Chapitre 7

Rappel des sens

« - Monsieur Malefoy… », dit-elle d'une voix si…vivante, que je ne la reconnus pas.

Je m'assis péniblement sur mon lit de fortune, et entrepris de détailler son visage du mieux que je pouvais, à travers la pénombre.

« - Vous ne me reconnaissez pas ? »

« - J'ai su que c'était vous dès que vous êtes entrée. »

« - Vous mentez. Mais ça n'a aucune importance. »

« - Que faites-vous ici ? »

Et au fond de l'enfer mental dans lequel je me trouvais, au fin fond du désespoir sans nom qui m'ensevelissait un peu plus chaque jour, au fond de toute cette boue, j'étais heureux, heureux comme jamais. Pathétiquement, inexplicablement, merveilleusement heureux.

Je me levai, dans l'espoir de mieux distinguer son visage, de me rapprocher de cette apparition surréaliste, semblant tout droit sortie d'un rêve cruel de vérité.

« - Cela dépendra de vous. »

« - Que faites-vous ici… »

« - Ne perdons pas de temps en bavardages inutiles. » Son ton était si dur… Où était donc ce caressant tremblement, lorsqu'elle me suppliait de l'épargner et de la rendre aux siens… »

Mon visage était à présent collé aux barreaux de ma cellule, dans un élan désespéré pour me rapprocher d'elle.

Elle, elle n'avait pas bougé d'un pouce.

Je pouvais sentir son odeur, me vautrer dedans comme autrefois je m'étais vautré sur elle.

Flot de souvenirs… Je pouvais encore sentir sous mes mains cette peau fine, unique, lisse, veloutée…

L'envie toujours aussi tenace, obsessionnelle, démentielle, de m'enfouir dans les merveilles de son corps… Le tout exacerbé par des mois et des mois de frustration et d'abstinence.

Je commençais à me sentir fou, les barrières et les limites se faisaient de plus en plus indécises.

Je me perdais…

J'étais dans une sorte d'état second.

Elle me parlait, mais je n'étais qu'à demi-conscient de ce qu'elle me disait.

J'étais envoûté.

Son visage pâle, félin, maladif me scrutait et s'interrogeait visiblement sur mon état.

« - Reprenez un peu vos esprits », fit-elle d'un ton brusque.

Je posai un regard sans doute vaseux sur elle.

A demi hagard.

« - C'est l'Ordre qui m'envoie. Je suis là grâce à la complicité de certains Aurors. Nous devons faire vite. Le garde peut revenir à tout moment, même si Kingsley le tient occupé.

Il ne faut surtout pas qu'il nous voie sortir. Je vais ouvrir la cellule et … Vous arriverez à marcher… oh mon dieu qu'est-ce qu'il est maigre… Réagissez bon sang…Il vous faut sortir d'ici… »

La panique dans le ton de sa voix me fit légèrement revenir à la réalité.

Je mis un pied hors de la cellule.

Je reprenais peu à peu mes esprits.

Mais il ne fallait pas qu'elle me touche, non. Même dans la situation de danger ultime dans laquelle nous nous trouvions, sa présence continuait à brouiller mes réflexions.

« - Sortons. »

« - Attendez, je dois d'abord modifier votre apparence. « Morphus »…Je vous donne une baguette magique. Vous transplanerez dès que nous serons arrivés dans le grand hall du Ministère. Je vous donne la clef d'une chambre au Chaudron Baveur, ils n'auront pas l'idée de vous chercher dans un endroit aussi évident. De toute façon, Maugrey, Kingsley et Tonks veillent à ce que vous y soyez tranquille, au moins le temps que vous vous remettiez… Vous comprenez ? Vous ne devrez pas non plus sortir…Un membre de l'Ordre viendra vous y chercher dans quelques jours…Vous êtes si pâle… Tiendrez-vous le coup ? »

« - Ca va aller, je suis un peu rouillé, c'est tout. »

Elle avança un bras pour m'aider à marcher.

« - Ne me touchez pas ! Je veux dire…Je peux très bien marcher seul à présent… »

« - Très bien, comme vous voudrez, c'est juste que vous m'avez semblé sur le point de me fausser compagnie, tout à l'heure, alors je prends des précautions, répondit-elle sur un ton un peu frais. Ah oui, au fait, je vous ai donné l'apparence de Kingsley, un Auror, alors ne soyez pas étonné si on vous salue, et répondez. Allons-y. »

Nous traversâmes les couloirs du ministère, déserts à ce qui semblait être l'heure du déjeuner. Nous ne rencontrâmes personne.

A l'entrée du grand hall, le gardien ne prêta même pas attention à nous lorsque nous passâmes, occupé comme il l'était à dévorer son déjeuner.

Nous traversâmes le grand hall sans encombres, et comme j'étais trop faible pour transplaner, je pris la Poudre de Cheminette pour le Chaudron Baveur.

Avant de partir, je me retournai vers elle et lui demandai :

« - Est-ce vous qui viendrez à moi, dans quelques jours ? »

« - Non, c'est un membre de l'Ordre qui viendra. Moi je n'en fais pas vraiment partie pour l'instant. Dépêchez vous, vous êtes entrain de reprendre votre apparence… « Morphus. » …Celui-ci devrait tenir assez longtemps. Partez maintenant… »

« - Alors comment se fait-il que ce soit vous qui soyez venue, aujourd'hui… »

« - Il n'y avait personne d'autre aujourd'hui pour faire cela. Et j'ai une dette envers vous. Une dette que je ne voulais pas traîner indéfiniment. Il faut vraiment que vous partiez. »

Son ton était devenu froid et sec et aussi terriblement inquiet.

« - Le Chaudron Baveur. »

Je m'engouffrai dans la cheminée et arrivai en tourbillonnant au Chaudron Baveur, rempli de monde à cette heure-là.

Je me mélangeai à la foule, et arrivai péniblement à l'escalier menant aux chambres.

Je les grimpai rapidement, et trouvai le numéro de la mienne qui était gravé sur la clef.

Je l'ouvris, y pénétrai, refermai derrière moi.

Ainsi débuta mon attente.

J'ai l'impression d'avoir attendu des semaines dans cette chambre miteuse, aux meubles ingrats et aux couleurs fanées, et pourtant, j'y suis depuis à peine deux jours.