CHAPITRE 3 : ON INSTAURE LES REGLES

"Alors là ! se dit Drago. Je... Cette fille est dingue !"

Le Serpentard était resté planté à côté du lac pendant cinq bonnes minutes avant de réaliser ce qui lui était arrivé.

" Drago, mon grand, tu viens te faire maîtriser comme un débutant, s'exclama une voix dans sa tête. Cette fille te ressemble encore plus que ce que tu pensais !"

Il se secoua un peu et décida de retourner dans la salle commune. Tandis qu'il parcourait le château, il lui vint à l'esprit qu'elle chercherait peut-être à l'éviter. C'est ce qu'il aurait fait à sa place : ne pas laisser croire à sa proie qu'elle pouvait se payer le luxe de sa présence simplement parce qu'il avait subitement décidé de s'intéresser un peu à elle. Arrivé devant l'entrée de la salle commune, il hésita. Si Ithil n'y était pas, il était quand même sûr d'y trouver Pansy "la lourde" Parkinson. Il eut une légère grimace puis entra. Il s'était encore trompé. Pansy n'était pas là, en revanche Ithil se trouvait dans son coin habituel plongée dans un livre. Drago remarqua avec amusement que ses compagnons de Serpentard laissaient toujours une distance respectable en eux et Ithil. Et lorsqu'ils étaient obligés de s'approcher d'elle, les garçons parlaient à voix basse pour ne pas la déranger et lui jetaient sans cesse des regards envieux mais résignés, tandis que les filles évitaient obstinément de la regarder. Cette fille avait une présence, une sorte d'aura qui poussait au respect et à l'admiration. Sans compter qu'elle avait un physique à tomber, ce qui suffisait à la plupart des garçons.

Drago s'installa dans son fauteuil, profitant du répit que lui laissait l'absence de Pansy. Il essayait au maximum de ne pas regarder dans la direction d'Ithil. Il ne voulait pas laisser croire aux autres qu'elle l'intéressait. Non pas qu'ils se seraient moqués de lui, sûrement pas, au contraire. Mais il doutait pour la première fois de sa capacité à atteindre son objectif. Et si la chasse durait trop longtemps, sa réputation en prendrait un coup et il perdrait toute sa crédibilité. Encore que, vu la fille en question il se laissait un mois, ce qui était considérable pour lui. Blaise entra dans la salle commune, coupant Drago dans ses réflexions et vint s'asseoir à côté de lui.

- A quoi tu réfléchis encore ? demanda le garçon. Une nouvelle fille ?

- Exactement, répondit-il suffisamment bas pour que seul Blaise l'entende.

Etonné de ce changement de ton, Blaise regarda autour de lui.

- Ah, marmonna-t-il quand il aperçut Ithil. Elle.

Drago remarque que son regard s'attardait sur la jeune fille plus qu'il n'était nécessaire même si Blaise avait farouchement nié les accusations selon lesquelles il était amoureux d'elle.

- Aucune chance, dit-il à Drago. Cette fille ne pense pas normalement et elle rejette en bloc tout ce qui l'approche à moins de 50 mètres.

- Que tu crois, répondit le beau blond avec assurance.

Blaise le regarda avec insistance, attendant plus d'explications. Comme Drago n'ajouta rien, il secoua la tête avec un sourire. Quand Drago était décidé, il ne servait à rien de tenter de le faire changer d'avis.

- Combien de temps tu te donnes ?

- Un mois.

- Un mois ?!

Drago guettait la réaction de son ami. Un mois...Etait-ce trop ? Il voulait voir ce qu'en pensait Blaise.

- T'es optimiste mon vieux ! s'exclama celui-ci. Je t'assure, elle est vraiment bizarre ! Elle ne t'a jamais regardé alors que...que tu es toi !

- Justement, elle m'a déjà regardé et elle sait parfaitement qui je suis. Et elle n'est pas "bizarre", même s'il est évident qu'elle ne pense pas comme toi, ajouta-t-il avec un sourire ironique.

Blaise lui lança un regard noir.

- Je vois que je ne suis pas au courant de tout...Mais fais gaffe.

Drago eut un regard interrogateur. Blaise poursuivit.

- Je te connais bien Drago, mais elle...Elle serait capable de t'avoir, j'en suis sûr. Et ne me regarde pas comme ça ! C'est ce qui court dans toute l'école : cette fille te ressemble tellement que tout le monde pense qu'un jour elle te fera tomber. En fait, ça m'a surpris que tu n'essayes pas de la séduire plus tôt et je m'étais dit que tu pensais la même chose, à savoir que cette fille pouvait marquer la fin de ta carrière de Don Juan de Poudlard. Pourquoi tu crois que la plupart des filles la détestent ? Parce qu'elles savent qu'elle a une chance avec toi, alors qu'elles ne te serviront au mieux que de distraction le temps d'une nuit.

Blaise soupira. Il n'était pas inquiet pour Drago, seulement si celui-ci perdait son rang de tombeur de l'école, il serait beaucoup moins avantageux de traîner avec lui. Il était son ami, évidemment, mais quand on traînait avec Drago Malefoy on avait de bonnes chances de récupérer les filles qu'il avait jetées et qui avaient donc besoin d'êtres "consolées". Ce qui facilitait grandement les choses pour Blaise. Sans compter qu'il accepterait mal que Drago se case avec une fille qui l'avait humilié...

- Enfin, fait comme tu veux. Mais cette fille… C'est Ithil.

Il laissa Drago se plonger dans ses pensées et se rendit dans le dortoir. Il croisa Pansy qui en descendait.

- Salut Pansy, dit-il.

"Oh non pas elle !" pensa Drago en entendant Blaise.

- Dray chéri !! cria-t-elle en se jetant sur lui pour tenter de l'embrasser.

- Putain Pansy tu vas me foutre la paix ?!

La jeune fille stoppa net ses tentatives et regarda Drago d'un air embué.

- Mais pourquoi est-ce que t'es méchant comme ça avec moi ? s'exclama-t-elle en commençant à sangloter pitoyablement. J'ai fait quelque chose qui t'as déplu ?

Drago se massa les tempes d'un air accablé. Il fallait une réponse d'une semaine ou rien du tout.

- Pansy, dit-il en essayant de retrouver son sang-froid et son flegme habituels. Pansy ! répéta-t-il.

Elle ne l'écoutait pas, trop occupée à poursuivre ses jérémiades en faisant de grands gestes ridicules. Drago leva la tête et vit Ithil. Elle regardait la scène avec intérêt et Drago aurait juré qu'elle riait. Elle se foutait vraiment de lui ! Son humeur n'en fut pas améliorée le moins du monde et Pansy en fit les frais. Drago reprit son ton glacial et lui démontra par a b quel être minable elle était dans une tirade mémorable qui fit s'écrouler de rire ses camarades de Serpentard. Rire qui mourut instantanément lorsque Drago tourna son regard impitoyable vers eux. Il s'apprêtait à se lever pour quitter la salle commune quand il vit qu'Ithil le regardait toujours. Il se dirigea vers elle. Elle s'était appropriée le coin le plus reculé de la salle commune où se trouvaient seulement un fauteuil et une petite table ronde et que la lumière du feu de la cheminée éclairait juste assez pour lire. Ne trouvant rien pour s'asseoir, Drago s'appuya contre la table après avoir vérifié qu'aucun devoir à l'encre encore humide ne traînait dessus.

- Beau raisonnement, dit-elle avec un sourire énigmatique en observant Pansy d'un air distrait. Je doute qu'elle soit convaincue, mais c'était une belle tentative.

Elle lui lança un regard amusé et replongea dans son livre. Drago ne savait pas quoi lui dire. En fait, il se demandait même pourquoi il était venu la voir.

- Qu'est-ce que tu me veux ? dit-il brusquement.

Il haït son ton empressé et intéressé qui n'échapperait pas à Ithil. Il n'arrivait pas à rester impassible avec elle et ça l'énervait au plus haut point. La jeune fille leva lentement les yeux de son livre, le referma et le posa doucement sur la table en marquant soigneusement la page à laquelle elle s'était arrêtée. Drago ressentit une faible satisfaction : il avait réussi à attirer son attention. Elle garda les yeux dans le vague quelques secondes.

- Ce que je te veux ? Eh bien...Si tu le demandes avec tant d'intérêt c'est que je suis bien partie pour l'obtenir, répondit-elle avec un sourire retors.

Drago resta perplexe et lui adressa un regard interrogateur. Ithil pencha la tête pour voir s'il restait encore quelqu'un dans la salle. Tout le monde était descendu déjeuner de peur de s'attirer la colère de Drago.

Elle eut un sourire diabolique.

- Je veux la même chose que toutes ces idiotes qui font la queue derrière la porte de ta chambre sans jamais l'avoir, dit-elle en le regardant dans les yeux. Mais, ce qui devrait t'inquiéter, ce n'est pas ce que je veux, c'est pourquoi je le veux.

- Pourquoi ? s'exclama Drago.

Il eut un sourire insolent.

- Parce que je suis moi et que toutes les filles de cette école me veulent. Elles sont toutes folles de moi et c'est la même chose pour toi. A la différence près que tu refuses de le montrer pour pouvoir garder le contrôle.

- Je n'insulte pas ton intelligence Drago, n'insulte pas la mienne ! répondit Ithil d'un ton glacial. Je pourrais avoir tous les garçons de cette école et tu le sais. Et je t'assure que certains valent beaucoup plus que toi, que ça te plaise ou non, alors je n'ai aucune raison de perdre mon temps en jouant les courtisanes inaccessibles avec toi.

Elle s'interrompit quelques secondes et reprit.

- Les filles qui te courent après sont naïves et persuadées de t'aimer parce qu'elles pensent que ta froideur n'est qu'une façade qui cache de grandes souffrances et qu'au fond tu es un garçon a-d-o-r-a-b-l-e bla bla bla bla... fit Ithil avec dédain. Ne te trompe pas, je ne suis ni naïve, ni amoureuse.

Le jeune homme resta interdit. Il venait de comprendre. Cette fille voulait le séduire, elle voulait son coeur mais elle se fichait totalement de lui. Plutôt paradoxal. En fait, se dit Drago, elle faisait exactement la même chose que lui. Sauf qu'il n'aurait jamais dit à une des ses proies qu'il se foutait complètement d'elle et qu'il souhaitait seulement la faire tomber entre ses mains et piéger son coeur.

Elle quitta son fauteuil et alla se blottir contre lui. Il sentit la chaleur de son corps, son odeur délicate et il lui sembla que son rythme cardiaque avait légèrement augmenté.

- Disons seulement que je suis...curieuse, murmura-t-elle.

- Tu veux venger celle à qui j'ai fait du mal ? demanda Drago d'un ton incertain.

- Absolument pas. Je ne les connaissais pas et elles étaient assez grandes pour décider toute seule de la galère dans laquelle elles se mettaient. Je ne suis pas cruelle Drago, je n'ai pas l'intention de te faire souffrir.

Drago ricana et reprit son arrogance légendaire. Il était hors de question que cette fille lui tienne tête.

- Parce que tu penses vraiment que tu arriveras à me faire éprouver quelque chose pour toi ? demanda-t-il avec mépris.

Elle passa doucement sa main le long de sa nuque et lui caressa les cheveux. Elle approcha son visage de celui de Drago. Il ne fit aucun geste, gardant encore en mémoire l'incident près du lac. Mais cette fois elle l'embrassa et Drago ferma les yeux en posant ses mains sur la taille de la jeune fille, goûtant avec délice aux lèvres sucrées qui s'offraient à lui. Lorsqu'elle cessa son baiser, le Serpentard l'observa avec surprise. Elle approcha son visage de son oreille et chuchota :

- Jure-moi que ce n'est pas déjà le cas.

Ithil descendit manger sans un mot de plus ni un regard à Malefoy. Il entra dans la Grande Salle quelques minutes après elle, l'air un peu décontenancé, mais seule Ithil sembla le remarquer. Elle déjeuna rapidement et rejoignit Mary avec qui elle avait prévu de passer l'après-midi. Elles parlèrent de tout, comme d'habitude et Ithil perdit son caractère sombre comme chaque fois qu'elle était seule avec la Serdaigle. Leur discussion finit inévitablement par tourner autour de Drago Malefoy et Ithil raconta à son amie ce qui s'était passé dans la salle commune et près du lac le matin même.

- T'es encore plus bizarre que je ne le pensais, dit Mary après un moment de réflexion.

-Merci...répondit Ithil en se demandant comment elle devait le prendre. Pourquoi ?

- Tu as...trois personnalités en fait. Celle que tout le monde connaît : mystérieuse et fascinante (Ithil leva les yeux au ciel à cette vision flatteuse d'elle-même). Celle que tu as avec moi : relativement normale et presque enjouée mais dotée d'une forte dose d'ironie. (Ithil eut un sourire) Et la dernière : celle que tu as avec Malefoy : ton côté Serpentard.

- C'est à dire ?

- Rusée, irrésistible et prête à tout pour atteindre ton but.

- Pas prête à tout, dit Ithil d'un ton désapprobateur.

- Dans les limites du raisonnable, évidemment. Mais soyons honnêtes, tu ne t'embarrasses pas de sentiments et tu sais très bien dissiper ta culpabilité quand il t'arrive d'en avoir, répliqua Mary.

- Mais moi au moins je ne mens pas.

- Oui, je me demande bien ce qui t'as pris d'ailleurs de lui expliquer si clairement ton objectif. Tu te doutes bien qu'il ne va pas se laisser avoir comme ça maintenant.

- Justement, la victoire n'en sera que plus éclatante ! s'exclama la Serpentard avec enthousiasme.

- A condition que ce soit toi qui gagnes. Ca m'a étonnée qu'il n'essaie pas de t'avoir plus tôt mais là, avec une telle "déclaration" il va tout faire pour te séduire et te faire tomber dans ses draps. Et tu sais qu'il est très doué pour ça.

Mary avait vraiment l'air inquiète.

- Tu penses que je peux finir comme Chang ? demanda Ithil.

- Réfléchis un peu à ce que deviendrait sa réputation s'il arrivait à t'avoir et à te jeter ensuite. Coucher avec la fille que tout le monde veut mais que personne n'a eu et la larguer en lui disant "on reste amis" alors qu'elle est folle de lui en ferait le maître absolu de tous les mecs du château ! Et ça n'arrangerait pas son ego déjà bien trop développé à mon goût ! répondit Mary en essayant de détendre un peu l'atmosphère.

- Je n'ai pas l'intention de me laisser avoir, répliqua Ithil avec force.

- Encore heureux ! Mais fait attention, je crois que là tu l'as un peu trop chatouillé.

- Mouais...On verra bien. S'il essaie de me draguer je trouverai bien une faille quelque part. Il sera obligé de s'exposer un minimum parce qu'il sait que son air "c'est moi le boss" ne marche pas et que je ne croirai à aucun de ses mensonges de faux sensible pour gamines.

- Tu parles comme si c'était un combat.

- C'est exactement ça. La victoire équivalant à la possession totale de l'adversaire.

- Reste à savoir ce que deviendra l'adversaire une fois vaincu. Pouce vers le haut ou vers le bas ? dit Mary.

- Le haut, répondit Ithil avec conviction.

- Espérons que Malefoy aura autant de noblesse que toi, soupira la jeune fille.