez vos idées. Je crains l'amour. L'amour est la cause de tous les problèmes. »

« Sans amour, il n'y aurait plus d'espoir. Sans amour, vous n'existeriez pas, car c'est de l'amour de vos parents que vous êtes née. »

« L'amour de mes parents ? Quel amour ? Oui, quel amour… ? murmura-t-elle en s'approchant de lui. »

Un silence pesant s'installa alors, le vent glacé soufflait toujours aussi fort. La nuit était fort avancée.

« Je suis le fruit d'un amour forcé. Mes parents ont été liés de force l'un à l'autre. Alors, de quel amour parliez-vous ? »

« Je l'ignorais, j'en suis désolé. »

« J'ai déjà oublié. L'amour. Je hais l'amour et je me hais à cause de cela. Personne à part les Humains ne se sont souciés de moi. J'ai l'habitude de l'ignorance des Elfes à mon sujet. »

« Je ne crains pas l'amour, je crains seulement de le perdre. De perdre les êtres qui me sont chers. Et vous, n'avez-vous pas une personne qui vous est chère, dans votre famille ? »

« Je dois vous expliquer quelque chose. Alors que trois siècles de ma vie s'étaient écoulées, ma mère s'est faite capturée par les Suderons. Le meneur de la bande la viola à plusieurs reprises. De cette union, là aussi forcée, naquit une demi-sœur. Aiwëluin habite en Rohan, aux côtés d'Eomer à qui elle a fait allégeance. Elle est la seule personne Elfe de ma parentèle qui compte pour moi. Nous sommes sœurs, et nous avons la même haine pour nos parents. Personne ne sait l'existence d'Aiwëluin, ou du moins, ne sait mes liens familiaux avec elle. »

« Pourquoi m'avez-vous raconté cela ? » demanda Legolas.

« Pour vous montrer que l'amour n'est pas toujours amour, à vrai dire, je ne pense pas m'attacher à un homme. Je hais me faire dominer. Sa demi-sœur et moi-même avons exactement le même caractère et le même destin. Nous n'avons jamais été aimées, pourquoi aimer en retour ? »

« Et Beren et Luthien ? Pensez à l'amour et respect qu'ils se vouaient l'un à l'autre. »

« Des légendes, des contes de fées qui remontent à des temps lointains. Le passé n'est pas la conception de l'amour, j'en suis désolée, mon Prince, répliqua-t-elle sarcastiquement. »

Ils se turent tous les deux, ne dirent plus un mot. Elilwë revint silencieusement près d'Arod et commença à le caresser, ce qui eut pour effet d'apaiser le cheval, qui ferma les yeux.

« Haïssez-vous tous les Elfes ? » demanda Legolas, avançant vers la Rôdeuse.

Elle passa sa main sur l'encolure du cheval, en faisant bien attention à ne pas tacher de sang le blanc immaculé du pelage de l'animal. Legolas remarqua ces mains, fines, tout aussi graciles et fragiles, couvertes de plaies infectées. Comment des mains aussi fines pouvaient-elles porter une lourde épée comme celle qu'elle gardait accrochée à sa ceinture ? Hormis l'épée, elle possédait deux poignards elfiques blancs, avec l'arbre du Gondor gravé dessus. A vrai dire, il aurait pu la prendre pour une femme Gondorienne, avec sa broche représentant l'arbre blanc du Gondor, ses manières si humaines, et son arrogance à la manière des Mortels.

« Non. J'apprécie grandement la Dame Arwen, étant donné qu'elle est l'épouse de mon meilleur ami…les humains ont toujours été là pour moi, mais aucun Elfe ne veut comprendre cela… »

Elle soupira et Legolas la regarda, comme jamais il n'avait regardé une femme avant. Elle ne le remarqua pas, trop occupée à caresser Arod, mais chaque fois qu'elle croisait ce regard bleu comme l'océan, elle détourna la tête. La nuit et la mer se rencontraient enfin, la couleur de leurs yeux pourtant si différentes trouvaient un point commun. Legolas commença lui aussi à caresser son cheval, c'est alors que leurs mains se rencontrèrent. Legolas avait posé sa main sur la sienne, mais elle la retira vivement au bout de quelques secondes de ce contact. Legolas lui adressa un petit sourire, mais le visage pâle de la Rôdeuse parut troublé – aucun homme n'osait la toucher de peur de s'attirer sa colère. Aucun homme ne l'avait touchée comme Legolas venait de le faire, par ce bref contact, elle sentit toute sa haine pour les Elfes remonter. Elle rougit violemment, et s'apprêta à quitter le prince précipitamment. Elle prit son épée avec fureur, mais Legolas l'attrapa par le bras, regrettant son geste.

« Non ! Attendez, je ne voulais pas vous…offenser… » murmura-t-il, la forçant à rester aussi près de lui que possible.

« C'est déjà fait ! Je ne me laisserai jamais offenser par un genre masculin, m'avez-vous bien compris ? » s'écria-t-elle, son visage empreint d'une grande colère.

« Ce n'était pas une offense, je vous ai touchée ! »

« Vous n'avez pas le droit de me toucher. Laissez-moi partir ! »

Legolas lâcha son emprise sur son bras ; elle partit en marchant d'un pas rapide et gêné, et ne se retourna pas. Le Prince la vit partir ainsi, c'est de cette manière qu'il fit donc la connaissance d'Elilwë Alquaeleni, la grâce de Varda aux yeux noirs comme la nuit d'Elbereth. C'est alors que la mélodie qu'elle chantait alors qu'elle pleurait lui revint en mémoire, la mélodie enchantée d'Elilwë, et, retournant vers le camp, il chanta cet air qu'il trouvait si beau.

When the cold of Winter comes

Starless night will cover day

In the veiling of the sun

We will walk in bitter rain

But in dreams

I still hear your name

And in dreams

We will meet again

When the seas and mountains fall

And we come, to end of days

In the dark I hear a call

Calling me there

I will go there

And back again

I will go there,

And back again…