Chapitre 6

L'odeur du sang

Après l'avoir rendue aux siens, j'ai transplané aux Chemin de Traverse. Je suis allé rendre visite à Narcissa, que je n'avais plus revue depuis l'été précédent.

Nous avions volontairement coupé les ponts depuis mon évasion d'Azkaban, afin que le Ministère ne puisse faire pression sur elle et Drago pour me retrouver.

Je déplorais qu'ils aient dû quitter le manoir pour vivre dans cette sinistre masure du Chemin de Traverse, de façon presque… Modeste. Eux.

Mon fils avait grandi, me dit-elle.

Ma femme, elle, avait vieilli. Elle était toujours belle, mais les inquiétudes et les incertitudes avaient marqué son visage.

Je lui dis que j'avais trahi. Je ne donnai pas de détails, pas d'explications. Il en était ainsi.

Elle me regarda avec des yeux exorbités, pendant un temps assez long, puis éclata en sanglots, et se mit à m'injurier, hurlant que j'avais attiré le déshonneur sur mon propre nom, sur elle, sur mon fils, qu'allait-il penser de moi, lui qui me prenait tant en exemple, et le Seigneur des Ténèbres allait nous punir pour ma trahison, et plutôt mourir que de trahir à son tour, ce qui revenait d'ailleurs au même, qu'allait-elle devenir, et moi, où comptai-je aller…

Et pourquoi, pourquoi avais-je fait cela…

C'était comme ça.

J'allais partir, je ne pouvais pas lui dire où. Je n'en savais rien moi-même. Drago ne risquait rien tant qu'il était à Poudlard. Et elle, elle devrait être très prudente. C'était insuffisant de lui dire cela, je le savais bien. Je lui conseillais d'aller demander la protection des Aurors.

Elle me regarda avec des yeux fous. Demander l'aide du Ministère… J'avais perdu la tête, avais-je renoncé à tous nos idéaux ? Elle ne me reconnaissait plus… Elle pleurait de plus en plus fort, et elle finit dans mes bras. J'étais incapable de l'apaiser.

Je lui demandai juste d'aller à Gringotts pour moi et de me ramener de quoi survivre un certain temps dans des conditions décentes.

Elle finit par s'exécuter, la mort dans l'âme.

Elle refusa de m'embrasser avant que je parte.

Va-t-en.

L'argent dans mes poches, je quittai le Chemin de Traverse à la nuit tombante, et transplanai aussitôt.

Je me suis caché.

J'ai vécu en clandestin.

J'ai découvert la nature de la solitude. Une amie indésirable, pendant cette période trouble.

Souvent, la Marque me brûlait. Horriblement. Le prix de la trahison. Et je ne pouvais m'empêcher de penser que ce n'était qu'un avant-goût.

J'ai erré. En France, en Allemagne, en Irlande. De longs mois. Mais je n'étais jamais bien loin.

Jamais très loin.

Jusqu'au moment où je n'ai plus supporté d'être ainsi hors des évènements.

J'avais entendu dire que les affrontements entre Aurors et mangemorts étaient de plus en plus sanglants dans tout le pays.

Que le Seigneur des Ténèbres préparait une offensive lourde. Très lourde. Rumeurs. Je n'étais sûr de rien, bien sûr.

Mais cette odeur de sang et de souffre me tira de la léthargie dans laquelle j'étais plongé.

Je ne supportais plus de ne rien faire.

Il était temps pour moi de rentrer au pays.

Je ne pouvais retourner du côté des Ténèbres.

Je n'avais donc comme alternative que de m'engager dans le camp adverse.

Mais épouser leurs idéaux me parut cependant une épreuve insurmontable. D'ailleurs, ils ne voudraient pas me croire sincère et se hâteraient de me jeter en prison à nouveau.

Ma solution était donc de communiquer le plus d'informations sur l'Ordre des Ténèbres tout en restant le plus possible en retrait.

En sécurité.

C'est à elle que j'envoyai le premier hibou.

A Elle.

Elle était celle qui m'avait vu trahir, elle serait la plus à même de prendre au sérieux les informations que je révélais.

J'aurais voulu penser que je n'écrivais que pour cette raison, mais je sentais, à ma grande horreur que cette lettre avait des relents de quelque chose d'autre…

Cette pensée me gêna et je décidai de faire parvenir les suivantes directement à Dumbledore, même si je méprisais singulièrement cet individu.

Je savais que je jouais à un jeu dangereux. Et qui plus est, volontairement.

Je connaissais les endroits stratégiques, aussi, les endroits de repli, et j'espionnai afin de recueillir quelques bribes d'informations que je transmettais aussitôt. Je fus parfois à deux doigts d'être découvert.

Je ne savais pas si mes renseignements étaient tous bien utilisés, mais quelques actions d'éclat de l'Ordre du Phénix me mirent sur la voie.

Lorsque je transmis les noms de tous les mangemorts, certains comme Nott, ou Goyle, furent immédiatement mis en examen par le Magenmagot, ce qui laissait à penser que leur situation ne tenait parfois qu'à un fil…

Je me cachais dans une masure abandonnée au fin fond du Surrey, un domaine presque totalement envahi par la végétation.

J'y étais bien.

Je m'y sentais en sécurité. Je ramassais parfois un exemplaire périmé de la Gazette du Sorcier dans les poubelles d'un foyer sorcier, et j'y trouvais les nouvelles, les répercussions de mes dénonciations.

Le mois de juin touchait déjà à sa fin lorsqu'une émeute eut lieu sur le Chemin de Traverse.

Cela avait débuté par une confrontation habituelle entre mangemorts et Aurors, puis la violence était devenue telle que la foule présente ce jour-là paniqua et se piétina, lançant des sorts à l'aveuglette. Il y eut douze morts.

Dont trois seulement à cause des mangemorts.

Aucun d'eux ne fut capturé.

Je pensais à Narcissa, et espérais qu'elle n'ait pas été mêlée à tout cela.

Drago, lui, était normalement toujours à Poudlard.

Il entrerait en septième année à la rentrée prochaine.

J'espérais qu'il n'était pas trop mêlé à cette guerre sans répit.

Mon fils.

Je ne répondais jamais aux lettres que m'envoyait Dumbledore.

Il m'encourageait à me rendre, ou bien à venir le rencontrer en secret pour discuter de ma situation.

Sa bonté était dérisoire, ne comprenait-il pas que je ne souhaitais pas être sauvé, et encore moins par lui ?

Les renseignements que je leur fournissais n'étaient pas un aveu de rédemption, loin de là.

Juste ma part de fiel et de violence dans cette guerre dans laquelle je réclamais ma place.

Quelques jours plus tard je reçus une lettre brève et claire :

« Ne vous montrez pas stupide et acceptez de rencontrer Dumbledore. H.G. »

Je pensai bien sûr que c'était lui qui lui avait demandé d'écrire cela. Allez savoir ce qu'elle avait pu lui raconter pour qu'il ait cette idée…

Deux jours plus tôt, Dumbledore m'avait à nouveau demandé d'accepter de le rencontrer.

A nouveau, je n'avais pas répondu.

J'abandonnai la lettre dans un coin et décidai de chasser ces idées agaçantes.

Deux jours plus tard, j'étais fait prisonnier par des Aurors sur le Chemin de Traverse.

Ce jour-là, j'avais la vague intention de m'enquérir discrètement de l'état de Narcissa, après une si longue absence, mais c'était sans compter sur l'état d'alarme constant des Aurors après l'attaque sanglante qui avait eu lieu précédemment.

Je ne sais trop comment ils m'ont reconnu, alors que mon apparence était modifiée par un sortilège. Ils devaient être sacrément sur leurs gardes et sur les nerfs.

Cela n'a pas d'importance, de toute façon.

Ce jour-là, ils m'ont pris.

Ils me mirent alors à croupir dans les geôles du Ministère en attendant mon procès, et j'imaginais si bien leur satisfaction d'avoir attrapé un mangemort mon envergure…

S'ils savaient !

Dans l'expectative de ce procès dont je connaissais la sentence à l'avance, je passai trois jours dans un état second, entre la peur, la douleur, et le soulagement de la délivrance.

Le troisième jour, j'eus droit à une visite.

Allongé sur la banquette inconfortable qui était sensée me tenir lieu de lit, les yeux fermés et à-demi somnolent, j'entendis le grincement de la porte du couloir qui longeait les cellules.

Quelqu'un venait en visite.

Et comme j'étais le seul prisonnier du secteur, j'en déduisis à travers les limbes du sommeil que c'était pour moi.

Je tournai la tête et vis une silhouette qui m'observait au travers des grilles.

J'eus du mal à la reconnaître dans la pénombre des ces cachots, mais je fus rapidement sûr que c'était Elle.