Chapitre 7
L'apres-midi touchait a sa fin et deja le ciel se poudrait de nuages rougis par le feu du soleil. L'onde du lac se muait par le souffle chaud d'une brise delicate, soulignant le mouvement des cieux ensanglantes plongeant dans les profondeurs aquatiques. Ce tableau digne des plus grands maitres n'avait pourtant qu'un spectateur. Albus Dumbledore. Le vieil homme etait venu la, comme souvent, puiser le repos dont son esprit avait besoin. Assis sur un banc de pierre ressemblant etrangement a un menhir couche, les yeux a demi clos, il emplissait ses poumons des senteurs subtiles de cette fin de journee. A l'approche du crepuscule, la nature semblait se parer de milles parfums, certains souvent insoupconnes. Dumbledore s'amusait a tenter de les reconnaitre. L'odeur enivrante des massifs de roses et d'aubepine clamait sa victoire sur celles plus discretes de l'herbe fraichement habillee de diamants de rosee, de l'eau rouge etincellant de paillettes de lumiere et de l'ecorce des arbres deployant leurs branches pour accueillir leur petits proteges.
Il eut un long soupir. Toute cette beaute, chaque jour renouvellee, ne demandait qu'a etre cueillie, degustee. Que tout cela etait magnifique et delassant. S'il n'avait pas ete soumis a autant de responsabilites, il l'aurait sans aucun doute appreciee comme il le faisait avant. Elle l'appelait, l'invitait dans sa ronde folle. Elle savait qu'il connaissait les pas, ils avaient danses ensemble autrefois. Bien sur c'etait il y a bien longtemps, avant la renaissance de la magie noire. Avant l'arrivee de Voldemort. Mais enfin, Albus! Cela ne s'oublie pas! Rappeles-toi, tu m'as aimee jadis.Tu passais des heures a me contempler, tu ne semblais jamais te lasser de ma splendeur. Chaque fois qu'on se voyait, c'etait toujours comme la premiere fois. Te souviens-tu? Tu me l'as declare bien souvent. Tu avais besoin de moi, j'etais ta source et ton refuge. Evidemment, tu es la, une fois de plus, mais tu ne me vois pas. Ton regard s'est vide de cet amour que tu me portais. Tes narines cherchent encore les debris du passe, mais, je ne suis plus qu'une ombre. Est-ce l'habitude? La routine? Je fais tant partie de ton decor que ton coeur ne semble plus battre au rythme de mes humeurs. Le feuillage bruissant de mes arbres ne t'arrache plus le meme sourire. Le brasier de mon ciel n'equarquille plus tes yeux avec le meme bonheur. Meme mon herbe ne procure plus a tes pieds la caresse benite que tu recherchais hier. Qu'est-il advenu de nous, Albus?
Bien sur qu'il l'aimait encore cette Dame aux multiples facettes. Bien sur qu'il etait heureux de faire partie de ce chef-d'oeuvre, d'evoluer dans ce decor magnifique, d'etre un de ses protagonistes. Mais c'etait egalement le seul endroit ou il pouvait momentanement baisser les armes. D'ordinaire, il lui fallait toujours qu'il se montre fort et brave, qu'il rassure son entourage pour que tous imaginent qu'il controllait parfaitement la situation. Tant de sorciers venaient a lui, cherchant dans son regard l'assurance, le courage et la vigueur qui leur faisaient defaut. On attendait tant de lui, il ne savait donner que des paroles des sagesse. Cela convenait a beaucoup, mais cela n'avait pas change la position dans laquelle ils se trouvaient tous. Meme ses collegues se tournaient vers lui, en quete d'un regard reconfortant, d'un sourire apaisant ou d'une parole liberatrice. Il haissait ce piedestal sur lequel on l'avait place. Parfois, il en voulait a tous ces gens qui comptaient sur lui pour resoudre chaque petit probleme. On lui avait toujours dit qu'il etait doue, mais ce n'etait tout de meme pas lui qui avait creer le monde! Lui aussi avait ses limites. De plus, les annees ne lui avaient pas ete plus clementes que pour ses compatriotes. Il ne pouvait pas non plus se battre avec la meme aisance et agilite que les autres. Il sentait que ses membres s'engourdissaient, ralentissant ses reflexes et allourdissant ses gestes. Il se sentait las.
Un oiseau vint se poser a quelques pas de lui, gazouillant gaiement en humidifiant son plumage dans l'herbe piquetee de rosee. Le coin des levres de Dumbledore se souleva dessinant une esquisse de sourire. Cela ne dura pas longtemps. Une odeur etrangere vint chatouiller son nez, tandis que l'oiseau s'envolait en piaillant. Une odeur plus forte, plus tenace que les precedentes et qui le libera de ses pensees. Une odeur de.
"Chien!" Murmura t-il. Et il le vit, a ses cotes, la langue pendante. Il paraissait essouffle. Le vieil homme allongea le bras et caressa l'animal. Son visage s'illumina de nouveau. "Tiens, tiens, voyez qui est la.Black. Qu'est ce qui t'amene, mon ami?"
Le corps de la bete s'allongea, elle se mit debout et se transforma en homme. Sirius Black venait d'apparaitre devant les yeux de Dumbledore. Les deux hommes se serrerent la main, et Sirius s'assit sur le menhir.
"Bienvenue a Poudlard! Sourit le vieux professeur. Une petite precision tout de meme: Je crois que ton autre moitie, tu sais, la grosse bete noire a quatre pattes que tu appeles chien, je crois que ce ne serait pas du luxe de lui passer un bon coup de savon. Si tu vois ou je veux en venir.?" Il emit un rire, puis se reprit. "Alors, comment vas-tu?
-Ca va, ca va. Je viens de passer quelques semaines chez Remus. Ca m'a fait du bien. Je me sens frais et dispos, maintenant. Je suis venu pour prendre des nouvelles.
-Oh, tu sais, il ne s'est pas passe grand chose ici. J'etais seulement venu prendre un peu d'air frais. Mon cerveau en avait bien besoin.
-J'espere que je ne vous ai pas derange. S'enquit Sirius.
-Pas du tout, ne t'inquietes pas.
-Ou en etes-vous?" Demanda Sirius, avec interet. Dumbledore le regarda, n'etant pas certain de ce dont lui parlait son compagnon. Les yeux assombris poses sur lui confirmerent qu'ils pensaient a la meme chose.
"Hagrid est parvenu a convaincre quelques geants de se joindre a nous, bien que ce fut difficile d'apres lui. Il me tient regulierement informe de l'evolution de son entreprise. Madame Maxime, la directrice de Beauxbatons l'accompagne et d'apres ce que j'ai crus comprendre" Il eut un sourire entendu. "Elle lui est d'un bon secours. Surtout aupres des hommes." Sirius rit egalement. Il se souvenait l'annee passee combien c'etait drole, voire touchant de decouvrir Hagrid, le garde-chasse bourru et impressionnant de l'ecole, se faire prendre aux jeux complexes de l'amour et des grands sentiments. Harry lui avait meme raconte la fois ou il s'etait parfume tant et si bien que son entourage en etait ivre. Pourtant cela n'avait en rien entache les sentiments grandissants que lui et Madame Maxime se portaient. Peut-etre meme etait-ce cette "petite" touche qui avait declenche la suite. Il n'y avait encore rien d'officiel, simplement des suppositions, des commerages sur leur relation, mais beaucoup attendaient l'arrivee de petits cartons d'invitations avec une certaine impatience.
"Je suis heureux que Hagrid soit parti, poursuivit Dumbledore. Je crois qu'il en avait besoin. Il a toujours aime voyager, faire des rencontres. Cela faisait trop longtemps, a ses yeux en tout cas, qu'il n'avait pas vu du pays! Mais j'avoue que j'ai hate qu'il nous revienne. Sa presence est rassurante, et c'est un homme que j'apprecie beaucoup.
-Et de votre cote? Il y a du nouveau?
-Je suis navre de te repondre par la negative, Sirius. Tout a ete tres calme, sans doute trop. Fudge refuse de croire reellement que Voldemort soit de retour. Il s'est mit en devoir de rassurer tout le monde. Je comprends qu'il veuille eviter une panique generale. Mais les gens n'ont- ils pas le droit de savoir la verite? Je suis confus, Sirius. Les enfants seront de retour a Poudlard dans un peu moins d'un mois, mais je ne suis meme pas certain que les protections de l'ecole soient suffisemment efficaces pour Le contrer.
-Voyons Professeur, Poudlard est l'un des endroits les mieux proteges au monde! Retorqua Sirius, gene de l'incertitude du vieil homme. Les eleves seront sans aucun doute plus en securite ici que chez eux.
-C'est aussi ce que m'a repondu Minerva lorsque je lui en aie parle. Mais il demeure evident que certains enfants auront des membres de leur famille comptant au nombre de Ses allies. C'est cela qui m'inquiete. Nous ne pouvons pas refuser des eleves, meme si nous nous doutons des activites de leur parents. Mais en les acceptant, nous mettons les autres en danger. Que faire? Le deces du jeune Diggory a ete un fardeau tres pesant. Je ne peux exprimer la crainte et la douleur qui me possedait lorsqu'il a fallu annoncer la nouvelle aux parents. J'ignore si je sera capable de repasser cette epreuve."
Sirius ne repondit pas. Il trouvait plutot inquietant de voir Dumbledore reagir de cette maniere. Il semblait que le vieux sorcier ne croyait plus en rien, qu'il avait decide de baisser definitivement les bras. Qu'allaient t-ils donc tous devenir si meme l'un des sorciers les plus puissants declarait forfait avant meme que la bataille aie vraiment commence? On ne pouvait pas partir perdant! On ne pouvait pas rabaisser les baguettes sans se battre! Tous avaient besoin du soutien moral et des directives du vieil homme. Sirius observa a la derobee le profil de Dumbledore. Ses traits semblaient tellement tires, surtout son front, barre de multiples rides toutes plus prononcees les unes que les autres. Meme ses yeux avaient un peu perdu de leur eclat, la lueur y etait plus terne et on n'y trouvait plus ce petit cote malicieux qui egayait meme les plus tristes.
"Professeur, nous ne devons pas abandonner. Pas maintenant. Notre force, c'est notre nombre, notre volonte de vaincre. Nous devons garder les poings serres et nous battre. Vous ne pouvez pas nous laisser tomber! Nous avons besoin les uns des autres, et plus que tout, nous avons besoin de vous!
-Tu te trompes Sirius, repondit Dumbledore d'une voix eteinte. Vous croyez tous que je vous suis indispensable, mais ce n'est seulement que pour vous rassurer vous-meme. Je ne suis pas irremplacable, personne ne l'est, et il est faux de vous dire que sans moi, la victoire est impossible. Je suis vieux, Sirius, ne l'oublies pas. Je ne vous abandonne pas, non. C'est que, tout simplement j'aimerais que vous oubliez tous vos differends et que vous acceptiez de lutter tous ensemble, pour la meme cause, pour la meme paix.
-Ce n'est pas un probleme, Albus, rajouta Sirius, sur de lui.
-Pas un probleme? En es-tu certain? Accepteras-tu de former une equipe avec Severus, par exemple?" Retorqua le professeur, un sourire aux coin des levres.
"Tiens, l'etincelle dans ses yeux! Pensa Sirius. Elle est revenue! Il n'est pas perdu, l'espoir est encore la." Cependant, il se rembrunit a la question de son interlocuteur. Pouah! S'associer a Severus Rogue! Quelle douce pensee! Des heures d'amusements en perspective!
"J'accepterais, oui, si nous avons besoin de cela, admit-il a contrecoeur. Mais l'entente et la bonne conduite de cette association, ne depend pas que de moi. N'oubliez pas qu'il ne m'apprecie pas non plus."
Dumbledore sourit. Comment pouvait-il oublier! Ils ne laissaient pas passer une occasion de s'envoyer des fleurs! Et quand ils ne disaient rien, les regards qu'ils se lancaient ne laissaient pas de doute sur leur pensees les plus profondes. Cette petite comedie pouvait etre tres drole au debut, mais cela devenait plutot lassant a la longue. Leurs querelles etaient tres enfantines, tres loin de la maturite a laquelle on se serait attendu. Les douze annees que Sirius avait passe a Azkaban n'avaient en rien alterre l'anthipathie qu'ils se portaient. Avec son retour, les insultes avaient egalement reprises, au desespoir de leur entourage.
"Allez, il me semble qu'il soit temps de diner. J'espere que tu me feras le plaisir de te joindre a moi," dit le vieil homme, en se levant.
Sirius accepta avec joie. Il savait les repas de Poudlard particulierement copieux et extremement delicieux. Non pas qu'il ait mal mange chez Remus Lupin, mais aucun d'eux n'etaient vraiment doue pour la cuisine. Disons seulement que leurs menus n'offraient pas beaucoup de variete. D'ou son enthousiasme a l'idee de deguster une montagne de bonnes choses. Il en salivait deja!
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"Alors? Qu'en penses-tu? Demanda Dumbledore, se servant une autre part de gratin de pommes de terre.
-Un delice!" Parvint a repondre Sirius qui venait tout juste d'engouffrer une genereuse cuisse de poulet.
Les deux hommes etaient attables devant une table remplie de mets tous plus savoureux les uns que les autres. Le plaisir se lisait dans leur yeux, tandis que leur bouches ne s'arretaient pas de mastiquer. Un veritable festin, ne put que constater Sirius. Le vin etait egalement de premier choix. Sa couleur rubis scintillait a la lueur tremblante des bougies. Sa saveur rechauffait le corps et l'esprit, et la conversation alla bon train.
"J'ai une faveur a te demander, Sirius. Vois-tu, Harry ne viendra pas a Poudlard a la rentree.
-Quoi?" S'ecria Sirius. Il faillit s'etouffer avec son morceau de fromage. "Mais pourquoi?
-Voldemort a deux cibles, deux vengeances a executer: Harry et Severus. Je crois qu'avant toute autre chose, il veut les eliminer tous les deux. Harry, pour les multiples affronts qu'il lui a fait en lui resistant et Severus parce qu'il est un ancien mangemort.
-Je ne comprends pas Albus, interrompit Sirius mal a l'aise, je ne comprends pas que vous ayiez autant confiance en lui. Qui nous prouve qu'il n'attend pas le moment propice pour nous pieger?
-Tu oublies un autre point, Sirius, repondit Dumbledore les sourcils fronces. Je te fais egalement confiance, alors que peu de gens serait d'accord avec moi. Je te crois innocent, et je passerai surement pour un fou et un inconscient si cela venait a se savoir."
Sirius se rembrunit. C'etait malheureusement vrai. Tout le monde ou presque le croyait coupable d'avoir trahit les parents de Harry. Dumbledore etait l'une des rares personnes a avoir cru sa version des faits. Il n'avait pas pose beaucoup de questions mais s'etait fie a ses propos. Tout comme il l'avait fait pour Rogue. Etre dans une situation semblable a celle de Rogue deplaisait enormement a Sirius. Neanmoins, s'il fallait en venir a faire equipe avec lui, il n'avait pas vraiment d'autres choix que d'accepter. Mais peu importait l'opinion de Dumbledore sur ce point, lui Sirius Black garderait toujours une once de mefiance vis a vis du professeur de potions. On n'est jamais assez prudent.
"Donc, je disais, reprit Dumbledore, Voldemort a rappele tous ses allies. D'apres ce que nous a revele Harry, il a la ferme intention de tuer Severus pour sa trahison. Severus est de notre cote, Sirius, et je tiens a assurer sa protection, tout comme celle de Harry. C'est pourquoi ni l'un ni l'autre ne sera a Poudlard en septembre. Nous verrons par la suite s'il est prudent qu'ils reviennent. Bien entendu, leur absence sera annoncee le soir de la rentree, de maniere a ce que tous les eleves sachent que ce n'est pas ici que Voldemort devra les chercher. J'espere par la meme, que chacun se sentira en securite et que ceux dont les parents sont mangemorts passeront le message egalement.
-Vous pensez donc laisser Harry chez les moldus?
-Non et c'est la que vient ma requete. En effet, il est preferable que Harry continue d'etre initie a la magie. Je me demandais si tu pourrais.
-.lui enseigner quelques notions?" completa Sirius, un immense sourire aux levres. Dumbledore acquiesca, amuse de l'engouement de son compagnon. " Bien sur, Professeur! C'est formidable! Vous croyiez vraiment que je sois capable de lui apprendre ce que je sais?
-Pourquoi pas? Cela vaut la peine d'essayer.
-Mais il y a un petit probleme, Albus. Si Harry ne reste pas chez les Moldus et qu'il ne puisse pas venir a Poudlard, ou pourrons-nous nous exercer? Vous savez bien que je n'ai pas d'endroit ou l'heberger.
-J'y aie pense. Je doute que Remus y voit un inconvenient si vous loger provisoirement chez lui. Nous en avions deja vaguement discute. Si tu acceptes, nous pourrons lui en parler.
-Si j'accepte? Bien evidemment! Et Harry, qu'en pense-t-il?
-Il ne le sait pas encore. Il est preferable que cela reste entre nous pour l'instant. Je ne voudrais pas lui donner de fausses joies. De plus, je doute fort qu'il refuse de quitter sa famille lorsque nous irons le chercher. Tout cela doit rester secret, ainsi je te demanderais de n'en parler a personne, pas meme a Remus. Je me chargerais de cela.
-Quand est-ce la derniere fois que vous avez vu Harry? Comment va t-il? S'enquit Sirius.
-C'etait lorsque nous l'avons amene dans sa famille. Mais ne t'inquietes pas, Minerva rode regulierement pres de la maison et s'assure que tout va bien."
Une drole d'image apparut dans l'esprit de Sirius. McGonagall rodant autour de la maison des Dursleys! La serieuse directrice des Griffondors faisant les cent pas le long de la rue, epiant et calculant les allees et venues des residents tel un voleur interesse au contenu du domicile. McGonagall, vetue d'une longue robe de sorciere et coiffee d'un chapeau pointu, tentant desesperement de passer inapercue dans le monde moldu. Sirius ne put reprimer un gloussement.
"En chat!" lui souffla Dumbledore, voyant l'expression amusee de son interlocuteur. Celui-ci parut enfin se rappeler qu'elle aussi etait un animagus et qu'elle se transformait en felin.
"-J'avais oublie, dit-il en proie a un fou-rire. Je l'imaginais telle quelle en train de.
-Oui, oui, Sirius, je sais bien a quoi tu pensais, interrompit le vieil homme, un sourire en coin. Tiens, pourrais-tu me passer un morceau de cette tarte aux fraises, s'il te plait, elle a l'air delicieuse."
Ils se delecterent tous les deux du succulent dessert en poussant des grognements de satisfaction. Leurs papilles etaient en fete, Noel etait plus tot cette annee! Leur gout et leur odorat etait sollicites avec bonheur. Considerant la fougue avec laquelle ils mangeaient leur part de tarte, il etait difficile d'imaginer la quantite enorme de nourriture qu'ils avaient deja ingurgite; surtout Sirius!
Cependant, ils furent deranges dans leur degustation par des petits coups frappes a la fenetre. Dumbledore se leva et se dirigea vers celle-ci pour l'ouvrir. Un gros hibou brun attendait avec impatience qu'on l'invitasse a entrer. Il s'engouffra dans la piece et se percha sur le dossier de la chaise de Dumbledore. Ce dernier saisit le parchemin qu'il portait, le posa sur la table et tendit un morceau de tarte a l'oiseau.
Tandis que le hibou se joignait aux festivites alimentaires, Dumbledore deplia la lettre et commenca sa lecture. Sirius cru alors que son compagnon avait ete comme foudroye. Ses joues prealablement rosies par le vin, avaient maintenant perdues leur couleur. La paleur de son visage se confondait avec sa barbe et ses cheveux. Ses lunettes tomberent sur le bout de son nez, mais il ne prit meme pas la peine de les remonter. Il releva la tete et lanca a Sirius un regard a fendre l'ame. "Le Ministere..." parvint- il a dire. Il replongea dans le parchemin, tandis que Sirius se precipitait vers lui, affole. Ce dernier n'osait respirer. Jamais de sa vie il n'avait vu autant de desespoir dans les yeux de Dumbledore. Jamais son coeur n'avait ete tiraille de la sorte entre l'impatience et le puissant desir de savoir et la peur, l'angoisse des nouvelles qu'on leur apportait. Jamais l'air ne lui avait parut aussi suffocant, jamais un hibou n'avait eut l'air aussi lugubre que celui-ci. Meme la piece dans laquelle ils se trouvaient, cette piece si agreable, si bienveillante quelques instants plus tot, meme elle, etait dorenavant hostile. Ses recoins semblaient des cachettes ideales pour le Malin, ses ombres dansant au rythme des flammes de bougies tels des dizaines de petits diablotins ricanants.
"Professeur! intervint Sirius, n'y tenant plus. Que ce passe t-il?"
Le vieil homme leva de nouveau les yeux et Sirius aurait presque put se contenter de cette reponse muette. C'etait grave, tres grave. Il lui tendit la lettre et Sirius s'en saisit, la main tremblante. Avait-il reellement envie de connaitre son contenu? Etait-ce essentiel que lui aussi la lise? Pourtant, malgre la lutte qui s'etait installee en lui chargee d'hesitation et d'envie, il se prit a y poser les yeux. Dumbledore s'etait assis, derangeant le hibou qui se debattait tant bien que mal avec une fraise rebelle. En d'autres circonstances, les deux hommes auraient probablement ete amuses de cette scene. Mais, ni l'un ni l'autre n'y porta attention. Sirius a son tour fut frappe par l'horreur de ce qu'il lisait.
"La paix n'est plus." murmura Dumbledore abassourdit. Sirius etait toujours debout, pres de lui, le regard perdu dans les meandres des mots et des lignes. Sa respiration etait irreguliere et ses jambes paraissaient freles et disproportionnees sous la masse de son corps engourdi. Il dut se tenir a la table pour rejoindre sa chaise. Ils se faisaient de nouveau face, l'un et l'autre cherchant un quelconque recomfort dans les yeux de l'autre. Malheureusement, tous deux etaient dans le meme etat.
"C'est impossible, souffla Sirius, brisant enfin le silence. Une centaine de victimes.! Comment cela se fait-il qu'il y ait eut autant de gens a Pre- au-lard?
-Le Ministere avait decide d'organiser une fete, dans le but de faire oublier a tous les craintes qu'ils avaient, repondit Dumbledore parvenant a retrouver ses esprits. Bien sur l'idee de depart etait bonne, judicieuse meme! Detourner l'attention de la population de la menace et par la meme des actions non-existantes du Ministere pour que celui-ci puisse mieux se reposer sur ses lauriers! Tres intelligent! On aurait presque envie de les aplaudir! Continua t-il, l'expression de son visage chargee de degout.
-Mais vous n'avez rien dit? Je veux dire, Fudge ne vous a pas demande ce que vous en pensiez? Demanda Sirius, choque que quelqu'un ait pu commettre un acte aussi inconscient.
-Me demander? Qui voudrait demander l'avis d'un vieux fou, tout en sachant parfaitement la reponse a leur question? Non, Voldemort n'est pas de retour! Tout cela vient de la paranoia d'un petit garcon qui se croit perpetuellement poursuivit par plein de mechants!" Le vieux sorcier avait prit la voix et l'intonation de Cornelius Fudge. Sa mime etait epoustoufflante de verite.
"Il vous a dit ca? Mais c'est incroyable! Comment peut-on etre aussi stupide? Comment ont-ils jamais put avoir l'idee de rassembler autant de monde? S'enerva Sirius, le feu aux joues. C'est de la folie! Comment pourra t-on faire confiance a des irresponsables pareils, maintenant? Des idiots, oui, des hurluberlus, des bouffons, des c...
-Inutile de s'emporter, mon ami, coupa Dumbledore. Le mal est fait, nous ne pouvons plus rien pour ce qui s'est passe, mais nous pouvons , nous devons empecher que cela se reproduise. Je suis desole si je t'aie parus desenchante cet apres-midi. Ce n'etait qu'une mauvaise passe. Plus que jamais, nous devons rester soudes, unis. Il faudra sans aucun doute pas mal de temps pour que le Ministere se remette de cet evenement. Il nous faut agir plus vite que lui. Premierement, il nous faut tenir Minerva et Severus au courant."
Sur ces paroles, il se leva, ouvrit la fenetre laissant le hibou se perdre dans la nuit naissante, et sortit de la piece. Sirius se retrouva seul, attable devant tous ces mets quelconques. Il restait encore une genereuse part de tarte, mais il n'avait pas gout d'y croquer. Son corps entier tremblait sous l'impact du coup qu'on venait de lui administre. Sa tete lui faisait horriblement mal, comme si elle avait ete contractee dans un etau. Elle s'allourdissait dangereusement et il dut la supporter de son bras. Des milliers de questions faisaient la farandole dans son esprit. Pourquoi, pourquoi, pourquoi? Elles commencaient toutes de la sorte et il n'avait meme pas l'ombre d'une reponse! Il relut la lettre encore et encore, ne pouvant se convaincre que l'histoire se repetait. Toutes ses anciennes peurs, ses angoisses du passe resurgissaient a une vitesse folle. Des scenes d'antan, ponctuees de cris, de hurlements, de pleurs, l'assaillaient de nouveau. Des images de parents, d'amis, de camarades de classe foudroyes par la terreur du Mal. Les demons d'hier qu'il croyait etre definitivement parvenu a eradiquer, refaisaient surface une nouvelle fois, le chatouillant, le torturant a volonte. Ses yeux lui firent mal, l'incitant a se laisser aller. Mais comment pouvait-il? Comment pouvait-il montrer sa faiblesse? "Nous en avons tous," pensa t-il. Mais ce n'etait ni l'endroit ni le moment. Si seulement il pouvait etre comme Dumbledore! La rapidite avec laquelle il s'etait reprit etait extraordinaire, peu commune. Sirius savait tres bien que le vieux professeur, lui aussi, etait touche par ce qui s'etait passe, mais celui-ci avait comme principe que la meilleure solution pour se remettre d'une emotion etait de s'occuper, de reagir. De plus, Dumbledore en avait indeniablement vu bien d'autres.
Sirius fut interrompu dans ses cauchemars par l'arrivee de quelques elfes de maison, venu debarrasser la table. Ils semblaient plus courbes, plus taciturnes que d'ordinaire, ce qui n'etait pas peu dire. Ils se perdirent en excuses, pensant le deranger dans ses reflexions. Sirius se forca a leur addresser un sourire, somme toute tres triste. Il se leva et se dirigea vers la fenetre. Le ciel de ce debut de soiree etait magnifique, la nuit prenait peu a peu possession des lieux, grandissant les ombres, soulevant un souffle charge de mystere. Son esprit vola vers Harry. Etait-il autant en securite chez les Dursleys que Dumbledore voulait bien croire? Comment etre completement certain que Voldemort ne retrouverait pas sa trace, meme dans le monde moldu? Sirius en frissonna. Et si cela arrivait? Si le Mage Noir parvenait a Harry? Il ne se le pardonnerait jamais. Il n'avait rien put faire pour sauver James et Lily. Il ne laisserait pas son filleul subir le meme sort. Il se dit qu'il demanderait a Dumbledore la permission de "roder" lui aussi dans le quartier sous sa forme animagus.
"Qu'est-ce que tu fais ici, toi?" Sirius sursauta. Avant meme de se retourner, il reconnu la voix qui venait de l'arracher a ses pensees. Il leva les yeux au plafond. Il ne manquait plus que lui pour que la fete soit complete! Il fit volte-face et vit Severus Rogue sortir de la cheminee, epoussetant sa cape. Les deux hommes se fusillerent du regard, avec toute l'animosite dont ils etaient capables.
"Je pourrais te poser la meme question mon cher Severus! Repondit Sirius avec dedain.
-Je te ferais rappeler Black, que je travaille ici, cracha Rogue, le feu aux joues.
-Ouuuuh! Excuse-moi! J'avais presque oublier! Siffla Sirius. Enfin, pour repondre a ta question, j'etais venu m'informer des dernieres nouvelles." Son regard se troubla. Il se demanda si Rogue etait au courant. Comme a son habitude, ses yeux ne devoilaient rien. Mais meme Rogue, aussi insensible et distant qu'il pouvait l'etre, aussi fier et mesquin qu'il etait, ne pouvait pas ne pas etre touche par ce qu'il venait de se passait aujourd'hui. "Et toi? Tu n'as tout de meme pas deja recu le mot de Dumbledore?
-Qu'est-ce que ca peut bien te faire? D'ailleurs je n'aie pas besoin d'une autorisation d'Albus Dumbledore pour venir jusqu'ici, moi! repliqua le maitre des Serpentards, la tete haute.
-Ne me dis pas que tu es au courant et que ca te passe completement au- dessus!" S'enerva Sirius, se dirigeant vers lui, le doigt pointe.
Rogue le regarda comme s'il avait affaire a un fou. "Qu'est ce qu'il raconte celui-la? Completement timbre!" pensa t-il.
"Au courant de quoi? Demanda t-il avec impatience.
-De ca!" Sirius saisit le parchemin et l'agita sous le nez de Rogue. Ce dernier n'apprecia qu'a moitie le comportement de Black, qui montrait un peu trop d'aisance a son gout. Il prit neanmoins la lettre et entreprit de la lire.
La porte s'ouvrit alors sur Dumbledore, entrant precipitemment dans la piece. "Severus! Te voila! S'ecria t-il l'interrompant dans sa lecture. Je viens tout juste de t'envoyer un hibou d'urgence. J'imagine que tu ne l'as pas recu. Je vois que tu es informe, ajouta t-il, avisant la lettre que Rogue tenait.
-A vrai dire non, Albus, j'arrive a l'instant. J'allais la lire." Les deux hommes se serrerent la main. "En fait je me suis decide a venir vous voir. La marque n'a pas cesse de me faire mal, s'en etait intolerable par moment," expliqua Rogue relevant sa manche. Dumbledore et Sirius se pencherent et virent la cicatrice rougeoyante. Tout son bras semblait enfle.
-Elle te fait encore souffrir? S'enquit Dumbledore, les sourcils fronces.
-La douleur s'est calmee, mais j'ai bu une potion appaisante. Alors, que se passe t-il?" Dumbledore prit une profonde inspiration, et comme Sirius avant lui, Rogue sut au regard que le vieil homme lancait, que Voldemort avait frappe. "Il y a eut une attaque de Mangemorts a Pre-au-lard, cet apres-midi. Aux dernieres nouvelles, il y aurait une centaines de victimes. Nous n'en savons pas plus."
Il y eut un silence pesant, chacun enveloppe dans ses pensees, les yeux rives au sol, detaillant chaque lame du parquet. Finalement, Dumbledore les invita a s'assoir. Il fit apparaitre deux chaises en plus, et prit place sur l'une d'elles. " J'ai egalement envoye un hibou a Minerva. Elle devrait etre la d'un instant a l'autre. Mais dis-moi, Severus, comment savais-tu que la protection de la cheminee etait levee?
-Un hasard, en fait, repondit Rogue, en se raclant la gorge. Je tenais a vous prevenir le plus tot possible" Sirius eut un ricanement, ce qui lui valut deux regards noirs de la part de ses compagnons. Il se tu, penaud et laissa Rogue poursuivre. "Alors j'ai tente la cheminee et voila." Il y eut de nouveau un silence. "Que faisons-nous maintenant, Albus? Il faut agir et vite!"
Dumbledore acquiesca. Une idee avait plus ou moins germe dans sa tete, mais il tenait a ce que le professeur McGonagall soit presente lorsqu'il l'enoncerait. Il regarda tour a tour ses compagnons. Il pressentait la tension entre eux, mais ils se contenaient. Le vieil homme en ressentit du contentement. Il savait parfaitement que l'effort que l'un et l'autre employaient a ne pas s'insulter mutuellement, leur coutait beaucoup. La tentation devait etre immense, mais tous deux avaient conscience que la situation etait trop grave pour se rabaisser a des enfantillages. Sirius se tourna vers Rogue: "Si la marque a reagit cet apres-midi," il regarda Dumbledore, "la cicatrice de Harry a dut lui faire mal aussi. Elles reagissent toutes les deux de la meme maniere, non?
-Il est tres probable en effet que Harry est ete derange par sa cicatrice, repondit Dumbledore songeur.
-Alors, il risque de s'inquieter! Poursuivit Sirius.
-J'espere que non, continua Dumbledore. Apres tout, elle semble se manifester assez souvent. Harry n'y pretera peut etre pas vraiment attention.
-Ce n'est pas le moment de se soucier de Potter, Black! Lanca Rogue agace. Il est en securite chez ses Moldus. Tu ne crois pas qu'il soit plus important de s'inquieter des victimes? Ou plutot des proches?
-Ce n'est pas parce que tu te fiches completement de ce qu'il pourrait advenir de Harry, que les autres devraient reagir comme toi!" Retorqua Sirius avec agressivite.
Rogue allait repondre, mais Dumbledore l'interrompit avant meme qu'il aie ouvert la bouche.
"Allons, allons, Messieurs! Ce n'est pas le moment! Cesser d'etre ridicules! Coupa Dumbledore, l'air severe. Et dire que je vous croyais un peu plus civilises que cela!"
Les deux hommes baisserent la tete, penauds et embarrasses. Ils se jeterent tout de meme un dernier regard-qui-tue. Ils n'eurent pas meme l'occasion de repliquer, car un bruit les interrompit, venant de la cheminee. Minerva McGonagall en sortit, epoussetant sa robe, tout comme l'avait fait Rogue avant elle. Elle repositionna son chapeau, qui durant le trajet, s'etait un peu penche sur le cote, annulant tout le serieux qu'elle se plaisait a afficher.
"Bonsoir, Messieurs, dit-elle, saluant a la ronde. J'ai recu votre hibou, Albus. Je suis venue aussi rapidement que j'ai pu. J'etais en train de diner.
-Bonsoir Minerva. Je suis navre de t'avoir derangee, mais il etait essentiel que tu viennes. Je t'en prie, assieds-toi," dit Dumbledore, lui indiquant une chaise. Elle fit tel qu'on lui disait et entreprit d'observer chaque visage. Elle lut immediatement dans les regards, la raison pour laquelle on l'avait solicitee. Elle questionna cependant son superieur. Dumbledore repeta une nouvelle fois ce qu'ils venaient d'apprendre. Minerva perdit instantanement de ses couleurs. Elle porta une main a sa bouche dans l'espoir de camouffler son petit cri d'effroi. Dumbledore posa sur son bras une main qu'il voulait rassurante. Elle les regarda tous tour a tour une nouvelle fois. Les mots lui echappaient, que pouvait-elle bien dire? N'importe quelle phrase prononcee dans de telles circonstances sonnerait banale et stupide. De plus, les trois hommes avaient sans doute deja epuises tous les qualificatifs, pour decrire l'horreur de ce qui s'etait passe.
"Qu'allons nous faire, Albus?" Balbutia t-elle. Le vieux sorcier se tourna successivement vers chacun de ses acolytes. Il prit une profonde inspiration.
"Comme vous me l'avez tous fait remarquer, Poudlard demeure encore l'un des endroits les plus surs et les mieux proteges. Je ne vois qu'une solution. Nous nous devons, avant toute autre chose, assure l'education de tous ses futurs sorciers adultes. Leur securite sera assuree ici. C'est pourquoi, vu l'etat actuel des choses, il est preferable non pas d'annuler la rentree, mais de l'effectuer plus tot que prevu. Je vous propose de faire venir les eleves dans quinze jours. Nous n'aurons pas trop de deux semaines pour organiser leur retour et preparer l'ecole pour les recevoir. Qu'en pensez- vous?"
Tous acquiescerent. Leur vacances etaient belles et bien terminees. Des le lendemain, il leur faudrait preparer tout cela avec minutie, prevenir chaque eleve, chaque professeur, organiser le depart de King Cross du Poudlard Express, faire les listes de fournitures scolaires. Les quinze prochains jours s'annoncaient extremement charges. "Sauf pour Black!" Songea Rogue, un rictus au coin des levres.
***Alors, un grand, grand merci a vous tous: Mister Master, Bouboule26, Mary-Evy et Julie Potter pour vos encouragements! Ils sont vraiment tres apprecies, si si! Merci aussi a Sibylle (si tu as prit le courage de lire ce chapitre!) pour ta franchise. J'espere que ce chapitre ne vous a pas trop trop ennuyes! Je sais, ce n'est pas le plus interessant, mais il fallait que je mentionne les doutes de Dumbledore. On sait jamais, ca pourrait etre important pour la suite. A bientot!
L'apres-midi touchait a sa fin et deja le ciel se poudrait de nuages rougis par le feu du soleil. L'onde du lac se muait par le souffle chaud d'une brise delicate, soulignant le mouvement des cieux ensanglantes plongeant dans les profondeurs aquatiques. Ce tableau digne des plus grands maitres n'avait pourtant qu'un spectateur. Albus Dumbledore. Le vieil homme etait venu la, comme souvent, puiser le repos dont son esprit avait besoin. Assis sur un banc de pierre ressemblant etrangement a un menhir couche, les yeux a demi clos, il emplissait ses poumons des senteurs subtiles de cette fin de journee. A l'approche du crepuscule, la nature semblait se parer de milles parfums, certains souvent insoupconnes. Dumbledore s'amusait a tenter de les reconnaitre. L'odeur enivrante des massifs de roses et d'aubepine clamait sa victoire sur celles plus discretes de l'herbe fraichement habillee de diamants de rosee, de l'eau rouge etincellant de paillettes de lumiere et de l'ecorce des arbres deployant leurs branches pour accueillir leur petits proteges.
Il eut un long soupir. Toute cette beaute, chaque jour renouvellee, ne demandait qu'a etre cueillie, degustee. Que tout cela etait magnifique et delassant. S'il n'avait pas ete soumis a autant de responsabilites, il l'aurait sans aucun doute appreciee comme il le faisait avant. Elle l'appelait, l'invitait dans sa ronde folle. Elle savait qu'il connaissait les pas, ils avaient danses ensemble autrefois. Bien sur c'etait il y a bien longtemps, avant la renaissance de la magie noire. Avant l'arrivee de Voldemort. Mais enfin, Albus! Cela ne s'oublie pas! Rappeles-toi, tu m'as aimee jadis.Tu passais des heures a me contempler, tu ne semblais jamais te lasser de ma splendeur. Chaque fois qu'on se voyait, c'etait toujours comme la premiere fois. Te souviens-tu? Tu me l'as declare bien souvent. Tu avais besoin de moi, j'etais ta source et ton refuge. Evidemment, tu es la, une fois de plus, mais tu ne me vois pas. Ton regard s'est vide de cet amour que tu me portais. Tes narines cherchent encore les debris du passe, mais, je ne suis plus qu'une ombre. Est-ce l'habitude? La routine? Je fais tant partie de ton decor que ton coeur ne semble plus battre au rythme de mes humeurs. Le feuillage bruissant de mes arbres ne t'arrache plus le meme sourire. Le brasier de mon ciel n'equarquille plus tes yeux avec le meme bonheur. Meme mon herbe ne procure plus a tes pieds la caresse benite que tu recherchais hier. Qu'est-il advenu de nous, Albus?
Bien sur qu'il l'aimait encore cette Dame aux multiples facettes. Bien sur qu'il etait heureux de faire partie de ce chef-d'oeuvre, d'evoluer dans ce decor magnifique, d'etre un de ses protagonistes. Mais c'etait egalement le seul endroit ou il pouvait momentanement baisser les armes. D'ordinaire, il lui fallait toujours qu'il se montre fort et brave, qu'il rassure son entourage pour que tous imaginent qu'il controllait parfaitement la situation. Tant de sorciers venaient a lui, cherchant dans son regard l'assurance, le courage et la vigueur qui leur faisaient defaut. On attendait tant de lui, il ne savait donner que des paroles des sagesse. Cela convenait a beaucoup, mais cela n'avait pas change la position dans laquelle ils se trouvaient tous. Meme ses collegues se tournaient vers lui, en quete d'un regard reconfortant, d'un sourire apaisant ou d'une parole liberatrice. Il haissait ce piedestal sur lequel on l'avait place. Parfois, il en voulait a tous ces gens qui comptaient sur lui pour resoudre chaque petit probleme. On lui avait toujours dit qu'il etait doue, mais ce n'etait tout de meme pas lui qui avait creer le monde! Lui aussi avait ses limites. De plus, les annees ne lui avaient pas ete plus clementes que pour ses compatriotes. Il ne pouvait pas non plus se battre avec la meme aisance et agilite que les autres. Il sentait que ses membres s'engourdissaient, ralentissant ses reflexes et allourdissant ses gestes. Il se sentait las.
Un oiseau vint se poser a quelques pas de lui, gazouillant gaiement en humidifiant son plumage dans l'herbe piquetee de rosee. Le coin des levres de Dumbledore se souleva dessinant une esquisse de sourire. Cela ne dura pas longtemps. Une odeur etrangere vint chatouiller son nez, tandis que l'oiseau s'envolait en piaillant. Une odeur plus forte, plus tenace que les precedentes et qui le libera de ses pensees. Une odeur de.
"Chien!" Murmura t-il. Et il le vit, a ses cotes, la langue pendante. Il paraissait essouffle. Le vieil homme allongea le bras et caressa l'animal. Son visage s'illumina de nouveau. "Tiens, tiens, voyez qui est la.Black. Qu'est ce qui t'amene, mon ami?"
Le corps de la bete s'allongea, elle se mit debout et se transforma en homme. Sirius Black venait d'apparaitre devant les yeux de Dumbledore. Les deux hommes se serrerent la main, et Sirius s'assit sur le menhir.
"Bienvenue a Poudlard! Sourit le vieux professeur. Une petite precision tout de meme: Je crois que ton autre moitie, tu sais, la grosse bete noire a quatre pattes que tu appeles chien, je crois que ce ne serait pas du luxe de lui passer un bon coup de savon. Si tu vois ou je veux en venir.?" Il emit un rire, puis se reprit. "Alors, comment vas-tu?
-Ca va, ca va. Je viens de passer quelques semaines chez Remus. Ca m'a fait du bien. Je me sens frais et dispos, maintenant. Je suis venu pour prendre des nouvelles.
-Oh, tu sais, il ne s'est pas passe grand chose ici. J'etais seulement venu prendre un peu d'air frais. Mon cerveau en avait bien besoin.
-J'espere que je ne vous ai pas derange. S'enquit Sirius.
-Pas du tout, ne t'inquietes pas.
-Ou en etes-vous?" Demanda Sirius, avec interet. Dumbledore le regarda, n'etant pas certain de ce dont lui parlait son compagnon. Les yeux assombris poses sur lui confirmerent qu'ils pensaient a la meme chose.
"Hagrid est parvenu a convaincre quelques geants de se joindre a nous, bien que ce fut difficile d'apres lui. Il me tient regulierement informe de l'evolution de son entreprise. Madame Maxime, la directrice de Beauxbatons l'accompagne et d'apres ce que j'ai crus comprendre" Il eut un sourire entendu. "Elle lui est d'un bon secours. Surtout aupres des hommes." Sirius rit egalement. Il se souvenait l'annee passee combien c'etait drole, voire touchant de decouvrir Hagrid, le garde-chasse bourru et impressionnant de l'ecole, se faire prendre aux jeux complexes de l'amour et des grands sentiments. Harry lui avait meme raconte la fois ou il s'etait parfume tant et si bien que son entourage en etait ivre. Pourtant cela n'avait en rien entache les sentiments grandissants que lui et Madame Maxime se portaient. Peut-etre meme etait-ce cette "petite" touche qui avait declenche la suite. Il n'y avait encore rien d'officiel, simplement des suppositions, des commerages sur leur relation, mais beaucoup attendaient l'arrivee de petits cartons d'invitations avec une certaine impatience.
"Je suis heureux que Hagrid soit parti, poursuivit Dumbledore. Je crois qu'il en avait besoin. Il a toujours aime voyager, faire des rencontres. Cela faisait trop longtemps, a ses yeux en tout cas, qu'il n'avait pas vu du pays! Mais j'avoue que j'ai hate qu'il nous revienne. Sa presence est rassurante, et c'est un homme que j'apprecie beaucoup.
-Et de votre cote? Il y a du nouveau?
-Je suis navre de te repondre par la negative, Sirius. Tout a ete tres calme, sans doute trop. Fudge refuse de croire reellement que Voldemort soit de retour. Il s'est mit en devoir de rassurer tout le monde. Je comprends qu'il veuille eviter une panique generale. Mais les gens n'ont- ils pas le droit de savoir la verite? Je suis confus, Sirius. Les enfants seront de retour a Poudlard dans un peu moins d'un mois, mais je ne suis meme pas certain que les protections de l'ecole soient suffisemment efficaces pour Le contrer.
-Voyons Professeur, Poudlard est l'un des endroits les mieux proteges au monde! Retorqua Sirius, gene de l'incertitude du vieil homme. Les eleves seront sans aucun doute plus en securite ici que chez eux.
-C'est aussi ce que m'a repondu Minerva lorsque je lui en aie parle. Mais il demeure evident que certains enfants auront des membres de leur famille comptant au nombre de Ses allies. C'est cela qui m'inquiete. Nous ne pouvons pas refuser des eleves, meme si nous nous doutons des activites de leur parents. Mais en les acceptant, nous mettons les autres en danger. Que faire? Le deces du jeune Diggory a ete un fardeau tres pesant. Je ne peux exprimer la crainte et la douleur qui me possedait lorsqu'il a fallu annoncer la nouvelle aux parents. J'ignore si je sera capable de repasser cette epreuve."
Sirius ne repondit pas. Il trouvait plutot inquietant de voir Dumbledore reagir de cette maniere. Il semblait que le vieux sorcier ne croyait plus en rien, qu'il avait decide de baisser definitivement les bras. Qu'allaient t-ils donc tous devenir si meme l'un des sorciers les plus puissants declarait forfait avant meme que la bataille aie vraiment commence? On ne pouvait pas partir perdant! On ne pouvait pas rabaisser les baguettes sans se battre! Tous avaient besoin du soutien moral et des directives du vieil homme. Sirius observa a la derobee le profil de Dumbledore. Ses traits semblaient tellement tires, surtout son front, barre de multiples rides toutes plus prononcees les unes que les autres. Meme ses yeux avaient un peu perdu de leur eclat, la lueur y etait plus terne et on n'y trouvait plus ce petit cote malicieux qui egayait meme les plus tristes.
"Professeur, nous ne devons pas abandonner. Pas maintenant. Notre force, c'est notre nombre, notre volonte de vaincre. Nous devons garder les poings serres et nous battre. Vous ne pouvez pas nous laisser tomber! Nous avons besoin les uns des autres, et plus que tout, nous avons besoin de vous!
-Tu te trompes Sirius, repondit Dumbledore d'une voix eteinte. Vous croyez tous que je vous suis indispensable, mais ce n'est seulement que pour vous rassurer vous-meme. Je ne suis pas irremplacable, personne ne l'est, et il est faux de vous dire que sans moi, la victoire est impossible. Je suis vieux, Sirius, ne l'oublies pas. Je ne vous abandonne pas, non. C'est que, tout simplement j'aimerais que vous oubliez tous vos differends et que vous acceptiez de lutter tous ensemble, pour la meme cause, pour la meme paix.
-Ce n'est pas un probleme, Albus, rajouta Sirius, sur de lui.
-Pas un probleme? En es-tu certain? Accepteras-tu de former une equipe avec Severus, par exemple?" Retorqua le professeur, un sourire aux coin des levres.
"Tiens, l'etincelle dans ses yeux! Pensa Sirius. Elle est revenue! Il n'est pas perdu, l'espoir est encore la." Cependant, il se rembrunit a la question de son interlocuteur. Pouah! S'associer a Severus Rogue! Quelle douce pensee! Des heures d'amusements en perspective!
"J'accepterais, oui, si nous avons besoin de cela, admit-il a contrecoeur. Mais l'entente et la bonne conduite de cette association, ne depend pas que de moi. N'oubliez pas qu'il ne m'apprecie pas non plus."
Dumbledore sourit. Comment pouvait-il oublier! Ils ne laissaient pas passer une occasion de s'envoyer des fleurs! Et quand ils ne disaient rien, les regards qu'ils se lancaient ne laissaient pas de doute sur leur pensees les plus profondes. Cette petite comedie pouvait etre tres drole au debut, mais cela devenait plutot lassant a la longue. Leurs querelles etaient tres enfantines, tres loin de la maturite a laquelle on se serait attendu. Les douze annees que Sirius avait passe a Azkaban n'avaient en rien alterre l'anthipathie qu'ils se portaient. Avec son retour, les insultes avaient egalement reprises, au desespoir de leur entourage.
"Allez, il me semble qu'il soit temps de diner. J'espere que tu me feras le plaisir de te joindre a moi," dit le vieil homme, en se levant.
Sirius accepta avec joie. Il savait les repas de Poudlard particulierement copieux et extremement delicieux. Non pas qu'il ait mal mange chez Remus Lupin, mais aucun d'eux n'etaient vraiment doue pour la cuisine. Disons seulement que leurs menus n'offraient pas beaucoup de variete. D'ou son enthousiasme a l'idee de deguster une montagne de bonnes choses. Il en salivait deja!
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"Alors? Qu'en penses-tu? Demanda Dumbledore, se servant une autre part de gratin de pommes de terre.
-Un delice!" Parvint a repondre Sirius qui venait tout juste d'engouffrer une genereuse cuisse de poulet.
Les deux hommes etaient attables devant une table remplie de mets tous plus savoureux les uns que les autres. Le plaisir se lisait dans leur yeux, tandis que leur bouches ne s'arretaient pas de mastiquer. Un veritable festin, ne put que constater Sirius. Le vin etait egalement de premier choix. Sa couleur rubis scintillait a la lueur tremblante des bougies. Sa saveur rechauffait le corps et l'esprit, et la conversation alla bon train.
"J'ai une faveur a te demander, Sirius. Vois-tu, Harry ne viendra pas a Poudlard a la rentree.
-Quoi?" S'ecria Sirius. Il faillit s'etouffer avec son morceau de fromage. "Mais pourquoi?
-Voldemort a deux cibles, deux vengeances a executer: Harry et Severus. Je crois qu'avant toute autre chose, il veut les eliminer tous les deux. Harry, pour les multiples affronts qu'il lui a fait en lui resistant et Severus parce qu'il est un ancien mangemort.
-Je ne comprends pas Albus, interrompit Sirius mal a l'aise, je ne comprends pas que vous ayiez autant confiance en lui. Qui nous prouve qu'il n'attend pas le moment propice pour nous pieger?
-Tu oublies un autre point, Sirius, repondit Dumbledore les sourcils fronces. Je te fais egalement confiance, alors que peu de gens serait d'accord avec moi. Je te crois innocent, et je passerai surement pour un fou et un inconscient si cela venait a se savoir."
Sirius se rembrunit. C'etait malheureusement vrai. Tout le monde ou presque le croyait coupable d'avoir trahit les parents de Harry. Dumbledore etait l'une des rares personnes a avoir cru sa version des faits. Il n'avait pas pose beaucoup de questions mais s'etait fie a ses propos. Tout comme il l'avait fait pour Rogue. Etre dans une situation semblable a celle de Rogue deplaisait enormement a Sirius. Neanmoins, s'il fallait en venir a faire equipe avec lui, il n'avait pas vraiment d'autres choix que d'accepter. Mais peu importait l'opinion de Dumbledore sur ce point, lui Sirius Black garderait toujours une once de mefiance vis a vis du professeur de potions. On n'est jamais assez prudent.
"Donc, je disais, reprit Dumbledore, Voldemort a rappele tous ses allies. D'apres ce que nous a revele Harry, il a la ferme intention de tuer Severus pour sa trahison. Severus est de notre cote, Sirius, et je tiens a assurer sa protection, tout comme celle de Harry. C'est pourquoi ni l'un ni l'autre ne sera a Poudlard en septembre. Nous verrons par la suite s'il est prudent qu'ils reviennent. Bien entendu, leur absence sera annoncee le soir de la rentree, de maniere a ce que tous les eleves sachent que ce n'est pas ici que Voldemort devra les chercher. J'espere par la meme, que chacun se sentira en securite et que ceux dont les parents sont mangemorts passeront le message egalement.
-Vous pensez donc laisser Harry chez les moldus?
-Non et c'est la que vient ma requete. En effet, il est preferable que Harry continue d'etre initie a la magie. Je me demandais si tu pourrais.
-.lui enseigner quelques notions?" completa Sirius, un immense sourire aux levres. Dumbledore acquiesca, amuse de l'engouement de son compagnon. " Bien sur, Professeur! C'est formidable! Vous croyiez vraiment que je sois capable de lui apprendre ce que je sais?
-Pourquoi pas? Cela vaut la peine d'essayer.
-Mais il y a un petit probleme, Albus. Si Harry ne reste pas chez les Moldus et qu'il ne puisse pas venir a Poudlard, ou pourrons-nous nous exercer? Vous savez bien que je n'ai pas d'endroit ou l'heberger.
-J'y aie pense. Je doute que Remus y voit un inconvenient si vous loger provisoirement chez lui. Nous en avions deja vaguement discute. Si tu acceptes, nous pourrons lui en parler.
-Si j'accepte? Bien evidemment! Et Harry, qu'en pense-t-il?
-Il ne le sait pas encore. Il est preferable que cela reste entre nous pour l'instant. Je ne voudrais pas lui donner de fausses joies. De plus, je doute fort qu'il refuse de quitter sa famille lorsque nous irons le chercher. Tout cela doit rester secret, ainsi je te demanderais de n'en parler a personne, pas meme a Remus. Je me chargerais de cela.
-Quand est-ce la derniere fois que vous avez vu Harry? Comment va t-il? S'enquit Sirius.
-C'etait lorsque nous l'avons amene dans sa famille. Mais ne t'inquietes pas, Minerva rode regulierement pres de la maison et s'assure que tout va bien."
Une drole d'image apparut dans l'esprit de Sirius. McGonagall rodant autour de la maison des Dursleys! La serieuse directrice des Griffondors faisant les cent pas le long de la rue, epiant et calculant les allees et venues des residents tel un voleur interesse au contenu du domicile. McGonagall, vetue d'une longue robe de sorciere et coiffee d'un chapeau pointu, tentant desesperement de passer inapercue dans le monde moldu. Sirius ne put reprimer un gloussement.
"En chat!" lui souffla Dumbledore, voyant l'expression amusee de son interlocuteur. Celui-ci parut enfin se rappeler qu'elle aussi etait un animagus et qu'elle se transformait en felin.
"-J'avais oublie, dit-il en proie a un fou-rire. Je l'imaginais telle quelle en train de.
-Oui, oui, Sirius, je sais bien a quoi tu pensais, interrompit le vieil homme, un sourire en coin. Tiens, pourrais-tu me passer un morceau de cette tarte aux fraises, s'il te plait, elle a l'air delicieuse."
Ils se delecterent tous les deux du succulent dessert en poussant des grognements de satisfaction. Leurs papilles etaient en fete, Noel etait plus tot cette annee! Leur gout et leur odorat etait sollicites avec bonheur. Considerant la fougue avec laquelle ils mangeaient leur part de tarte, il etait difficile d'imaginer la quantite enorme de nourriture qu'ils avaient deja ingurgite; surtout Sirius!
Cependant, ils furent deranges dans leur degustation par des petits coups frappes a la fenetre. Dumbledore se leva et se dirigea vers celle-ci pour l'ouvrir. Un gros hibou brun attendait avec impatience qu'on l'invitasse a entrer. Il s'engouffra dans la piece et se percha sur le dossier de la chaise de Dumbledore. Ce dernier saisit le parchemin qu'il portait, le posa sur la table et tendit un morceau de tarte a l'oiseau.
Tandis que le hibou se joignait aux festivites alimentaires, Dumbledore deplia la lettre et commenca sa lecture. Sirius cru alors que son compagnon avait ete comme foudroye. Ses joues prealablement rosies par le vin, avaient maintenant perdues leur couleur. La paleur de son visage se confondait avec sa barbe et ses cheveux. Ses lunettes tomberent sur le bout de son nez, mais il ne prit meme pas la peine de les remonter. Il releva la tete et lanca a Sirius un regard a fendre l'ame. "Le Ministere..." parvint- il a dire. Il replongea dans le parchemin, tandis que Sirius se precipitait vers lui, affole. Ce dernier n'osait respirer. Jamais de sa vie il n'avait vu autant de desespoir dans les yeux de Dumbledore. Jamais son coeur n'avait ete tiraille de la sorte entre l'impatience et le puissant desir de savoir et la peur, l'angoisse des nouvelles qu'on leur apportait. Jamais l'air ne lui avait parut aussi suffocant, jamais un hibou n'avait eut l'air aussi lugubre que celui-ci. Meme la piece dans laquelle ils se trouvaient, cette piece si agreable, si bienveillante quelques instants plus tot, meme elle, etait dorenavant hostile. Ses recoins semblaient des cachettes ideales pour le Malin, ses ombres dansant au rythme des flammes de bougies tels des dizaines de petits diablotins ricanants.
"Professeur! intervint Sirius, n'y tenant plus. Que ce passe t-il?"
Le vieil homme leva de nouveau les yeux et Sirius aurait presque put se contenter de cette reponse muette. C'etait grave, tres grave. Il lui tendit la lettre et Sirius s'en saisit, la main tremblante. Avait-il reellement envie de connaitre son contenu? Etait-ce essentiel que lui aussi la lise? Pourtant, malgre la lutte qui s'etait installee en lui chargee d'hesitation et d'envie, il se prit a y poser les yeux. Dumbledore s'etait assis, derangeant le hibou qui se debattait tant bien que mal avec une fraise rebelle. En d'autres circonstances, les deux hommes auraient probablement ete amuses de cette scene. Mais, ni l'un ni l'autre n'y porta attention. Sirius a son tour fut frappe par l'horreur de ce qu'il lisait.
"La paix n'est plus." murmura Dumbledore abassourdit. Sirius etait toujours debout, pres de lui, le regard perdu dans les meandres des mots et des lignes. Sa respiration etait irreguliere et ses jambes paraissaient freles et disproportionnees sous la masse de son corps engourdi. Il dut se tenir a la table pour rejoindre sa chaise. Ils se faisaient de nouveau face, l'un et l'autre cherchant un quelconque recomfort dans les yeux de l'autre. Malheureusement, tous deux etaient dans le meme etat.
"C'est impossible, souffla Sirius, brisant enfin le silence. Une centaine de victimes.! Comment cela se fait-il qu'il y ait eut autant de gens a Pre- au-lard?
-Le Ministere avait decide d'organiser une fete, dans le but de faire oublier a tous les craintes qu'ils avaient, repondit Dumbledore parvenant a retrouver ses esprits. Bien sur l'idee de depart etait bonne, judicieuse meme! Detourner l'attention de la population de la menace et par la meme des actions non-existantes du Ministere pour que celui-ci puisse mieux se reposer sur ses lauriers! Tres intelligent! On aurait presque envie de les aplaudir! Continua t-il, l'expression de son visage chargee de degout.
-Mais vous n'avez rien dit? Je veux dire, Fudge ne vous a pas demande ce que vous en pensiez? Demanda Sirius, choque que quelqu'un ait pu commettre un acte aussi inconscient.
-Me demander? Qui voudrait demander l'avis d'un vieux fou, tout en sachant parfaitement la reponse a leur question? Non, Voldemort n'est pas de retour! Tout cela vient de la paranoia d'un petit garcon qui se croit perpetuellement poursuivit par plein de mechants!" Le vieux sorcier avait prit la voix et l'intonation de Cornelius Fudge. Sa mime etait epoustoufflante de verite.
"Il vous a dit ca? Mais c'est incroyable! Comment peut-on etre aussi stupide? Comment ont-ils jamais put avoir l'idee de rassembler autant de monde? S'enerva Sirius, le feu aux joues. C'est de la folie! Comment pourra t-on faire confiance a des irresponsables pareils, maintenant? Des idiots, oui, des hurluberlus, des bouffons, des c...
-Inutile de s'emporter, mon ami, coupa Dumbledore. Le mal est fait, nous ne pouvons plus rien pour ce qui s'est passe, mais nous pouvons , nous devons empecher que cela se reproduise. Je suis desole si je t'aie parus desenchante cet apres-midi. Ce n'etait qu'une mauvaise passe. Plus que jamais, nous devons rester soudes, unis. Il faudra sans aucun doute pas mal de temps pour que le Ministere se remette de cet evenement. Il nous faut agir plus vite que lui. Premierement, il nous faut tenir Minerva et Severus au courant."
Sur ces paroles, il se leva, ouvrit la fenetre laissant le hibou se perdre dans la nuit naissante, et sortit de la piece. Sirius se retrouva seul, attable devant tous ces mets quelconques. Il restait encore une genereuse part de tarte, mais il n'avait pas gout d'y croquer. Son corps entier tremblait sous l'impact du coup qu'on venait de lui administre. Sa tete lui faisait horriblement mal, comme si elle avait ete contractee dans un etau. Elle s'allourdissait dangereusement et il dut la supporter de son bras. Des milliers de questions faisaient la farandole dans son esprit. Pourquoi, pourquoi, pourquoi? Elles commencaient toutes de la sorte et il n'avait meme pas l'ombre d'une reponse! Il relut la lettre encore et encore, ne pouvant se convaincre que l'histoire se repetait. Toutes ses anciennes peurs, ses angoisses du passe resurgissaient a une vitesse folle. Des scenes d'antan, ponctuees de cris, de hurlements, de pleurs, l'assaillaient de nouveau. Des images de parents, d'amis, de camarades de classe foudroyes par la terreur du Mal. Les demons d'hier qu'il croyait etre definitivement parvenu a eradiquer, refaisaient surface une nouvelle fois, le chatouillant, le torturant a volonte. Ses yeux lui firent mal, l'incitant a se laisser aller. Mais comment pouvait-il? Comment pouvait-il montrer sa faiblesse? "Nous en avons tous," pensa t-il. Mais ce n'etait ni l'endroit ni le moment. Si seulement il pouvait etre comme Dumbledore! La rapidite avec laquelle il s'etait reprit etait extraordinaire, peu commune. Sirius savait tres bien que le vieux professeur, lui aussi, etait touche par ce qui s'etait passe, mais celui-ci avait comme principe que la meilleure solution pour se remettre d'une emotion etait de s'occuper, de reagir. De plus, Dumbledore en avait indeniablement vu bien d'autres.
Sirius fut interrompu dans ses cauchemars par l'arrivee de quelques elfes de maison, venu debarrasser la table. Ils semblaient plus courbes, plus taciturnes que d'ordinaire, ce qui n'etait pas peu dire. Ils se perdirent en excuses, pensant le deranger dans ses reflexions. Sirius se forca a leur addresser un sourire, somme toute tres triste. Il se leva et se dirigea vers la fenetre. Le ciel de ce debut de soiree etait magnifique, la nuit prenait peu a peu possession des lieux, grandissant les ombres, soulevant un souffle charge de mystere. Son esprit vola vers Harry. Etait-il autant en securite chez les Dursleys que Dumbledore voulait bien croire? Comment etre completement certain que Voldemort ne retrouverait pas sa trace, meme dans le monde moldu? Sirius en frissonna. Et si cela arrivait? Si le Mage Noir parvenait a Harry? Il ne se le pardonnerait jamais. Il n'avait rien put faire pour sauver James et Lily. Il ne laisserait pas son filleul subir le meme sort. Il se dit qu'il demanderait a Dumbledore la permission de "roder" lui aussi dans le quartier sous sa forme animagus.
"Qu'est-ce que tu fais ici, toi?" Sirius sursauta. Avant meme de se retourner, il reconnu la voix qui venait de l'arracher a ses pensees. Il leva les yeux au plafond. Il ne manquait plus que lui pour que la fete soit complete! Il fit volte-face et vit Severus Rogue sortir de la cheminee, epoussetant sa cape. Les deux hommes se fusillerent du regard, avec toute l'animosite dont ils etaient capables.
"Je pourrais te poser la meme question mon cher Severus! Repondit Sirius avec dedain.
-Je te ferais rappeler Black, que je travaille ici, cracha Rogue, le feu aux joues.
-Ouuuuh! Excuse-moi! J'avais presque oublier! Siffla Sirius. Enfin, pour repondre a ta question, j'etais venu m'informer des dernieres nouvelles." Son regard se troubla. Il se demanda si Rogue etait au courant. Comme a son habitude, ses yeux ne devoilaient rien. Mais meme Rogue, aussi insensible et distant qu'il pouvait l'etre, aussi fier et mesquin qu'il etait, ne pouvait pas ne pas etre touche par ce qu'il venait de se passait aujourd'hui. "Et toi? Tu n'as tout de meme pas deja recu le mot de Dumbledore?
-Qu'est-ce que ca peut bien te faire? D'ailleurs je n'aie pas besoin d'une autorisation d'Albus Dumbledore pour venir jusqu'ici, moi! repliqua le maitre des Serpentards, la tete haute.
-Ne me dis pas que tu es au courant et que ca te passe completement au- dessus!" S'enerva Sirius, se dirigeant vers lui, le doigt pointe.
Rogue le regarda comme s'il avait affaire a un fou. "Qu'est ce qu'il raconte celui-la? Completement timbre!" pensa t-il.
"Au courant de quoi? Demanda t-il avec impatience.
-De ca!" Sirius saisit le parchemin et l'agita sous le nez de Rogue. Ce dernier n'apprecia qu'a moitie le comportement de Black, qui montrait un peu trop d'aisance a son gout. Il prit neanmoins la lettre et entreprit de la lire.
La porte s'ouvrit alors sur Dumbledore, entrant precipitemment dans la piece. "Severus! Te voila! S'ecria t-il l'interrompant dans sa lecture. Je viens tout juste de t'envoyer un hibou d'urgence. J'imagine que tu ne l'as pas recu. Je vois que tu es informe, ajouta t-il, avisant la lettre que Rogue tenait.
-A vrai dire non, Albus, j'arrive a l'instant. J'allais la lire." Les deux hommes se serrerent la main. "En fait je me suis decide a venir vous voir. La marque n'a pas cesse de me faire mal, s'en etait intolerable par moment," expliqua Rogue relevant sa manche. Dumbledore et Sirius se pencherent et virent la cicatrice rougeoyante. Tout son bras semblait enfle.
-Elle te fait encore souffrir? S'enquit Dumbledore, les sourcils fronces.
-La douleur s'est calmee, mais j'ai bu une potion appaisante. Alors, que se passe t-il?" Dumbledore prit une profonde inspiration, et comme Sirius avant lui, Rogue sut au regard que le vieil homme lancait, que Voldemort avait frappe. "Il y a eut une attaque de Mangemorts a Pre-au-lard, cet apres-midi. Aux dernieres nouvelles, il y aurait une centaines de victimes. Nous n'en savons pas plus."
Il y eut un silence pesant, chacun enveloppe dans ses pensees, les yeux rives au sol, detaillant chaque lame du parquet. Finalement, Dumbledore les invita a s'assoir. Il fit apparaitre deux chaises en plus, et prit place sur l'une d'elles. " J'ai egalement envoye un hibou a Minerva. Elle devrait etre la d'un instant a l'autre. Mais dis-moi, Severus, comment savais-tu que la protection de la cheminee etait levee?
-Un hasard, en fait, repondit Rogue, en se raclant la gorge. Je tenais a vous prevenir le plus tot possible" Sirius eut un ricanement, ce qui lui valut deux regards noirs de la part de ses compagnons. Il se tu, penaud et laissa Rogue poursuivre. "Alors j'ai tente la cheminee et voila." Il y eut de nouveau un silence. "Que faisons-nous maintenant, Albus? Il faut agir et vite!"
Dumbledore acquiesca. Une idee avait plus ou moins germe dans sa tete, mais il tenait a ce que le professeur McGonagall soit presente lorsqu'il l'enoncerait. Il regarda tour a tour ses compagnons. Il pressentait la tension entre eux, mais ils se contenaient. Le vieil homme en ressentit du contentement. Il savait parfaitement que l'effort que l'un et l'autre employaient a ne pas s'insulter mutuellement, leur coutait beaucoup. La tentation devait etre immense, mais tous deux avaient conscience que la situation etait trop grave pour se rabaisser a des enfantillages. Sirius se tourna vers Rogue: "Si la marque a reagit cet apres-midi," il regarda Dumbledore, "la cicatrice de Harry a dut lui faire mal aussi. Elles reagissent toutes les deux de la meme maniere, non?
-Il est tres probable en effet que Harry est ete derange par sa cicatrice, repondit Dumbledore songeur.
-Alors, il risque de s'inquieter! Poursuivit Sirius.
-J'espere que non, continua Dumbledore. Apres tout, elle semble se manifester assez souvent. Harry n'y pretera peut etre pas vraiment attention.
-Ce n'est pas le moment de se soucier de Potter, Black! Lanca Rogue agace. Il est en securite chez ses Moldus. Tu ne crois pas qu'il soit plus important de s'inquieter des victimes? Ou plutot des proches?
-Ce n'est pas parce que tu te fiches completement de ce qu'il pourrait advenir de Harry, que les autres devraient reagir comme toi!" Retorqua Sirius avec agressivite.
Rogue allait repondre, mais Dumbledore l'interrompit avant meme qu'il aie ouvert la bouche.
"Allons, allons, Messieurs! Ce n'est pas le moment! Cesser d'etre ridicules! Coupa Dumbledore, l'air severe. Et dire que je vous croyais un peu plus civilises que cela!"
Les deux hommes baisserent la tete, penauds et embarrasses. Ils se jeterent tout de meme un dernier regard-qui-tue. Ils n'eurent pas meme l'occasion de repliquer, car un bruit les interrompit, venant de la cheminee. Minerva McGonagall en sortit, epoussetant sa robe, tout comme l'avait fait Rogue avant elle. Elle repositionna son chapeau, qui durant le trajet, s'etait un peu penche sur le cote, annulant tout le serieux qu'elle se plaisait a afficher.
"Bonsoir, Messieurs, dit-elle, saluant a la ronde. J'ai recu votre hibou, Albus. Je suis venue aussi rapidement que j'ai pu. J'etais en train de diner.
-Bonsoir Minerva. Je suis navre de t'avoir derangee, mais il etait essentiel que tu viennes. Je t'en prie, assieds-toi," dit Dumbledore, lui indiquant une chaise. Elle fit tel qu'on lui disait et entreprit d'observer chaque visage. Elle lut immediatement dans les regards, la raison pour laquelle on l'avait solicitee. Elle questionna cependant son superieur. Dumbledore repeta une nouvelle fois ce qu'ils venaient d'apprendre. Minerva perdit instantanement de ses couleurs. Elle porta une main a sa bouche dans l'espoir de camouffler son petit cri d'effroi. Dumbledore posa sur son bras une main qu'il voulait rassurante. Elle les regarda tous tour a tour une nouvelle fois. Les mots lui echappaient, que pouvait-elle bien dire? N'importe quelle phrase prononcee dans de telles circonstances sonnerait banale et stupide. De plus, les trois hommes avaient sans doute deja epuises tous les qualificatifs, pour decrire l'horreur de ce qui s'etait passe.
"Qu'allons nous faire, Albus?" Balbutia t-elle. Le vieux sorcier se tourna successivement vers chacun de ses acolytes. Il prit une profonde inspiration.
"Comme vous me l'avez tous fait remarquer, Poudlard demeure encore l'un des endroits les plus surs et les mieux proteges. Je ne vois qu'une solution. Nous nous devons, avant toute autre chose, assure l'education de tous ses futurs sorciers adultes. Leur securite sera assuree ici. C'est pourquoi, vu l'etat actuel des choses, il est preferable non pas d'annuler la rentree, mais de l'effectuer plus tot que prevu. Je vous propose de faire venir les eleves dans quinze jours. Nous n'aurons pas trop de deux semaines pour organiser leur retour et preparer l'ecole pour les recevoir. Qu'en pensez- vous?"
Tous acquiescerent. Leur vacances etaient belles et bien terminees. Des le lendemain, il leur faudrait preparer tout cela avec minutie, prevenir chaque eleve, chaque professeur, organiser le depart de King Cross du Poudlard Express, faire les listes de fournitures scolaires. Les quinze prochains jours s'annoncaient extremement charges. "Sauf pour Black!" Songea Rogue, un rictus au coin des levres.
***Alors, un grand, grand merci a vous tous: Mister Master, Bouboule26, Mary-Evy et Julie Potter pour vos encouragements! Ils sont vraiment tres apprecies, si si! Merci aussi a Sibylle (si tu as prit le courage de lire ce chapitre!) pour ta franchise. J'espere que ce chapitre ne vous a pas trop trop ennuyes! Je sais, ce n'est pas le plus interessant, mais il fallait que je mentionne les doutes de Dumbledore. On sait jamais, ca pourrait etre important pour la suite. A bientot!
