Rating : M
Disclaimer : Les personnages et le contexte de cette histoire appartiennent à JKR. Je ne tire aucun profit de cet emprunt.
Avertissement : cette histoire ne tient pas compte des tomes 6 et 7. Bonne lecture!


RIEN D'AUTRE NE COMPTE

-Mémoires d'un mangemort-


Forever trustin' who we are
And nothing else matters
Metallica

Chapitre 1

Méandres de la mémoire

Cela fait plus d'une heure que j'attends dans cette chambre exiguë d'une auberge mal famée du chemin de traverse.

Un lieu discret.

Un lit. Une commode vide. Des rideaux qui, une fois tirés, emplissent la pièce d'une lumière bleue surnaturelle.

Les murs sont sales, jaunis, il manque un pied à la commode. Le lit est dur, mais dieu merci, les draps sont propres.

C'est la plus belle pièce du monde.

J'y attends quelqu'un.

La vie est surprenante.

Jamais je n'aurais imaginé qu'une chose pareille…Cette fille…Cette fille…Non, jamais.

Je l'ai haïe. Enfin, je l'ai méprisée totalement, comme tous ceux de sa condition.

Et j'ai persisté, à chaque fois que j'étais confronté à elle, à la mépriser.

J'ai même essayé de la tuer.

J'aurais pu être l'instrument de ma propre perte.

Je remercie chaque jour l'univers qu'elle ait su se défendre ce jour là.

Et je l'en ai d'autant plus haïe par la suite.

Son sang surtout.

Je l'ai inondée de mon mépris à chacune de mes pensées, à chacune de nos confrontations.

Du temps perdu.

La première fois que j'ai pris conscience d'elle à un autre niveau, c'était bassement charnel.

Enfin, c'est ce que je croyais.

Elle était notre prisonnière, en même temps que Ronald Weasley, Severus et Lupin, le loup-garou.

Ils étaient magnifiquement tombés dans le piège. Tous.

On les a amenés dans la crypte que nous utilisions pour les tortures. J'avais hâte de commencer le travail.

Lorsqu'on l'a amenée, elle était inconsciente, comme les autres. Mais le sort de stupéfixion qui l'avait frappée se dissipa beaucoup plus vite chez elle. Sans doute avait elle été touchée bien avant eux. Ou bien la rage l'avait emporté sur le sortilège...

Alors que les autres étaient attachés aux murs, elle se libéra et se retourna vers moi, une haine inoubliable dans le regard.

Et avant que j'aie pu la maîtriser, elle me frappa violemment au visage, avec une vitesse et une agilité stupéfiante. Elle proféra des injures sans nom alors que je l'attachais au mur.

Les chaînes ensorcelées s'enroulèrent autour de ses bras et de ses chevilles.

Quelque chose piquait sur ma pommette. En y portant la main, je constatai que je saignais. Par sa faute.

A défaut de sa baguette, elle avait utilisé ses mains. Et sa langue de vipère.

La colère montait en moi. Noire. Sourde. Incontrôlable.

Elle allait souffrir. Mais avant, elle allait comprendre pourquoi.

« - Encore une brillante démonstration de votre nature au sang-de-bourbe, miss Granger », lui dis-je en m'efforçant de rester calme. « Voyez-vous, nous autres vrais sorciers, avons des façons beaucoup plus subtiles et amusantes d'exprimer notre colère. »

Je l'écrasai violemment contre le mur et me jetai sur sa bouche que je dévorai.

Banale technique d'intimidation et d'humiliation chez les femmes récalcitrantes. J'avais assez peu d'occasions de l'utiliser.

Elle lutta. Mais en vain.

Je voyais ses yeux agrandis par l'horreur. Elle chercha à me mordre. Mais j'étais plus fort qu'elle.

J'aurais voulu lui faire encore plus mal. Quelque chose m'en empêcha. Quelque chose.

L'envie étrange de chasser de cette crypte tous ceux qui, même inconscients, s'y trouvaient, d'éteindre les torches, et…

Je pris conscience que pendant une demi seconde, j'avais été vulnérable. Je me séparai brusquement d'elle.

Ella saignait au coin de la bouche. Elle était en colère. Elle avait peur, surtout.

Je ne pus m'en empêcher.

J'allais lécher la goutte de sang qui perlait à la commissure de ses lèvres.

Lorsque je reculai, je vis couler des larmes silencieuses sur ses joues sales. Ses yeux étaient fermés, sa respiration saccadée.

« - Bienvenue en enfer, Miss. »

Premier Doloris.

Pas très puissant. Il faut les donner de plus en plus violents, puis de plus en plus longs.

L'habileté et la subtilité sont les vraies marques d'un bon mangemort.

Il est bon que même la souffrance ne soit pas trop prévisible. J'étais passé maître en ce domaine.

Les autres étaient encore sous le coup de la stupéfixion.

Elle hurla.

Et je commençai à me sentir mieux. Moins troublé. J'étais dans mon domaine.

L'éveil charnel est toujours imprévisible, je venais une fois de plus d'en faire l'expérience.

Elle haletait. De son visage penché coulaient des larmes qui allaient s'écraser sur le sol.

« - Alors qu'en dis-tu, fille moldue ? Où placerais-tu ce sortilège sur ton échelle de souffrance personnelle ? »

« - Assez… »

« - Tu n'es pas bien résistante, je m'en serais douté. Tu n'as eu là qu'un échantillon, ce n'était qu'un effleurement. »

« - Qu'attendez vous de moi… »

« - Rien. Rien que ta souffrance. »

Second Doloris.

Elle hurla aussi fort que la première fois, mais avec cette fois-ci une nuance de désespoir.

« - Aimes-tu cela ? Me donnerais-tu un « Optimal » car le sortilège est bien lancé et qu'il a atteint sa cible ? »

Elle releva la tête, péniblement, en proie aux répercussions du doloris.

Ses yeux brillaient étrangement derrière ses cheveux. Un regard dément.

« - Une broutille, Lucius Malefoy, ça ne casserait pas trois pattes à un canard, un sortilège pareil. »

Quelques instants plus tard, elle hurlait à nouveau. Troisième sortilège Doloris.

Comment osait-elle, comment pouvait-elle me narguer avec ses sarcasmes…

Je la laissai reprendre son souffle, pas pure bonté de mon âme provisoirement apaisée, et je lui expliquai, calmement :

« - Voyez-vous, ce que j'aime, dans la souffrance, c'est que c'est un sentiment plus fort que tout le reste : la désir, la volonté, l'affection…La fidélité à l'idéal aussi. »

Je posai un instant mon regard sur ses camarades enchaînés.

« - La souffrance est un sentiment total », résumai-je.

Elle m'observait toujours à travers se cheveux en désordre.

« - Vous allez sans doute me torturer jusqu'à la mort et pourtant, lorsque je vous entend parler ainsi, je préfère encore être à ma place. »

« - Vous allez me supplier, dans quelques instants », l'avertis-je.

« - Si c'est la seule jouissance dont vous disposiez, je ne peux pas vraiment vous en vouloir. »

Sa voix commençait à chanceler.

« - Feriez-vous de l'esprit ? Miss Granger ? »

Je laissai volontairement le nom s'épanouir sur mes lèvres.

Elle ne répondit pas.

A ce moment là, une détonation assourdissante retentit dans la crypte.

L'Ordre du Phénix venait de faire son entrée et entamait son numéro.

La bataille fut rude.

Je réussis à m'échapper.

Je ressasse mes pitoyables souvenirs de mangemort et je m'interroge. Il me semble que ce jour-là, quelque chose de décisif s'est joué. Je ne sais trop quoi. Quelque chose.

Quelque chose qui a fait la différence.

Est-ce lors de cette confrontation, qu'une sorte de poison insidieux s'est glissé dans mes veines et a corrompu mon sang ? Un sang qui, depuis ce jour là, me semble-t-il, s'est retourné contre moi. Et a presque failli me tuer.

Cette rencontre contenait-elle déjà l'essence de ce qui allait, progressivement, devenir ma vie : une obsession perpétuelle ? Je suis certain que quelque chose a bifurqué, ce jour-là.

J'attends. Dans cette chambre. J'attends.

J'observe, au travers des vitres sales, le remue-ménage permanent du Chemin de Traverse. Les gens. L'orage perpétuel qui gronde en moi. Mon cœur sans dessus-dessous.

C'est plus qu'une vitre sale qui me sépare d'eux.