Chapitre Huit
REVES
La lune était haute dans le ciel. Les plaines verdoyantes du Rohan, couvertes de givre, brillaient à la lueur de l'astre de Varda. Cependant, le satellite ne représentait guère plus qu'un mince croissant de lumière, et même Carnil, l'étoile rouge, offrait plus de visibilité que la lune. Les étoiles parsemaient la mer noire qui faisait office de nuit. Ces puits de lumière formaient bien souvent des formes, géométriques ou pas, qu'on appelait « constellations ». Une mythologie était bien souvent associée aux formations étoilées. Cependant, certains joyaux de Varda restaient irrémédiablement seuls, comme Carnil, Alquaeleni ou encore Silmaril. Tous trois avaient un destin solitaire. C'était ainsi.
« Elilwë, tu me sembles bien rêveuse ce soir. Quelle est la personne qui hante ainsi tes pensées ? » demanda Aragorn.
Elilwë sortit de ses rêves, car il était évident que ses pensées, douloureuses, la forçaient à s'éloigner d'une présence terrestre. Un sommeil reposant, presque apaisant – une chose rare les derniers jours – s'était emparé de son esprit. Elle se retrouva dans la réalité lorsque Estel lui adressa la parole. La Rôdeuse se trouvait en croupe de Bregon, la fidèle monture d'Aragorn. Encerclant la taille de son frère d'armes de ses bras, elle se souvint alors qu'elle était sur le dos d'un cheval. Bien que ces créatures ne la gênaient pas particulièrement, elle les trouvait détestables dés qu'il s'agissait de monter dessus.
« Personne ne hante mes pensées. Je suis pensive, voilà tout. » répliqua-t-elle. « Ces derniers jours ont été éprouvants, autant par les émotions que par les actions. »
Aragorn acquiesça, et ne dit plus un mot. Quant à Galadriel, elle pouvait ressentir la lassitude de la Rôdeuse. Sa mélancolie, sa tristesse. C'était les seuls sentiments qu'elle éprouvait. Etrangement, Elilwë n'aimait pas confier son mal de vivre à quelqu'un. Le garder pour elle n'était pas une bonne idée, malheureusement, sa fierté passait avant tout. Un de ses nombreux défauts, sans doute.
« Vous semblez troublée par un quelconque tourment, Demoiselle Elilwë, même un nain peut le ressentir ! » s'exclama Gimli.
« Ce n'est rien, maître Gimli, je vous assure. » murmura-t-elle. « Je vous remercie cependant de vous faire du souci pour moi. » ajouta-t-elle.
Son tourment, son seul tourment était d'être impliquée une fois de plus dans la bataille contre le mal. Encore de la douleur, des blessures, et les morts, qui inévitablement allaient s'y ajouter. Encore la mort de certains compagnons, des Rôdeurs, mais également des connaissances incapables de se défendre. Des regrets, des pleurs, le deuil de perdre des êtres chers. Et la peur de la mort. Elilwë avait survécu à tant de batailles et de guerres, mais peut être n'allait-elle pas gagner ce qui serait la bataille ultime. Si jamais elle échouait, la Terre du Milieu serait à jamais perdue. Et si elle allait une fois de plus vaincre les obstacles qualifiés d'insurmontables, elle projetait de quitter définitivement les rives de ces terres, pour se rendre en Aman, et reposer enfin son esprit et son corps. Trouver la paix. Enfin.
Rêves.
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La nuit avait passé sans encombres, mais un des soldats éclaireurs avait remarqué des traces de Wargs sauvages à l'aube. Tous restèrent sur leurs gardes, les Rôdeurs tout particulièrement, une attaque imminente était tout à fait possible, et ces loups géants, créations de Sauron, étaient capables d'attaquer une armée sans crainte.
«Regardez ! » s'écria Merry, installé sur son poney. « Un village en ruines ! »
Et, en effet, au loin, pouvaient se voir les ruines d'un village fermier. La plupart des maisons étaient détruites, réduites en cendres, ou partiellement endommagées. La groupe s'approcha des habitations, et devaient constater que les ruines avaient été désertées par leurs habitants.
« Ce sont sans doute les restes d'un village Rohirrim, détruits par les Uruk-Hais de Saroumane, dix ans auparavant. » en déduit Gimli en regardant autour de lui.
Un silence de mort s'empara de tous, et ils traversèrent le village sans dire un mot. Les Elfes ressentaient la présence de la mort sur cet endroit. Gimli, quant à lui, avait parfaitement raison. De la végétation avait poussé sur les chaumières délabrées, en grande partie de la mousse et quelques herbes éparses. Une dizaine d'années avaient passé depuis l'attaque des serviteurs maudits de Saroumane. Celeborn ordonna aux soldats d'inspecter les lieux à la recherche d'un quelconque indice récent sur le passage d'ennemis. Car les Wargs, les Orques, les Gobelins ou les Nazgûl avaient l'habitude de sévir dans tous les endroits où le sang humain avait été versé. Parfois, ils laissaient malencontreusement des traces de leur passage, ce qui était fort utile à ceux qui les traquaient. Legolas et Gimli allèrent fouiller les maisons les plus endommagées, les nains ayant l'habitude soulever de lourds poids de pierre pour dégager une entrée.
Les soldats allèrent inspecter les entrepôts communs où les villageois laissaient leurs récoltes, et Elilwë, accompagnée d'Aragorn, prit l'initiative d'observer les alentours et de fouiller les chaumières formant le hameau du village, à un demi mille du reste du groupe. Les bâtiments étaient rectangulaires, avec des murs en pierre, en fait des petits rochers de granit assemblés grâce à une sorte de mortier. Les toits étaient en chaume, et des barrières calcinées, installées près des habitations, servaient jadis d'enclos pour les animaux. Les dommages causés par les Uruk-Hais étaient très importants, et Elilwë put voir qu'ils se servaient bien souvent du feu pour détruire les petites maisons, quant aux plus grands bâtiments, le pillage et les massacres étaient l'unique moyen de laisser une trace de leur passage.
Ce fut une de ces grandes habitations qui attira l'œil de la Rôdeuse, et, pendant qu'Aragorn inspectait les chaumières de fermiers, Elilwë se dirigea vers ce qui devait être une sorte de mairie, ou de bâtiment principal du village. Un écriteau, en langue Rohirrim, un dialecte que la Rôdeuse ne pouvait lire, était accroché au-dessus de la porte d'entrée. Déjà, Elilwë sentait l'odeur de la mort. Mais les âmes qui avaient définitivement quitté leurs corps à cet endroit étaient encore jeunes. Très jeunes. Se baissant légèrement, pour passer le pas de la porte, Elilwë remarqua que cet endroit était très souvent fréquenté par des enfants. La salle principale du bâtiment était grande. Les hautes herbes perçaient entre les lames d'un parquet partiellement détruit par des piétinements. De lourds piétinements d'Uruk-Hais. Les rares meubles avaient été jetés au centre de la pièce, parfois défoncés par des coups violents de hache ou de cimeterre, parfois brûlés, mais tous avaient été dépourvus des objets qu'ils contenaient. Un pillage. Cependant, deux autres salles étaient à visiter, et celles-ci offraient un spectacle bien plus affligeant et désolant que le pillage. Alors qu'elle traversa la pièce en direction de la deuxième, Elilwë eut un malaise. La mort était là, bien présente, après cette porte. Dans cette pièce, beaucoup d'humains avaient perdu la vie. La Rôdeuse entra donc, et s'étonna de voir une table rectangulaire, renversée sur le côté. Des couverts, en grande partie des assiettes et des planches en bois sur lesquels étaient posés de la nourriture jonchaient le sol. Et puis, sur un mur, une large trace de sang noir séché attira son attention.
' Du sang d'Uruk.'
Elle trouva par terre un cimeterre peu solide, en un métal fort grossier. Une arme d'orque, certainement, utilisée à outrance par les soldats de Saroumane. L'arme était tachée de sang rouge cette fois.
' Du sang Humain.'
Il restait une troisième pièce, et la Rôdeuse craignit au fond d'elle-même de trouver une chose qui serait au-delà de ses pires cauchemars. Une chose affreuse et inhumaine l'attendait. Et elle le savait. Elle se força à entrer dans la troisième partie du bâtiment. Finalement, elle comprit que ce ne fut ni la mairie du village, ni le bâtiment central, mais un orphelinat. Des enfants vivaient ici, et les villageois s'occupaient d'eux, faisant office de parents. La salle était désordonnée, elle aussi, les meubles – des lits d'enfant – avaient été fracassés par les orques. Les draps, maculés de sang humain, jonchaient le sol. Et puis, sur un mur, se voyait une trace d'une main ensanglantée. Celle d'un enfant. Près du mur, une épée Rohirrim, tachée de sang d'orque, avait été laissée là pendant une décennie.
' Un Orque est mort ici. Les enfants ont tenté de se défendre.'
Puis, elle arriva près du mur du fond de la pièce. La rouge, encore une fois, était la couleur prédominante. Posé contre ce même mur couvert de sang séché, un berceau en peau d'animal fourrée de paille. Rouge comme le sang, lui aussi. Et dans l'endroit où sommeillait un nourrisson jadis, une poupée en chiffons prenait sa place.
' Aucun corps. Sans doute ont-ils été emportés, afin de servir de repas aux Uruk-Hais.'
Elilwë s'agenouilla quelques secondes, prit la poupée entre ses mains fragiles, et caressa la robe du jouet. Des traces de doigts ensanglantées parcouraient toute la surface de la poupée.
' Des doigts d'enfant.'
La Rôdeuse ferma ses yeux. Et elle ressentit la douleur de ces petits êtres fragiles qui demandaient de vivre. Mais les Orques n'avaient aucune pitié, et prenaient plus de plaisir à tuer des enfants que des adultes. Elilwë sentit une unique larme couler sur son visage. Jamais elle n'avait à ce point découvert la souffrance de la population, pendant les guerres. C'était injuste. Elle, en tant que Rôdeuse, avait fréquenté beaucoup de familles, nombreuses pour la plupart, et paysannes dans la grande majorité. Ils étaient heureux de recevoir une elfe entre les quatre murs qui leur servaient de maison. Et ils toléraient sa présence, car une guerrière est toujours la bienvenue pour les défendre d'un quelconque danger. Les paysans, les artisans, livrés à eux-mêmes lorsque le royaume qui les abrite s'effondre inexorablement. Elle sentit alors la présence de quelqu'un. Tout d'abord, elle entendit de lourds pas de bottes naines, puis une présence elfique ; car les elfes étaient silencieux dans leur marche.
« Des petits sont morts ici. » déclara Gimli avec sa voix rauque et pourtant triste. « Pauvres enfants ! »
Une deuxième voix se fit entendre à son tour, douce, belle, mais terriblement affligée.
« Hélas, que pouvons-nous y faire, sinon prier pour ces âmes perdues… » murmura Legolas.
Une prière funéraire fut dite en elfique, et la présence du prince se rapprocha d'Elilwë. Il posa avec douceur une main sur son épaule.
« Demoiselle Elilwë ? Venez, ne restons pas ici…Cet endroit est malsain, et empli de douloureux souvenirs. »
Il remarqua la poupée qu'elle avait entre ses mains, et il baissa la tête. Cette Rôdeuse avait un cœur, finalement, et jamais il n'avait été aussi affligé de voir les yeux noirs comme la nuit. Les yeux d'Elilwë. Aucune étincelle, sensée représenter les étoiles dans la nuit de ses iris, ne fut décelée par la vue elfique de Legolas. La tristesse. Une larme coula le long du visage de la Rôdeuse, et le prince fut forcé de l'effacer par un simple geste de la main.
« Il y a eu un passage récent d'orques, ici. » dit-elle simplement, se ressaisissant.
Elle s'avança vers un des lits, allongé sur le côté, écarta les draps blancs maculés de sang, et découvrit alors des membres orques en état de décomposition. Des traces de dents avaient sectionné les membres du reste du corps, sans doute dévoré par les congénères de cet individu.
« Les morsures sont grandes, et moins crasseuses…Uruk-Hais, assurément ! » s'exclama Legolas.
« Et du Mordor ! » rajouta Gimli.
« Ce n'est pas certain… » marmonna Elilwë en touchant avec précaution un bras déchiqueté. « Serait-ce les survivants du gouffre de Helm ? »
« C'est tout à fait possible. » dit alors Legolas. « Y étiez-vous ? »
« Oui. » répondit-elle simplement, et elle se leva.
Elle décida de garder la poupée jusqu'à son arrivée à Edoras, et quitta la pièce. Trop de souvenirs résidaient en ces lieux. Et le prince venait juste de lui rappeler qu'elle avait combattu au gouffre de Helm. Elle avait fait partie des Rôdeurs qui avaient répondu à l'appel d'Aragorn. Malheureusement, un Uruk-Hai plus puissant que les autres la blessa grièvement, et l'unique trace de cette attaque sauvage était la cicatrice qu'elle arborait sur la joue. Tous sortirent, et Gimli signala aux autres membres du groupe que des Uruk-Hais étaient récemment passés. Et Elilwë caressa la poupée. Ces créatures allaient encore la faire souffrir.
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Les Etoiles. Uniques amies, uniques lumières, uniques beautés dans sa vie. Cependant, les observer pour la Rôdeuse, ce soir-là, n'était pas une partie de plaisir. La lune arborait une étrange couleur rose pâle. Assise sur un rocher qui surplombait la plaine Rohirrim, elle observait l'étendue du royaume de Varda.
« La lune n'est-elle pas d'une grande beauté, ce soir ? » demanda Legolas.
Le prince l'avait observé, pendant quelques temps, avant de lui adresser la parole. Elle était assurément triste, mais n'allait guère accepter qu'on la console, alors il décida simplement de lui parler pour lui faire oublier son chagrin. Elilwë ramena ses jambes contre sa poitrine, les entoura de ses bras, et posa son menton sur ses genoux. Le sang noir et infecté des plaies de ses mains coulaient le long de son pantalon, et se mélangeaient aux larmes qui coulaient sur son visage, et perlaient sur ses vêtements. Mélancolie.
« Beauté et tristesse sont de pair, aujourd'hui… » dit-elle d'une voix tremblante.
La Rôdeuse fondit en larmes, et Legolas baissa la tête. Il se sentait misérable de la laisser dans cet état là, et il ne voulait guère profiter de la situation. Les sanglots d'Elilwë lui fendirent le cœur, et elle, inconsciemment, voulait que Legolas vienne auprès d'elle. La haine pouvait parfois se transformer en un autre sentiment. Il s'approcha d'elle, lentement, et la fixa avec tristesse. Elle avait caché son visage entre ses mains, mais les larmes humidifiaient les gants qu'elle portait. S'agenouillant, il redouta de devoir la toucher, mais caressa lentement ses cheveux tout d'abord, murmurant des mots elfiques pour l'adoucir.
« J'en ai la preuve vivante devant moi…l'incarnation de la beauté et de la tristesse… » dit-il.
Elle leva la tête, mais détourna rapidement son visage. Elle n'aimait pas qu'une personne puisse la voir pleurer. Séchant ses larmes, elle se reprit. Legolas savait à présent qu'elle pouvait être sensible, comme n'importe quel être vivant.
« La statue de marbre que je suis n'est pas sensée ressentir des émotions. » déclara-t-elle en portant son regard sur la lune.
« La statue de marbre que vous êtes semble à présent aussi fragile que le givre qui recouvre ces plaines… »
Il s'assit à côté d'elle, et regarda à son tour la lune.
« La couleur de la lune est fort inhabituelle. Ne l'avez-vous pas remarqué ? » demanda-t-il.
« Si la lune est rose, cela signifie qu'Elbereth est mélancolique. La plus belle des Valier est triste, mais cela ne ternit en rien sa beauté… » expliqua Elilwë.
« Eh bien, je pense pouvoir vous comparer à la Dame des Etoiles… » murmura Legolas.
Le mince croissant lumineux dans le ciel semblait frémir, comme la lueur des étoiles, et le vent glacé qui soufflait semblait de plus en plus présent. Elilwë prit la poupée, et la serra entre ses doigts. Le sang de ses plaies coulèrent sur la robe du jouet. Legolas ne put rester insensible devant ces blessures infectées.
« Pourquoi ne demandez-vous pas à maître Elrond de soigner ses affreuses blessures ? » demanda le prince.
« Le Seigneur Elrond a bien des préoccupations…Je n'ai aucune envie de les soigner, par ailleurs. » répliqua-t-elle d'un ton glacial. « C'est le prix à payer pour être une Rôdeuse. »
Sur ces mots, elle resserra sa cape noire contre son corps. Le froid, où peut être une certaine appréhension de parler avec un être qu'elle a toujours haï. Les elfes étaient trop parfaits, c'était une évidence. Du moins pour elle. En leur cœur, les Elfes savaient aussi qu'ils avaient certains défauts. Le désir qu'ils ressentaient pour une personne de sexe opposé, généralement, était un défaut. Leur cœur pouvait parfois être tourmenté par une seule personne, et les rendre fous d'amour. Elilwë glissa un doigt sur la lame d'Alquaesil, son épée.
« Vous êtes un vrai mystère, demoiselle Alquaeleni…Parfois dure comme du diamant, et parfois si douce comme du velours. Il vous arrive de haïr une personne comme il peut arriver que vous l'adoriez… » murmura Legolas.
Intrigué, voilà le mot. Il était intrigué par cette elfe, tout son être était contradictoire. Du moins, les sentiments qu'elle éprouvait pour telle ou telle personne étaient radicalement opposés.
« Cette image est fort poétique, mon prince… » dit-elle.
Tous deux ressentirent alors une présence invisible auprès d'eux. Le vent se mit à changer de direction plusieurs fois, et lorsque la Rôdeuse porta son regard sur la plaine en contre-bas, elle remarqua que d'étranges volutes de fumée se déplaçaient. Un mouvement brusque fit bouger les hautes herbes, mais elle ne put rien voir. La brume semblait brouiller sa vue, son cœur se troubla et son sang se glaça. Legolas, en se levant, sortit avec la rapidité elfique son arc et une flèche prête à être encochée. Elilwë, quant à elle, rangea la poupée quelque part dans ses vêtements. Elle prit Alquaesil, posée à côté d'elle, et observa les environs.
« Quelle était cette chose ? » demanda Legolas.
« Je l'ignore, mais elle est toute proche… »
Elilwë se retourna. Le groupe semblait lui aussi troublé par une quelconque présence maléfique. Les soldats firent un cercle autour de Galadriel, et les Seigneurs Elfes se tirent prêts à repousser une chose qui ne pouvait être vue.
« Vraiment proche… » répéta la Rôdeuse.
Le feu de camp s'éteignit, par un vent qui changeait sans cesse de direction, et les cheveux de la Rôdeuse virevoltaient à cause de cette forte brise, certainement pas d'origine naturelle. Les volutes de fumée en contre-bas, irréelles, s'élevèrent dans le ciel, et une forme noire se matérialisa. Un cri strident se fit entendre, et Aragorn, qui défendait Rose et Elanor, s'écria :
« Par tous les Valar ! Les Nazgûls ! »
Elilwë regarda la plaine. Huit autres formes noires se matérialisèrent, mais même les Elfes ne purent distinguer quelle était leur forme. La Rôdeuse ne put s'empêcher de trembler. Legolas. Elle se devait de protéger Legolas. Viressë l'avait prévenue du danger, et elle devait à présent faire face à son destin. Le rocher sur lequel Legolas et Elilwë étaient assis s'effrita dangereusement, et les deux elfes durent reculer. Legolas encocha sa flèche, et scrutait le ciel avec inquiétude. La Rôdeuse, quant à elle, mit son épée en avant. La lueur des étoiles sembla frémir, et la lune prit une couleur rouge sang.
« Ah, Elbereth, aide-moi… » murmura Elilwë.
Les formes noires redevinrent volutes de fumée, et se déplacèrent auprès de la Rôdeuse et du prince. Très rapidement, huit formes noires apparurent. Elilwë et Legolas se retrouvèrent encerclés par ces huit silhouettes. La neuvième forme, elle, prit une silhouette définie, plus grande, mais avec un allié de taille. Le Roi-Sorcier, le neuvième Nazgûl, montait un coursier noir. Enfin, Elilwë put distinguer la nouvelle forme des Esprits Servants. Ils étaient comme fantomatiques, enroulés dans de longues capes noires et déchirées. Un capuchon cachait leur visage, comme toujours, mais une paire d'yeux rouges scrutaient la moindre proie. Ils étaient tous debout, dans une position majestueuse, une main gantée de fer tenant une partie de leur cape, et l'autre tenant une lame de Morgul. Ils avaient l'air menaçants, et surtout, alors qu'ils mirent leurs épées en avant, d'une rapidité fulgurante. Le rocher qui surplombait la vallée se brisa en mille morceaux, comme assailli par une force très puissante, et tomba en contre-bas. Dans le ciel, le Roi-Sorcier, sur son affreuse monture, attendait que ses congénères passent à l'attaque. Legolas tira une première flèche, en direction d'un de ses ennemis, mais la surprise fut de constater qu'il redevint fumée, et la flèche le traversa sans lui faire le moindre dommage.
L'elfe poussa un cri de surprise, et Elilwë semblait hypnotisée par les nouveaux pouvoirs de ces créatures, et leurs voix, susurrant des paroles en langage noir, résonnèrent dans sa tête comme un refrain continu. Puis, les Nazgûl passèrent à l'attaque. Cinq de ces créatures vinrent attaquer le groupe resté pour protéger Galadriel et les Hobbits. Eux aussi durent constater que leurs ennemis étaient puissants, et qu'ils seraient sans doute incapables de les vaincre. Les trois autres attaquèrent Legolas et Elilwë, et bien que les deux elfes arrivaient à repousser leurs attaques, ils ne pouvaient guère les toucher physiquement. Le Roi-Sorcier, quant à lui, observait d'un calme fort étrange pour un Nazgûl, et le coursier noir de celui-ci semblait prêt à attaquer à la moindre initiative de son maître. La créature était noire, hideuse, avec un long cou couvert de plaies sanguinolentes, une tête avec des yeux rouges et une gueule possédant un nombre incalculable de dents jaunes et pointues. Ses ailes étaient déchirées, vastes, et cette chose du Mordor était sans doute la chose la plus effrayante qu'elle ait vu. Legolas tirait sans cesse des flèches, mais quand il vit que cela ne servait à rien, il dût prendre ses lames elfiques et se défendre de cette manière. Il fut par ailleurs étonné de voir qu'Alquaesil savait repousser les attaques des ennemis, et si la lame touchait l'un des Nazgûls, celui-ci émettait un cri strident de douleur.
« Demoiselle, quelle est cette lame ? » demanda-t-il alors qu'il plantait les deux lames dans le corps d'un Nazgûl.
« Cette épée brûle les êtres impurs…forgée par Aulë en personne ! » répondit-elle.
C'est alors que le coursier se mit à battre des ailes plus violemment, et se prépara à voler au-dessus de la scène de combat. Immédiatement, le pouvoir d'Elilwë se mit en marche, et, dans un état de transe, vit le futur proche. Si elle ne protégeait pas Legolas, il allait mourir à ce moment.
' La falaise…il y a une anfractuosité rocheuse dans la falaise…'
Puis, avec la rapidité elfique, elle se jeta contre le sol, et poussa Legolas près de la falaise. Le coursier noir les manqua de peu, et étrangement il voleta autour du groupe défendant l'ancienne reine de la Lorien. Gandalf, Elrond, et Galadriel utilisèrent autant qu'ils le pouvaient le pouvoir des trois anneaux elfiques, les éléments étant le seul moyen efficace de repousser ce genre d'ennemis.
« Legolas ! Il y a une anfractuosité dans la falaise ! Il faut que nous y parvenions ! Sans quoi je pense que nous pourrons rejoindre les cavernes de Mandos ! » s'écria Elilwë.
Le prince regarda un instant le vide. La falaise n'était pas très haute, dix mètres au maximum, et il lui fallait utiliser son agilité pour l'amener, lui et la Rôdeuse, à un endroit plus sécurisé. Ce n'était pas lâche, mais Legolas ressentit le pouvoir elfique d'Elilwë, et sut qu'ils allaient tous deux mourir s'ils ne réagissaient pas. Il encercla rapidement la taille d'Elilwë, prêt à sauter de la falaise, et lui demanda :
« Me faites-vous confiance ? »
Elilwë déglutit, et le Roi-Sorcier devina leurs intentions. Le coursier noir se préparait déjà à voler en leur direction, et elle répondit :
« Oui, mais je ne vois aucun moy… »
Legolas s'élança du haut de la falaise, gardant la Rôdeuse dans ses bras, et utilisa l'agilité elfique pour atteindre l'anfractuosité. Elilwë avait gardé les yeux fermés, après tout, mourir dans les bras d'un prince elfe n'était pas une si mauvaise chose. La Rôdeuse sentit alors ses pieds sur une surface ferme. Elle ouvrit les yeux, et se retrouva, agenouillée, dans les bras du prince. Les étoiles frémirent une nouvelle fois, et un cri strident, plus proche se fit entendre.
« Co…comment avez-vous… ? » balbutia la Rôdeuse.
« Ne posez aucune question. Suis-je un elfe, ou n'en suis-je pas un ? » dit-il avec un sourire.
Soudain, la Rôdeuse lui intima l'ordre de se taire, et son ouïe fine savait que le coursier était proche. Très proche. Les ailes de la créature fendaient l'air avec violence, et Elilwë vit avec horreur que le Nazgûl les avait repérés. Legolas se pelotonna contre la surface de la pierre, son dos désespérément près de la roche. Il encercla la taille d'Elilwë, elle se trouvait contre lui, le dos contre son torse, et, alors le coursier noir utilisait son odorat pour les trouver, Legolas plaqua sa main contre la bouche de la Rôdeuse, et, à son oreille, se contenta de murmurer.
« Shh…pas un son… »
La tête de l'hideuse créature était très près de l'endroit où les deux elfes étaient cachés, et les narines de la bête se mirent à renifler l'air avec précaution. Nul doute que le coursier noir était en quelque sorte relié mentalement au Roi-Sorcier, puisqu'il avait les mêmes réactions que son maître lorsqu'il décelait une présence. Cependant, le coursier noir, comme le Roi-Sorcier, était entièrement aveugle. L'odeur était l'unique moyen pour lui de ressentir une présence. Elilwë ferma les yeux, et essaya de calmer ses battements de cœur. Etait-ce la peur de mourir ou sa proximité avec Legolas qui causait cela ? Les reniflements de la créature devenaient plus insistants, mais la Rôdeuse devait se forcer à ne pas gémir de peur. Ils restèrent ainsi pendant quelques temps, des heures pour Elilwë, mais en réalité, seulement cinq minutes. Le coursier noir s'écarta, et vola vers le haut de la falaise. La main de Legolas glissa de ses lèvres vers sa poitrine, puis sur le sol. La Rôdeuse soupira. Finalement, ils s'en étaient sortis indemnes.
« Je me demande pourquoi le Roi-Sorcier veut absolument causer notre perte…nous n'avons rien de particulier. » déclara Legolas ; et il porta son regard à l'extérieur de l'anfractuosité.
« Les Nazgûl veulent votre mort. » répliqua Elilwë.
« Ma mort ? Que voulez-vous dire ? Comment savez-vous cela ? »
« La Dame Viressë m'a prévenue d'un danger…selon elle, nos destins sont liés par…certaines choses…des sentiments en réalité…Mais j'en doute… »
« Oh, croyez-moi, me tuer est une chose fort difficile…et même les Maiar peuvent se tromper sur le destin. Le futur est bien obscur, même pour des êtres tels que les Immortels. »
« Mon pouvoir n'obscurcit guère le futur…depuis quelques temps, le seul don que je possède se révèle d'une exactitude effrayante. »
Legolas resta silencieux à ces paroles, et les entrechoquements d'épée du reste du groupe qui se défendait le sortit de cette conversation passive.
« Venez, ne perdons pas de temps en palabres inutiles – nous devons aider les Seigneurs Elfes. Notre chute a fort surpris les Nazgûls, et nous pouvons reprendre l'avantage. » dit-il.
Les deux elfes escaladèrent en vitesse la falaise, et tentèrent de rejoindre les soldats elfes et Aragorn qui défendaient désespérément Galadriel. Gandalf et Radagast semblaient les seuls à pouvoir réellement repousser les Esprits sans subir eux-mêmes, un quelconque dommage physique.
« Seigneur Elrond ! » s'écria Elilwë. « Utilisez Vilya, votre Anneau ! Il pourrait déstabiliser le Roi-Sorcier ! »
Elrond acquiesça, et il se mit à réciter des paroles en un elfique ancien. Il invoquait Manwë, le maître des Vents. Soudain, le vent changea brusquement de direction, et le coursier noir n'arrivait pas à se maintenir dans le ciel. Bien que Vilya provoqua une légère brise, le fait que le vent soit d'origine magique suffit à le troubler. Cependant, les Nazgûls remarquèrent la présence de Legolas. Et Elilwë se remémora les déclarations de Viressë.
' Il va mourir si je reste passive ! Mais que puis-je faire ? Une seule personne ne peut changer le destin…'
Soudain, tous les Nazgûls disparurent. Cela étonna grandement tous les combattants. Les Esprits ressuscités par Morgoth étaient plus puissants, plus rapides, et pouvaient se rendre invisibles. Les volutes de fumée, qui indiquaient tout de même qu'une présence maléfique rôdait dans les environs, inquiétaient Elilwë. Sa lame, Alquaesil, se mit à briller un court instant. L'ithildrin, cependant, brillait sans discontinuer à la lumière de la lune. Les murmures abjects des créatures semblaient même déstabiliser Varda, la Dame des Etoiles. Puis, comme par magie, la lune redevint rose, et non pas rouge. Les volutes disparurent.
« Sont-ils partis ? » demanda Glorfindel.
« J'en ai l'impression… » rétorqua froidement Elilwë.
Legolas, quant à lui, encocha une autre flèche. Lui n'était pas certain de la disparition des Esprits.
« Les êtres maléfiques sont fourbes…Sait-on jamais, ils peuvent réapparaître… » murmura-t-il.
La Rôdeuse ressentit les pensées d'Elrohir, et il s'avéra qu'il était, lui aussi, sur ses gardes. Elilwë savait certaines choses que les Mortels, ni même les Vivants ne pouvaient deviner. Après tout, elle avait du sang Vala, et ses pouvoirs semblaient décuplés en présence d'un esprit maléfique ou non, et d'essence divine. Le vent souffla sur la plaine du Rohan, une nouvelle fois, et elle leva les yeux vers le ciel. La seule chose qui restait de la présence des Nazgûl était cette étrange brume omniprésente, qui flottait dans les airs. En réalité, cette brume ressemblait plus à de la fumée, et n'était guère humide. L'atmosphère était froide et sèche.
« Par Mandos, ces plaines ont l'air si hostiles… » murmura Rose, et Elanor se pelotonna contre elle.
« Elles le sont. » déclara Gimli.
« Espérons que ces infectes créatures ne reviennent pas. » dit Merry.
« Cessez de discuter inutilement ! » s'écria Elilwë. « Et restez silencieux… » ajouta-t-elle en posant son index sur ses lèvres rosâtres.
Elle s'approcha du bord de la falaise, avec précaution, et regarda l'immensité de la plaine Rohirrim. Les hautes herbes des collines verdoyantes étaient couvertes de givre. Comme des milliers de paillettes, les plantes éparses de la plaine étincelaient à la lueur de la lune. Cependant, le vent était fort inquiétant et la brume ne quittait pas l'endroit où était le groupe. Les cheveux de la Rôdeuse, en particulier les mèches de sa chevelure noire, virevoltaient au gré des humeurs de Manwë. Ou celles de Morgoth…Legolas et Elilwë mirent tous leurs sens en alerte. Leur ouïe fine et leur vue elfique essayaient de ressentir la présence d'un quelconque ennemi.
« Vous sentez leurs âmes dépravées, n'est ce pas ? » murmura Legolas en s'approchant de la Rôdeuse.
Sur ces mots, Elilwë acquiesça, et les deux elfes se regardèrent. Les yeux bleus de Legolas trahissaient son anxiété. Et les puits noirs infinis emplis d'étoiles fixèrent le visage du prince.
' Maintenant.'
Elilwë se retourna brusquement. Des volutes de fumée venaient de se matérialiser, et le coursier noir monté par le Roi-Sorcier apparut soudain, et, la créature poussant un cri hideux, s'apprêta à voler en piqué en direction des deux elfes. Des flèches Uruk-Hais atterrirent devant les pieds d'Aragorn, et le groupe dut se défendre d'une attaque ennemie aussi soudaine que violente. Legolas et Elilwë reculèrent, sachant qu'ils n'allaient pas rester très longtemps dans cette mauvaise posture. Alors que le coursier noir était à quelques mètres de la Rôdeuse et du prince, ils se jetèrent du haut de la falaise. Aragorn vit avec horreur ses deux plus fidèles compagnons d'armes tomber en arrière de la falaise. Ses yeux bleus furent emplis de terreur et de larmes.
« Elilwë ! Legolas ! » s'écria-t-il.
Sa fureur était presque incommensurable. Son épée, Narsil, fendit l'air en un sifflement, et il tenta de s'approcher du bord de la falaise, en vain, car les Uruk-Hais se mettaient devant son passage, l'attaquant à coups de cimeterre. Empli de désespoir, il attaqua ses assaillants avec une violence inouïe.
« Elendil ! » cria-t-il. « Elendil pour les Dunedains ! »
Et, dans la plaine, Elilwë retomba lourdement sur le sol. A côté d'elle, Legolas grogna de douleur, suite à sa chute. En effet, contrairement à la Rôdeuse, les hautes herbes n'avaient guère amorti sa chute, et il venait de se briser le bras. Le prince ouvrit les yeux, à sa grande surprise, il était encore vivant. Et puis sa pensée s'axa sur une personne en particulier. Elilwë se pencha au-dessus de lui, et réprima une grimace. Elle effleura lentement le bras du prince, et vit qu'il était blessé.
« Nos armes… » murmura-t-il.
« Je ne sais pas où elles sont…votre carquois est tombé, et vos flèches sont éparpillées par terre…Je viens de retrouver mon épée. » dit-elle en prenant Alquaesil.
Puis, la Rôdeuse fut terrifiée par le coursier noir qui s'était posé à quelques mètres d'eux. Le Roi-Sorcier en descendit, et pointa lentement un doigt en direction de Legolas. Elilwë mit son épée en avant.
« Il vous faudra me tuer d'abord ! » s'écria-t-elle. « Je suis Elilwë Alquaeleni, fille de l'Etoile-Cygne, et descendante de la Dame des Etoiles ! Il serait donc imprudent d'attaquer l'essence même des joyaux de la nuit ! »
La Nazgûl déclara une chose en langage noir, comme pour dérouter l'elfe, cependant, elle resta ferme sur ses positions. Legolas se leva lentement, à son tour, prit son arc, et encocha une flèche malgré la douleur de son bras.
« Je suis avec vous, Etoile de Varda ! » dit-il, et Elilwë le regarda avec étonnement.
Il lui adressa un regard anxieux. En effet, il ne semblait pas certain de pouvoir vaincre le Roi-Sorcier. Puis, les volutes du fumée indiquant que les Nazgûls étaient là, mais invisibles, réapparurent. Neuf Esprits les entourèrent, progressivement. Les murmures des créatures devinrent oppressants, et les deux elfes eurent du mal à garder leur calme. Legolas ferma les yeux, il ne voulait plus entendre cet affreux langage percer douloureusement ses oreilles comme des lames empoisonnées.
« Elendil… » murmura-t-elle. « Elendil pour le Gondor… »
Et elle défia le Roi-Sorcier en personne. Elle posa son épée sur le sol, et le Nazgûl, qui n'avait guère d'honneur, répugna à déposer sa lame de Morgul à ses pieds. Mais il le fit, car les murmures de Morgoth, en réalité, des ordres, lui disaient de suivre la Rôdeuse.
« Je vous défie, Roi-Sorcier, en espérant que votre âme mauvaise restera néanmoins honnête pour un combat à la loyale ! » s'exclama-t-elle.
« Etes-vous prise de folie ! » s'écria Legolas. « Il vous conduira à votre mort ! Les autres Esprits vous attaqueront sans pitié ! »
« Non ! Votre maître vous ordonne de combattre, seul, contre moi. Entendez-vous les murmures de Morgoth, Roi-Sorcier ? Comme une lame de Morgul, elle déchire votre cœur déjà bien atteint par la cruauté, ajouta-t-elle en ignorant le prince. Car la Dame Viressë s'est méprise. Morgoth me veut, il pourra avoir mon corps, mais jamais l'âme qui l'habite ! »
« C'est donc un piège… » murmura Legolas. « Un grossier piège, et nous tous, comme la Grande Prêtresse de Varda, avons été aveuglés ! »
La Nazgûl semblait écouter attentivement la conversation, et sa voix perçante, susurrante et désagréable dit :
« Alquaeleni va mourir….le Destin… »
Elilwë ne répondit pas à cette remarque désobligeante, et passa à l'attaque à une vitesse fulgurante. La lame de Morgul et Alquaesil s'entrechoquèrent, et Legolas, fort faible, n'avait pas la force de combattre à ses côtés. Les deux épées virevoltèrent avec une certaine grâce elfique, ce qui était fort étrange pour la lame maudite d'un Esprit. Legolas regardait, impuissant, la bataille, et il fut quelques secondes où Elilwë relâcha son attention. Alquaesil se retrouva une nouvelle fois au sol, et les yeux du Roi-Sorcier brillèrent. Les autres Nazgûls se mirent à rire, puis se transformèrent en volutes de fumée.
« Votre mort était prédestinée, Alquaeleni… »
« Je ne suis pas l'Alquaeleni, créature impure ! Je suis sa fille. » s'écria-t-elle. « Mais si tel est le destin, alors je me résoudrai à mourir à cet instant ! »
Le Roi-Sorcier souleva son capuchon noir, pour enfin dévoiler son visage. Il était blanc comme neige, mais ses yeux étaient rouges et néanmoins l'esprit était aveugle. Ses narines n'étaient guère plus que deux fentes, et enfin sa bouche n'était qu'un trou noir et béant, serti de dents pointues et blanches.
' Le baiser mortel.'
Et elle sentit tout d'un coup une chose froide se poser contre ses lèvres. Legolas regardait avec horreur la scène, et remarqua qu'Aragorn venait d'arriver à ses côtés. La vie était aspirée du corps de la Rôdeuse, et elle perdit connaissance.
« Legolas ! Tirez ! Tirez une flèche ! » s'écria Aragorn.
Il encocha lentement une flèche, et s'apprêta à tirer. La douleur de son bras était insupportable, mais avec un sifflement, son arc se distendit. La flèche était partie. Le prince tomba à genoux, et une larme coula le long de son visage. Le Roi-Sorcier disparut soudainement, et la Rôdeuse tomba au sol, inanimée.
