CHAPITRE 6 : …ET DESESPOIR

« Ithil reprend-toi ! Tu as eu ce que tu voulais, non » se dit la jeune fille avec hésitation.

Elle s'était réfugiée dans une petite salle au septième étage après avoir erré dans les couloirs en trébuchant comme une aveugle, la tête pleine de doutes et de pensées qu'elle n'avait pas envie d'entendre.

A nouveau, la petite voix dans sa tête lui infligea son discours réprobateur.

« A moins que ce ne soit pas ce que tu voulais ? Tu aurais préféré pouvoir rester avec lui, n'est-ce pas ? Comme c'est surprenant…Tu as beau penser ce que tu veux, ma chérie, ce type là s'il les rend toutes folles ce n'est pas pour rien et tu t'es faite avoir en beauté. »

« Je ne me suis pas faite avoir ! C'est moi qui ai gagné ! J'ai réussi »

« Et lui aussi. Regarde-toi, tu l'aimes, tu en es complètement dingue »

« Mais il ne m'a pas jeté comme toutes les autres. Au contraire, il veut me garder, j'en suis sûre, je l'ai vu dans ses yeux. »

« Non, c'est vrai, il ne t'as pas jetée. C'était d'ailleurs inutile puisque c'est toi qui es partie toute seule comme une grande. Tu vois, il n'avait même pas besoin de te faire du mal, tu t'en fais déjà tellement… Tu savais que tu l'aimais avant même de commencer ce petit jeu. Qu'est-ce qui t'a pris au juste ? Je peux savoir »

« Je…Je n'en sais rien…Je voulais... Je ne sais pas. »

La voix resta silencieuse un moment et son ton était un peu plus doux quand elle reprit.

« Et maintenant, tu comptes faire quoi ? Parce que si on fait le bilan de la situation, ce n'est pas génial. Vous êtes tous les deux amoureux l'un de l'autre (comme c'est mignon, ajouta-t-elle d'un ton ironique). Mais, et c'est là que ça se complique, tu lui as dit que tu te fichais éperdument de lui et que tu voulais l'avoir uniquement par curiosité. Sachant qui il est, il va chercher à se venger de toi, même si ça doit lui coûter autant que toi lorsque tu l'as laissé tout à l'heure. Moralité, vous allez vous faire souffrir tous les deux, tout ça à cause de ton idée stupide et de votre fierté à la con qui vous empêche de faire demi-tour maintenant. »

« Met moi tout sur le dos, je te dirai rien »

« Tu te fous de moi ! Qui a eu l'idée brillante de draguer le seul mec susceptible de te faire craquer en se disant « aucune chance, je suis trop forte » »

« Je te signale qu'il avait eu la même idée »

« Oui et alors ? Si vous êtes bêtes tous les deux je n'y peux rien ! Je suis ta conscience, c'est ton attitude que je dois juger »

« Tu pourrais t'en passer ! Jusqu'à présent on ne peut pas dire que tu te sois souvent manifestée »

« Mais jusqu'à présent tu ne faisais de mal à personne, tu étais simplement extraordinairement franche… Et puis c'était assez amusant de te voir balayer tous ces mecs d'une simple phrase. »

Ithil eut un vague sourire.

« Ca ne leur faisait pas de mal » pensa-t-elle d'un ton sarcastique.

« Tu parlesça leur remettait seulement les idées en place, et pour la plupart ils en avaient sacrément besoin. Tu le sais aussi bien que moi alors ne fais pas semblant d'être bête, s'il te plaît. »

« Mais là… »

« Là, il y a des sentiments. Et tu viens de repousser la seule personne qui t'ait jamais comprise et avec qui tu aurais pu vivre quelque chose. »

« Alors qu'est-ce je fais »

« Tu ravales ta putain de fierté (excuse moi du terme, mais c'est vrai) et tu vas le voir en espérant qu'il est dans le même cas que toi et qu'il aura pris suffisamment de plomb dans la cervelle pour ne pas te démolir sur place. »

« Réjouissante perspective.»

« Réaliste. »

Ithil soupira. Elle avait dit qu'elle ne voulait pas le faire souffrir, mais que si jamais ça devait se jouer entre eux deux elle n'en ferait pas les frais. Mais c'était déjà trop tard…

- Je ne peux pas, dit-elle. Je ne ferai rien. Si Drago vient me voir ou qu'il essaie me parler on verra, mais moi je ne ferai rien. Inutile d'en rajouter…

Elle sortit de la salle et voulut descendre déjeuner. Il était déjà deux heures de l'après-midi. Elle n'avait pas vu le temps passer. Comme elle n'avait pas très faim de toutes façons, elle décida d'aller faire un tour dans le parc pour se changer les idées.

Il y avait presque cru…Pendant une fraction de seconde, il avait eu l'impression qu'elle ne jouait plus. Mais elle avait eu ce sourire plein de mépris.

« J'ai gagné. »

Il s'empara de tous les objets qui se trouvaient à sa portée et les jeta avec force à travers sa chambre. Une fois calmé, il s'assit sur le bord de son lit et se prit la tête dans les mains.

« Pourquoi elle a fait ça » se dit-il.

« C'était son but, tu te souviens »

« Toi lâche-moi ! cria-t-il mentalement à l'adresse de la voix qui commençait à s'élever dans son esprit, comme chaque fois qu'il était particulièrement énervé ou troublé. J'ai pas besoin que t'en rajoute »

« Que j'en rajoute ? C'est toi qui refuses d'admettre la vérité. Elle t'avait dit dès le début comment ça allait se passer, pas la peine de se voiler la face. Tu as perdu. Pour la première fois, console-toi. Faut un début à tout. Essaie juste de faire en sorte que ça ne devienne pas une habitude. »

« Tais-toi ! Tu ne comprends pas. »

« Qu'est-ce qu'il y a à comprendre ? Que tu n'acceptes pas ta défaite ? Très surprenant, en effet… »

« Ce n'est plus un jeu, on s'est trop impliqués pour que ça se termine par « j'ai gagné merci au revoir » »

« Qu'est-ce que tu racontes ? C'était précisément ça le jeu : que tu t'impliques et qu'elle gagne, point final. C'est toi qui crois qu'elle ressent quelque chose. Mais c'est faux. »

« Je l'ai vu, dans ses yeux…Je suis sûre qu'elle ne voulait pas me laisser comme ça… »

« Comme c'est touchant…N'empêche qu'elle l'a fait quand même. Tu t'es fais prendre à ton propre piège, c'est ça qui t'embête. Imagine un peu le coup que va prendre ta réputation…Drago Malefoy a un chagrin d'amour ! Comme c'est triste » fit la voix d'un ton railleur.

« Tais-toi »

Il respira profondément, essayant de remettre de l'ordre dans ses idées confuses. De quoi était-il sûr ? Elle avait gagné : il était totalement fou d'elle et elle l'avait quitté sans un mot, comme elle l'avait prévu. Mais il aurait juré qu'il lui avait été difficile de s'en aller. Cette lueur dans ses yeux, il le savait…Et pourquoi avait-elle l'air aussi troublée que lui quand il l'avait vue ? Si ce n'était pas à cause de lui, alors pourquoi ? Il ne voulait pas lui faire de mal, c'était la première fois qu'il avait le désir de préserver quelqu'un. Mais s'il n'avait aucune chance de prendre son cœur il serait obligé de se venger. Cette idée lui déplaisait, mais il ne pouvait faire autrement, son honneur ne lui permettrait pas. « Mieux vaut être indifférent et digne que malheureux et pathétique » se récita-t-il.

Mais d'abord, il fallait qu'il soit sûr. Et pour ça, il lui fallait…

-Mary ?

Il avait espéré qu'elle ne serait ni avec Ithil, ni dans sa salle commune et l'avait finalement trouvée à la bibliothèque. La Serdaigle se tourna vers Drago. Son air étonné laissa vite place à regard clairement hostile et soupçonneux.

- Qu'est-ce que tu veux ? lui demanda-t-elle d'un ton agressif.

- On se calme, je ne t'ai rien fait. Pas la peine de me parler comme ça ! s'exclama-t-il avec colère.

- Si tu cherches Ithil ne compte pas sur moi, lui dit-elle d'un ton sans réplique.

Drago commença à s'énerver sérieusement. A voir comment Mary le traitait, il doutait qu'elle puisse beaucoup l'aider. C'était bien la première fois qu'on osait lui parler sur ce ton, et s'il n'avait pas été aussi préoccupé il aurait sûrement cherché à démolir la jeune fille. Il sembla que Mary l'avait remarqué aussi car elle fronça légèrement les sourcils d'un air songeur et demanda :

- Qu'est-ce que tu lui veux ?

Son ton était moins sec et elle semblait presque intéressée par ce que Drago pourrait lui répondre.

- Pour le moment rien. C'est à toi que je voudrais parler, dit-il calmement.

Mary eut l'air surprise. Elle se demandait si le Serpentard n'avait pas dans l'idée de l'éloigner d'Ithil dans une attaque détournée contre la jolie brune. C'était extrêmement lâche, mais Mary ne tenait pas Drago en haute estime. Comme elle ne répondait pas, il poursuivit.

- Elle t'a mis au courant de son « expérience » ?

Mary hocha la tête.

- Elle m'a vaguement expliqué ce qu'elle comptait faire, dit-elle avec prudence.

- Elle t'en a parlé récemment ? Elle t'a dit où elle pensait qu'elle en était ?

Le ton de Drago était presque empressé et Mary eu un doute : est-ce qu'il s'inquiétait ?

- Non, en fait, je ne l'ai pas vue depuis hier, quand elle m'a raconté ce qui s'était passé dans votre salle commune.

« Hier ? pensa Drago. Ca ne fait même pas deux jours qu'on a commencé ? Je n'ai pas pu tomber amoureux en deux jours ! Quelle pitié » Il ne savait pas s'il devait avoir de l'admiration pour Ithil pour être parvenue si rapidement à son objectif ou, au contraire, de la haine pour avoir trouvé si facilement ses faiblesses.

- Si tu viens me voir je suppose qu'il s'est passé autre chose que j'ignore, dit Mary. Et comme Ithil semble être encore plus invisible que d'habitudeça doit être important. Alors ?

Drago ne répondit pas. Il ne savait pas exactement quoi répondre. Il ne voulait pas dire à Mary qu'Ithil avait gagné, il se sentait déjà suffisamment faible, pas la peine de le crier sur les toits. Il tenta le bluff.

- J'ai gagné, dit-il simplement.

Il se composa une mine réjouie et eut un sourire arrogant.

Il observa attentivement la réaction de Mary. Celle-ci n'eut pas l'air surprise, ce qui donna un peu d'espoir à Drago. « Si la seule amie d'Ithil pense qu'elle peut tomber amoureuse de moi c'est sûrement fondé, non » se dit-il. Elle se contenta de le regarder avec un profond dégoût, une lueur de scepticisme brillant encore dans son regard.

- Et maintenant tu veux lui dire « c'était sympa mais ne m'approche plus » c'est ça ? T'es vraiment qu'un pauvre type, lui cracha-t-elle avant de s'éloigner d'un pas vif avant qu'il ait eu le temps de répliquer quoi que ce soit.

- Ithil ? Ithil ! Fais pas semblant de ne pas m'entendre, je sais que tu es là ! cria Mary.

Elle se tenait devant une lourde porte en bois au septième étage contre laquelle elle frappait avec obstination. Elle pointa sa baguette sur la serrure et dit « Alohomora » mais rien ne se produisit.

- Ouvre-moi ! Tu viens toujours ici quand tu ne vas pas bien, alors d'un, tu m'ouvres parce que je sais que tu es là et de deux, tu m'explique ce qui se passe ! Ithil !

La porte s'ouvrit à peine et Ithil s'écarta pour laisser entrer Mary. Une fois son amie à l'intérieur, elle referma rapidement la porte et la verrouilla avec un sortilège. Elle avait l'air triste, même si elle ne semblait pas avoir pleuré. Mary l'observa un moment et dit :

- Drago Malefoy est venu me parler avant que je vienne ici.

Ithil lui lança un regard amer.

- Et ?

- Il a gagné, dit timidement Mary.

Elle avait plus l'air de poser une question, mais elle ne croyait pas beaucoup Drago, même si sa victoire était possible. Elle voulait confirmation.

Ithil soupira. Elle hésita.

- Non, c'est moi, répondit-elle.

Son amie la regarda avec un soulagement étonné.

- Tu n'as pourtant pas l'air de quelqu'un qui vient de faire tomber le plus grand mythe de Poudlard, dit-elle. Où est le problème ?

- Je suis stupide ! s'exclama Ithil en s'asseyant par terre. Je ne sais pas pourquoi j'ai cru que j'allais réussir…et juste oublier et passer à autre chose. J'avais rien compris…

- T'es tombée amoureuse de lui ?

Ithil acquiesça silencieusement.

- Je sais pas comment j'ai pu penser que je ne ressentirais rien pour lui, c'était tellement évident ! C'est le seul qui peut me comprendre, le seul qui n'a pas peur de moi. Elle soupira. Et le seul qui peut obtenir absolument tout ce qu'il veut des gens qu'il rencontre.

- Arrêteça sert à rien de te faire des reproches ! Tu m'as dit que t'avais gagné, c'est qu'il t'aime aussi non ?

- Oui...mais si ça se trouve je me suis trompé pour ça aussi. Et puis, qu'est-ce que ça change ? Je l'ai laissé après avoir dit que j'avais gagné. C'est trop tard maintenant, il doit me détester.

- Mais s'il…commença Mary.

- Tu parles ! Il doit se maudire d'être tombé amoureux, en seulement deux jours en plus ! Il va associer ça à de la faiblesse et va vouloir se venger, question d'honneur. Je ne sais vraiment pas ce qui m'a pris de m'embarquer là-dedans…

- Qu'est-ce que tu veux ? Arrogance typique de Serpentard : on croit toujours qu'on est plus fort que les autres et qu'on réussira toujours tout, déclara Mary d'un ton neutre.

Ithil lui lança un regard noir.

- Et on n'accepte pas de se retrouver en position de faiblesse, ajouta la Serdaigle sans se démonter devant l'expression menaçante de son amie. Pas la peine de faire cette tête, la situation prouve que j'ai raison. Si ce n'était pas le cas, tout serait beaucoup plus simple. Parce que, soyons objectives, vous vous compliquez vraiment la vie pour rien. C'est à croire que vous refusez exprès tout ce qui pourrait vous rendre heureux (alors que vous n'attendez que ça) sous des prétextes plus douteux les uns que les autres.

Ithil était parfaitement d'accord, mais elle n'allait sûrement pas le reconnaître.

- Bon, il est bientôt sept heures, on va manger ? proposa Mary. Ca te changera les idées.

- Je te rejoins, répondit Ithil.

Son amie la regarda d'un air inquiet et sortit.

« Bon, pensa Ithil. Si on récapitule ça donne quoi ? Je l'aimeça j'en suis sûre (nouveau soupir). Mais je ne sais pas si lui…Et de toutes façons il ne va plus vouloir que je l'approche, sauf s'il veut me faire payer sa défaite. Donc, je ne fais rien et j'essaie d'oublier puisqu'il n'y a rien d'autre à faire. »

Elle se leva, remit son masque impassible et descendit dans la Grande Salle.