A ceux qui ne le sauraient pas encore, le titre officiel du sixième tome n'est pas Harry Potter et la troisième constellation. Maintenant c'est sûr... Beuh. J'allais presque y croire !
Les incontournables réponses aux reviews :
Csame : T'as remarqué le changement très cher ? Oui tu l'as remarqué (j'écris toujours les réponses aux reviews dès que je les reçois... ça fait décalage quand je mets trois plombes à écrire les suites). Du coup je vois pas bien quoi te dire. Si. Garde à portée de main ton stylo rouge et tes précieux conseils.
Siriel : Je ne devrais pas répondre par mail, après je ne sais plus quoi dire dans les reviews. Merci encore... pour ton merveilleux compliment. J'espère que ce nouveau chapitre se montrera à la hauteur !
Malda Potter : Et bien merci beaucoup. Je souhaite que la suite te plaise tout autant !
Poucie : Arriverais-je à faire parler Rogue aussi bien que Rowling... Si j'y parviens alors, je serai comblée ! C'est que je l'aurais entièrement saisi. Yes !
Alba : Ravie que ça te plaise ! Mais va falloir que tu t'armes de patience car pour cette fic je suis extrêmement lente...
Eiream : Oui, je suis une cachottière ! Mais c'est une belle surprise pas vrai ? T'as raison, j'ai bien autre chose à faire que d'écrire des fics... Mais j'aime tellement ça, si je pouvais passer ma vie à écrire... #soupir# . Pour le couillon qui a inventé le principe du chapitrage... Ça permet au moins de recevoir des reviews qui t'encouragent à envoyer rapidement la suite ! Ou si tu préfères, j'arrête d'envoyer et tu liras la fic complète dans... deux ans !
YacofMars : Eh eh ! J'espère que l'attente n'a pas été trop longue...#morte de honte#. Malheureusement je ne peux pas écrire 24/24, j'ai d'autres responsabilités dans la vraie vie. Schade. Mais je fais ce que je peux, promis !
Camille ou Cyann le Traître Gouffre : Ai-je précisé quelque part dans cette fic que ton cher Remus n'avait ni moustaches, ni bajoues #gniark gniark# ? Tu as raison ! Luttons contre cette caricature dont on veut imprégner nos cervelles ! Remus est imberbe, longiligne, ses longs cheveux flottent au vent et le loup-garou a des poils ! Et j'adore quand on me dit « pour une fois Harry ne m'énerve pas » ! Pourvu que ça dur... (sinon je rajoute des bajoues à ton Mumus...)
Kazy : Oh oh ! J'ai effectivement l'intention de faire mûrir Harry, d'humaniser les monstres et de rester dans la cohérence du tome 5 (pour ceux qui l'ont pas aimé, j'en suis désolée...), pour autant je vais prendre quelques libertés ! Je ne lâcherai pas ce bijou, j'y tiens trop, j'espère qu'il ne fera pas toc...
Beru ou Bloub : Bon si j'ai le choix j'opte pour Beru, si tu n'y vois pas d'inconvénient. Loin de moi la pensée de trouver ta review banale... Au contraire, elle m'a fait énormément plaisir et me donne effectivement le cœur à l'ouvrage (même si je l'ai toujours en général). Ne t'inquiète pas, je ne bâclerai pas (volontairement en tout cas) mes chapitres pour satisfaire les lecteurs impatients, je n'aime pas proposer des écrits brouillons. Je continue donc de prendre mon temps en espérant vous fournir un travail de qualité, qualité qui à mon grand damne n'est pas innée !
m4r13 : Salut toi ! Je sais très bien que l'horloge de Molly est unique ! C'est la raison pour laquelle la montre de Harry a été fabriquée par ses amis et non achetée... Tsss, tu voulais me piéger mais je connais mon Potter ! Bon, il se peut quand même que je glisse des énormités dans cette suite, je compte sur toi pour relever les incohérences afin que je puisse y remédier (ou les expliquer de manière à noyer le poisson !)
sushi-powa : Mieux que Rowling ? Mmm, why not ? #met de côté sa légendaire modestie#... Tu devrais lui dire d'abandonner son idée de Prince de sang-mêlé pour me laisser la place ! Bon et puis rassure-toi, même si je suis très lente, je continue cette fic !
Alixe : Classique c'est le mot juste puisque j'essaie autant que possible de coller à l'univers Rowlingien, en me permettant quelques libertés malgré tout, ça reste ma fic !
Polichinelle et Hortence : Comme je te l'ai dit par mail, non je ne m'arrête pas au premier chapitre ! La preuve, voici la suite !
Et...
Je sais que d'autres lisent cette fic et qu'ils attendent la suite... Je salue donc mes lecteurs de l'ombre et attends de leurs nouvelles, par reviews ou par mails (pour les timides). Qu'ils sachent combien il est important d'avoir un retour sur ce que l'on écrit pour persévérer et toujours améliorer notre travail et passion d'écrivaillons !
Chapitre 2 : TERRE AU TERRIER
Ils arrivèrent au Terrier aux premières lueurs de l'aube, après avoir survolé les campagnes embrumées. Harry, grisé par l'air frais de la nuit et par l'ivresse de l'altitude avait oublié la fatigue. Son Eclair de Feu enfourché, ses soucis s'étaient volatilisés dès que ses pieds avaient quitté le sol de Little Whinging.
Dans la lumière mordorée du matin, il aperçut dans le lointain les tuiles rouges de Loutry Ste Chaspoule avant de découvrir enfin les cinq cheminées de la maison des Weasley, assemblage improbable qui ferait frémir les architectes les plus téméraires. Elle ressemblait à un jeu de construction pour enfants, dont la règle est d'empiler les pièces de la façon la plus déséquilibrée qui soit tout en garantissant l'édifice de l'effondrement. Et le Terrier trônait majestueusement au milieu d'un jardin sauvage, dans toute sa pittoresque étrangeté. Harry sentit son ventre irradier de bonheur. Une chaleur rassurante et apaisante l'envahissait peu à peu. Il retrouvait enfin le lieu qu'il aimait le plus après Poudlard. Le foyer des Weasley. Sa deuxième famille.
La maison était encore endormie. Tonks se laissa choir dans un fauteuil moelleux pour s'endormir aussitôt. Remus Lupin s'installa sur une chaise de la cuisine et d'un mouvement de baguette magique fit apparaître trois tasses d'un liquide fumant. Il en poussa une vers Maugrey qui s'assoupissait d'un œil, une autre vers Harry.
« Tu devrais peut-être aller te reposer quelques heures avant que tes amis ne se lèvent. »
« Je ne suis pas fatigué » lui répondit Harry en réprimant un bâillement.
On s'agitait autour de lui. Des murmures et des chuchotements lointains parvenaient peu à peu à ses oreilles.
VLAM !
« Tonks ! Fais donc un peu attention, tu vas le réveiller ! » La voix grondante de Molly Weasley acheva de le sortir complètement du sommeil auquel il avait fini par céder.
« Désolée… Tu sais bien que j'ai deux mains gauches. »
« Deux pieds gauches au bout de chaque bras tu veux dire » articula Harry la bouche pâteuse à la jeune femme aux cheveux à pois.
« Voilà tu as réussi ! Comment vas-tu Harry mon chéri ? Tu n'es pas trop fatigué ? Tu veux manger quelque chose ? Quelle idée de faire la route de nuit le ventre creux… Tu veux des œufs avec ton bacon ? Des saucisses ? Il doit aussi me rester des harengs marinés… A moins que tu ne préfères du porridge au chocolat et des toasts à la marmelade d'oranges amères confites… »
Harry sourit et se laissa embrasser avec plaisir par la petite sorcière replète qui débordait d'affection.
« Salut Harry ! Tu as fait bon voyage ? »
« Ron ! »
Son ami qui le dépassait de presque deux têtes maintenant le gratifia d'une bonne claque dans le dos avant de lui serrer la main avec chaleur.
« Heureux de te revoir enfin mon vieux… »
Harry rayonnait comme jamais depuis longtemps. « La surprise, hein ? Merci. »
Ron haussa les sourcils en esquissant un rictus moqueur. « Oh, pas de quoi… C'est une idée de Dumbledore. » Son sourire s'élargit jusqu'à ses oreilles. « Mais ce n'est pas lui que tu devras remercier… »
« Qui alors ? » interrogea Harry qui sentait un affreux pressentiment l'envahir.
« Tu ne devines pas ? »
« J'ai bien peur que si… Ne me dis pas que… »
« Et si mon vieux » ricana Ron en piquant une saucisse dans le plat tout juste déposé sur la table par les bons soins de sa mère. « C'est Rogue qui est à l'origine de ce petit miracle ! »
Harry grimaça. Ron poursuivit son commentaire tout en avalant goulûment les mets brûlants. « J'ai bien eu peur de ne jamais te revoir quand on m'a annoncé ça. J'étais persuadé qu'il allait t'empoisonner ou quelque chose comme cela… Remarque, c'est peut-être un poison à effet lent. Tu en ressentiras les effets plus tard… »
« Ronald Weasley ! » La petite sorcière à l'opulente chevelure bouclée menaçait le jeune garçon d'une spatule en bois. « Veuillez cesser immédiatement ces insinuations puériles et diffamatoires ! Sans le savoir-faire et le dévouement du professeur Rogue à l'Ordre, le pauvre Harry serait encore enfermé chez ces horribles moldus ! »
Ron leva les yeux au ciel et Harry sourit. Le dévouement de Rogue… Voilà qui le rassurait entièrement ! Il allait devoir s'attendre à un débarquement en force d'une armée de mangemorts dans la paisible demeure des Weasley… Curieusement cette pensée lui sembla saugrenue : il allait passer les plus merveilleuses vacances de sa vie et chasser enfin les nuages noirs qui assombrissaient son quotidien depuis plusieurs semaines. Bizarrement, il se sentait vraiment tranquillis
« Bonjour Harry ! » Deux voix féminines et riantes venaient de confirmer le fruit de sa méditation.
« Hermione ! Tu es là aussi ! » Alors que la jeune fille aux cheveux bruns broussailleux le serrait dans ses bras dans une amicale accolade, Ginny la benjamine des Weasley enjamba lestement le vieux banc de bois pour s'asseoir face à lui. Tout en attrapant un toast beurré elle lui sourit dans un clin d'œil. Harry se sentit rougir sans qu'il put s'expliquer pourquoi. Son amie le libéra alors de son étreinte et entama un agréable babillage qui, il s'en rendait compte maintenant, lui avait beaucoup manqué.
« Je suis vraiment contente de te voir ! Moi, je suis arrivée hier soir : je suis partie aussitôt que j'ai su que la potion d'effacement était prête. Autant te dire tout de suite que ça n'a pas été simple... Depuis le début des vacances nous n'avons eu cesse de harceler Dumbledore pour qu'il trouve une solution. Et quand l'idée lui est enfin venue, j'ai bien cru qu'il ne réussirait jamais à convaincre Rogue de réaliser la potion ! »
Ron émit un petit ricanement.
« J'aurais bien vu vouloir sa tête... Rester enfermé des heures dans ses cachots putrides pour permettre au petit Potter de partir en vacances. Il a dû songer à se pendre dix fois plutôt que de t'accorder ce petit plaisir... Il aurait peut-être dû d'ailleurs... Enfin, je dis pas ça pour toi Harry, je suis ravi que tu aies pu quitter tes affreux moldus! »
« Ronald Weasley ! Vas-tu cesser de t'acharner ainsi sur le pauvre professeur Rogue ! »
« Mais enfin Maman, ne me dis pas que... »
« Tais-toi ! Tu ne sais pas ce que tu dis. Si tu avais connaissance de tout ce que doit endurer Severus Rogue, pour l'Ordre, pour Harry et pour l'ensemble de la communauté sorcière et moldue, et bien... » Mais elle n'en dit pas plus. Sa voix s'éteignit dans un étranglement et elle se retourna vers ses fourneaux. Lupin et Maugrey avaient assisté à la scène impassibles mais ils semblaient tendus. Tonks alla rejoindre Molly et lui caressa le dos affectueusement. Les quatre adolescents se sentaient terriblement mal à l'aise, Ron plus encore que les autres à en juger par la teinte carmin qui colorait peu à peu ses joues.
« Et si on sortait ? » lança précipitamment Ginny tout en se levant. Sans un mot, ils quittèrent la cuisine un peu honteux pour aller se jeter avec soulagement sur l'herbe encore fraîche du jardin. Harry, qui refusait de voir ses vacances gâchées dès la première heure, décida immédiatement de crever l'abcès. Autant savoir tout de suite ce qui se tramait depuis la fin des classes.
« Qu'est-ce qu'elle a voulu dire ? Qu'est-ce qui se passe ? »
Ron soupira. « Tu penses bien qu'on ne nous met pas plus au courant que toi... Mais d'après ce que j'ai pu comprendre grâce aux longues oreilles des jumeaux et aux insinuations de ma mère quand elle se met en colère comme maintenant, Rogue a du rejoindre les mangemorts pour espionner V... Voldemort. »
Harry hocha la tête. « Ça je le savais Ron... »
« Oui, mais ce que tu ne sais pas c'est que cette mission n'a rien d'une partie de plaisir. Je ne sais pas ce qui se passe exactement, mais je crois que Rogue paie pour avoir tardé à rejoindre les autres fidèles. »
« Tu veux dire que... »
« Je ne veux rien dire du tout. Je sais juste que maman est hyper sensible sous ses airs de dragonne et qu'il ne faut pas la titiller avec Rogue depuis quelques temps. Elle est inquiète voilà tout. »
Harry n'insista pas. Ron était perturbé de voir sa mère aussi anxieuse et d'être quelque part la cause de ses éclats de voix. Et que Rogue n'y soit pas étranger non plus, ne devait pas améliorer son humeur, lui qui prenait toujours un malin plaisir à dénigrer ce professeur. Mais si Harry était peiné par le chagrin de Molly, il ne voulait pas s'apitoyer sur le sort du Maître des Potions. Chacun sa croix. La sienne lui suffisait.
Il posa son regard avec envie vers la colline qui se dressait près du Terrier. Ginny saisit la balle au bond. « Ça fait combien de temps que tu n'as plus joué au Quidditch Harry ? »
Ron s'était immédiatement précipité dans la maison pour récupérer son Brossdur qu'il gardait précieusement sous son lit. Il refusait en effet de l'abandonner dans le placard à balais commun, surtout depuis qu'il avait appris que Ginny crochetait la serrure magique à leur insu. Hermione s'était empressée de le suivre pour, avait-elle dit, prendre son livre au titre évocateur Elfes de maison : Ethnologie ou éthologie ? Théories et implications juridico-pratiques. Bien qu'elle se soit résignée à ne plus prendre ses amis à partie l'évidence de leur désintérêt l'avait profondément chagrinée mais elle ne perdait pas espoir elle continuait activement à militer pour la libération des Elfes et l'association qu'elle avait créée, la S.A.L.E, comptait désormais une dizaine de membres, tous volontaires.
Après être allé cherché son Eclair de Feu qui était resté dans l'entrée, Harry rejoignit Ginny devant la cabane à balais au fond du jardin. En un tour de baguette, elle conjura le sort d'antivol et s'empara d'un vieux modèle de Comète en piteux état. Harry comparaît les deux balais un peu embarrassé.
« Pas de soucis Harry. Il ne paie pas de mine mais c'est un bon balai quand on le connaît bien. Et il n'a plus de secrets pour moi ! » Elle lui sourit et sortit de sa poche un petit paquet de la taille d'une grosse balle de golf. « Tiens, c'est pour toi. Je voulais te faire un cadeau plus personnel pour ton anniversaire. »
Harry bredouilla quelques remerciements. « Fallait pas Ginny, avec la montre déjà... »
« Ne fais pas d'histoires, ouvre-le. »
Il hésita un instant avant d'utiliser un sortilège de déballage et se souvenant de ses prouesses il y a quelques jours, il préféra défaire tout de suite les rubans à la main. Il ouvrit la petite boîte et découvrit dans un petit écrin de verre...
« Un vif d'or ! Ginny ! »
Si la jeune fille en face de lui n'avait pas été la petite soeur de Ron, il lui aurait sûrement sauté au cou, mais une certaine pudeur l'en empêchait.
« Considère ça comme le symbole du passage de flambeau. Tu redeviens l'attrapeur officiel de Gryffondor. »
« Oh non , Gin... »
« Tais-toi, c'est dans l'ordre des choses, je n'ai aucun regret. » La jeune fille lui fit un sourire radieux et enfourcha son balai. « Tu veux peut-être une preuve pour t'en convaincre ? » Son sourire s'était fait espiègle, elle attendait le départ des hostilités.
« Si c'est ce que tu veux... »
Harry ôta le vif rutilant de son socle et le posa dans le creux de sa main. Deux ailes dorées, travail de dentelle d'un habile orfèvre, se déployèrent délicatement pour la première fois, s'agitèrent doucement dans un léger bruissement puis leur rythme s'accéléra. Le vif se mit à léviter au-dessus de la paume ouverte. Le bourdonnement aigu s'amplifia peu à peu jusqu'à ce que le mouvement des ailes se fige en deux rais éblouissant. En un clignement d'œil, la petite balle avait disparu.
« A l'attaque ! » s'écria Ginny rouge d'excitation en s'élevant dans les airs à une vitesse que d'aucun aurait cru possible pour ce vieux balai tout juste bon à ramasser la poussière. Devant elle scintillait un petit point doré. Harry n'hésita pas une seconde et son Eclair de Feu décolla si vite qu'il eut à peine le temps d'ajuster sa position. Il rejoignit aussitôt la jeune sorcière et à deux, ils entamèrent un ballet aérien rivalisant d'acrobaties et d'ingéniosité. A tour de rôle ils se doublaient, se distançaient, se croisaient, se rejoignaient. Harry était grisé par la vitesse et par cette sensation de liberté que lui procurait ce vide infini. Jetant de temps à autre un œil vers Ginny, il comprit que la jeune fille ressentait exactement la même chose, son visage exprimait un bien-être et une force que seul un véritable voleur pouvait ressentir.
« Eh ! Qu'est-ce que vous faites tous les deux ? » C'était la voix de Ron, visiblement contrarié.
Harry eut l'impression de se réveiller en sursaut au milieu d'un rêve magnifique et il pesta intérieurement contre son ami. Il vit alors Ginny le bras tendu qui s'approchait de plus en plus du vif... En un instant, il reprit ses esprits, s'allongea complètement sur le manche pour prendre de la vitesse et intercepta comme une bombe la petite balle au nez de Ginny qui faillit tomber sous la surprise.
« Malotru ! Tu aurais pu me le laisser pour la forme ! » bougonna la jeune sorcière en atterrissant souplement.
« Eh, faut savoir ce que tu veux, c'est toi qui as commencé ! » Elle lui tira la langue dans une adorable moue enfantine et tous deux s'esclaffèrent. Ils avaient le teint rougi par l'effort, le plaisir et le souffle mordant du vent, leurs yeux étincelaient. Ils étaient radieux.
« Je peux savoir ce que vous faites ? » Ron, qu'ils avaient oublié, répéta sa question sur un ton mordant. Il était rouge lui-aussi, mais ça n'avait apparemment rien à voir avec la bise des hauteurs.
« Ben, on volait en t'attendant... » expliqua Harry en haussant les épaules.
« Ça fait UNE HEURE que vous êtes là-haut et que JE vous attends ! »
« Ben fallait venir... »
« Je SUIS venu mais je crois qu'on ne m'a pas vu ! Je vais rejoindre Hermione. Salut. » Le grand rouquin tourna les talons et s'éloigna de ses amis.
« Oh Ron, excuse-nous... Ginny m'a offert un vif d'or et on jouait pour la place d'attrapeur dans l'équipe. »
Ron regarda un instant la petite balle que tenait Harry puis lança un œil suspicieux vers sa sœur. « Tu lui as offert un vif... Et vous étiez en train de faire une compétition... Et il est marqué Troll sur mon front sans doute ? »
Ginny se racla la gorge et entreprit de refaire les lacets de son soulier à boucle.
« On n'a pas vu l'heure passer, c'est vrai Ron » murmura Harry penaud. « Aller, ne boude pas... On joue à trois maintenant ? » Il prit la mine la plus défaite et confuse possible pour attendrir son ami. Il savait de toute façon que ça ne serait pas difficile car Ron refusait rarement une partie de Quidditch.
Il marmonna quelques secondes puis lança finalement : « Deux poursuiveurs, un gardien. Je suis le gardien. Je vais demander à Hermione de compter les points. » Harry sourit et les trois amis rejoignirent leur camarade qui les attendait sur le terrain improvisé, un gros livre ouvert sur les genoux.
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« Fred et George ne sont pas là ? » Harry constatait à l'instant leur absence autour de la grande table installée au milieu du jardin. Tonks, Lupin et Maugrey prenaient un dernier repas copieux avant de transplaner là où le devoir les appelaient. Tonks rejoindrait certainement le quartier général des Aurors. Lupin et Maugrey... ma foi il l'ignorait complètement. En fait, il ne s'était jamais demandé quelles pouvaient êtres les nouvelles activités professionnelles de ses anciens professeurs, en dehors de l'Ordre évidemment. Qui voudrait embaucher un vieux paranoïaque et un loup-garou ? Il se promit de leur poser la question dès que le bon moment se présenterait...
« On ne les voit que très peu maintenant. » C'était Molly Weasley qui répondait à sa question. « Ce n'est pas plus mal dans un sens car ils font un vrai carnage dans la maison à chacune de leur apparition. C'est ici qu'ils testent leurs géniales inventions ! » L'œil brillant de fierté de Molly trahissait l'agacement qu'elle aurait voulu mettre dans le ton de sa voix. « Ils travaillent énormément... Ils s'amusent énormément devrais-je dire plutôt et leur boutique marche bien. Leurs concurrents directs sur le Chemin de Traverse Pirouette et Badin étaient plutôt mécontents de les voir arriver, mais ils ont passé des accords apparemment... Tu les verras sans doute ce soir Harry. »
« Hum, excusez-moi mais... Est-ce que ça s'est arrangé avec Percy depuis que... »
« Depuis que Fudge a reconnu sa méprise ? » Molly sourit à Harry. « Percy est un peu... fier, tu sais. »
« Imbu, narcissique, égoïste, égocentrique, individualiste, fat, orgueilleux, vaniteux, suffisant, dédaigneux, méprisant, ingrat... C'est ce que tu entends par fier, maman ? » Ron, rouge de colère, venait de réagir violemment. Bizarrement, Molly ne releva pas et demeura calme et souriante.
« Il a un peu honte et n'a pas encore osé revenir à la maison. Nous nous écrivons régulièrement et je l'ai revu une fois cet été. Il est très embarrassé, mais si nous lui montrons combien nous l'aimons et qu'il n'y a pas d'erreurs qui ne puissent être réparées et pardonnées, alors nous le reverrons rapidement, plus humble et assagi. »
Harry croyait être face à Dumbledore en personne.
« Mieux vaut être sourd que d'entendre ça ! Il était prêt à envoyer Harry et Dumbledore à Azkaban, mais ça n'a aucune importance... Je n'ai plus faim. » Ron quitta la table furieux et se dirigea vers le fond du jardin suivi de Pattenrond. Molly soupira.
« Il en veut toujours à son frère, mais il doit comprendre... Je suis sa mère, je ne renierai jamais mes enfants, au contraire, je dois tout faire pour que notre famille reste soudée malgré nos différents caractères. »
« Et Merlin sait que la tâche est difficile dans cette maison... Nous avons tous un caractère de Gorgone ! » s'exclama Ginny en riant. « Qui veut la part de Ron ? Personne ? » Et la jeune fille fit glisser le reste de saucisson de Dragon en croûte dans son assiette.
« Ron ? »
« Laisse-moi tranquille ! » grogna le jeune sorcier. Il venait de se jeter sur un gnome qu'il faisait maintenant tournoyer autour de sa tête en le tenant par les pieds. La petite créature, à peine plus grosse qu'une pomme de terre à frite, poussait de petits cris stridents, protestant contre le mauvais traitement qu'on lui infligeait. Ron le lâcha alors brutalement, le projetant de toutes ses forces décuplées par la colère et le hurlement aigu s'évanouit dans le lointain.
« Woua ! J'aurai au moins battu le record de lancer de gnome...»
« On peut peut-être discuter maintenant... » fit Harry avec humeur.
« Fiche-moi la paix avec Percy. Le choixpeau s'est trompé le jour de sa répartition. C'est chez les Serpentard qu'était sa place ! »
« Je n'en ai rien à faire de ton frère. » C'était évidemment un mensonge mais il n'était pas disposé à épiloguer une éternité sur le cas Percy. D'autant qu'il était plutôt d'accord avec Mrs Weasley.
« Ah ?... Je... Excuse-moi. »
« C'est bon. Tu as besoin d'aide pour le dégnomage ? Ça fait longtemps que je ne l'ai plus fait... Chiche que je les lance encore plus loin ! »
Joignant le geste à la parole, Harry se précipita sur une grosse légumineuse trahie par ses deux petits pieds crochus. Au même instant, une énorme touffe de poils orange fluo bondit sur la même proie dans un horrible feulement. Pattenrond planta profondément ses griffes dans la chair d'Harry qui hurla de douleur. Surpris, le chat lâcha sa prise pour aller se réfugier sous un plan de ricin aux arborescences pourpres. Harry tenait d'une main son bras lacéré en maudissant la pauvre bête qui s'était méprise... Un petit ricanement retentit et s'étouffa dans le massif de bruyères.
« Satané chat ! Regarde ce qu'il m'a fait ! Mais regarde ! Je n'ai plus de peau ! »
Ron le regardait avec un air plus que dubitatif. « T'as pas l'impression d'en faire un peu trop là ? Ma mère va encore dire que les hommes sont tous douillets. »
« Euh... Tu crois ? »
Ron s'abstint de répondre mais la grimace qu'il esquissa parla pour lui.
« Ça sonnait si faux que ça ? »
Son long nez constellé de taches de son se fronça de telle manière que son visage se couvrit de petits plis. Ron était très fort pour modeler sa physionomie dans des mimiques grotesques. Il excellait dans l'imitation de Goyle, un des deux décérébrés gardes du corps de Malefoy. Et ce n'était pas une sinécure de parvenir à ce niveau d'excellence d'expression de la bêtise. Même Rogue aurait ri s'il avait su. Mais Harry se demandait pourquoi il pensait à tout cela alors qu'il était en train de se vider de son sang dans d'atroces douleurs. Ron avait sans doute raison, la situation ne devait pas être aussi alarmante.
« Viens l'écorché vif, on va mettre du coaglue sur tes blessures de guerre... »
« Mais qu'est-ce que tu as fait Harry, mon chéri ? » demanda Mrs Weasley en voyant les marques de griffes et de morsure sur son avant-bras.
« Il s'est battu avec Jenny dents vertes », railla Ron.
« Elle est mourante ? » interrogea Molly. Harry la regarda perplexe. « Je veux dire qu'elle doit être sûrement très affaiblie pour t'avoir laisser ton bras. C'est même étonnant que tu sois encore là pour témoigner de l'avoir vue... » Mrs Weasley semblait très sérieuse.
« Qui est Jenny dents vertes ? » fit Harry qui sentait poindre l'inquiétude.
Ron et sa mère éclatèrent de rire en chœur. Au moins, ils étaient réconciliés. D'un coup de baguette magique la sorcière récupéra dans sa pharmacie un petit flacon dans lequel restait un fond de liquide violacé, qu'elle examina d'une mine blasée.
« Avec les jumeaux, mon stock de coaglue diminue à vue d'œil... Jenny dents vertes, Harry, est sans doute la harpie la plus connue des enfants sorciers. » Elle poursuivait son récit tout en nettoyant les petites plaies. « C'est un monstre terrifiant à la peau couvertes d'écailles vertes et au faciès proche de celui d'un crapaud. Ses dents sont de longues aiguilles effilées, extrêmement pointues, terriblement tranchantes. Elle vit dans les profondeurs des marais putrides où elle attire les enfants sous une apparence des plus charmantes. Mais dès qu'elle en tient un, elle ne le lâche plus. Elle le noie et le vide de son sang. »
Harry sentit un frisson parcourir son échine. « Ha. C'est cool. » dit-il peu convaincu.
Ron soupira avant de railler sa mère. « Voilà ce que notre chère maman nous racontait en nous bordant quand nous étions petits. Ne parle pas à des inconnus, même s'ils ont l'air gentils... C'est peut-être un déguisement de Jenny. »
« Mais... Elle n'existe pas ? Pas vraiment ? » interrogea Harry. « C'est juste pour faire peur, non ? »
« Bien sûr Harry, tu ne crois pas que le Ministère aurait laissé en liberté une horreur pareille ! Pas vrai Maman ? Maman ? »
Molly les regardait avec des yeux étranges, ce qui n'était pas pour les rassurer.
« On raconte qu'il y a des années de cela, les plus viles créatures que portait cette Terre ont fui pour échapper à la sentence des hommes. Jenny dents vertes serait de celles-ci. On dit qu'elles auraient rallié 'La Horde', les troupes de la Vasselerie de Unseelie, les Elfes noirs des profondeurs. Ils parcourent toujours l'air nocturne et ceux qui les croisent ne sont plus là pour le raconter. »
« Mais que nous chantes-tu là maman ? Ce sont des contes pour enfants... Les seuls elfes vivant sur Terre sont les elfes de maison ! »
Molly éclata de rire. « C'est bien ce que j'ai dit Ron, les autres ne peuplent que vos cauchemars ! Et avoue qu'il te reste un soupçon de peur que tu as honte de dévoiler ! »
Ron haussa les épaules et ricana bêtement.
« Je ne connaissais pas tout ça, c'est très intéressant... » dit Harry.
« Et bien ma mère viendra te raconter des histoires avant de t'endormir. Tu verras, elle est intarissable sur le Facheux, l'Echouise, Jack l'Enchaîné et Annis la Noire... Mais ça sera sans moi... Euh, je les ai trop entendues... C'est bon, tes plaies sont pansées, tu viens prendre ta revanche sur le gnome cannibale ? »
Harry remercia Mrs Weasley pour les soins et la petite histoire qui lui avait fait oublié les désagréables picotements de la potion. Car il venait de comprendre, c'était exactement ce qu'elle avait cherché à faire, détourner son attention de ses chairs en reconstruction... Il sauta du tabouret où il s'était assis et rejoignit son ami qui l'attendait déjà devant la porte.
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Depuis une semaine qu'il était arrivé au Terrier, il ne voyait plus passer ses journées, pourtant si longues à Little Whinging. La preuve que la magie opérait au-delà des barrières du temps. Et sans le média d'un Retourneur. Entre les parties de dégnomage Harry avait finalement eu sa revanche sur le petit tubercule sur pattes : il n'était pas près de revenir errer dans le jardin des Weasley après le vol plané que lui avait fait exécuter Harry malgré les protestations d'Hermione qui criait à la barbarie , les matchs de Quidditch sur la colline voisine où les pommes ramassées chapardées par les jumeaux lorsqu'ils rentraient suffisamment tôt pour se joindre aux jeux des adolescents faisaient office de souafle et les séances de révisions qu'Hermione avait réussi à leur imposer avec l'appui massif de Molly Weasley, il n'avait guère le temps de souffler et il devait lutter vaillamment pour ne pas sombrer dans le sommeil, le nez dans les petits pâtés que la mère de Ron confectionnait pour le dîner.
Il passait enfin des nuits sans rêves, la tête enfouie dans son oreiller rembourré de duvet d'alcyon. Juste le temps d'être bercé par le vol silencieux des joueurs des Canons de Chudley sur les posters ornant les murs de la chambre de son ami, et ses yeux se fermaient pour ne s'ouvrir qu'au petit matin. C'était le problème. Il s'endormait avant le soleil mais se levait avec les poules...
Il s'étira longuement, prenant le temps de sentir ses muscles revivre, se frotta longuement les yeux encore bouffis de sommeil et chaussa ses lunettes sur son nez. Il s'assit alors sur le bord de son matelas, posé en appoint au pied du lit de Ron et observa son ami encore profondément assoupi. Comme il semblait paisible, ainsi détendu, la respiration ponctuée par un léger ronflement... Un filet de salive marquant sa taie orange d'une belle et large auréole... Comme il semblait bienheureux dormant du sommeil du juste... Tellement vulnérable... avec ce pied dénudé émergeant de sous la couette, outrageusement exposé à une main facétieuse. Est-ce que Ron était chatouilleux des pieds ? C'était la question que se posait à Harry ce matin à 6 :30.
Il avança lentement son index tendu il jaugea d'un œil expert la longueur de son ongle qu'il estima parfaite vers la tranche extérieure de la voûte plantaire dont l'excitation allait faire bondir, sinon hurler, son meilleur ami. Encore quelques centimètres... Trois... Deux... Un... Ron poussa un long soupir de contentement et s'enroula dans sa couette, faisant ainsi disparaître l'objet de la tentation.
Harry soupira à son tour, terriblement désappointé, se leva et se dirigea vers la porte tout en se promettant que la prochaine fois qu'il serait témoin d'un tel spectacle, il n'hésiterait plus une seconde. Il referma la porte derrière lui, lui commandant télépathiquement de ne pas grincer... Essai vain. Les gonds fatigués émirent une longue plainte suraiguë avant de se replonger dans le silence. Personne dans la maison ne semblait avoir été réveillé, il entendait encore les ronflements de son camarade. 'Pourvu que la goule ne prenne pas le relais, Merlin faites qu'elle ne réagisse pas...' se dit-il pour lui-même. Etonnamment il fut exaucé. Elle resta muette. Harry descendit précautionneusement l'escalier prenant garde de l'endroit où il posait les pieds, certaines marches ayant la fâcheuse manie de se dérober quand on s'y appuyait trop lourdement. Madame Weasley pestait depuis une semaine contre cet escalier capricieux et rappelait sans cesse à son époux qu'il devait vérifier le réglage du sortilège de pesanteur s'il ne voulait pas voir se produire un accident. Il se dirigea vers la cuisine de laquelle émanait déjà l'odeur appétissante d'œufs au bacon.
« Je ne suis pas rassurée Arthur. Je sais qu'il est inoffensif mais... ces créatures m'ont toujours un peu effrayée. »
Harry stoppa net et tendit l'oreille.
« Je crains que nous n'ayons guère le choix Molly. Si nous ne l'accueillons pas, il sera envoyé à la L.P.C.M. et tu sais comme moi qu'ils ne les conservent pas indéfiniment. Il a été gracié et c'est une bien triste liberté qu'il se verrait offrir si personne ne l'accepte chez lui. »
« Mmm. Il faut avouer que c'est plus encombrant et envahissant qu'un kneazle ou un hibou... »
Harry se demandait de qui exactement pouvaient bien discuter les Weasley. Non. En fait il le savait très bien. Et il se retenait de ne pas intervenir dans la conversation et intercéder en faveur de la créature dont il était question.
« Et puis ce n'est peut-être pas à nous d'en décider Molly, mais à Harry. »
« Oh prenez-le ici, s'il vous plait ! Je vous aiderai à subvenir à ses besoins, il ne vous coûtera pas une noise ! Et je suis sûr qu'il vous sera utile Mrs Weasley. Il vous débarrassera de tous les gnomes du jardin ! Il gardera la maison, chassera les intrus ! »
Mr et Mrs Weasley assis face à face à la table de la cuisine devant une tasse de café fumant, regardaient avec de grands yeux ronds, Harry qui se tenait debout dans l'encadrement de la porte dans son trop long pyjama rayé. Arthur cligna plusieurs fois des yeux puis sourit.
« Mais de qui donc parles-tu, Harry ? »
« De Buck ! De Buck l'hippogriffe de Sirius ! » Sa voix s'érailla et il sentit sa poitrine s'écraser dans les mâchoires d'un étau.
Molly sourit à son tour. « Bien sûr qu'il va venir ici mon chéri, bien sûr que nous allons le garder. » Elle tapota de la main le banc à côté d'elle tout en faisant apparaître un bol de chocolat chaud. Harry s'avança et s'assit à la place qu'on lui offrait.
« Nous avons à discuter un peu, mon chéri. » continua Molly d'une voix douce. « Profitons de ce moment où nous sommes seuls... »
Harry sentit ses entrailles se nouer un peu plus et une boule d'angoisse serrer sa gorge. « De Sirius... » parvint-il à articuler.
« Oui mon chéri, de ton parrain... » Elle poussa vers lui le bol de chocolat mais il sentit que cette fois-ci le remède chaud et sucré resterait sans effet.
Arthur prit la parole à son tour d'une voix qu'il voulait calme et apaisante. « Sirius avait pris des dispositions te concernant, Harry. Il avait envisagé cette possibilité de... » Il n'alla pas plus loin.
Les yeux émeraudes se remplirent de larmes et Harry s'effondra dans les bras de Molly. « Pleure mon chéri... Pleure... ». Il s'agrippa de toutes ses forces à la robe de celle qui s'était depuis toujours comportée comme une seconde mère pour lui. Il se laissa aller au chagrin, déversant à flots toute sa souffrance, toutes ses peurs... Avec elles s'évacuaient sa colère, sa rancœur, sa haine... Il libérait enfin tout ce que son coeur tentait de contenir depuis trop longtemps. Molly avait refermé ses bras sur lui, appuyant sa tête sur sa poitrine, elle lui caressait lentement les cheveux, le dos, tout en lui embrassant doucement le front... Ses larmes jaillirent, toujours plus abondantes. Jamais, jamais on ne l'avait ainsi bercé... Il avait depuis longtemps oublié ce qu'était une caresse maternelle. Son seul souvenir était les cris désespérés d'une femme à qui l'on arrachait la vie... De sa mère, il ne lui restait que des photos dont le sourire lui semblait toujours trop lointain, la couleur de ses yeux dans le reflet du miroir, sa voix... Un cri déchirant. Molly continuait de lui caresser doucement la tête en murmurant des paroles apaisantes à l'oreille. Elle chantait... Une mélodie mélancolique aux accents étranges. Harry ferma les yeux et se laissa bercer par cette mélopée. L'image tendre d'une jeune femme aux cheveux auburn et au regard émeraude lui apparut. Dans sa rêverie, il lui sourit, ses larmes se tarirent. Il s'endormit.
Le 12 square Grimmaurd lui appartenait désormais. Buck également. Et les coffres remplis d'or de la riche famille des Black aujourd'hui éteinte. Et Kreattur...
« Tu devrais réaliser son rêve » dit Ron d'un ton virulent après qu'Harry eut expliqué à ses amis ce que monsieur Weasley lui avait confié quelques heures auparavant.
« Son rêve ? »
« Oui. Le décapiter et exposer sa tête comme un trophée... »
La bouche d'Hermione esquissa un tic désapprobateur mais la jeune sorcière s'abstint de tout commentaire. Harry lui en fut reconnaissant. Il était prêt à entendre tous ses discours en faveur de la libération des Elfes de maison et de sa lutte contre les mauvais traitements qui leur étaient infligés. Mais Kreattur ne rentrait pas dans ces cases. Kreattur était... Kreattur était responsable de la mort de Sirius.
« Je vais lui donner un vêtement. » murmura Harry.
« Quoi ! Tu vas lui rendre sa liberté, après... » Ron restait bouché bée, les yeux écarquillés, dodelinant du chef d'un air dubitatif.
« Je vais lui donner un vêtement. » répéta Harry. « Je ne veux plus le voir chez Sirius, je ne veux plus le voir. Qu'il parte. »
« Pour qu'il aille droit au manoir de Narcissa Malefoy livrer tout ce qu'il sait... »
« Que peut-il dire ? Il n'est pas gardien du secret... Personne ne peut trouver la maison sans l'aval de Dumbledore. »
Hermione se racla la gorge et prit la parole. « Mais il connaît tous les membres de l'Ordre du Phénix Harry. Tous. On ne peut pas prendre le risque de laisser partir Kreattur, nous ne savons pas jusqu'à quel point il peut respecter le pacte de silence qui le liait à Sirius. En tout cas, tu devrais peut-être demander conseil à Dumbledore avant toute chose. »
Harry, tout en arrachant machinalement les brins d'herbe de la pelouse où ils s'étaient installés, songea aux paroles de son amie. Même si cette idée le répugnait, il était effectivement plus prudent que Kreattur demeure dans la maison des Black. Pour l'instant en tout cas. De toute façon, Harry n'avait aucunement l'intention de retourner au square Grimmaurd dans les mois à venir. Il le laissait à la disposition de l'Ordre comme il l'avait annoncé à monsieur Weasley. Mais y remettre les pieds si vite, il n'en était pas question. Il lui faudrait du temps pour pouvoir affronter cette lugubre bâtisse, trop lourde de passé.
« Tu as raison Hermione. Il restera jusqu'à nouvel ordre. »
Ron soupira et approuva finalement d'un bref mouvement de la tête. Harry attrapa le Livre des sorts et des enchantements niveau 6 et l'ouvrit devant lui à la section traitant des sorts de Disparition. La discussion était close.
oO§0§Oo
Ils venaient de jouer une partie endiablée de Quidditch où les jumeaux avaient encore fait montre de leur phénoménal talent de batteurs. Ils allaient décidément cruellement manquer à l'équipe des Gryffondor. En réalité ils allaient manquer à Poudlard d'une manière générale. Le petit groupe se dirigeait lentement vers le Terrier, accablé par la chaleur d'un soleil de plomb et exténué par l'effort qu'il venait de fournir.
« Hé ! Mais vous n'êtes pas au courant ! » s'exclama Georges dont le calme avait été de bien courte durée. Il enfonça son coude profondément dans les côtes de Fred qui grimaça.
« Au courant de quoi ? » interrogea Ron d'un air suspicieux.
« Un tout nouveau balai va être commercialisé ! »
« Oh mais c'est vrai Georges » enchaîna Fred « On ne vous a pas dit ! Nous tenons l'information du propriétaire du magasin d'accessoires de Quidditch, Derek O'Butt l'ancien gardien de l'équipe des Cistudes de Yeovil... »
« Il s'appelle le Supernova, modèle spécialement créé pour concurrencer le Nimbus 2001 ! »
« Bah. L'Eclair de Feu est déjà bien mieux que le Nimbus 2001 » fit Ron dans un haussement d'épaules.
« Oui bien sûr... A un niveau professionnel. On s'est d'ailleurs toujours dit que les piètres performances d'Harry ne le méritaient pas... Pas vrai Georges ? »
« Absolument d'accord, l'Eclair de Feu n'est pas un jouet pour amateur... »
Harry sourit à cette moquerie facile qu'il supposait masquer un compliment. Du moins l'espérait-il.
« Mais pour nous, joueurs à la petite semaine, le Supernova est ce qui se fait de mieux... »
« Manche en bois de noisetier qui combine légèreté, souplesse et robustesse... »
« Branches de bouleau couplées à celles de chêne pour assurer une bonne stabilité et résistance au vent... »
« Cale-mains en airain... »
« Et repose-pieds assortis... »
« Accélération de 0 à 190 km/h en 10 secondes... »
« Avec vent dans le dos... »
« Sortie officielle prévue le 25 août. Soit dans une semaine exactement ! » conclut Georges.
Ron allait ouvrir la bouche pour obtenir plus de renseignements sur cette nouvelle merveille quand le cri aigu de quatre busards des marais l'interrompit. Trois d'entre eux descendirent en piqué vers le groupe tandis que le quatrième poursuivait sa route vers le Terrier.
« Les résultats aux buses... » murmura Ron en décachetant précipitamment sa lettre.
Harry sentit sa gorge se nouer alors que ses yeux s'attardaient sur l'encre verte à l'écriture soignée. Il donna distraitement au rapace un bout de biscuit rassis qui traînait dans sa poche et l'oiseau vexé d'être l'objet de si peu de considération s'envola vers le nord dans un bruyant bruissement d'ailes.
« Sept buses, Harry ! J'ai sept buses ! Trois O ! J'ai trois optimal ! »
Harry ne savait pas si cela devait le rassurer ou au contraire l'angoisser un peu plus. Il déchira plus qu'il n'ouvrit la lettre et ses yeux restèrent fixés sur les résultats sans que son cerveau consente à analyser les informations. Excité, Ron lui arracha sa feuille des mains et se chargea de la traduction des données.
« Toi aussi, Harry ! Tu as sept buses ! Et tu as quatre... »
Mais il ne lui laissa pas le temps de finir. Il récupéra sa lettre et poursuivit lui-même la lecture. Optimal en vol. Optimal en soins aux créatures magiques. Désolant en histoire de la magie, il se mit à sourire. Désolant en Astronomie, son sourire se changea en grimace. Ils n'avaient même pas pris en compte les événements tragiques de ce soir-là. Le professeur McGonagall avait été stupéfixiée par cinq sorciers sous les yeux effarés des collégiens qui passaient leur examen au sommet de la tour d'Astronomie... Mais les correcteurs avaient, eux, été aveugles à l'incident. Pathétique. Harry haussa les épaules. De toute façon il s'en fichait superbement. L'astronomie n'était massivement utilisée que dans quelques branches de la divination, ce qui en disait assez long sur l'intérêt de cette discipline. On devait parfois s'y référer pour la concoction de certaines potions, mais à ce titre, posséder un calendrier planétaire était largement suffisant. Il continua de déchiffrer le long parchemin à l'en-tête du département de l'Education et de la Recherche Magique. Piètre en Divination. Il se prit à rire d'un air goguenard. Lui, l'élu d'une prophétie proférée par l'éthérée Sibylle Trelawney avait eu des résultats insuffisants en divination. Il aurait des choses à raconter à ses petits enfants s'il en avait un jour !
« Tu as eu Piètre en Divination ? Moi aussi. Et également en Astronomie. » Ron haussa les épaules à son tour. Visiblement il semblait aussi affecté que Harry de ses résultats. « Mais j'ai eu Effort Exceptionnel en Botanique ! Tu te rends compte ! Sans jamais avoir vraiment révisé ! »
« Pfff. Nous avons obtenu trois buses sans rien réviser du tout. » persiffla Fred. Ron prit le parti de l'ignorer.
« J'ai eu acceptable en Botanique.» reprit Harry. « Et aussi en Enchantements et Sortilèges. Effort exceptionnel en Métamorphoses... »
« Moi aussi... Et Effort Exceptionnel en Défense contre les forces du mal. Je suppose que tu as obtenu Optimal ? Ou ce serait vraiment injuste... »
Harry parcourut rapidement ses notes et opina du chef. Exactement ce qu'il avait espéré. Il continua sa lecture en silence quand son regard s'arrêta sur le seul résultat qu'il n'avait pas encore lu : celui qui lui permettrait d'embrasser la carrière dont il rêvait s'il décrochait un Optimal. Condition sine qua non. Il n'en croyait pas ses yeux. Cette note tant convoitée semblait avoir été écrite volontairement plus grande que les autres et pourtant ses yeux l'avaient désespérément cherchée. Et maintenant il ne voyait plus qu'elle, gigantesque, scellant son destin. Il osa jeter un œil vers Ron qui avait lui aussi les yeux fixés sur son parchemin, exorbités. Rouge de confusion, il parvint à articuler.
« Ha... Harry... J'... J'ai eu O… Optimal en Potions. »
Harry lui sourit. « Moi aussi. »
Les deux garçons poussèrent alors un hurlement de joie et entamèrent une danse de la victoire sous le regard ahuri des jumeaux.
« C'est l'idée de passer deux années de plus avec Rogue qui vous remplit ainsi d'allégresse... »
« Jamais on ne nous avait fait une blague pareille. Pas vrai Georges ? »
« Affirmatif cher frère. Nous sommes détrônés ! »
« Au cas où cela intéresserait quelqu'un, je suis personnellement admise en cinquième année. » se fit entendre la voix de Ginny faussement vexée.
« Bravo petite sœur ! » s'exclamèrent Fred et Georges de concert, « Et ne nous dis pas que... »
Le visage de Mrs Weasley affichait une profonde déception. « Tu n'es pas Préfète... Ma seule fille. J'avais tant espéré... »
Le visage de Ginny devint affreusement pâle, elle qui s'empourprait à la moindre occasion. Ses poings se serrèrent jusqu'à imprimer la marque de ses ongles sur sa peau.
« Maman, tu devrais peut-être t'interroger sur les désirs propres de tes enfants avant de penser égoïstement à l'image de toi-même qu'ils pourraient te renvoyer. Je n'ai jamais aspiré à être Préfète, pas plus que Fred, Georges ou Charlie. Aucun d'entre eux n'a raté sa vie pour autant Maman. Laisse-moi te dire, je suis heureuse de ne pas avoir été honorée de l'insigne, mais que cela te déçoive m'attriste profondément. Je ne pensais pas qu'un bout de ferraille pouvait tant compter à tes yeux. Tu es bien la mère de Percy ! »
Sur ces paroles sèches et cinglantes, Ginny tourna les talons et se dirigea vers sa chambre, laissant les témoins de cette déclaration pantois.
« Mais... Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. Mes enfants n'ont pas moins de valeur à mes yeux sans médaille autour du cou... » Les tremblements de la voix de Molly attestaient sa violente émotion. Les jumeaux restèrent silencieux, mais chacun pouvait y lire les reproches muets que venait de proférer leur benjamine.
« Maman... Harry et moi avons eu sept buses ! » Ron mit dans son ton toute la fierté et l'enthousiasme qu'il avait en stock pour tenter de faire retrouver le sourire à sa mère.
« Et nous avons eu Optimal en Potions ! » jugea bon d'ajouter Harry.
« Et bien nous, nous montons voir Ginny. » lancèrent les jumeaux en quittant la cuisine sous le regard foudroyant de leur frère.
« Sept buses... Mais c'est très bien mes chéris. Je vais vous préparer un dessert spécial pour ce soir : Fondant triple chocolat au beurre salé ! Montez voir Hermione pour lui annoncer la nouvelle. Elle a dû aussi recevoir ses résultats ! » Mrs Weasley les poussa gentiment vers l'escalier avant de retourner devant ses fourneaux.
Hermione avait réussi la totalité de ses examens, sauf le vol où elle n'avait obtenu qu'un Désolant. Mais cela ne la chagrinait que modérément puisqu'elle avait toujours considéré cette discipline comme quantité négligeable, elle avait horreur de voler. Elle avait en revanche obtenu cinq Optimal en Potions, Enchantements et Sortilèges, Métamorphoses, Botanique et Histoire de la magie (Ron avait eu comme Harry un Désolant pour le cours du soporifique professeur Binns), trois Efforts Exceptionnels en Défense contre les forces du mal, Anciennes Runes et Arithmancie et un Acceptable en Astronomie. Elle avait été un peu déçue de ses notes mais Ron lui avait vertement rappelé qu'avec ses résultats elle devait certainement être major de la promotion et qu'elle pouvait leur épargner l'inventaire de ses rares erreurs en Anciennes Runes ou Arithmancie. La jeune sorcière le fusilla de son regard le plus noir puis détourna la tête vers Harry.
« Bien. Il ne nous reste plus qu'à remplir le formulaire d'inscription pour les disciplines choisies aux Aspics. Une fois que l'accord des enseignants responsables nous sera revenu, nous pourrons aller sur le chemin de Traverse nous procurer nos fournitures scolaires. »
« L'accord des professeurs ? Tu veux dire qu'ils peuvent nous refuser même si notre note est suffisante ! »
« Bien sûr Harry, si les raisons invoquées sont valables. Mais ne t'inquiète pas, la décision est collégiale, tu ne risques pas la partialité du professeur Rogue. » Son visage crispé par les précédents propos de Ron s'épanouit dans un sourire rassurant.
« Hermione ? »
« Oui ? »
« Je ne peux pas quitter le Terrier. Tu sais bien qu'il m'est impossible d'apparaître dans un lieu aussi fréquenté que le chemin de Traverse. Lupin et Fol'Oeil ont été formels. Pour ma sécurité... »
« La potion a été pensée justement pour que tu puisses apparaître comme tu dis, dans des lieux surpeuplés sans être vu. Tu pourras boire un Sundae chez Florian Fortarôme, faire tes emplettes comme tout un chacun, payer, saluer les commerçants sans même qu'ils se rendent comptent qu'ils sont face à Harry Potter ! »
« Et si nous croisons... Malefoy par exemple ? Est-ce qu'il ne va pas se douter que celui qui accompagne les Weasley et Granger ne peut être que Potter justement ? »
« Pas du tout Harry, elle est là la grande complexité de cette potion ! Tu es littéralement complètement effacé. Il se peut même que personne ne se souvienne qu'un garçon inconnu nous avait accompagnés. Florian Fortarôme sera persuadé d'avoir servi quatre boissons s'il en a réellement servi cinq ! Et ça vaut pour tous les autres. Les gens que tu rencontreras connaissent tous Harry Potter mais le lien qui relie ce savoir au jeune homme qui nous accompagnera est magiquement brisé ! Tu passeras réellement inaperçu ! »
« Ah d'accord... Prodigieux... Et qui exactement est susceptible de me voir ? »
« Il est peut-être temps de t'y intéresser Harry. » dit Hermione avec une légère pointe de reproche dans la voix. « Mais pour répondre à ta question : ta tante puisqu'elle a donné son sang, tous les membres de l'ordre, les Weasley et Moi. »
« Alors si nous croisons des amis... »
« Ils ne te verront pas. Il était inutile de compliquer une potion déjà suffisamment délicate pour parler Quidditch avec Seamus pendant un quart d'heure. Tu es d'accord avec moi ? » Elle lui fit un clin d'œil auquel il répondit par un large sourire.
« Dumbledore aurait peut-être pu penser avant à cette potion... » Ron semblait sortir de la bouderie dans laquelle il s'était plongé suite à sa légère altercation avec Hermione.
« Sans doute y avait-il songé... Mais il avait besoin du sang de la tante de Harry et peut-être Mrs Dursley n'était-elle pas prête avant aujourd'hui. Et puis cette potion est réellement complexe. Tu te rends compte, pour une durée d'à peine un mois et une prise de risque minimale puisque nous ne sortirons qu'une fois du Terrier, le professeur Rogue a passé quinze jours enfermés dans ses cachots. Non Ron, c'est vraiment un cas exceptionnel. Le professeur Dumbledore savait combien c'était important pour Harry. »
« Mmm. Alors ? Quand allons-nous sur le chemin de traverse ? »
Le front d'Hermione se plissa. Harry l'imagina en train de calculer le temps qu'il faudrait à Coquecigrue pour apporter leurs lettres de vœux à Poudlard et recevoir la réponse des professeurs.
« Je pense que dans une semaine cela nous sera possible. Du moins si nous remplissons notre fiche tout de suite. Moi j'ai déjà commencé » fit-elle en leur montrant un parchemin où presque toutes les cases étaient cochées. « Disons... Le samedi 25 ? »
Harry et Ron échangèrent un sourire entendu. « Le 25. Parfait ! »
Hermione hocha la tête et se pencha de nouveau sur le formulaire tandis que les deux sorciers se précipitaient vers leur chambre à la recherche de plumes et d'encre...
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Il avait lancé de la poudre de cheminette dans l'âtre et y avait aussitôt plongé la tête. « Square Grimmaurd ! » s'était-il écrié. Il fallait absolument qu'il vérifie que Sirius était bien présent, qu'il n'avait pas commis d'imprudences...
« Sirius ! Tu es là... Je croyais que... » Sirius était là face à lui, assis dans un haut fauteuil de velours sombre, un gros chien noir lové à ses pieds. Ses cheveux, courts il y a encore quelques mois, avaient retrouvé cette longueur négligée du prisonnier d'Azkaban. Son teint était d'une pâleur cadavérique et de larges cernes violacées creusaient plus encore son regard obscur. Il le fixait étrangement. Dans ses yeux de dément, brillait une étincelle de folie meurtrière qui fit frémir son neveu. « Tu arrives trop tard Harry... Tu comprends toujours trop tard ! »
« Je... Sirius... Je pensais que... Tu es là... Co... Comment ? »
« Tu pensais me voir mort, Harry ? » Le visage émacié du sorcier se barra d'un rictus indéchiffrable. « Tu venais vérifier que je n'étais plus là, n'est-ce pas ? Je vais te rassurer, Survivant ! Car apprends que je suis désormais IMMORTEL ! Je suis Immortel ! Immortel ! »
Instantanément les jambes de Harry ne le portèrent plus, il se sentit défaillir et s'affaisser. Dans ses oreilles résonnait interminablement le rire guttural et rauque de l'homme qu'il ne reconnaissait plus. Les flammes vertes de l'âtre semblèrent perdre de leur magie et le feu commença à lui mordre le visage, enflammer son front et le consumer jusqu'à son âme. De sa gorge éclata un rugissement de désespoir, son regard se brouilla... Il perdit connaissance.
« Harry ! Harry ! Réponds qu'est-ce que tu as ? Harry ! Réveille-toi ! »
Il ouvrit brusquement les yeux, s'agrippant fébrilement aux draps dans des mouvements convulsifs. L'éclat aveuglant du soleil à travers la vitre l'obligea à refermer aussitôt ses paupières.
« Ron... » Sa voix n'était qu'un murmure. « Où est-ce que je suis ? »
« Dans ma chambre, au Terrier. Tu vas bien, dis ? Tu veux que j'appelle ma mère ? »
« Non... ça va... Cauchemar... Rêve bizarre. Sirius... Non. Ce n'était pas lui, pas lui... » Harry reprenait tout doucement ses esprits au contact de son ami. Lentement, il se mit sur son séant, frotta ses yeux, son front encore chaud. Il passa sa main sur sa nuque moite, ses draps étaient trempés de sueur. « J'ai fait un rêve bizarre Ron. Un homme qui ressemblait trait pour trait à Sirius. J'étais à Grimmaurd, comme le jour où... Tu sais. Et il était là, vivant, comme s'il m'attendait. Mais ce n'était pas lui. Il était... diabolique. Il m'a appelé le Survivant... Et il m'a dit, qu'il était... Immortel. »
« Tu crois que ce n'était qu'un mauvais rêve Harry ? Tu ne penses pas plutôt que c'est... »
« Voldemort ? »
Ron, le visage décomposé, acquiesça.
« Je ne sais pas Ron... »
La décision d'Hermione étant sans appel, il s'était résolu à parler sur le champ de son rêve à monsieur Weasley. Celui-ci, comme il s'y attendait, ne put lui apporter aucune réponse satisfaisante, se contentant d'émettre des hypothèses peu crédibles sur la signification du contenu de son cauchemar. Une science moldue avait-il affirmé. Harry s'était abstenu de tout commentaire, mais il n'en pensait pas moins. Si les savoirs moldus sur les songes étaient aussi élaborés que ceux étudiés en divination avec le professeur Trelawney, alors il n'y avait aucun souci pour qu'il y trouve une once de vérité. Une chose dont il était certain est que l'homme qui lui était apparu, même s'il avait l'apparence de son parrain, ne partageait pas plus avant la ressemblance. Harry finit par se convaincre, avec l'aide intelligente d'Hermione, que ce qu'il avait vu était un condensé de ses peurs et du sentiment de culpabilité qui l'assaillaient quand il était le plus vulnérable. C'est à dire, pendant son sommeil. Pour plus de sécurité, Arthur avait jugé plus prudent d'en référer au professeur Dumbledore avant d'envisager toute sortie au chemin de traverse. La veille de la date fixée pour les emplettes, un groupe de hiboux petits-ducs en provenance de Poudlard leur apporta le résultat des libérations du corps enseignant quant aux choix formulés par les trois collégiens. Harry constata avec soulagement que l'ensemble des options qu'il souhaitait lui avait été accordé, Potions également. Un coup d'œil vers ses deux amis lui apprit qu'ils avaient eux aussi obtenu satisfaction.
« Harry ? » Monsieur Weasley tenait une lettre à la main. Harry y reconnut la fine écriture du directeur du Collège.
« Je viens de recevoir l'avis du professeur Dumbledore sur ton cauchemar. Selon ses informateurs en place chez les mangemorts, il n'y a rien à signaler pour le moment. Et puis il faut que tu saches que les plus fidèles lieutenants de Tu-Sais-Qui sont emprisonnés à Azkaban. Pour combien de temps ? Nous l'ignorons. Les détraqueurs quittent la place pour rejoindre le camp des Ténèbres et les protections magiques anti-évasions ne sont pas fiables à cent pour cent. Mais tant que Lucius Malefoy le regard d'Arthur pétilla un instant et ses comparses seront détenus entre quatre murs, le mage noir n'aura d'autre préoccupation que de les libérer. Ils lui sont bien trop utiles. A priori, tu ne crains rien, Harry. »
« A priori... Et mon cauchemar alors ? »
« Dumbledore le trouve effectivement intéressant. D'après ce qu'il m'écrit, ses opinions semblent recouper celle de notre chère Hermione. » Arthur se tourna vers la sorcière en s'inclinant légèrement et celle-ci rosit de plaisir.
« Donc, il n'y a pas d'empêchement pour demain ? »
« Tout à fait. Aucun obstacle à la grande sortie ! »
Harry ne s'était plus rendu sur le chemin de Traverse depuis sa troisième année où il avait logé quelques jours au Chaudron Baveur. L'ambiance avait bien changé depuis. Une grande effervescence régnait toujours dans le quartier sorcier de Londres, mais on pouvait lire une certaine inquiétude sur le visage crispé des passants. Le Ministère avait enfin reconnu, suite à l'attaque du département des mystères, le retour de Voldemort et il n'était dès lors plus question de mettre en doute la véracité de l'information. Tant que le doute planait, beaucoup déniait que ce fut possible, mais aujourd'hui... Molly veillait avec attention sur le groupe des quatre adolescents qui ne demandaient qu'à se dérober à sa vigilance.
« Nous allons bientôt être fixés sur la fiabilité de la potion... » murmura Hermione.
« Ron, Hermione ! Comment allez-vous ? Bonjour Ginny ! Madame Weasley... » Seamus Finnigan venait d'apparaître devant la petite troupe, accompagné de sa mère, une sorcière aux cheveux blond-roux au fort accent irlandais. Il serra la main des trois amis et de Molly mais n'accorda à Harry qu'un vague signe de tête pour reporter immédiatement son attention vers Ron.
« Tu as vu le nouveau balai ? Le Supernova ! Il était tenu secret jusqu'alors ! »
Ron haussa encore un peu plus son long corps et se rengorgea. « Oui, je le savais. Mes frères, Fred et George, sont amis avec Derek O'Butt, l'ancien gardien des Cistudes de Yeovil. Tu le connais ? » Le ton de sa voix était maniéré et légèrement hautain, mais Seamus n'y prit pas garde. Hermione et Ginny échangèrent un sourire complice et Harry crut entendre le nom de Percy dans leur conciliabule.
« Wouah ! Le gardien O'Butt est un de vos amis ! » Seamus regardait Ron avec envie et celui-ci semblait s'en enorgueillir. Harry se mordit la lèvre pour ne pas rire. « Quelle chance tu as ! Moi, j'ai demandé à maman de m'acheter le balai, mais elle le trouve trop cher. Elle m'en a promis un quand je décrocherai mes Aspics... j'ai encore le temps. » Il regarda sa mère d'un air dépité, elle lui répondit d'un hochement de tête déterminé et résolu. Seamus, hocha les épaules en bougonnant et quitta ses amis non sans avoir demandé à Ron s'il ne pouvait pas avoir des réductions dans le magasin d'accessoires de Quidditch puisqu'il était intime avec le propriétaire. Molly regarda Ron d'un œil sombre mais s'abstint de faire tout commentaire. Elle se tourna alors vers Harry.
« Alors Harry ? Convaincu ? Seamus t'a à peine remarqué. Tu ne risques absolument rien ! » La sorcière poussa un soupir de soulagement ce qui fit penser à Harry qu'elle n'était pas complètement rassurée avant de venir. « Eh, bien, commençons par l'indispensable : Gringotts. »
Après avoir délesté leurs comptes en banque de quelques gallions, le petit groupe se dirigea vers la librairie la mieux fournie en littérature magique de toute l'Angleterre, Fleury et Bott. Ils y restèrent durant une éternité, c'est du moins ce qu'il avait semblé à Harry et Ron, Hermione ne sachant se décider sur les livres dont elle n'aurait sûrement pas besoin au cours de l'année.
« Tu ne peux pas te contenter des livres inscrits sur la liste ?», lui lança Ron excédé.
« C'est en se contentant des apprentissages minimums que l'on obtient des résultats juste satisfaisants. Libre à toi de n'être que moyen. Enfin, avec un cercle d'amis intimes aussi importants que d'illustres joueurs de Quidditch, aucun doute, tu iras loin. » La jeune sorcière lui décrocha un sourire éclatant et alla s'affairer un peu plus loin dans des rayonnages poussiéreux.
Ron s'empourpra et Harry fixa son attention sur un ouvrage épais intitulé Par-delà le miroir anamorphique de la réflexion mythologique ou l'abolissement des frontières de l'invisible.
Après qu'Hermione eut enfin trouvé tous les grimoires qu'elle désirait, le petit groupe se dirigea vers l'échoppe d'herboristerie magique, La digitale pourpre, pour réapprovisionner leur stock d'ingrédients. Rogue ne souffrait aucun oubli. Harry regarda sa liste avec attention.
« Il faut une livre et demi de trèfles à quatre feuilles ? Des trèfles à quatre feuilles... »
« Oui, la potion de fortune est au programme de cette année. Elle permet de contrôler le hasard et de provoquer la chance. J'ai essayé cet été, c'est très difficile. En fait, je n'ai même pas trouvé les trèfles...Il aurait fallu que je boive de la potion pour pouvoir la réaliser ! » expliqua Hermione.
Ron la regarda bizarrement. « Pourquoi tu dis ça ? »
« J'ai passé des heures à quatre pattes dans le jardin de mes parents et je n'ai rien trouvé que des trèfles à trois feuilles. Je ne comprends pas que l'école nous demande d'en acheter une telle quantité, le prix de la rareté atteint des sommets. »
Le jeune homme regarda la sorcière avec une moue perplexe. « Hermione, il n'y a rien de plus courant que des trèfles à quatre feuilles. J'ai un cousin irlandais qui en fait la culture intensive. J'ignorais même qu'il en existait d'une autre sorte. »
Harry sourit devant la mine ébahie de son amie ; enfin un détail sur le monde sorcier que la jeune fille d'ascendance moldue ignorait. Effectivement, ils se servirent de l'indispensable végétal par de généreuses brassées qui ne leur coûtèrent que quelques noises. L'affliction se lisait sur le visage d'Hermione qui semblait faire le compte des heures qu'elle avait perdues à cause de son ignorance.
« Tu devrais retourner chez Fleury et Bott pour t'acheter un livre sur la botanique comparative chez les moldus et les sorciers. » lança Ron d'un ton amusé. Hermione haussa les épaules et tourna les talons, mais Harry eut le temps de voir le sourire qu'elle réprimait.
« Ron ! Où donc t'en vas-tu comme cela ? » Mrs Weasley venait de rappeler son fils qui s'éloignait sans son assentiment.
« A la boutique d'accessoires de Quidditch, Maman... Si ça continue, on va repartir au Terrier sans même avoir vu à quoi ressemblait le Supernova alors que nous étions parmi les premiers informés de sa sortie. Un comble ! »
« Nous n'avons pas terminé d'acheter les fournitures, Ronald Weasley ! »
« Mais si ! j'ai mes livres, mes ingrédients, une nouvelle batterie de chaudron en étain, le creuset d'airain, mes plumes, mes parchemins... »
« Et tes robes ? Je suis sûre que celles de l'année dernière t'arrivent déjà aux genoux... Tu grandis si vite mon garçon. Allons chez madame Guipure renouveler votre trousseau, les enfants ! »
Ron marmonna quelque chose entre ses dents qu'Harry ne parvint pas à comprendre et suivit sa mère en traînant les pieds.
« Tu as vu comme ce noir profond me sied au teint ? Et la coupe ? Ça c'est un vêtement ajusté ! » Mrs Weasley écoutait avec ravissement les commentaires de Ron sur ses nouvelles robes. Depuis que les jumeaux travaillaient, ils versaient chaque mois à leurs parents un petit pécule « en guise de loyer » avaient-ils dit puisqu'ils vivaient toujours au Terrier. C'était surtout un signe de remerciement et de reconnaissance pour tous les sacrifices consentis par Arthur et Molly pour élever au mieux leur nombreuse marmaille. Cette année, Ginny et Ron n'eurent pas à entrer dans les boutiques de seconde main, dont Ron surtout avait particulièrement honte.
« Ta valeur personnelle ne dépend en rien de celle de tes livres ou de l'âge de tes robes. » lui avait toujours assuré Hermione avec l'appui de Harry, sans pour autant réussir à le convaincre. Ses nouveaux atours lui donnaient l'illusion d'être grandi, à ses propres yeux du moins, c'était déjà ça.
« He ! Mais regardez où nous sommes ! » s'exclama soudainement Harry. « Chez Weasley, Farces pour sorciers facétieux ! C'est la boutique des jumeaux ! »
La façade avait été repeinte de couleurs écarlates qui ne manquaient pas d'attirer l'attention des passants, qui ne pouvaient alors s'empêcher de s'arrêter devant la vitrine regorgeant d'objets hétéroclites, certains d'apparence anodine mais dont Harry savait qu'ils étaient les plus calamiteux. Une enseigne holomagique représentant un monstre multicolore tricéphale apparaissait par intermittence, effrayant les enfants en les amusant plus encore.
« Vous voici enfin ! Nous vous attendions ! » George venait de faire son apparition sur le seuil du magasin et invitait le petit groupe à pénétrer dans son antre dans une profonde révérence, trop obséquieuse pour être sincère. « Fred va arriver, il est dans l'atelier. Nous travaillons en ce moment sur la conception d'un tout nouveau produit. Un kit météorologique... »
« Et en quoi ça consiste exactement ? » interrogea Hermione.
« Patience... Tu auras la surprise très prochainement, le temps de faire quelques réglages. Nous vous enverrons quelques boîtes à Poudlard pour que vous les testiez in vivo et en fassiez la promotion ! »
« Hors de question ! » s'exclama la sorcière avec force. « Le collège est un lieu d'études, bien que ton frère et toi n'en ayez eu que peu conscience. Je ne permettrai pas que la salle commune des Gryffondor se transforme en vaste terrain de jeux. Votre règne est terminé, messieurs les sorciers facétieux ! »
« La Préfète a parlé ! » se fit entendre une voix solennelle. Fred venait de faire son entrée, essuyant ses mains sur une blouse au mitan brûlé qui fit frissonner Mrs Weasley. « Et en parlant de Préfète, nous n'avions pas prévu un petit quelque chose pour une personne de notre connaissance ? » Continua Fred en lançant une énorme œillade à son jumeau.
« Oui, ça me dit quelque chose » répondit celui-ci en disparaissant derrière son comptoir. « Quelque chose comme ça par exemple ? » Il réapparut tenant à bout de bras un énorme paquet de forme oblongue, emballé d'un papier brillant vert fougère et orné d'un gigantesque nœud rouge.
« Un petit cadeau pour notre digne héritière, notre benjamine... Miss Ginny Weasley nous vous félicitons de n'avoir pas été nommée Préfète de Gryffondor ! » s'exclamèrent les deux garçons en tendant le paquet à leur sœur. Celle-ci se précipita sans attendre, toute excitée de découvrir cette surprise à laquelle elle ne s'attendait pas mais dont Harry avait deviné la teneur.
« Le Supernova ! Wouaou ! » Ginny en avait le souffle coupé. Ses mains, maintenant le balai, se mirent à trembler. « Vous... Vous n'auriez pas dû. »
« Comme tu veux » répondit George en tendant son bras vers le balai comme pour s'en saisir. Mais Ginny, dans un réflexe, le resserra contre sa poitrine. « Alors, petite sœur, décide-toi ! ». Fred et George affichaient un air goguenard et le visage de la jeune sorcière s'épanouit dans un sourire comblé. Elle alla embrasser ses frères sous l'œil envieux de Ron qui visiblement ne savait quelle attitude adopter. Harry le surprit à observer sa mère, peut-être pour dicter sa conduite sur la mine qu'elle arborerait. A son grand étonnement, Mrs Weasley semblait elle aussi se réjouir du présent des jumeaux fait à sa fille. Ginny avait été un peu dure avec elle pensa Harry.
Ron avait fini, après moultes hésitations, à se joindre au petit groupe assemblé autour du balai et s'extasiait avec les autres sur la ligne aérodynamique, la légéreté et la finesse des finitions du Supernova.
« Je vais aller m'acheter un kit d'entretien à la boutique d'accessoires ! » s'exclama Ginny, rose de plaisir.
« Je viens avec toi ! » répondit aussitôt son jeune frère.
Comme les jumeaux ne pouvaient abandonner le magasin à la veille de la rentrée, c'était une hérésie avec tous les collégiens présents sur le chemin de Traverse , Mrs Weasley et sa troupe d'adolescents leur firent leurs adieux et se dirigèrent vers la sortie. Alors qu'il s'apprêtait à les suivre, Harry fut retenu par le bras par Fred qui lui fit signe de se taire. Il lui glissa dans la main un énorme sac de papier dont le contenu fit briller une étincelle de malice dans le regard vert du jeune sorcier. Les jumeaux l'avaient rempli d'un assortiment de leurs diverses inventions parmi lesquelles Harry reconnut les feuxfoux fuseboum, des kits de marécage portable et des pralines longuelangues.
« On y a mis un peu de tout » chuchota George. « Tu partageras avec Ginny et Ron s'il ne prend pas son travail de préfet trop à cœur. Mais pas un mot à Hermione ! »
Harry hocha la tête, remercia les deux frères d'un murmure et rejoignit ses amis en ayant soin de dissimuler son paquet au fond d'un gros chaudron. 'Pas un mot à Hermione'. Certes, mais elle découvrirait vite la supercherie !
Après s'être rendue dans la boutique d'accessoires de Quidditch où Harry ne put résister à la tentation de gants anti-glisse tissés de fil d'eipère diadème, la bande d'amis toujours accompagnée de Mrs Weasley qui ne les lâchait pas d'une semelle, rejoignit Arthur au Chaudron Baveur, où il avait à faire, avait-il dit. Effectivement, ils le trouvèrent en compagnie d'une jeune femme étrange qui déparait dans ce paysage sorcier.
« Papa et les moldus ! » soupira Ron. « C'était ça son rendez-vous important... ».
« Et alors ? Ton père est un homme ouvert au moins... Je ne vois pas ce que tu reproches à sa passion des moldus ! » Hermione avait parlé d'un ton sec et cinglant.
« Ça n'a rien à voir avec les moldus, si c'est ce que tu sous-entends... Seulement, papa a tendance à toujours en faire un... »
Mais Harry n'écoutait plus la nouvelle dispute née entre ses deux amis. Il observait la jeune femme. Elle l'observait également. Comment était-ce possible que quelqu'un puisse le regarder avec autant d'insistance alors qu'il était sous la protection magique de la potion ? Sans doute parce que cette personne était moldue justement, et que la potion n'était censée s'appliquer qu'à des sorciers... Quand sur le chemin du retour il fit part de sa réflexion à monsieur Weasley celui-ci lui sourit avec bonhommie.
« C'est presque ça Harry ! C'est une moldue, mais tellement attirée par la magie qu'elle en arrive parfois à voir ce qui devrait lui rester caché. Tu n'as pas à t'inquiéter... Bon. Où ai-je mis ma poudre de cheminette ? » Arthur cherchait fébrilement dans toutes les poches de son vêtement... Mrs Weasley balança alors une petite bourse de cuir devant les yeux de son mari, un sourire moqueur courant sur ses lèvres.
« Il arrivera un jour où je te laisserai rentrer à pieds... Ça t'apprendra à penser un peu plus aux choses essentielles ! »
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« Décidément, nous n'arriverons jamais à la gare de King's cross par la voie normale ! Quelle idée de nous faire prendre un portoloin ! »
Un portoloin... Harry grimaça. Il préférait encore la poudre de cheminette. Il se demandait si ce n'était d'ailleurs pas plus simple, ils arriveraient ainsi directement dans la salle commune des Gryffondor.
« La potion d'effacement prend fin aujourd'hui Ron » répondit la petite sorcière replète à son fils. « On ne peut pas prendre le risque de balader Harry dans toute l'Angleterre. Une fois dans le Poudlard express, il n'y aura plus aucun danger, ses protections magiques ont été renforcées. Aucune intrusion n'est possible pour ceux qui ne sont pas admis à monter. »
« Mais le danger peut venir de l'intérieur » rétorqua Ron qui exprimait tout haut la pensée qui venait de traverser l'esprit de Harry. « Nous allons voyager des heures durant auprès de fourbes Serpentard qui ne jurent que par la perte du petit Potter ! »
« S'il n'y a que cela pour t'inquiéter, tu peux partir tranquille » Arthur venait d'entrer dans la cuisine tenant un journal, La Goule Déchaînée, à la main. Il montra à Ron et Harry un petit encart de quelques lignes qui abordait la rentrée scolaire à Poudlard, en particulier celle des enfants des mangemorts prisonniers à Azkaban. « Drago Malefoy et ses petits copains ne prendront pas le Poudlard express cette année » expliqua monsieur Weasley. « Après l'arrestation de certains membres de leurs familles, ils ont jugé plus prudent d'arriver au collège par leurs propres moyens. Tu n'avais pas tort Ron, le danger ne vient pas forcément de l'extérieur. Mais à leurs yeux, le danger c'est vous, semble-t-il ! » Arthur émit un petit rire auquel se joignirent Ron et Harry.
« Ces Serpentard ne sont que des pleutres ! Mais dans un sens, ils ont raison de se méfier ! Tu te souviens de la tête qu'ils avaient en sortant du train l'année dernière ! » Les rires fusèrent de plus belle sous le regard désapprobateur de Mrs Weasley.
« Vous avez tort de les traiter ainsi et d'imaginer que tous les Serpentard sont semblables : mauvais jusqu'à la moelle. Dois-je vous rappeler que tous les Gryffondor ne sont pas des exemples à suivre et qu'on compte dans leurs rangs autant de poltrons que de gens courageux. Les Serpentard sont rusés et ambitieux, ce n'est pas un mal en soi. Ne vous êtes-vous jamais demandé si certains d'entre eux n'attendaient pas qu'on leur tende la main et qu'on leur retire cette affreuse étiquette épinglée sur leur front ? »
Ron et Harry échangèrent un regard en coin qui en disait suffisamment long sur leurs pensées profondes. Le temps où ils feraient confiance à un Serpentard n'était pas arrivé. Et Harry s'imaginait mal donner la main à un Goyle ou à une Bullstrode. A cette idée, il ne put empêcher un sourire dégoûté de fleurir sur ses lèvres...
« Pourquoi est-ce qu'ils parlent de cela dans le journal ? Je ne vois pas en quoi cette information est capitale... » Ginny interrogeait du regard ses parents mais c'est Hermione qui prit la parole pour lui répondre.
« La Goule déchaînée est certainement ce qu'on fait de mieux en presse informative. Cela fait des années qu'elle pointe du doigt les activités ténébreuses de Lucius Malefoy et de ses comparses, preuves à l'appui, ainsi que le laxisme du Ministère, quand elle n'emploie pas le mot protection... »
« Je ne vois toujours pas le rapport avec la rentrée à Poudlard, pardonne-moi. » C'est alors monsieur Weasley qui enchaîna.
« Effectivement, ce n'est pas un événement en soi... Juste une pique supplémentaire vers ceux qui se targuaient d'être des proches du Ministre. Voilà qu'au lieu de se pavaner comme ils l'ont toujours fait, ils vont maintenant faire leur rentrée à Poudlard par la petite porte. »
« Oui ! J'imagine mal Malefoy déambulant dans les couloirs du Poudlard express en déclamant son éternelle litanie 'Comme le faisait remarquer mon père à l'Auror qui le conduisait à Azkaban...'. Il va éviter de nous croiser un certain temps ! Nous allons être tranquilles un moment... »
Le journal avait dit vrai. Sur le quai 9 ¾ peu de Serpentard étaient présents, seulement ceux qui ne faisaient jamais parler d'eux. Ni en mal, ni en bien. Harry pensa un instant que c'est sans doute à eux que Mrs Weasley avait fait allusion.
« Tu es bien sûre qu'on appelle cela une souris, Hermione ? » Arthur regardait avec perplexité le portoloin qui pendait entre ses deux doigts.
« Oui, une souris informatique. Ça sert à... »
« Hermione t'expliquera tout cela une autre fois Arthur... Le train va bientôt partir et je ne serai vraiment tranquille que lorsqu'ils y seront montés. » Mrs Weasley lançait des regards anxieux tout autour d'elle à la recherche d'un ennemi potentiel. Seule Tonks avait pu venir accompagner les jeunes sorciers à la gare, c'était d'ailleurs elle qui avait apporté au Terrier le portoloin conçu par le professeur Dumbledore. Arthur glissa le fascinant objet moldu dans sa poche tandis que sa femme lui tournait le dos pour se diriger vers les wagons.
« Je vous écrirai quand j'en aurai le temps pour plus d'information » lui souffla Hermione. Mr Weasley lui répondit par un énorme clin d'œil.
Harry et Ginny avaient été rejoints dans leur compartiment par Dean, Seamus, Neville et Luna. Hermione et Ron, quant à eux, se devaient de rester avec les Préfets dans le wagon qui leur était réservé, au grand damne du jeune sorcier qui aurait nettement préféré la compagnie de ses amis. Il faisait une chaleur étouffante, annonciatrice d'orage, et le petit groupe avait l'air un peu abattu.
« J'en viendrais presque à regretter la présence des Serpentard » fit Ginny dans un petit rire, « ça nous aurait peut-être un peu stimulés ! » Tous se regardèrent d'un air entendu.
« Personne ne connaît un sort de refroidissement » gémit Neville qui était en nage.
« Inutile, tu vas bientôt être exaucé... regarde un peu ! » Dean pointa du doigt le ciel dont la couleur se faisait de plus en plus menaçante. « On va arriver à Poudlard sous des trombes d'eau glacée ! »
Effectivement quelques minutes plus tard, un long éclair d'une blancheur éblouissante zébra l'obscurité céleste et un grondement assourdissant retentit. La petite ampoule qui éclairait le compartiment clignota quelques secondes avant de s'éteindre définitivement. Des petites gouttes commencèrent à frapper la vitre, bien vite remplacées par une pluie cinglante.
« Super, le voyage s'annonce bien... » murmura Seamus dans un frisson.
« Lumos ! » Une douce lumière apparut au bout de la baguette de Ginny. « Voilà l'ambiance idéale pour vous conter l'histoire de Jenny dents vertes... » La jeune sorcière avait adopté une voix d'outre-tombe et des rires fusèrent qui laissaient pointer un soupçon de tension. L'atmosphère se fit lourde et seul Harry se surprit à sourire avec décontraction. Ils retrouvaient enfin ses amis et Poudlard... Dans ce petit compartiment faiblement éclairé, il se sentait à l'abri du tonnerre qui au-dehors, grondait avec fracas.
