Chapitre Cinq

DIFFERENTE

Le matin se leva sur les Landes Désertes, alors que leur voyage se terminait, enfin, après un peu plus d'une semaine de route. Elilwë, étant de race elfique n'avait pas dormi. D'ailleurs, elle ne dormait jamais. Cette nuit-là, elle n'avait pu trouver le sommeil, en raison des traces de sang orques qu'elle avait trouvé sur le sol. Des Orques du Mordor, en Landes Désertes, étaient fort rares, de plus il en restait très peu dans leur région natale, quant à savoir ce qu'ils faisaient aussi près d'Isengard…Elle ressentait leur présence. Elle ressentait leurs mauvaises intentions, leur cruauté, leur âme dépravée. Elle ressentait un trouble dans le cœur de ceux revenus des Terres Immortelles. Quelque chose de grave se préparait, quelque chose d'assez grave pour que les Seigneurs Elfes s'en mêlent. Même les Valar avaient un lien avec toute cette histoire. Le soleil se leva, lentement, mais il ne fut qu'une lueur légèrement plus blanche que le ciel d'un gris clair. Ces changements météorologiques étaient également bien troublants. Il faisait certes bien froid, mais le ciel changeait souvent d'apparence, parfois coloré, parfois neutre, mais jamais vraiment clément. Comme si les Valar eux-mêmes transmettaient leurs troubles par le ciel. Alquaesil en main, Elilwë regardait au loin d'un air rêveur. Isengard était à dix lieues. La brume environnante était comme fantomatique, et déjà les soldats Elfes préparaient leurs affaires, de bon matin, alors que les Periannath s'éveillaient à peine en ronchonnant. La seule éveillée depuis bien longtemps était Elanor. Une enfant normale avait besoin de repos, mais pas la fille de Sam, étrangement, elle se contentait de chanter une mélodie en langage Hobbit, toute la nuit, en regardant les douces lueurs elfiques, d'une sorte de blanc iridescent, aux tons légèrement violets. Finalement, Elanor ressemblait pour ainsi dire très peu à une Demoiselle Hobbite, fine et élancée, elle était une sorte de réplique Elfe miniature. Alors que la silhouette de la Rôdeuse se dessinait, fière, sur l'horizon, à une dizaine de mètres de là, Galadriel et Elrond conversaient.

« Elle est tourmentée… » murmura l'ancienne Reine de la Lorien. « Elle se doute de quelque chose, il suffit de voir son regard. Je dois avouer qu'elle foudroie les hommes de ses yeux, cela est évident, déjà le Prince Elrohir, même s'il ne le montre pas extérieurement, a une profonde affection pour elle. Elle sait que ce sont les Valar qui nous envoient, mais personne d'autre ne l'a remarqué. »

« Elle sait ce qui l'attend à Isengard. Elle sait que nous allons dévoiler une chose qui pourrait bien mettre l'avenir de la Terre du Milieu en péril. La Demoiselle Alquaeleni a fait preuve, jusqu'à maintenant, d'une grande résistance au pouvoir elfique qu'elle possède. » déclara Elrond en préparant sa monture.

Galadriel semblait alors plongée dans une grande réflexion, et son visage perplexe et pâle fut soudain animé d'un profond regret.

« Hélas, Elilwë devra bientôt faire face à son destin, sitôt arrivée à Minas Tirith, les choses vont s'accélérer. » murmura-t-elle.

« Car vous savez quel est son destin, Dame Galadriel. Elle sera seule face à un ennemi qu'elle ne craint point, et ce sera là une grave erreur de sa part. On ne peut contrer Morgoth seule ; c'est une certitude. » dit Elrond de sa voix empreinte de sagesse.

Sur ces mots, l'épouse de Celeborn se retourna, et fixa intensément une personne en particulier – l'Elfe aux yeux bleus comme le soleil brillant sur la mer. Elle observait Legolas.

« Elle ne sera pas seule, Seigneur Elrond, elle ne sera pas seule. » dit-elle, et Galadriel ferma les yeux, ne voulant plus user de sa voix.

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Ys observa l'intrus, caché par l'ombre environnante qui régnait dans la chambre. Elle savait également qui était cette mystérieuse personne qui l'avait interrompue dans la contemplation du dessin d'Elilwë. Une silhouette féminine se dessina, et à la lueur de la lune, un visage elfique se distinguait.

« Dame Alquaeleni ? Que faites-vous ici ? » demanda Ys.

Elle ne répondit point à la question. Finalement, la suivante put voir Melanna Alquaeleni, la Maudite, tel était son surnom dans le palais. Des cheveux noirs et détachés tombaient sur ses épaules, et elle portait une robe violette de nuit. Belle et terriblement dangereuse, telle était la définition de la mère d'Elilwë. Ses yeux noirs comme ceux de sa fille, fixaient la suivante avec un mélange de dégoût, mais également une forme de supériorité. Melanna se sentait supérieure. Elle s'approcha de Ys, comme un noble s'approcherait d'un animal, et ramassa le dessin de la Rôdeuse aux pieds de la suivante.

Elle dévisagea longuement le croquis.

Le parchemin tomba par terre, la main de Melanna lâcha prise et la feuille se retrouva à l'autre bout de la pièce, grâce à la brise.

« Elilwë est considérée comme belle pour les humains…aux yeux des elfes, elle peut paraître d'une laideur…elle me dégoûte… » murmura-t-elle.

Ys fit semblant de paraître insensible, mais une jeune suivante de seize ans peut être facilement émue, et elle ne put s'empêcher de dire :

« Ma Dame, je ne comprends point votre dégoût… »

Melanna, alors qu'elle s'apprêtait à quitter la pièce, était dos à Ys, et elle se retourna, pour permettre à la suivante de distinguer ne serait-ce que son visage.

« Moi non plus, je ne puis le comprendre, ni l'expliquer. »

Elle sortit de la pièce, laissant Ys seule dans la chambre. Secouant la tête, elle retourna à ses tâches, mais tout en pliant des vêtements, elle ne pouvait pas chasser le visage de Melanna de son esprit. Bien entendu, elle pensait comme tout le monde qu'Elilwë pouvait être détestable, de temps à autre, mais sa mère était une manipulatrice et une personne utilisant son intelligence pour arriver à ses fins. Elle savait qu'Elilwë avait été malheureuse toute sa vie, pour cette raison, elle s'exprimait peu, ne cherchait pas le contact des autres.

« Par tous les Valar, cette femme est détestable. » murmura-t-elle pour elle-même.

Elle ramassa le dessin de la Rôdeuse, près du balcon, sentit la brise de la nuit soulever les draperies transparentes qui séparaient la chambre de l'extérieur. Etrangement, elle se sentit intriguée par cette nuit. De plus, une telle chaleur en novembre était impossible. Elle s'avança sur le balcon, profitant du vent qui rafraîchissait son visage. Les étoiles étaient particulièrement brillantes, en particulier Carnil, l'Etoile Rouge, que les sindarin appelaient en langage poétique « Elcàrnë ». La lune était pleine, et Ys gaspillait son temps libre à regarder les étoiles. Aucune importance pour elle. Elle soupira, et son regard se porta vers les Montagnes Cendrées, la frontière entre l'ancien Mordor et le Gondor.

Le Mordor était à présent une région désertique, comme le désert du Harad situé au Sud de la Terre du Milieu. Cependant, il restait encore des orques près des ruines de l'ancienne Porte Noire, et la Montagne du Destin, malgré le fait que le mal ne soit plus en activité, était encore en activité. Parfois, les prémices d'une éruption se ressentaient à Minas Tirith par de petits tremblements de terre. Cette nuit-là, le volcan se manifestait, en effet, la lueur rouge orangée de la lave pouvait se voir à au moins deux cent milles de distance. La Montagne du Destin ne pourrait jamais s'éteindre définitivement. Une région étant la source d'un mal infini ne pourrait plus jamais revivre. Cela chagrinait Ys au plus point, toutes ces guerres passées que cette Terre avait subi ne pouvaient que rendre son cœur mélancolique.

Le dessin toujours en main, ses cheveux blonds tombèrent sur ses épaules alors qu'elle les détachait, et ses yeux bleus se fermèrent. Elle quitta la chambre d'Elilwë, le cœur plein d'amertume et de tristesse, en pensant qu'une autre journée banale allait s'annoncer sur Minas Tirith.

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« La Tour d'Isengard, mes amis ! » s'exclama Gandalf. « Jadis Orthanc, voici à présent la demeure de Viressë, prêtresse suprême de Varda, et Ulvian, vassal d'Ulmo. »

« C'est étrange ; j'ignorais qu'elle avait été restaurée, mon cher Gandalf… » déclara Bilbon.

« Nous devons remercier le Rohan pour cela. Il y a maintenant trois ans qu'Isengard est de nouveau habitable, et les Valar ont envoyé deux Maia pour en être les gardiens. »

Merry et Pippin, quant à eux, ne disaient mot, ils avaient simplement hâte de revoir la forêt de Fangorn, et bien entendu Sylvebarbe. Les Hobbits étaient éblouis, ainsi que les Elfes. Elilwë restait toujours froide et distante, aucune forme d'émotion ne se distinguait sur son visage, mais intérieurement, elle était heureuse de retrouver la Tour d'Isengard, tant de souvenirs de sa vie étaient ici entreposés, mais également les annales de sa famille et de la légende de l'Alquaeleni. Elrohir et Elladan n'avaient jamais pénétré dans l'enceinte de l'ancienne forteresse de Saroumane le Blanc. La Rôdeuse l'avait rencontré maintes fois, elle était même présente lorsqu'il demanda les clés de la Tour d'Isengard à un Seigneur de l'Eriador. Mais elle allait souvent rendre visite au plus puissant des Maia avant le temps de Gandalf le Blanc. Il avait bien souvent essayé de la rallier aux forces du mal, utilisant son âme qu'il pensait être facilement corruptible. Il se trompait. Elilwë avait toujours prêté serment au Gondor, elle n'allait pas trahir son royaume d'accueil pour un parti qu'elle savait perdu d'avance. Elle se demandait si les annales de cette Terre étaient toujours intacts.

Les yeux intelligents de Saroumane la fixaient intensément, mais elle ne ressentit aucun malaise en affrontant ses yeux gris. Elilwë resta parfaitement impassible. Gandalf le Gris, placé derrière elle, observait son collègue avec une certaine réserve et un respect évident.

« Alors, demoiselle Elilwë, que venez-vous faire à Isengard ? » demanda le Mage Blanc, majestueusement assis dans un siège en pierre.

Elilwë le toisa avec respect, mais sans la présence de Gandalf, son effronterie aurait repris le dessus.

« Je désire consulter les archives de ma famille. » répondit-elle froidement.

Un sourire se dessina sur les lèvres de Saroumane, et ses yeux étincelèrent. Gandalf lui-même semblait mal à l'aise devant son supérieur.

« Oh. » déclara Saroumane. « Vous me devez des informations sur…ce que vous savez… »

Elilwë soupira, et dégaina son épée, faisant certains gestes de combat, et elle s'apprêta à entamer son récit, toujours en observant la lame brillante et fine d'Alquaesil.

« Le Roi-Sorcier de l'Angmar a envahi l'Arnor. La Tour d'Amon-Sûl est détruite, et maintenant, Fornost et Tyrn Gorthad mettent en place les défenses. Les Neuf sont éveillés, Saroumane. Cela m'inquiète beaucoup. » expliqua-t-elle.

Saroumane prit un parchemin, et sortit une bouteille d'encre. Il trempa une plume d'oie dans le liquide noir, et commença à écrire.

Son écriture était longue et élégante. Le premier mot, ou plutôt chiffre du parchemin était '1409'.

La présente année était le 1409 du troisième âge.

« Je crains une guerre, Saroumane…le Gondor a perdu son roi récemment…de plus Fornost craint l'arrivée du Roi-Sorcier… » murmura la Rôdeuse.

Arveleg, à la tête du Gondor, venait en effet de mourir. Il avait été tué par un Nazgûl, et Elilwë, proche de la famille royale de Minas Tirith, était en deuil.

« Et votre épée, demoiselle, a-t-elle été tachée du sang du Roi-Sorcier ? » demanda Gandalf.

« Oui, Mithrandir, hélas, il a réussi à m'échapper, mais je suis certaine de lui avoir causé quelques tourments… Alquaesil brûle les alliés de Morgoth, cela en a toujours été ainsi. Une lame forgée par Aulë en personne ne peut que produire cet effet… » répondit Elilwë.

Après que Saroumane eut fini d'inscrire sur le parchemin les récents évènements destinés à être un jour placé dans les archives, il se leva et demanda à Gandalf et à la Rôdeuse de le suivre. Il s'avança vers le mur, et y prit une torche enflammée. Le Mage Blanc déclara qu'ils allaient se diriger vers les sous-sols de la Tour, et ils descendirent tous les trois vers les escaliers qui menaient aux étages inférieurs. Les souterrains d'Isengard servaient d'entrepôt aux archives de la Terre du Milieu, elfiques, humaines, naines, parfois hobbites. Au fur et à mesure, ils se retrouvaient dans des couloirs en pierres, humides, et la seule lumière fut la torche, jusqu'à l'entrée de l'entrepôt. Saroumane alluma ensuite le cristal situé au bout de son sceptre de mage. Une porte de bois se découvrit alors à la lumière blanche, et il l'ouvrit avec fracas, laissant la Rôdeuse entrer dans une immense salle aux étagères aussi hautes que les colonnes qui soutenaient le plafond de la salle, toute en pierre. Le style étaient nain, la civilisation qui excellait le plus en sculpture de la pierre avaient apporté leur contribution à la construction de la Tour.

« Voici une sorte de Moria miniature, demoiselle Elilwë, admirez l'immensité de la salle des archives ! » s'exclama Saroumane, fier de la beauté d'Isengard, de l'extérieur comme de l'intérieur.

Elilwë ne trouvait pas les mots pour parler, tandis que Saroumane prenait une allure majestueuse en expliquant les anecdotes de la construction des souterrains, et Gandalf était amusé par l'air ébahi de la Rôdeuse, elle qui d'habitude ne laissait aucun sentiment transparaître sur son visage.

Les étagères remplies de livres et de parchemins divers, était poussiéreuses, et ressemblait à de fantomatiques maisons en bois, longues, se dressant fièrement avec la lumière blanche du cristal. Des échelles, elles aussi en bois, accédaient aux ouvrages les plus hauts placés.

« Je vous remercie, Saroumane. Je vous prie de me laisser seule, à présent, je trouverai l'ouvrage dont j'ai besoin. » murmura Elilwë.

« Juste une chose, demoiselle, les livres ne sortent jamais des archives. Faites en sorte d'obéir à cette règle. » déclara Saroumane en allumant les torches de la salle avec son cristal.

Au bout de quelques minutes, les deux Mages sortirent de la salle, et la Rôdeuse put se consacrer à la lecture du livre qu'elle voulait précisément consulter. Elle se plaça tout au bout de la salle, et ses yeux elfiques remarquèrent l'étagère gravée du signe représentant le son « a » en elfique. Tous les livres étaient classés par ordre alphabétique.

Elle monta l'échelle, et prit un livre intitulé 'Alqualinadulë', qui expliquait précisément la tâche de l'Alquaeleni sur la Terre du Milieu, et la manière dont son sacrifice se procédait. Elle s'assit par terre, et commença sa lecture.

« Alquaeleni est uniquement de genre féminin, et son sacrifice est perpétré par Varda elle-même, utilisant le pouvoir des Etoiles en particulier de l'Etoile-Cygne. La Lumière de cette Etoile tuera l'âme de la femme désignée comme étant l'Etoile-Cygne. Malgré tout, si le pouvoir de Morgoth est déclenché pendant le sacrifice, l'Alquaeleni mourra, mais en faveur du mal, et les ténèbres s'étendront sur cette Terre. Les seuls Maiar et Valar à ne pas s'être joints à la création de l'Etoile-Cygne sont Melian, Nienna, Nessa, Vana, Oromë, Aulë et Ariel, la Maia du Soleil et du feu non corrompu. »

Comme cela était étrange…Elle ignorait que certains Valar s'étaient désistés pour participer à la création de son ancêtre.

Ce fut Elrohir qui la tira de ses rêveries, et lui demandait s'il pouvait l'aider à descendre du cheval. Ils s'étaient tous arrêtés près de la Tour, et Elilwë l'observa d'un air rêveur. Isengard avait été construit avec une Pierre Noire, qui ressemblait étrangement à la matière en laquelle était faire le Palantir, de plus la hauteur était très grande, du moins pour l'époque à laquelle elle avait été construite. Avant sa naissance, la Tour d'Isengard existait depuis cinq millénaires. Et avait, malgré tout, bien résisté aux assauts du temps, ayant passé sept millénaires sans toutefois subir les désagréments climatiques, car les Terres Brunes étaient arides, sèches, mais aussi froides. Elle remarqua que certains soldats elfes s'étaient placés devant la tour, des soldats de la Lorien, parmi eux, les intendants de Celeborn, époux de Galadriel. L'ancien roi de la Lorien était donc à la Tour d'Isengard. Le groupe monta les marches de l'entrée ; et la Rôdeuse s'étonna de voir que les arbres et les plantes des jardins en bordure de la Tour avaient repoussé, même après une présence orque. C'est alors que trois personnes sortirent du château, et les elfes, automatiquement, posèrent leur main sur leur cœur et baissèrent leur tête en signe de respect.

Le Seigneur Celeborn, accompagné de deux autres individus, descendit les marches en toute hâte à la rencontre de son épouse, la saluant sans aucune réserve puis l'embrassant comme les elfes faisaient souvent avec leurs compagnons, sur le front, notamment en public.

« Ma Dame, quelle surprise de vous voir ici ! Vous m'avez tant manqué et je n'espérais pas vous revoir avant mon arrivée sur les côtes des Terres Immortelles ! Quels évènements graves peuvent vous amener sur les rivages de la Terre du Milieu ? Mes questions doivent vous éprouver, allons, entrez ! » déclara-t-il à l'attention de tous.

Il s'approcha de tous les princes et les rois de la Terre du Milieu et les salua poliment, sans grande cérémonie. Celeborn porta son regard sur Elilwë, puis Legolas, et une certaine gêne s'installa en eux. Leurs regards se croisèrent un bref instant, se demandant tous les deux quelle part pourraient-ils prendre aux raisons du retour de Galadriel.

Elilwë s'approcha de Radagast, profitant d'un peu de tranquillité alors qu'ils parcouraient les couloirs du palais, jusqu'à se retrouver dans une salle octogonale, un trône majestueux y était placé, et, au milieu, un socle, lui aussi octogonal, sur lequel était placé un palantir pour le moins étrange, puisque le matériau utilisé pour sa fabrication est une sorte de pierre bleue. Elanor avait sans aucun doute une envie irrésistible de s'en approcher pour voir son fonctionnement, mais sa mère la réprimanda en lui rappelant la mésaventure de Pippin avec le précédent palantir.

« Gandalf, quel est ce palantir ? » demanda Legolas.

« J'allais justement vous poser la même question, Radagast. » murmura la Rôdeuse à l'oreille du Mage Brun.

Gandalf se tourna vers les deux autres personnes, une femme aux cheveux et aux yeux noirs, ayant l'apparence d'une femme mûre située aux alentours de 50 années humaines, portant une robe d'Istari noire, et un homme aux cheveux roux et aux yeux bleus, bien plus jeune, portant une robe d'Istari bleue.

« C'est un palantir d'Ulmo, déclara l'homme. Les profondeurs de la mer ne sont plus cachées aux yeux des Maiar, à présent. Je me présente, chers amis, je suis Ulvian Hëmniria, Maia et vassal d'Ulmo. » dit-il en s'inclinant.

« Je suis Viressë, Maia et grande prêtresse de l'ordre des Eliel, filles des étoiles servant Varda, la Dame des Etoiles. » dit la femme à son tour.

Elle avait des yeux noirs comme la nuit, comme ceux d'Elilwë, mais son regard semblait vide et elle fixait le mur, sans toutefois regarder quelque chose en particulier. Viressë était aveugle, car elle utilisait une canne en buis, signe des aveugles au Gondor, pour la guider dans les éternelles ténèbres.

« Ce soir, nous mangerons dans la salle des archives, elle est assez grande pour cela, et, oui ; demoiselle Elilwë Alquaeleni, nous répondrons à toutes vos questions, notamment les raisons pour lesquelles la Dame Galadriel et beaucoup d'autres sont revenus. » déclara Ulvian.

Il savait le nom de la Rôdeuse, cela la mit quelque peu mal à l'aise, mais elle saurait enfin les raisons du retour des Elfes, et pourrait enfin montrer, à la grande joie d'Aragorn, sa vraie beauté, et cela, Legolas ne l'avait pas oublié, il comptait bien voir quelle était la vraie nature de la Rôdeuse ; pensant au mariage d'Estel, là où Elilwë portait une robe blanche, et semblait différente. Deux personnalités pour une même personne, Elilwë était fort singulière…en espérant qu'elle ne s'enlaidisse pas trop pour le repas de ce soir, Aragorn continua sa discussion avec les deux Maiar, et vit la Rôdeuse s'éclipser avec discrétion de la salle, goûtant enfin aux joies d'une liberté bien méritée.

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Elanor, parée comme une petite princesse, faisait les cent pas dans le couloir, attendant que ses parents aient fini de se préparer. La nuit était déjà tombée, et, à sa grande déception, elle n'avait pas eu l'autorisation d'accompagner Merry et Pippin dans la forêt de Fangorn afin de voir Sylvebarbe. Ses cheveux avaient été relevés en un chignon fort élégant, et elle portait une robe d'un rose pâle, style hobbit. Sa mère était décidément trop inquiète pour elle, et la seule date importante pour la demoiselle Gamegie était sans doute d'atteindre l'âge de sa majorité, trente ans révolus en Comté.

« Demoiselle Elanor, vous voilà parée telle une Dame Elfe fort noble… »

La petite Hobbite se retourna, et vit Elrohir, portant des vêtements de princes nobles, mais néanmoins sobres. Les habits de Rôdeurs étaient la seule et unique tenue vestimentaire qu'il possédait, mais celle-ci était plus distinguée et plus belle.

« Prince Elrohir, bonsoir. » déclara solennellement Elanor en s'inclinant avec respect.

Un sourire se dessina sur les lèvres d'Elrohir, ou du prétendu Elrohir. Il toussota, et fixa la Hobbite intensément.

« Je suis Elladan, demoiselle Gamegie, mais ce détail n'a pas grande importance. Voulez-vous m'accompagner jusqu'en bas ? Je cherche désespérément une cavalière pour la soirée, et je pense que vous êtes un choix idéal. » déclara-t-il.

Elanor pouffa de rire en se rendant compte qu'elle s'était trompée, du moins, c'est ce qu'Elladan pensait, mais le fils d'Elrond se rendit compte que son frère jumeau était derrière lui.

« Tiens, Elrohir, quelle bonne surprise ! Où étais-tu ? »

« Derrière toi. » répondit-il simplement.

« C'est très drôle, mais je n'ai pas de temps à te consacrer. Je fais la cour à demoiselle Gamegie. » dit Elladan.

Elrohir leva les yeux au ciel d'un air agacé, et força son frère à descendre les marches en marmonnant à l'attention d'Elanor :

« Excusez-le, c'est un vrai coureur de jupons… »

« Quel mensonge éhonté ! » s'exclama Elladan avec une fausse indignation.

« Tais-toi et marche. » déclara Elrohir en adressant un clin d'œil à Elanor qui se mit à rire. « Et puis cesse de faire l'enfant. »

Sur ces mots, Elanor les suivit, amusée par leur sens de l'humour si peu commun aux elfes.

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Elilwë se sentait terriblement nerveuse. Elle avait mis une robe, avait noué ses cheveux en un chignon, mais ne savait si son apparence pourrait convenir, et elle s'attendait à une remarque désobligeante de la part de Legolas, ou encore d'Aragorn, qui aimait jouer avec les nerfs de son amie. Elle avait une robe blanche, plutôt de style Rohirrim, à la manière d'Eowyn par exemple, qui aimait porter des robes aux tissus vaporeux, mais pourtant de style nordique. Deux mèches noires de cheveux tombaient sur ses tempes, ce qui lui donnait une certaine élégance, et elle portait une chaîne en argent, avec un pendentif en ithildrin représentant l'arbre du Gondor. Bien que son cou blanc et délicat fut découvert, ses mains étaient gantées de velours blanc, afin de cacher les disgracieuses blessures, elles-mêmes recouvertes de bandages, pour éviter de tacher les gants de sang noir. C'est alors qu'une personne fit son apparition à l'autre bout du couloir.

« Oh non, pas lui… » murmura Elilwë.

Legolas venait de sortir de la chambre qui lui avait été attribuée, ce qui faisait penser à la Rôdeuse que l'intérieur de la Tour était plus grand qu'il ne le paraissait. Il portait exactement les mêmes vêtements que d'habitude, peut être en moins négligé et d'une couleur grise argentée.

« Demoiselle Elilwë, quelle mauvaise surprise ! » dit-il ironiquement.

La Rôdeuse s'en sentit vexée, et s'apprêta à descendre les escaliers en toute hâte, mais il la retint par le bras, la forçant cette fois à rester.

« Ce n'était pas contre votre personne demoiselle, pardonnez-moi, s'il vous plaît, je ne voulais pas vous froisser… » dit-il. « N'avez-vous donc pas d'humour ? »

« A quoi sert l'humour, selon vous, mon prince ? » demanda-t-elle.

« A faire la cour aux jeunes vierges elfiques effarouchées en quête du prince charmant. » répondit-t-il avec un léger sourire.

Elle ne sourit pas, mais se détendit. Le sourire s'effaça des lèvres du prince de la Forêt Noire, et Elilwë ne pouvait éviter ce regard bleu qui la fixait avec insistance.

« Cessez de me dévisager comme cela, mon prince. » déclara-t-elle en détourant la tête.

« Vous êtes incroyablement belle. » dit-il en voulant caresser sa joue.

Sur ces mots, elle arrêta le geste de Legolas qui allait se porter non pas sur ses joues, mais sur ses lèvres, et baissa la tête.

« Ne me touchez pas. » murmura-t-elle.

« Excusez-moi, j'ai l'habitude de toucher les gens, parfois un peu trop…les femmes aiment le contact des hommes, mais vous…la plupart des gens réagissent bien, généralement. »

« Je ne suis pas la plupart des gens. » rétorqua froidement Elilwë.

« Moi non plus. »

Un malaise s'installa alors, et ils se turent. Legolas prit la main de la Rôdeuse, étrangement, elle se laissa faire, et il l'invita à descendre les marches avec lui.

« Allons-y, je vous en prie, Aragorn doit être en train de m'attendre… » murmura-t-elle.

Sa vraie nature, celle d'une femme au visage de cire aussi belle que Varda, avait été dévoilée aux yeux de Legolas, cela était évident pour elle. Alors qu'ils descendaient les marches, Elilwë retira vivement sa main, sentant les douleurs de ses blessures.

« Qu'y a-t-il ? » demanda Legolas.

« Mes plaies…je crois qu'elles sont infectées…j'ai essayé de les soigner, mais je suis un bien piètre médecin… »

Un léger sourire se dessina sur les lèvres de Legolas, alors qu'il sentait que la main de la Rôdeuse se plaçait de nouveau sur sa paume. Il referma sa main sur le bout de ses doigts, et ils arrivèrent finalement en bas, puis, ils se dirigèrent vers la grande salle des archives, endroit où le dîner devait avoir lieu.

'Cet endroit est si inquiétant…j'appréhende le fait d'enfin savoir…les raisons de leur retour.' pensa Elilwë.

Elle prit un pan de sa robe, pour éviter de glisser dans les escaliers en colimaçon qui menaient aux souterrains de la Tour. La soirée de toutes les révélations allait commencer.