Chapitre 12
Presque mon Enfant
A vrai dire, mon rôle dans l'Ordre ne diffèrerait guère de celui que je tenais déjà quand je transmettais mes informations clandestinement.
A la simple différence que maintenant ils sauraient où j'étais. Et je n'aimais pas cela.
Quand à ce que je faisais avec Elle… Il m'était insupportable que ce vieux fou essaie de s'en mêler.
Elle était à moi. A moi.
Qu'ils aillent tous au Diable.
Et je ne laisserais personne d'autre l'approcher. Ni pour lui faire du mal, ni pour la protéger.
Elle était à moi.
Dumbledore m'avait proposé de rester à Poudlard pour l'été, puis de m'installer dès la rentrée au quartier général de l'Ordre, à Londres.
Il s'entêtait à vouloir me séparer d'elle, je crois.
J'étais arrivé à obtenir de lui la permission -Merlin, moi ! Lucius Malefoy, la permission - de m'installer dès le lendemain à Square Grimmaurd, puisque c'était là que l'Ordre du Phénix se réunissait.
Nous partions le lendemain matin.
A l'époque où j'étais encore sous les ordres du Seigneur des Ténèbres, cette information m'aurait assuré un état de grâce fabuleux …
Il était très tard quand je redescendis du bureau de Dumbledore.
Un hibou voleta vers moi et je détachai le message qu'il m'apportait.
« Si tu n'es pas obligé de partir dès ce soir, je t'attendrai à la tour de Gryffondor, où je passe la nuit. Sinon, à très bientôt au siège de l'Ordre.
A toi,
Hermione.
Le mot de passe est « Bièraubeurre ». »
Si elle savait que j'avais quasiment dû arracher la permission au vieux fou de m'installer Square Grimmaurd dès maintenant, refusant catégoriquement de me couper d'elle pour tout l'été…
Mais attends-moi, j'arrive.
J'eus du mal à retrouver le satané portrait qui cachait l'entrée de la salle commune de Gryffondor. J'avais quitté Poudlard il y a bien longtemps, pour ma part.
« - Bièraubeurre .»
Le portrait pivota et j'entrai.
La salle commune de Gryffondor était plongée dans la pénombre. J'avisai un escalier et je m'apprêtai à m'y élancer quatre à quatre, quand j'entendis, venant manifestement d'un des canapés près de moi, une voix gentiment ensommeillée:
« - Tu ne pourras pas monter, les escaliers sont ensorcelés. »
Elle se leva, et s'approcha lentement de moi.
Elle portait des vêtements de nuit visiblement moldus.
« - Suis-moi. Tiens ma main, sinon tu ne pourras jamais monter. »
Nous montâmes. Je fis connaissance avec le dortoir qui avait abrité ses nuits six années durant, et la perspective de lui faire l'amour dans un tel lieu était grisante.
Elle alluma les torches.
C'était une pièce accueillante. Si ce n'était les couleurs écoeurantes de Gryffondor, omniprésentes.
« - Qu'en est-il de vos accords ? », fit-elle d'une voix qui cachait mal l'impatience de tout savoir.
« - Je pars –nous partons- demain Square Grimmaurd. Je continue à mettre en pratique mes connaissances du réseau mangemort au compte de l'Ordre. J'accepte les missions qu'il me confie. Je fais en sorte de m'entendre avec le reste des membres. Un vrai petit ange, quoi. En échange, il s'engage à ne pas me livrer au Ministère, ni maintenant, ni lorsque, si cela arrive un jour, le Seigneur des Ténèbres sera vaincu. Mais il n'oublie pas ce que j'ai… Fait. Dans le passé. »
J'étais à moitié indigné par tout cela, mais je tentais de ne pas trop le montrer.
« - Très bien. »
Elle marqua un moment de silence, pensive.
« - Tu as faim ? »
« - Oui, très. »
Et je lui jetai un regard lubrique qui la fit rougir.
« - Je voulais dire… »
Je me rapprochai d'elle et commençai à l'embrasser, sur le visage, dans le cou…
« - De nourriture, espèce de vampire… »
Je la mordis un peu fort dans le cou.
Elle cria. Il fallait que je m'arrête tant que c'était possible.
Mais le goût de cette peau…
Elle s'arracha à moi et fit apparaître de quoi nous sustenter.
Je me jetai sur la nourriture avec plus d'avidité que je ne l'aurais cru.
J'étais épuisé.
La confrontation avec elle, avec Dumbledore, la nervosité qui m'avait étreint depuis le début de cette journée… Tous ces évènements…
J'allai prendre un bain.
Quand je revins, elle était assise devant une coiffeuse, et démêlait ses cheveux avec un air distrait. Elle me sourit fugitivement dans le reflet.
Je m'approchai.
Je lui pris la brosse des mains, et, lentement, avec délice, je m'appliquai à domestiquer à sa place cette masse à la fois douce et récalcitrante.
Elle fermait à demi les yeux, comme bercée.
Je tirai un peu fort.
« - Aïe… »
« - Pardon… »
Ce fut un moment de tendresse inexprimable.
Elle était presque mon enfant.
Le hideux et incontrôlable désir avait disparu, laissant un sentiment net et limpide, une sensation, une libération, quelque chose d'éthéré. Dire que là était le bonheur, dans cette chambre, à cet instant, avec elle, pourrait être suffisant. Ou peut-être que non.
Au bout d'un moment, sa tête reposait presque contre mon ventre, et je restai simplement là, savourant ce contact, un peu comme si je la portais en moi.
Elle se leva et me fit asseoir à sa place. Je fus obéissant.
Et elle se mit à démêler à son tour mes cheveux. Depuis ma fuite, je négligeais énormément mon apparence, et surtout cet aspect-là, si bien qu'ils m'arrivaient facilement au bas du dos à présent.
Elle passa ses mains dedans.
« - Tu as des cheveux de fille… »
« - J'aimerais pouvoir t'en dire autant. »
Elle tira d'un coup sec sur une mèche.
« - Aïe… »
« - Bien fait… Tu as de la chance, ils sont si lisses… »
« - Mais cette couleur de cheveux faisait mon désespoir, autrefois. On me traitait souvent de fille… »
« - Tu aurais pu les couper. »
« - Jamais. »
« - Et tu as raison. »
Sa brosse caressait doucement mon crâne, et j'entrai dans un état second.
Et pendant qu'elle luttait avec quelques nœuds récalcitrants, je me laissai totalement aller.
Je la laissai me toucher, promener ses mains sur ma tête et mes épaules, caresser mes cheveux. Rien n'était plus bon.
J'ai ouvert les yeux un instant et je n'ai pas reconnu mon reflet dans le miroir.
Alors je me suis retourné et j'ai enfoui mon visage contre son ventre.
Je ne sais combien de temps nous sommes restés ainsi.
Un lit nous attendait. Et nous nous sommes endormis, étroitement, tranquillement enlacées.
Dans la pénombre tiède.
Mais pas très longtemps. Jamais très longtemps.
Langueur, deux épidermes qui se cherchent, une chemise qui devient inutile.
Que faut-il dire ? Que rajouter ? Pas de morsures, cette fois-ci, pas de violence, pas de désespoir. Pas d'incertitudes.
Que de la douceur. Que de la tendresse. Du frisson.
« - C'est ce que tu fais à toutes les personnes que tu es sensé torturer un jour ? », me souffla-t-elle, encore frissonnante et essoufflée.
« - Seulement celles, petite garce, qui me plantent un coupe-papier dans le dos. »
Elle sourit.
« - Et pour chaque doloris que j'envoie, c'est autant d'orgasmes qu'il en faut pour le faire oublier. »
« - C'est une promesse ? »
« - Un avertissement… »
J'ai encore une fois roulé sur elle. Et j'exécutai mon avertissement.
Puis le sommeil se posa à nouveau peu à peu sur ses paupières translucides.
Je la tenais serrée contre moi, et alors que je comprenais au rythme de sa respiration qu'elle venait de s'endormir, je me préparai à mon tour à glisser vers le sommeil.
Et soudain la Marque se réveilla.
Elle me brûla comme jamais.
Je hurlai.
Elle s'éveilla en sursaut et me regarda, effarée.
Et pendant que la douleur finissait déjà de s'estomper, je regrettai seulement qu'elle ait assisté à ce spectacle.
Je m'assis sur le lit, mon bras gauche serré contre moi, serré dans ma main, tout autour de ma douleur, des restes de ma douleur, furieux, humilié, humilié par ce signe de mon esclavage, humilié qu'elle m'ait vu dans cet état, avec cette honte qui me suivrait toujours.
