Chapitre 8

Ainsi ferai-je

J'ai attendu deux longs jours, enfermé dans cette chambre du Chaudron Baveur.

J'ai cru devenir fou, l'attente était pire que celle de la prison.

Au terme de ces deux jours, j'étais sérieusement sur les nerfs.

Une heure plus tôt, un hibou était arrivé : la lettre disait sans plus d'explications qu'un membre de l'Ordre viendrait me chercher incessamment sous peu. De me tenir prêt.

J'étais prêt.

Incertain face à ce qui m'attendait, mais prêt à l'affronter.

Il faut dire qu'après une si longue période à rester dans l'ombre, à me cacher, à attendre, j'étais assoiffé d'action.

Mais l'essentiel de mes pensées allaient vers une seule personne. Une personne qui me haïssait.

Une personne qui avait tant d'aversion pour moi qu'elle était prête à me sauver d'un destin funeste, rien que pour le soulagement de ne rien me devoir.

A cet instant, j'aurais vendu mon âme pour changer le destin.

Etais-je idiot ? Mon âme, si âme il y avait eu, s'était enfuie il y a déjà longtemps

Changer le cours des évènements, qu'elle oublie, qu'elle me laisse finir ce que j'avais commencé sur ce lit sans pitié, un soir glacé de février.

Car rien d'autre n'avait vraiment d'importance.

Rien.

Sentir.

Sentir la dissolution que son contact entraînait chez moi.

Maudite sois-tu.

Trois coups à la porte.

Je demandai qui était là.

« - L'Ordre. », fit une voix sourde.

J'allai ouvrir, fébrile, nerveux, méfiant.

Je tournai la poignée, dos à la porte, afin qu'on ne me voie pas depuis le couloir.

Quelques pas feutrés pénétrèrent à l'intérieur.

Je refermai rapidement la porte, et me retrouvai devant Elle.

Un long silence.

« - Il était convenu que cela ne devait pas être vous… »

Ce fut la seule chose que je pus dire.

« - Depuis quand vous souciez-vous des convenances, monsieur Malefoy ?

Une lueur incendiaire traversa son regard, sensée m'exprimer sans doute son mépris et sa haine, et qui n'eut pour effet que de me donner l'envie de la jeter brutalement sur ce lit médiocre et de me perdre en elle jusqu'à en oublier qui j'étais.

Le désir. Tenace. Bouillant. Incontrôlable. Fais attention

Elle me contemplait toujours avec cette haine totale, figée et tendue.

Il n'y avait rien à faire

Il n'y aurait jamais rien à y faire.

Sans me soucier de sa réaction, mes impulsions ayant échappé à mon contrôle, je me penchai sur elle, et dans un mouvement qui sembla se dérouler au ralenti, déposai un baiser tendu et brûlant au coin de sa bouche.

Explosion des sens.

J'eus l'impression de m'immoler sur le champ.

Je m'empêchais, de toutes mes forces, de toute la volonté qui restait encore en moi, de céder à l'envie coupable de la toucher davantage, de l'étreindre totalement, comme tout mon corps le réclamait.

Aucune réaction de sa part, elle restait immobile et froide comme une statue.

Mes sens criaient.

Mon corps se tordait presque de douleur, de ne pouvoir faire ce qu'il mourrait d'envie de faire.

Ma poitrine, ainsi que mon visage, se crispèrent sous l'effet de cette lutte insupportable, et, alors que dans un sursaut je m'arrachai à son visage, mes yeux laissèrent échapper l'aveu liquide de ma souffrance.

« - Je ne me suis jamais soucié de ce qui est convenable. Vous devriez le savoir. »

Elle me regardait toujours, avec une expression intense et figée.

« - Pourquoi êtes-vous venue, aujourd'hui ? Je voudrais comprendre. »

Elle ne répondit pas.

Elle tressaillit mais ne bougea pas…

Puis, lentement, elle détourna son regard de moi.

Je l'entendis murmurer avec peine :

« - Vous n'auriez qu'un geste à faire, vous savez… »

Je ne comprenais pas ce qu'elle voulait dire. La seule chose dont j'étais sûr, chez elle, c'est qu'elle me haïssait.

Que voulait-elle dire ?

« - Lequel ? », demandai-je, intrigué.

Elle leva vers moi un regard chargé de larmes.

Sa respiration était de plus en plus désordonnée.

Elle me regarda ainsi pendant un moment.

Puis elle prit ma main et, lentement, la porta à son visage.

A partir de ce moment-là, je ne songeai plus à me contrôler.

J'approchai de sa joue mon autre main et, maintenant ainsi son visage près du mien, je lui dis :

« - Pleure. »

Elle s'exécuta.

Je cueillais ces perles d'eau salée avec mes lèvres, en espérant que ce flot ne s'arrête jamais, que je puisse éternellement m'y abreuver, et la tenir ainsi contre moi sans qu'elle ne songe que j'étais un monstre et qu'elle essaie de s'enfuir.

Un délice.

Continue, ne t'arrête jamais.

Jamais.

Cette eau, chaude comme le sang.

Je repensais au rituel que nous avions l'habitude de pratiquer, à l'adolescence.

Nous buvions mutuellement nos sangs, entre jeunes et futurs mangemorts, encore à l'époque de Poudlard.

C'est une expérience grisante, de boire ce sang encore chaud, encore palpitant, et le goût en reste inoubliable.

J'eus beaucoup de mal à m'en sevrer pendant les années qui ont suivi.

C'est une drogue.

Et ses larmes provoquaient une sensation identique chez moi, si ce n'est que cette sensation était décuplée, et extrêmement plus violente.

Ne t'arrête pas.

Elle chercha à se détourner, mais je la retins.

Et, comme autrefois, elle posa sa tête dans mon cou et se serra plus étroitement, ses bras autour de ma taille.

Je la tins serrée ainsi, me délectant de son corps souple et gracile, un bras au creux de son dos, mon autre main rampant, cernant sa nuque sous ses cheveux épars.

Qu'espérait-elle, en venant?

Je n'osais imaginer de réponse.

Elle posa ses lèvres contre mon cou.

Ma main se crispa sur sa nuque.

Ne joue pas à ça…

Elle posa ses mains sur les miennes et mêla ses doigts aux miens, qui enlaçaient toujours son corps.

Elle appuya sa tempe contre ma joue, et chuchota à mon oreille :

« - Vous me voulez. »

Je ne répondis pas.

Elle posa sa main sous ma ceinture et s'empara de ce qui s'y trouvait.

J'inspirai fortement entre mes dents.

Ne joue pas à ça.

« - Ne me donnez pas de regrets. Si vous me voulez, alors allez jusqu'au bout. »

Elle affermit doucement sa prise, attendant manifestement une réponse de ma part.

« - Très bien, ainsi ferai-je. »

J'embrassai d'abord le haut de sa pommette, puis le coin de ses lèvres, qui était décidément mon lieu de prédilection chez elle.

Sa bouche. Ses lèvres douces et entrouvertes, fraîches.

L'émotion faillit me rendre fou et j'eus l'impression de partager ses pensées.

Et elles me semblèrent très différentes de ce que je m'imaginais.

Penché sur elle, je goûtais la joie de ce premier baiser partagé, me délectant de sa salive, de la texture de ses lèvres, ébloui par mes propres émotions, secoué de tremblements. Secoué.

Je m'aperçus que la serrais à l'en étouffer, mais elle ne semblait pas s'en plaindre.

A mes regrets, elle rompit ce baiser et se dirigea vers mon cou, qu'elle effleura d'abord, puis qu'elle embrassa, mordillant par moments ma peau.

Ce faisant, elle déboutonna les premiers boutons de ma chemise, puis s'appliqua à explorer cette surface de peau fraîchement découverte.

Alors doucement, tendrement, délicatement, du mieux que je pus, je détachai sa cape, qui chut sur le sol dans un bruit velouté, puis entrepris de défaire les premiers boutons de sa chemise.

Rien d'autre n'existait autour. Le monde semblait s'être dissolu.

Elle était mienne. Mienne.

Et rien d'autre ne comptait.