Chapitre 9

Absolution

Elle me laissa faire, pâle, fragile, calme.

J'embrassai son cou, doucement, puis de plus en plus fiévreusement.

Je commençais à perdre la tête.

Elle pencha la tête de côté pour me laisser davantage d'elle à savourer.

Offerte.

J'avais l'impression d'apprécier pour la première fois l'essence de la douceur et de la tendresse d'une étreinte.

Mais mes sens réclamaient toujours plus.

Lorsque je n'en pus plus, je la fis reculer vers le lit et la renversai dessus.

Elle se laissa guider avec, je crois, une confiance que je ne méritais plus.

Je lus dans son regard qu'elle me demandait de ne pas lui faire de mal.

Alors je m'employai à ne lui faire que du bien.

Je finis de déboutonner sa chemise, et lorsque j'arrivai aux boutons au-dessus de son ventre, je descendis en cet endroit sacré et l'embrassai le plus tendrement que je pus, avec mes lèvres indignes, mes pulsions monstrueuses et mon âme corrompue, et la caressant de mes mains qui avaient le sang d'innocents sur elles et la boue du déshonneur incrustée dans les ongles.

Non…Ne plus penser à tout cela…

Elle soupira.

D'aise, je crois. J'espère.

Je remontai vers son visage, embrassant au passage sa peau tendre comme une source.

Je déposai un baiser sur son cou, à l'endroit où la veine palpitante courait sous sa peau, et revins me fondre dans sa bouche.

Dissolution. Absolution.

Elle ferma les yeux et soupira une nouvelle fois, encore plus profondément.

Je m'installai plus confortablement sur elle, et elle gémit lorsque je soulevai légèrement sa cuisse contre ma hanche.

Elle ouvrit les yeux et posa sur moi un regard langoureux.

Ma fin était proche.

Je glissai mes mains sous elle et la collai encore plus franchement contre moi.

Elle irradiait une chaleur envoûtante. Je songeai que j'aurais pu ne jamais connaître cela. Je pensais « merci de m'avoir enfoncé ce coupe-papier dans le dos »…C'est étrange… Si étrange…

Je me rappelle chaque détail, chaque geste que j'ai fait, chaque mouvement que j'ai amorcé.

Elle voulut m'enlever ma chemise, je l'aidai à le faire. Elle portait encore la plupart de ses vêtements et j'entrepris de rétablir un équilibre. Sa chemise finit de partir en un souffle.

Je crois que j'adorais qu'elle se laisse ainsi faire, offerte, et pourtant maîtresse de ce qui allait se passer, instigatrice de tout cela, mais pourtant bien loin de diriger les ébats.

Le fait qu'elle était très jeune me vint à l'esprit pour la première fois. Aux alentours de dix-sept ans.

Salaud.

Je mordillai le lobe de son oreille. Elle frissonna.

Elle remit une mèche derrière mon oreille. Mes cheveux traînaient un peu partout autour de mon visage et sur le sien. Ces derniers temps, je ne songeais guère à m'en occuper, ni même à les attacher.

Elle passait les mains dedans et en lissait des mèches, caressait ma nuque et j'avais l'impression d'être à sa merci.

Ou bien l'étais-je… Bien sûr que je l'étais.

Les vêtements restants nous gênaient plus qu'autre chose, et je voulais davantage goûter le contact de sa peau.

Je la débarrassai de ceux qu'elle portait encore, doucement, toujours. Puis j'en fis autant des les miens.

Je rampai à nouveau au-dessus d'elle, et lorsque je m'étendis sur son corps, la sensation de douceur de sa peau nue me secoua en un long frisson.

Je ressentis la même chose de son côté, ou bien peut-être avait-elle peur…

J'embrassai ses lèvres, sa joue, sa tempe.

Elle me pressa contre elle.

Et je compris que c'était le moment. Je passai une main sous elle.

Et je vis qu'elle souriait, paisible, qu'elle inspirait profondément, les yeux fermés.

Quelque chose m'en empêchait, je pensais : non, une dernière fois avant, regarde-moi…

Elle me considéra un instant, puis m'attira à elle, dans son cou.

Elle se raidit, et je réalisai qu'elle était peut-être encore vierge.

Mais oui, c'était sans doute le cas.

Délice.

Extase entre toutes.

Ma main remonta le long de l'intérieur de sa cuisse, et je vins enfin faire connaissance avec cette partie d'elle.

Elle se mordit la lèvre tout en inspirant entre ses dents.

Ne te meurtris pas ainsi, laisse-moi le faire.

Et je m'exécutai. Ce qu'elle m'avait demandé tout à l'heure.

Le moment était venu.

Transpirant, impatient, un sourire, carnassier aux lèvres.

Je m'exécutai.

Je murmurais à son oreille des paroles douces et sans fin, dans l'espoir de détourner son attention, du mal fugace et exotique qu'elle ne ressentirait qu'une fois, et qu'à tout jamais elle n'associerait qu'à moi.

Comme tant d'autres maux.

Une vive poussée et je te sens retenir un spasme, un mouvement, ton visage se détourne.

Mon souffle sur ta joue. Un moment savourer l'instant, juste un moment.

Juste un moment avant la charge.

Tu colles davantage ton ventre au mien et je prends mon élan pour venir en toi plus profondément…

Elle cria légèrement lorsque je fis cela, et j'aurais peut-être dû m'en soucier, mais pris tel que je l'étais dans le désir et la pulsion, son cri ne réussit qu'à m'y perdre davantage, à m'encourager à venir en elle de plus en plus loin, à m'ensevelir et à mourir dans son corps.

Je cherchai sa bouche, j'avais envie de boire son souffle, d'écouter chacun de ses soupirs, de mesurer ses sensations à cette tornade brûlante… Je la trouvai et m'y accrochai, avide, broyant ses lèvres de plus en plus fort, mes propres lèvres mordues par sa bouche avide…

Tout connaître de ses sentiments, lui faire embrasser les étoiles pour avoir osé s'approcher de moi un jour.

Je ne pus m'empêcher de la contempler un moment, avant de retourner à sa bouche.

Elle était belle comme… Non, en fait, rien n'était plus beau qu'elle.

En cet instant, elle était luisante de sueur et une délicieuse rougeur lui avait envahi le visage et la poitrine. C'est une beauté hors des mots.

Ses yeux s'entrouvrirent et me caressèrent un instant.

Ses jambes remontaient autour de moi et me tenaient serré contre elle, et je ne pus encore une fois m'empêcher de la serrer à l'en étouffer, déjà écrasée entre mon poids et le lit.

Elle me rendait fou et je me demandai combien de temps je saurais encore me contrôler.

Je la maintins solidement sous moi et l'empêchai de faire un geste.

Sois docile…

Les allées et venues s'accentuaient et devenaient de plus en plus violentes, ses mains glissèrent de sur mon dos et agrippèrent ma nuque, et je l'entendis laisser échapper les premiers signes de la délivrance.

Cette perspective fut un sentiment de trop et la suite fut d'une violence trop intense pour être racontée.

Frénésie, explosion, étourdissement, oubli de soi, reconnaissance, folie, éblouissement.

Me répandre en elle, l'idée seule de faire cela, fut la sensation la plus étrangement agréable qu'il m'ait été donné de connaître.

Nous restâmes dans cette même position pendant la majeure partie de ce moite après-midi de juillet, dans la pénombre bleutée que diffusait ce vieux rideau qui, de temps en temps se soulevait et retombait, en une danse lente et infinie.

Lui seul nous séparait du grondement lointain du passage des sorciers sur le Chemin de Traverse.

Et nous avons dormi, étroitement enlacés, dans la sueur et dans le sang de sa virginité mêlés, nos souffles, nos corps, nos fluides confondus, et ce fut le pire délice que j'aie jamais connu.