La bergère ensanglantée

Par Tsubaki Hime

Hello à tout le monde ! Ici Tsubaki Himé qui pète la forme et qui se dit avec un large sourire aux lèvres : « Presque fini, presque fini, 'vais bientôt retrouver mes amours de Shinigami… Enfin ! » Non, j'avoue que ça me fait bizarre de bientôt finir cette fic mais voyons le bon côté des choses, j'en connais qui vont ainsi arrêter d'attendre la suite en me mettant la pression (je rigole, je suis hyper contente d'avoir des lecteurs réguliers pour chacun de mes chapitres). Je vous remercie de vos reviews, ça devient une habitude je sais, je sais mais je préfère remercier à chaque fois et montrer à quel point je suis contente (si, si, sans exagérer). Dans ce chapitre, je voulais mettre Riff en valeur, concernant la fin du chapitre précédent. Je vais le faire souffrir mais la personnalité de cet homme m'intéresse vraiment (quoique je préfère le passé complexe de Tsuzuki, sorry). Ben voilà, c'est tout ce que je tenais à dire (et c'est bien suffisant, ah si, le titre de ce chapitre est complètement nul mais j'avais que ça)

Blood Kiss et bonne lecture,

Tsubaki Hime

Chapitre V

Pardon, petit frère…

Le noir… tout autour de moi… Froid, j'ai tellement froid. De la chaleur, il me faut de la chaleur. N'importe qui, n'importe quoi, je veux de la chaleur, mon corps en a tellement besoin. Quelle est cette impression de terreur qui se noue en moi. Le froid, rien que le froid.

« Ton cœur est semblable à un feu éteint, jamais il ne produira de chaleur… »

Arrête… Pourquoi as-tu dit ça, « toi »? Je peux aimer, mais… j'ignore comment faire.

J'ai tellement froid… Papa, maman, petit frère, je ne peux plus vous voir… Mais vous, cessez de me lancer de tels regards. Ce n'est pas ma faute, ce n'est pas ma faute! Non! Je ne l'ai pas fait exprès!

Peur… Ce sentiment qui afflue en moi, cette chose indéfinissable qui grandit en moi depuis des années, je reconnais… J'ai peur. Peur de l'existence même, peur de cette solitude qui me cisaille le cœur. Le noir, tellement de noir. Pourquoi cet endroit, pourquoi ça? Je ne veux plus fermer les yeux dans ce gouffre sans fond. Je dois protéger quelqu'un car… j'ai perdu trop de personnes chères à cause de mes actes.

Une odeur qui me captive…

Chair brûlée, le sacrifice pour Dieu…

Le noir qui s'évanouit par cette venue violente, teintée de colère. Or de mort, c'est si chaud…

Le… feu…

Des cris résonnent en moi, je ne les connais que trop bien. Apeurés, il se terrent dans la pièce encore intacte mais pour combien de temps? Tous recroquevillés contre le mur qui se noircit peu à peu, ils pleurent leurs dernières larmes. Maman, tu as si peur… Papa, tu tentes de la réconforter pour le grand voyage et tu sais bien que tes yeux ne peuvent plus captiver les siens. Vous vous cachez, vous ne voulez pas voir. Et moi, je suis un fourbe, qui, prisonnier des flammes, vous contemple. Les larmes dorées et brûlantes me lèchent le corps mais je ne ressens rien. Je ne veux plus rien ressentir.

Petit frère…

Ton visage enfoui dans tes poings ne veut pas croiser mon regard. Mon regard de lâche. Mais, tes épaules tremblotant de sanglots terrifiés, tu daignes une seconde me regarder. Moi.

Tu m'accuses. Tu me désignes coupable de cette ignominie. Mais ce n'est pas moi.

Je ne t'ai pas tué. Je n'ai pas tué papa et maman. Comment aurais-je pu? Je vous aimais, j'aurais donné ma vie pour vous sauver.

Non, je mens. Je ne fais que mentir. Non, je n'aurai pu donné ma vie pour eux. Je voulais vivre et c'était lâche. Mais vivre pour quoi? Et lorsque tout est parti en cendres, j'ai voulu mourir. Au fond, qu'est-ce que je voulais? Je ne sais pas, je ne sais plus. Cette chaleur maléfique, j'ai mal… tellement mal…

Petit frère… Ne me laisse pas! Même si je suis un meurtrier, si c'est ce que tu crois, même si ce n'est pas vrai, ne me laisse pas…

Le brouillard et la fumée, qui emportent ceux qui partagent mon sang. Ce n'est pas ma faute, pardon… Le feu si chaud. Je n'ai plus froid. Juste cette affreuse douleur au poignet, cette brûlure qui me parcoure tout le corps.

Ne pars pas, je te demande pardon. Pardon, mille fois pardon, je ne veux pas que tu partes!

Petit frère! Petit frère!

PETIT FRERE!

"Riff! Riff, réveille-toi!"

« Pas ça, pas ça… Plus ce feu me brûlant le corps… Je ne veux plus ça, plus jamais… »

"Riff!"

L'homme aux cheveux si blonds qu'ils en étaient argentés ouvrit brusquement ses yeux, qui n'avaient plus une seule étincelle de raison. Seule une peur sourde les animait, une indéfinissable terreur qui transperçait ses prunelles bleues. Le corps couvert de sueurs froides et de tremblements, ses mains s'étaient serrés à lui en briser les os les bras d'un jeune homme d'environ dix-sept ans, ses yeux verts pailletés d'or le fixant avec une inquiétude totale. Il était penché tout contre lui, n'ayant pas quitté son regard une seule fois.

"Riff… Ca va?"

"Ca… Cain…"

Le jeune homme sursauta violemment. Depuis qu'ils se connaissaient, jamais le majordome ne l'avait appelé seulement par son prénom. Toujours précédait « Lord » mais là, l'homme qui connaissait tout de lui était complètement bouleversé. On aurait dit qu'il venait de traverser les rives de la mort, aussi faible qu'un petit enfant. Se reprenant malgré sa grande surprise, Cain se releva un peu, permettant à son majordome de se redresser du lit de fortune qu'il avait préparé.

"Riff, tu te sens mieux? Après la mort d'Amandine, tu t'es évanoui brutalement. Tu semblais… complètement paniqué. J'ai appelé Richard ainsi que quelques domestiques. Ils t'ont transporté jusqu'ici."

Le visage encore couvert de sueurs et de tremblements de Riff tressaillit. Il passa nerveusement une main dans ses cheveux légèrement en bataille, un comble pour un homme qui faisait attention plus que tout à son apparence en présence de son maître. Il semblait tellement fatigué. Comme s'il portait un poids gigantesque sur les épaules.

"J'ai… J'ai dit quelque chose?"

Cain eut un soupir bref.

"Non, tu gémissais. Tu n'as rien dit pendant ton inconscience. Je suis resté près de toi pendant tout ce temps, et donc je n'ai entendu aucune parole sortir de ta bouche."

Le majordome essaya d'esquisser un sourire pour tenter de réconforter son maître. Mais ses lèvres lui faisaient mal, comme s'il venait de hurler. Il réfréna ce geste avant de faire le mouvement de se lever. Mais son maître, s'étant rapproché de lui, posa ses mains pâles sur son torse, l'obligeant à se rallonger dans les draps rêches. Ses yeux de pierreries maudites étaient encore pleins d'angoisse mais il y avait aussi une lueur de fermeté.

"Repose-toi, Riff. Tu es encore fatigué, je ne veux pas que tu t'épuises à essayer d'utiliser ta force stupide pour le moment."

"Mais, My Lord…"

"C'est un ordre, Riff", rétorqua Cain, poussant un peu plus fort son majordome dans le lit.

"Je…"

N'ayant ni la volonté ni la force de lever, Riff abandonna la partie. Cain le regarda quelques secondes avant de se détourner et refermer la porte qui grinça sur ses gonds. De nouveau seul, Riff eut un bref soupir. Son corps était encore en feu.

« Petit frère… »

Lentement, il porta sa main au front, essuyant quelques gouttes de sueurs encore présentes. Sa vue était encore un peu trouble, heureusement qu'il n'avait pas de lumière dans cette petite pièce où sentait une légère odeur de moisi. Il se sentait vraiment mal. Une douleur sourde battait en lui, un poison lent et maléfique. Ses yeux bleus se portèrent à sa main qui lui barrait le front. Il la retourna et enleva les boutons de manchette avant de retrousser sa chemise blanche. Ces marques… De son autre main, il caressa les lignes qui avaient failli le rendre à la mort, se rappelant de la force avec laquelle il avait utilisé le couteau contre sa peau. Le sang qui coulait le long de son bras, son regard porté vers une fenêtre à jamais close… Cette odeur de chair brûlée ne le quittait pas depuis que l'image de cette fille, se consumant dans les flammes de l'Enfer, s'était imprégnée dans son esprit. Il avait réagi trop tard. Si seulement il avait pu comprendre plus tôt, alors Amandine aurait survécu. Mais encore une fois, il était resté impuissant. Il n'avait pas réussi à sauver quelqu'un. Une fois de plus. Pourquoi toutes ces personnes mourraient de cette façon, emportées par le diable brûlant?

Sa vue se brouilla davantage. Il avait mal aux yeux. Un voile étrange troublait son regard bleu. Lentement, une à une, des perles glissèrent sur ses joues pâles et brûlantes, semblables à une pluie qui n'était jamais venue noyer toute cette tristesse de feu. Le bras qu'il tendait au-dessus de lui semblait l'accuser. Comme tous les autres, il était le coupable de ce crime. Les traces sur ses veines le narguaient ouvertement. Il était si facile de « retomber », prendre un autre couteau, refaire ce même chemin sur sa peau et laisser le sang dessiner une esquisse maudite sur le sol. Sans bruit, il ramena le drap au-dessus de sa tête, et se recroquevilla en boule, tentant de fuir ces voix qui le tourmentaient. Son corps était en feu. Et ses larmes douloureuses, bien que glacées, ne purent en aucun cas l'alléger de cette peine.

« Petit frère… Pardon, mille fois pardon… »


"Cain? Comment se sent-il?"

"Hum…"

Le jeune homme ne voulait pas répondre. Son mensonge lui tenaillait bien assez le cœur pour qu'il puisse aussi répondre à son hôte qui, plus qu'inquiet et décontenancé par l'affaire, s'était précipité vers le comte dès que ce dernier était sorti de la chambre d'infortune. Ils étaient toujours dans la maison d'Amandine Coleridge, morte brûlée vive sous les yeux de Cain et de Riff venus l'interroger. Désormais, une foule se tenait autour de la modeste bâtisse, ne quittant plus des yeux les autorités fouillant la maison, certains prenant des notes sur le corps calciné reposant dans la cuisine, encore à la même place, d'autres interrogeant des proches. Il régnait maintenant un véritable brouhaha dans cette demeure aussi Cain et Richard essayèrent tant bien que mal d'éviter tous les policiers jusqu'à ce qu'ils arrivent au petit salon.

"Lord Hargreaves? Lord Forrest?"

Les deux nobles se retournèrent vers l'homme qui leur avait adressé la parole. Il devait avoir environ quarante ans mais faisait bien plus, son visage ravagé par les méfaits de l'alcool et du tabac. Sa moustache grise et effilée se tordit en même que sa bouche lorsqu'il essaya de sourire poliment en montrant sa carte.

"Inspecteur Cowll, de la police de Cornouailles. J'aimerais vous poser quelques questions au sujet de Mlle Amandine Coleridge."

"Bien sûr," fit Richard en essayant d'être aimable bien que Cain voyait ses poings se serrer discrètement. "Je serais en mesure de vous répondre. A condition que cela se fasse dans un endroit un peu plus calme."

Cowll interrogea Cain du regard. Ce dernier esquissa un de ses sourires marginaux qui avaient la douce utilité de rendre les policiers irritables en sa présence et ainsi les faire partir plus vite. L'inspecteur était un bon « cobaye » car ses yeux se plissèrent devant tant d'insolence et ce fut presque avec violence qu'il sortit de la pièce, ordonnant à un de ses hommes de continuer à fouiller la maison en quête d'indices. Le comte, ravi de ce petit effet, réfréna un rire moqueur sous le regard outré de Richard.

"A quoi tu joues, Cain?" Souffla-t-il rageusement.

"A rien. Je n'ai pas aimé la manière dont il me regardait. C'est tout."

"Je crois qu'il doit penser la même chose pour toi."

Cette fois, Cain laissa échapper son rire.

"Tu n'as peut-être pas tort."

Mais sa jubilation de faire craquer un policier le quitta presque aussitôt, comme un éclair de chaleur.

Le mensonge qu'il avait fait à Riff le prenait aux entrailles, bloquait sa respiration. Il n'arrivait pas à avouer car ce regard paniqué avait compté plus que tout. Il se souvenait encore de son visage blanc et pâle, couvert de sueurs froides, son corps pris de tremblements incontrôlables. Il n'avait pas compris, l'inquiétude le rongeait jusqu'au plus profond de son être lorsqu'il s'était rapproché de l'une des personnes les plus chères à ses yeux. Combien de temps avait-il fixé ses yeux sur ses paupières closes, où se mouvaient des regards intérieurs et terrorisés? Une éternité pour lui, un temps infiniment douloureux. Il avait passé ses bras tout contre lui, n'avait cessé de le regarder en lui promettant intérieurement de ne pas le quitter, malgré toute la souffrance qu'il emmagasinait en lui. Et alors, ce cri, voire même cet hurlement, comme un abcès que l'on crève avec un fer chauffé à blanc, avait jailli de sa bouche qui n'avait cessé de se tordre de douleur. L'homme de onze ans de plus que lui avait réclamé son petit frère, lui avait demandé pardon à n'en plus finir, et criait son nom, encore et encore, jusqu'à que sa voix retrouvée, le comte l'appelle à quitter son cauchemar. Deux yeux complètement bouleversés s'étaient ouverts, deux bras l'avaient serré si fort qu'il avait dû retenir une grimace, et un mot: « Cain ».

Jamais Riff ne s'était montré aussi faible devant Cain. A chaque fois, sa tristesse s'était ensevelie sous un sourire protecteur pour ainsi mettre du baume dans le cœur de son maître. Et ce regard, plein d'incompréhension et de terreur, avait largement suffi au jeune homme pour ne pas avouer tout ce qu'il avait vu et entendu. Car il savait que Riff n'aurait pas supporté une seule seconde d'avoir voulu se tenir à quelqu'un même si cette personne était son maître.

« Riff… »

La faim qui s'était animée en Cain avait laissé placé à une véritable famine, mêlée à de la colère sourde et venimeuse. En tuant Amandine de cette façon, le meurtrier avait réveillé en Riff de douloureux souvenirs. Et ça, le jeune homme ne pouvait le supporter. Plus encore qu'une simple enquête sordide, c'était devenu une vengeance.

« Jamais je ne laisserai les personnes que j'aime souffrir! Même si pour cela je dois courir à ma propre perte! »


Il existait deux types de policiers que Cain ne pouvait absolument pas sentir: l'un venait des classes sociales inférieures et, en menant son petit interrogatoire tout à faire ridicule, ne cessait de faire quelques remarques acerbes sur la demeure de l'aristocrate, ou même l'insultait par le biais de métaphores et autres tournures de phrases à peine voilées; le deuxième venait lui d'une famille bien placée, voire très haute placée dans l'aristocratie et ainsi vantait sa famille qui l'avait pistonné dans la police, que leur demeure était vraiment somptueuse ( et par conséquent, celle de l'aristocrate n'était rien comparée à ce palais de rêves ) etc…

Mais pour la première fois de sa vie, Cain nota un léger changement tout à fait délicieux: Mr Cowll ne faisait aucunement partie des deux catégories. Il était un cas à part pour le grand plaisir de Cain à le faire enrager et ainsi abandonner l'enquête.

L'inspecteur les avait emmenés, lui et Richard, au commissariat de WithestBridge, dans son bureau, la seule pièce où un calme parfait régnait. La raison de ce silence: les officiers s'étaient tous agglutinés contre la porte et ne disaient plus un mot, de sorte à entendre tout l'interrogatoire. « Les murs ont des oreilles » allait parfaitement à la situation.

Richard, assis très droit sur sa chaise, émit un petit raclement de gorge nerveux. Il n'avait pas l'habitude d'être ici et ça le gênait au plus haut point.

Cowll s'assit pesamment dans son fauteuil qui grinça sous le poids dans un bruit tout à fait pittoresque. Cain fit semblant de tousser pour dissimuler son ricanement. Il n'arrivait pas à garder son sérieux en présence d'inspecteurs et autre autorité.

"Je vous ai amené ici pour vous poser quelques questions sur Amandine Coleridge, jeune fille que nous avons retrouvée morte brûlée vivre dans sa propre maison. Il paraît que vous étiez sur les lieux au moment de la mort, Lord Hargreaves. Est-ce vrai?"

"Tout à fait j'étais venu lui poser quelques questions concernant son amie Bridget, retrouvée pendue. Vous savez, cette affaire que vous avez à élucider".

Le ton impertinent était bien assez fort pour que même les policiers réunis derrière la porte l'entendent. Richard lança un regard noir à Cain, en même temps que Cowll qui réfréna sa colère en rangeant correctement une pile de dossiers sur son bureau.

"Lord Forrest", fit Cowll pour éviter le regard moqueur du jeune comte. "Il se trouve que Mlle Coleridge faisait partie de votre personnel. Et quelle était sa fonction?"

"Elle ne faisait pas partie du manoir", répondit Richard d'une petite voix étranglée. "Elle était comme un certain nombre chargée du bétail et des champs. Mon domaine est vaste, il me faut donc l'entretenir."

"Je vois. Et ainsi, elle était une amie proche de Bridget."

Cain, agacé d'entendre répéter tout ce qu'il avait découvert; croisa les jambes, sa main posée sur sa canne en ébène.

"Mr Cowll, si vous n'êtes même pas en mesure d'avoir eu ce genre de réponses pendant l'enquête concernant Mlle Garren, je me demande vraiment ce que vous avez cherché durant tout ce temps. Tout le monde savait que Bridget était la meilleure amie d'Amandine, de plus, rien ne nous concerne encore dans cette affaire. Cet interrogatoire ne mène à rien, cessez donc de tourner autour de l'évidence."

Le visage de Cowll se crispa sous la fureur. Il serra les poings si fort que ses phalanges blanchirent. Mais le regard doré de Cain le fit fléchir plus vite qu'il avait imaginé. Ce gamin le mettait dans un tel état. Insolent, tombant là où il fallait. Un vrai petit diable.

"Avez-vous trouvé la raison pour laquelle le corps d'Amandine s'est fait dévoré par les flammes?"

Le ton de nouveau très sérieux de Cain déstabilisa l'inspecteur qui se racla la gorge. Décidément, ce geste devenait courant chez les deux personnes près du comte.

"Aucune. Le corps a été englouti par les flammes. Une erreur de la gazinière sans doute."

"Alors pourquoi si c'est un accident, comme vous le laissez supposer, êtes-vous en train de nous interroger?" Demanda Richard d'une voix métallique.

"Je n'ai pas dit ça," rétorqua Cowll, piqué au vif. "Ce genre de gazinière est très répandu sûrement parce qu'elle ne coûte pas cher. Mais en contre-partie, des dérèglements peuvent être courants. Il n'est pas difficile de trafiquer quelques mécanismes pour que la gazinière puisse produire une large flamme qui aurait brûlé le corps."

De nouveau, Cain se retint de ne pas rire aux éclats. Il y avait cru. Il avait vraiment cru que l'inspecteur avait découvert le stratagème. Mais non, alors que c'était pourtant si simple. Il lança un petit regard rassurant à Richard qui malgré la colère était très pâle.

"Ainsi, vous dites que la mort a été provoqué par un dérèglement de la flamme dans la gazinière? "Fit Cain pour bien s'assurer de la bêtise que venait de dire Cowll.

"Tout à fait."

"Et donc, je ne suis pas responsable? Cet interrogatoire ne mène absolument à rien."

Le regard de Cain se fit plus froid que la glace.

"Seriez-vous en train de minimiser les faits car notre rang l'oblige? Je commence à en avoir plus qu'assez de ces phrases sans queue ni tête."

Le comte se releva brutalement, lançant un coup d'œil moqueur à la porte fermée à clé.

"De plus, je tiens à ajouter que vos collègues ne sont pas des plus polis à écouter la conversation d'autrui. N'ont-ils rien de mieux à faire?"

"Attendez, Lord Hargreaves! Vous savez que vous vous mettez dans votre tort en quittant cette pièce!"

"Ah oui? Je suis dans mon tort depuis ma naissance, ce n'est pas maintenant que je serai dans mon droit. Si cela vous amuse de rédiger de stupides rapports qui n'ont pas un seul indice sur deux meurtres qui viennent de se produire, alors allez-y, je ne suis pas là pour vous y empêcher".

Richard lança un drôle de regard à Cowll avant de se lever à son tour.

"J'ai assez perdu mon temps", dit-il d'une voix sèche en reprenant son pardessus." Mr Cowll, je vous salue."

"Lord Forrest! "S'offusqua l'inspecteur.

Mais les deux hommes étaient bien trop furieux. Avant même que Cowll puisse les en empêcher, il sortirent bruyamment du bureau, bousculant au passage un policier plus curieux que les autres, ayant voulu assisté à la scène jusqu'au bout. Leur départ laissa un silence lourd dans le commissariat.

"A ceux-là", siffla Cowll, s'asseyant pesamment dans son fauteuil.

DRIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIING!

D'un geste machinal et rageur, il décrocha le combiné du téléphone qui lui martelait une horrible sonnerie.

"Allô? Ah? Oh c'est vous…"

L'inspecteur se redressa à l'entente de cette voix. Une voix qui le faisait frémir. Son visage retrouva toute l'impassibilité qu'il avait il y a quelques temps.

"Oui, c'est bon", répondit-il à mi-voix. "Non, ils sont partis comme il fallait. Exactement comme vous l'aviez prévu. Oh, vous aviez raison. Le pousser à bout de patience à l'aide d'arguments inutiles était une excellente idée. Comment?"

Ses yeux se plissèrent dans un sourire qui ne se dessina pas sur ses lèvres.

"Entendu. Je vous laisse agir. Comme toujours. Car je sais… que vous n'aimez pas que quelqu'un l'approche sans votre autorisation."


"Riff, tu te sens mieux à présent?"

"Miss Mary, cessez donc ce petit jeu!"

"Erreur, Riff, ce n'est pas un jeu! Je ne fais que soigner tes blessures".

"Mais je ne suis pas blessé, aussi voulez-bien retirer ce pansement de ma tête?"

"Pff, tu n'es jamais content, Riff."

La jolie petite fille blonde pesta ouvertement, en retirant dans un soupir les bandelettes blanches qui entouraient le crâne de son majordome. Lorsque Riff était rentré au manoir des Forrest dans le but d'attendre son maître parti se faire interroger avec Richard, Maryweather s'était précipitée vers lui, alarmée de son visage si pâle et l'air si fatigué. Et depuis son retour, Riff n'avait cessé d'être dorloté par la sœur de son maître, qui ne l'avait pas quitté un seul instant en s'efforçant de le faire sourire, comme elle savait si bien faire avec son frère. Elle avait même tenté de panser les « blessures » de Riff en prétextant d'exercer sa médecine. Mais le majordome n'était pas dupe: la petite fille essayait à sa manière de lui faire comprendre que ce qu'il avait vécu méritait d'être soigner avec de l'affection, du réconfort et de la tendresse, beaucoup de tendresse que Mary pouvait donner. Cette petite attention toucha profondément Riff qui se promit de veiller sur elle plus que sur sa propre vie.

"Miss Mary, votre œil va-t-il mieux?" Demanda Riff en retirant la dernière bande de son crâne.

"Oui, mieux. Mais je me sens bizarre depuis ce matin. J'ai l'impression de ne pas m'être réveillée complètement. C'est vraiment étrange comme sensation."

"Puis-je vous examiner?"

La fillette retira son cache-œil sans se faire prier, désignant la source de sa douleur. Riff la rapprocha de la lumière afin de mieux voir.

« Mais qu'est-ce…? »

Abasourdi, il fixa l'œil bleu de sa jeune maîtresse. La pupille était dilatée, fixe et ne semblait plus bouger. L'iris était anormalement déformé, comme si…

« Non, c'est pas possible! »

Riff, tu vois quelque chose? Demanda Mary d'une petite voix, ayant remarqué le blêmissement soudain de son majordome.

Riff ne pouvait plus quitter son regard de l'œil malade. Il comprenait à présent. Oui, tout était clair. Sans prévenir, il se dégagea de Mary avant d'aller attraper le combiné du téléphone et de composer un numéro. Mary, interloquée, le regarda faire, l'un de ses yeux plus vague d'un brouillard.

"Allô, oui, je suis bien Riffel Raffit", commença Riff d'une voix précipitée.

« Miss Mary, vous avez de la chance. Oui, beaucoup de chance. »

"Docteur? Oui, c'est bien Riffel. Écoutez, c'était à propos du corps de Bridget Garren que vous avez examiné hier. Oui, c'est cela. N'avez-vous pas trouvé un élément bizarre sur elle? Qui s'apparente à la toxine qui l'a empoisonnée. Si?…"

Au fur et à mesure des explications, l'esprit de Riff se faisait de plus en plus clair.

« Ainsi c'était pour ça… »

Riff raccrocha le téléphone d'un geste brusque. Le temps pressait. Il fallait qu'il retrouve Lord Cain au plus vite.

"Miss Mary, je vous laisse de nouveau toute seule".

"Mais enfin Riff!" S'offusqua la fillette. "Explique-moi!"

Riff prit du même mouvement sa veste et l'échantillon de toxine qu'il avait gardé dans son bureau. Il fit un petit sourire à la sœur de son maître avant de repartir.

"Vous avez eu une sacrée chance, Miss Mary…"

"Riff! Mais qu'est-ce que ça veut dire?"

Mais il n'y eut plus que le silence. La porte claquant dans l'entrée en bas résonna dans la tête de la fillette, lui démontrant que le majordome avait déjà pris la fuite. Furieuse d'être laissée pour compte, elle laissa échapper un grand cri de frustration concernant un certain homme aux cheveux argentés et un jeune homme aux yeux verts pailletés d'or.

"Je les déteste ces deux-là"! Pesta-t-elle, ses yeux fulminant de rage. "Me laisser ici, c'est pire que la mort! Ils méritent un terrible châtiment!"

A cette phrase, sa rage disparut aussitôt. Puis, petit à petit, un sourire victorieux se dessina sur son visage, presque… diabolique.

"Et ce n'est pas en restant ici que je vais leur donner leur châtiment. Je ne vais quand même pas les attendre les bras croisés, non, ce ne serait pas drôle. Au fond, je suis Mary au regard de Mort, je ne crains personne, non personne!"

Son sourire s'élargit.

« Grand Frère… Tu vas voir ce qui t'attends… »


Le soleil couchant, aux éclats de sang… La brise glaciale du vent, pour laisser bientôt place au ciel de ténèbres qu'est la nuit… Cain se sentit parcourir d'un petit frisson. Il remonta le col de sa veste noire, se laissant envoûter par ses pensées multiples. Et surtout une: comment allait Riff? Est-ce que son évanouissement et son cauchemar allaient disparaître?

"Cain, on arrive bientôt…"

"Hum…"

Après leur départ en trombe du commissariat, les deux hommes étaient revenus au manoir en voiture, jusqu'à ce que Cain ordonne au cocher de s'arrêter aux frontières du domaine de Richard. Il avait besoin de savoir quelque chose. Et les deux aristocrates se retrouvèrent dehors, allant à pied jusqu'à la demeure, à la nuit tombée. Cain était retourné sur les lieux où Bridget avait été retrouvé mais n'avait rien trouvé d'intéressant. C'était justement ce qu'il avait espéré.

« Je comprends tout à fait maintenant mais… »

"Cain, ça te dirait d'aller à la serre, je compte faire un bouquet à ta sœur et j'aimerais que tu me dises ce que tu en penses."

"Hum…"

La fatigue s'emparait de lui. Les étoiles dans le ciel lui semblaient des âmes perdues.

« Les âmes qui gémissent vers le ciel… »

Dans l'obscurité, cette maison de verre accueillait les rayons de la nuit. Une odeur de fleur fraîche flottait dans l'air tandis que les arbustes s'épanouissant dans tous les coins donnait à cet endroit un goût fantasmagorique, des ombres végétales s'ouvrant aux ténèbres. Cain promena un regard rêveur sur les fleurs qui s'épanouissaient. Richard referma la porte de la serre, sans un bruit.

Clic!

Cain sursauta. Ce déclic provenait de la serrure. Furieux de s'être laissé prendre, il fit volte-face vers Richard qui esquissa un sourire pleinement satisfait. Ses prunelles noisette dans la pénombre et l'éclat de la lune qui se dévoilait peu à peu avaient une étrange lueur. Cette même lueur que Cain avait vu par deux fois.

"Richard… Qu'est-ce que ça veut dire…?"

"Tu es d'une grande beauté, Cain. Le savais-tu?"

Tétanisé par de telles paroles, Cain ne quittait pas son hôte des yeux qui, pas après pas, s'approchait de lui tel un félin attendant le bon moment pour se jeter sur sa proie. Richard tendit une main pâle vers son visage, effleurant ses joues d'une blancheur magnifique, une statue d'albâtre sous les étoiles. L'odeur de la sève et du pollen montait à la tête.

"Pourquoi ne m'as-tu pas « répondu »? Pourquoi… m'évites-tu?"

"Je ne t'évites pas, Richard," souffla Cain, sentant une angoisse pointer le bout de son nez.

"Menteur…", chuchota Richard." Menteur…"

Il était si près de lui maintenant que leurs visages s'effleuraient. Une main de Richard prit Cain par la nuque afin d'incliner ses lèvres sur les siennes. Stupéfait par un tel comportement, Cain tenta de se débattre lorsque…

Clic!

Un contact froid se posa contre sa poitrine où battait son cœur de manière affolée. Pas besoin d'être très intelligent pour comprendre qu'une jolie arme à feu faite sur mesure venait d'être enfoncée contre sa peau, attendant que la gâchette ne se presse. La voix de Richard résonna dans son oreille, douce de menace.

"Tu es à moi, Cain. Que tu le veuilles ou non. Je crois que nous devons parler toi et moi."

La lune… qui se dévoilait devant lui… Rouge de sang, elle n'allait pas tarder à être la spectatrice du dénouement tragique d'une pièce qui était donnée en son nom.


Je fuyais… Je ne cessais de fuir… Parce que c'était la seule possibilité qui me restait, je fuyais… Père, j'ai essayé, j'ai vraiment essayé de vous suivre… Mais finalement… Je suis tombé aux mains du Diable, vous qui aspiriez me voir près de Dieu. Fuir… Toujours fuir…

Ce dédale dont lequel je suis prisonnier sera mon tombeau, car la fuite a été ma perte…

A suivre…